Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C'est un grand plaisir pour moi de me trouver parmi vous ce matin à l'occasion du colloque "La mondialisation : une chance pour la Francophonie", organisé dans le cadre du Festival francophone en France.
Initié par le président de la République, ce festival est un moment exceptionnel d'accueil et de débats autour d'une francophonie que nous voulons vivante, dynamique, une francophonie en mouvement, porteuse d'une certaine idée de l'homme et de la culture, d'une certaine vision du monde et de l'avenir.
Permettez-moi, tout d'abord, d'associer à la tenue de ce festival le président Abdou Diouf, Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie : nous avons pu compter sur son soutien indéfectible tout du long de cette entreprise, à un moment important, puisque l'OIF se transforme, elle aussi, pour mieux se projeter dans la "Francophonie de demain".
Je veux aussi remercier le Sénat pour son accueil, et la qualité de l'organisation de cette journée. Je connais bien, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, l'investissement qui est le vôtre dans la promotion d'une langue française vivante, et l'attention constante que vous portez à nos compatriotes expatriés. Il y a un mois à peine, vous avez accueilli, ici même, la manifestation "Français de l'étranger : une chance pour la France". Son succès public a dépassé toutes les espérances. Il témoigne, si besoin était, du rôle joué par le Sénat au service de la francophonie, mais aussi, au-delà, en faveur du rayonnement et de la stratégie d'influence de notre pays.
Enfin, je tiens à remercier chacun des organisateurs et tous les participants qui vont contribuer, par leurs idées, par leurs propositions, à animer les débats de ces deux journées.
Permettez-moi, à cet égard, de saluer tout particulièrement Dominique Wolton, qui assure la direction scientifique de ce colloque : les orientations qu'il va tracer seront, j'en suis convaincu, des pistes de réflexion essentielles à la réussite de ce colloque, et je veux, par avance, l'en remercier très chaleureusement.
Vous, tous réunis ici, le savez mieux que quiconque : la francophonie, c'est d'abord une chance pour notre langue, mais c'est aussi une force pour notre pays et l'ensemble des Etats francophones. Convenons-en : il existe dans le monde peu d'aires linguistiques et culturelles qui ont une surface comparable à celle de la francophonie. Dans ce sens, la mondialisation s'affirme comme un atout : je l'ai d'ailleurs constaté à maintes reprises lors de mes déplacements à l'étranger, il existe, concernant notre langue, des attentes et des demandes très fortes de la part de nos partenaires, et nous devons naturellement y répondre.
Mais si la mondialisation est un atout, elle est aussi, et de plus en plus, un défi. Dans un monde ouvert, où les identités se recomposent sans cesse, les enjeux évoluent et nécessitent des réponses sans cesse mieux adaptées. Comment faire vivre et dynamiser, dans ce contexte, la "Francophonie de demain" ?
C'est cette complexité que nous devons maîtriser et qu'il vous appartient d'aborder ensemble, au cours de ces deux journées. A vous d'en cerner toutes les richesses et tous les atouts, notamment pour la France. A vous aussi de trouver, j'en forme le voeu, de nouvelles pistes de réflexion et d'action qui nous seront utiles pour approfondir les enjeux de la francophonie et continuer à la renouveler.
"La Francophonie bouillonne", a déclaré le président de la République, en ouvrant en mars dernier le Festival francophone à l'occasion du Salon du Livre de Paris. Il le soulignait aussi : une francophonie ouverte, moderne, peut être une réponse positive et créative aux questions posées par la mondialisation. L'humanisme s'inscrit en effet au coeur du projet et des priorités de la Francophonie. C'est pourquoi elle doit prendre toute sa place dans les grands débats de notre temps, et je vois là une raison supplémentaire pour l'aider et la soutenir.
A l'heure où s'affirment ici et là des tensions, des crispations, des menaces de repli identitaire, nous avons plus que jamais besoin d'un dialogue équilibré entre les cultures. Parce qu'elle est portée depuis deux siècles par un idéal d'universalité, parce qu'elle est invitation au pluralisme, j'ai la conviction que la francophonie peut être ce laboratoire d'une modernité respectueuse de l'Autre, et qu'elle peut servir, dans une logique non pas défensive mais de proposition, un véritable dialogue entre les cultures.
Dans ce sens, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée par l'Unesco le 20 octobre dernier, est aussi une belle victoire de la Francophonie. Mais cette victoire vaut aussi parce qu'elle appelle une exigence : celle de soutenir l'avènement d'un véritable espace public francophone, un espace attentif au respect de toutes ses composantes et capable d'organiser, en son sein, sa propre diversité culturelle.
Comment s'organise aujourd'hui cette Maison commune de la Francophonie ? Elle se fonde tout d'abord sur une géopolitique originale, qui rassemble 63 Etats et près de 180 millions d'hommes et de femmes sur les cinq continents. De plus en plus, en Chine, en Amérique latine, dans de nombreux pays émergents, nous faisons le constat d'une demande linguistique croissante à laquelle nous devons naturellement répondre. Cette ambition est d'ailleurs affichée en toutes lettres dans la nouvelle charte de la Francophonie, adoptée lors de la Conférence ministérielle de Tananarive, en novembre 2005.
C'est cette francophonie ambitieuse, une francophonie de dialogue mais également de mobilisation qu'il importe aujourd'hui de promouvoir : une francophonie qui tienne compte des mutations historiques et des grandes évolutions économiques, géopolitiques, technologiques du 21ème siècle ; une francophonie capable de tout mettre en oeuvre pour affirmer sa présence, ses valeurs, l'utilité de sa contribution au dialogue des cultures ; une francophonie, enfin, qui jouerait pleinement son rôle au service de la communauté internationale et d'une mondialisation plus humaine et plus solidaire.
Je suis fier et heureux que notre pays, qui est l'un des premiers contributeurs de la francophonie multilatérale, ait apporté tout son soutien à l'adoption de cette réforme fondamentale pour l'OIF et son avenir.
C'est d'ailleurs dans ce cadre institutionnel rénové que se tiendra le 11e Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, en septembre prochain, à Bucarest. La Roumanie est le premier des treize pays francophones d'Europe centrale et orientale à avoir rejoint l'OIF. La conférence qu'elle accueillera aura pour thèmes : l'éducation, les technologies de l'information et de la communication. Il y sera donc beaucoup question de la jeunesse, dont dépend pour l'essentiel l'avenir du français dans la mondialisation, la jeunesse à laquelle je considère, pour ma part, qu'il importe de s'adresser en priorité, en ce moment exceptionnel de mobilisation et d'élargissement de la francophonie.
De nombreux services du ministère des Affaires étrangères seront mobilisés à l'occasion de ce sommet, aux côtés des opérateurs traditionnels de la francophonie : la ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, le Service des Affaires francophones naturellement, mais aussi la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement.
Pour l'occasion, nous avons également mobilisé toutes les énergies de notre réseau d'instituts culturels, d'Alliance françaises et de lycées français à l'étranger. Car c'est avant tout dans ces lieux d'apprentissage que la langue française s'enracine, et que nous bâtissons durablement pour l'avenir et celui de la francophonie.
La Francophonie, je l'ai dit tout à l'heure, doit se montrer ambitieuse, au moment se joue dans le monde une lutte décisive pour l'influence. C'est conscient de tous ces enjeux que le Haut Conseil de la Francophonie a contribué à définir les orientations stratégiques, et c'est ce rapport annuel que je voudrais maintenant évoquer avec vous.
J'observe tout d'abord que les données de ce rapport invitent à l'optimisme, mais dans la mesure où nous restons déterminés à agir, en passant d'une vision parfois trop repliée dans l'espace public français à une vision plus ouverte, une vision globale, pleinement francophone. Cela concerne en particulier l'apprentissage de la langue française qu'il nous faut davantage promouvoir et encourager.
Sur les 175 millions de francophones, 115 millions parlent un français courant. Naturellement, l'environnement culturel et linguistique est un facteur déterminant dans l'apprentissage de notre langue. On compte ainsi plus de 18 millions d'apprenants en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ; plus de 33 millions en Afrique subsaharienne et dans l'Océan indien ; près de 9 millions dans les Amériques et les Caraïbes ; plus de 2 millions en Asie et Océanie ; plus de 27 millions en Europe. Pour l'année 2005, cela représente au total près de 90 millions d'apprenants dans le monde - soit une progression de 10 millions en l'espace de sept ans. Près du tiers d'entre eux résident en Afrique subsaharienne et dans l'Océan Indien.
Tels sont les premiers enseignements que nous pouvons tirer : le nombre d'élèves et d'étudiants intéressés par le français progresse sur le continent africain et au Moyen-Orient, mais se stabilise dans les autres régions du monde, à l'exception notable de la Chine et de l'Inde où l'on constate une augmentation spectaculaire de la langue française.
Tout cela doit nous encourager à aller de l'avant, et à renforcer, notamment, les programmes de coopération en matière de plurilinguisme dans tous les pays où l'on constate que l'image du français reste attrayante.
Les études le montrent : notre langue est appréciée pour sa clarté, sa précision - juridique notamment - ; c'est aussi l'une des langues privilégiées de la diplomatie internationale, sans oublier son usage idiomatique pour le commerce à l'intérieur de l'espace francophone. Enfin, pour un grand nombre d'hommes et de femmes, le français reste intimement lié aux valeurs d'universalité portées par notre pays, en particulier celles de liberté, d'égalité et de fraternité. Cette portée, qui s'enracine dans l'Histoire, est loin d'être seulement symbolique. C'est pourquoi j'ai la conviction que nous devons nous appuyer davantage sur ces valeurs et leur universalité pour favoriser l'avènement d'un nouvel espace public francophone.
On l'oublie trop souvent, mais en France même, nos Départements et nos Territoires d'Outre-Mer sont de véritables laboratoires de la diversité culturelle. Les contacts qu'ils nous offrent avec les autres continents sont créateurs de nouvelles richesses linguistiques, mais ils fonctionnent aussi, entre les hommes, comme le lieu de nouvelles passerelles identitaires et de nouvelles connivences.
L'espace public francophone, c'est donc avant tout une limite qui a vocation à s'étendre, une frontière qu'il s'agit sans cesse de conquérir. Pour cela, il importe tout d'abord de faire oeuvre de vision, mais aussi de pédagogie et de communication. La Francophonie, parce qu'elle est corrélée à l'influence de notre langue, de nos valeurs et de notre culture, nous concerne tous. Aussi, je suis très heureux que le Sénat, en partenariat avec l'OIF et nos autres partenaires, ait réussi à associer et à sensibiliser si fortement les médias et nos entreprises au Festival francophone en France.
Nous attendons beaucoup de ce Festival, et je compte sur chacun de vous, et en particulier sur les journalistes présents, ici ce matin, pour donner à cet événement tout l'écho qu'il mérite auprès des Français, petits et grands. Plus de 400 manifestations sont programmées sur l'ensemble de notre territoire, dans plus de 120 villes de toutes les régions de France. Elles rassembleront quelque 2.000 artistes francophones, écrivains, chercheurs, mais aussi entrepreneurs, qui viendront nous rappeler que nombreux sont les citoyens dans le monde qui entretiennent des rapports intenses avec notre langue, qu'ils enrichissent de leurs apports quotidiens, de leur inventivité et de leur créativité.
Etendre l'espace public francophone, repousser les limites de cet espace qui est tout autant une frontière géographique qu'un état d'esprit, c'est aussi agir pour que les hommes et les sociétés se connaissent mieux.
Pour reprendre le mot de Dominique Wolton, la Francophonie a tout intérêt à devenir une "communauté de contacts" et pas seulement d'identités, une communauté qui serait une passerelle entre les pays et les continents. C'est là une ambition fondamentale du ministère des Affaires étrangères, qui mène de nombreuses actions dans l'ensemble de son réseau, en partenariat avec les ambassades des pays francophones.
Je pense cette année en particulier à l'Amérique latine, où nous avons rassemblé un très large public aussi bien au Mexique qu'en Argentine, au Chili ou au Costa Rica. Je pense aussi à la Turquie, où la France et la Suisse ont organisé avec les autorités locales des spectacles et des débats francophones très appréciés.
Je n'oublie pas naturellement l'Asie, où nous sommes encouragés par la popularité de notre langue : en Inde, les 20 Alliances françaises se sont mobilisées, cette année, pour mettre la Francophonie à la portée des publics les plus jeunes, tandis qu'en Chine, un festival de musiques francophones a réuni un très nombreux public à Pékin, Chengdu et Shanghai.
Bien évidemment, dans les pays membres ou observateurs de la Francophonie, de nombreuses autres initiatives sont menées, et vous me pardonnerez de ne pas les évoquer toutes ici aujourd'hui. Je voudrais simplement signaler à votre intention trois dates importantes à retenir pour les mois à venir, et qui témoignent, à mon sens, de l'importance accordée par notre pays aux enjeux culturels et de solidarité propres à la Francophonie :
Tout d'abord, le Festival de Cannes : je suis heureux de vous annoncer que le 18 mai prochain, une journée sera spécialement consacrée à la diversité culturelle et à la Francophonie, avec une attention toute particulière portée aux actions de coopération menées avec les cinémas du Sud.
Ensuite, la Fête de la musique, qui aura lieu comme tous les ans le 21 juin : le thème retenu étant celui des musiques francophones, c'est l'ensemble de notre réseau culturel et diplomatique dans le monde qui sera convié, cette année, à s'associer à cette célébration.
Enfin, je vous invite tous à venir nombreux, le 9 octobre prochain, à la Bibliothèque nationale de France, pour la soirée de clôture du Festival "Francofffonies", qui sera consacrée au centième anniversaire de Léopold Sédar Senghor, l'un des membres fondateurs de la Francophonie. C'est tout particulièrement son message "pour un humanisme intégral" que nous avons voulu célébrer cette année.
Mesdames, Messieurs,
Pour la France, la Francophonie est à la fois un héritage et une obligation liée à l'histoire, mais elle est aussi bien davantage que cela : c'est une chance historique pour notre pays, à l'heure où la mondialisation, en ouvrant les frontières, nous donne l'occasion d'étendre à de nouveaux espaces le message de l'universalité de nos valeurs.
La Francophonie, c'est aussi un formidable facteur d'humanisation de la mondialisation, qui va dans le sens de cette vision d'un monde plus équilibré et plus solidaire portée au quotidien, sur la scène internationale, par la diplomatie de notre pays.
La Francophonie, c'est enfin un enjeu stratégique, un enjeu culturel évidemment, mais aussi économique et technologique : à nous de nous donner les moyens de le faire vivre, afin que la bataille pour la diversité culturelle, si elle a été remportée sur le terrain politique, ne soit pas perdue, dans l'avenir, sur le terrain de la communication.
C'est à cet avenir, dans ce monde nouveau, que la Francophonie nous invite. De nombreux défis sont à relever. Envisageons-les avec un optimisme raisonné, et surtout, beaucoup de détermination. Je suis convaincu que de nouvelles pistes peuvent être tracées pour servir cette Francophonie en action.
Aussi, je souhaite à chacun de vous de fructueux travaux : je ne doute pas que vos propositions seront très utiles pour nourrir la réflexion collective, au service de la Francophonie mais aussi plus largement d'une politique d'influence qui est vitale pour notre pays.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2006
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C'est un grand plaisir pour moi de me trouver parmi vous ce matin à l'occasion du colloque "La mondialisation : une chance pour la Francophonie", organisé dans le cadre du Festival francophone en France.
Initié par le président de la République, ce festival est un moment exceptionnel d'accueil et de débats autour d'une francophonie que nous voulons vivante, dynamique, une francophonie en mouvement, porteuse d'une certaine idée de l'homme et de la culture, d'une certaine vision du monde et de l'avenir.
Permettez-moi, tout d'abord, d'associer à la tenue de ce festival le président Abdou Diouf, Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie : nous avons pu compter sur son soutien indéfectible tout du long de cette entreprise, à un moment important, puisque l'OIF se transforme, elle aussi, pour mieux se projeter dans la "Francophonie de demain".
Je veux aussi remercier le Sénat pour son accueil, et la qualité de l'organisation de cette journée. Je connais bien, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, l'investissement qui est le vôtre dans la promotion d'une langue française vivante, et l'attention constante que vous portez à nos compatriotes expatriés. Il y a un mois à peine, vous avez accueilli, ici même, la manifestation "Français de l'étranger : une chance pour la France". Son succès public a dépassé toutes les espérances. Il témoigne, si besoin était, du rôle joué par le Sénat au service de la francophonie, mais aussi, au-delà, en faveur du rayonnement et de la stratégie d'influence de notre pays.
Enfin, je tiens à remercier chacun des organisateurs et tous les participants qui vont contribuer, par leurs idées, par leurs propositions, à animer les débats de ces deux journées.
Permettez-moi, à cet égard, de saluer tout particulièrement Dominique Wolton, qui assure la direction scientifique de ce colloque : les orientations qu'il va tracer seront, j'en suis convaincu, des pistes de réflexion essentielles à la réussite de ce colloque, et je veux, par avance, l'en remercier très chaleureusement.
Vous, tous réunis ici, le savez mieux que quiconque : la francophonie, c'est d'abord une chance pour notre langue, mais c'est aussi une force pour notre pays et l'ensemble des Etats francophones. Convenons-en : il existe dans le monde peu d'aires linguistiques et culturelles qui ont une surface comparable à celle de la francophonie. Dans ce sens, la mondialisation s'affirme comme un atout : je l'ai d'ailleurs constaté à maintes reprises lors de mes déplacements à l'étranger, il existe, concernant notre langue, des attentes et des demandes très fortes de la part de nos partenaires, et nous devons naturellement y répondre.
Mais si la mondialisation est un atout, elle est aussi, et de plus en plus, un défi. Dans un monde ouvert, où les identités se recomposent sans cesse, les enjeux évoluent et nécessitent des réponses sans cesse mieux adaptées. Comment faire vivre et dynamiser, dans ce contexte, la "Francophonie de demain" ?
C'est cette complexité que nous devons maîtriser et qu'il vous appartient d'aborder ensemble, au cours de ces deux journées. A vous d'en cerner toutes les richesses et tous les atouts, notamment pour la France. A vous aussi de trouver, j'en forme le voeu, de nouvelles pistes de réflexion et d'action qui nous seront utiles pour approfondir les enjeux de la francophonie et continuer à la renouveler.
"La Francophonie bouillonne", a déclaré le président de la République, en ouvrant en mars dernier le Festival francophone à l'occasion du Salon du Livre de Paris. Il le soulignait aussi : une francophonie ouverte, moderne, peut être une réponse positive et créative aux questions posées par la mondialisation. L'humanisme s'inscrit en effet au coeur du projet et des priorités de la Francophonie. C'est pourquoi elle doit prendre toute sa place dans les grands débats de notre temps, et je vois là une raison supplémentaire pour l'aider et la soutenir.
A l'heure où s'affirment ici et là des tensions, des crispations, des menaces de repli identitaire, nous avons plus que jamais besoin d'un dialogue équilibré entre les cultures. Parce qu'elle est portée depuis deux siècles par un idéal d'universalité, parce qu'elle est invitation au pluralisme, j'ai la conviction que la francophonie peut être ce laboratoire d'une modernité respectueuse de l'Autre, et qu'elle peut servir, dans une logique non pas défensive mais de proposition, un véritable dialogue entre les cultures.
Dans ce sens, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée par l'Unesco le 20 octobre dernier, est aussi une belle victoire de la Francophonie. Mais cette victoire vaut aussi parce qu'elle appelle une exigence : celle de soutenir l'avènement d'un véritable espace public francophone, un espace attentif au respect de toutes ses composantes et capable d'organiser, en son sein, sa propre diversité culturelle.
Comment s'organise aujourd'hui cette Maison commune de la Francophonie ? Elle se fonde tout d'abord sur une géopolitique originale, qui rassemble 63 Etats et près de 180 millions d'hommes et de femmes sur les cinq continents. De plus en plus, en Chine, en Amérique latine, dans de nombreux pays émergents, nous faisons le constat d'une demande linguistique croissante à laquelle nous devons naturellement répondre. Cette ambition est d'ailleurs affichée en toutes lettres dans la nouvelle charte de la Francophonie, adoptée lors de la Conférence ministérielle de Tananarive, en novembre 2005.
C'est cette francophonie ambitieuse, une francophonie de dialogue mais également de mobilisation qu'il importe aujourd'hui de promouvoir : une francophonie qui tienne compte des mutations historiques et des grandes évolutions économiques, géopolitiques, technologiques du 21ème siècle ; une francophonie capable de tout mettre en oeuvre pour affirmer sa présence, ses valeurs, l'utilité de sa contribution au dialogue des cultures ; une francophonie, enfin, qui jouerait pleinement son rôle au service de la communauté internationale et d'une mondialisation plus humaine et plus solidaire.
Je suis fier et heureux que notre pays, qui est l'un des premiers contributeurs de la francophonie multilatérale, ait apporté tout son soutien à l'adoption de cette réforme fondamentale pour l'OIF et son avenir.
C'est d'ailleurs dans ce cadre institutionnel rénové que se tiendra le 11e Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage, en septembre prochain, à Bucarest. La Roumanie est le premier des treize pays francophones d'Europe centrale et orientale à avoir rejoint l'OIF. La conférence qu'elle accueillera aura pour thèmes : l'éducation, les technologies de l'information et de la communication. Il y sera donc beaucoup question de la jeunesse, dont dépend pour l'essentiel l'avenir du français dans la mondialisation, la jeunesse à laquelle je considère, pour ma part, qu'il importe de s'adresser en priorité, en ce moment exceptionnel de mobilisation et d'élargissement de la francophonie.
De nombreux services du ministère des Affaires étrangères seront mobilisés à l'occasion de ce sommet, aux côtés des opérateurs traditionnels de la francophonie : la ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, le Service des Affaires francophones naturellement, mais aussi la Direction générale de la Coopération internationale et du Développement.
Pour l'occasion, nous avons également mobilisé toutes les énergies de notre réseau d'instituts culturels, d'Alliance françaises et de lycées français à l'étranger. Car c'est avant tout dans ces lieux d'apprentissage que la langue française s'enracine, et que nous bâtissons durablement pour l'avenir et celui de la francophonie.
La Francophonie, je l'ai dit tout à l'heure, doit se montrer ambitieuse, au moment se joue dans le monde une lutte décisive pour l'influence. C'est conscient de tous ces enjeux que le Haut Conseil de la Francophonie a contribué à définir les orientations stratégiques, et c'est ce rapport annuel que je voudrais maintenant évoquer avec vous.
J'observe tout d'abord que les données de ce rapport invitent à l'optimisme, mais dans la mesure où nous restons déterminés à agir, en passant d'une vision parfois trop repliée dans l'espace public français à une vision plus ouverte, une vision globale, pleinement francophone. Cela concerne en particulier l'apprentissage de la langue française qu'il nous faut davantage promouvoir et encourager.
Sur les 175 millions de francophones, 115 millions parlent un français courant. Naturellement, l'environnement culturel et linguistique est un facteur déterminant dans l'apprentissage de notre langue. On compte ainsi plus de 18 millions d'apprenants en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ; plus de 33 millions en Afrique subsaharienne et dans l'Océan indien ; près de 9 millions dans les Amériques et les Caraïbes ; plus de 2 millions en Asie et Océanie ; plus de 27 millions en Europe. Pour l'année 2005, cela représente au total près de 90 millions d'apprenants dans le monde - soit une progression de 10 millions en l'espace de sept ans. Près du tiers d'entre eux résident en Afrique subsaharienne et dans l'Océan Indien.
Tels sont les premiers enseignements que nous pouvons tirer : le nombre d'élèves et d'étudiants intéressés par le français progresse sur le continent africain et au Moyen-Orient, mais se stabilise dans les autres régions du monde, à l'exception notable de la Chine et de l'Inde où l'on constate une augmentation spectaculaire de la langue française.
Tout cela doit nous encourager à aller de l'avant, et à renforcer, notamment, les programmes de coopération en matière de plurilinguisme dans tous les pays où l'on constate que l'image du français reste attrayante.
Les études le montrent : notre langue est appréciée pour sa clarté, sa précision - juridique notamment - ; c'est aussi l'une des langues privilégiées de la diplomatie internationale, sans oublier son usage idiomatique pour le commerce à l'intérieur de l'espace francophone. Enfin, pour un grand nombre d'hommes et de femmes, le français reste intimement lié aux valeurs d'universalité portées par notre pays, en particulier celles de liberté, d'égalité et de fraternité. Cette portée, qui s'enracine dans l'Histoire, est loin d'être seulement symbolique. C'est pourquoi j'ai la conviction que nous devons nous appuyer davantage sur ces valeurs et leur universalité pour favoriser l'avènement d'un nouvel espace public francophone.
On l'oublie trop souvent, mais en France même, nos Départements et nos Territoires d'Outre-Mer sont de véritables laboratoires de la diversité culturelle. Les contacts qu'ils nous offrent avec les autres continents sont créateurs de nouvelles richesses linguistiques, mais ils fonctionnent aussi, entre les hommes, comme le lieu de nouvelles passerelles identitaires et de nouvelles connivences.
L'espace public francophone, c'est donc avant tout une limite qui a vocation à s'étendre, une frontière qu'il s'agit sans cesse de conquérir. Pour cela, il importe tout d'abord de faire oeuvre de vision, mais aussi de pédagogie et de communication. La Francophonie, parce qu'elle est corrélée à l'influence de notre langue, de nos valeurs et de notre culture, nous concerne tous. Aussi, je suis très heureux que le Sénat, en partenariat avec l'OIF et nos autres partenaires, ait réussi à associer et à sensibiliser si fortement les médias et nos entreprises au Festival francophone en France.
Nous attendons beaucoup de ce Festival, et je compte sur chacun de vous, et en particulier sur les journalistes présents, ici ce matin, pour donner à cet événement tout l'écho qu'il mérite auprès des Français, petits et grands. Plus de 400 manifestations sont programmées sur l'ensemble de notre territoire, dans plus de 120 villes de toutes les régions de France. Elles rassembleront quelque 2.000 artistes francophones, écrivains, chercheurs, mais aussi entrepreneurs, qui viendront nous rappeler que nombreux sont les citoyens dans le monde qui entretiennent des rapports intenses avec notre langue, qu'ils enrichissent de leurs apports quotidiens, de leur inventivité et de leur créativité.
Etendre l'espace public francophone, repousser les limites de cet espace qui est tout autant une frontière géographique qu'un état d'esprit, c'est aussi agir pour que les hommes et les sociétés se connaissent mieux.
Pour reprendre le mot de Dominique Wolton, la Francophonie a tout intérêt à devenir une "communauté de contacts" et pas seulement d'identités, une communauté qui serait une passerelle entre les pays et les continents. C'est là une ambition fondamentale du ministère des Affaires étrangères, qui mène de nombreuses actions dans l'ensemble de son réseau, en partenariat avec les ambassades des pays francophones.
Je pense cette année en particulier à l'Amérique latine, où nous avons rassemblé un très large public aussi bien au Mexique qu'en Argentine, au Chili ou au Costa Rica. Je pense aussi à la Turquie, où la France et la Suisse ont organisé avec les autorités locales des spectacles et des débats francophones très appréciés.
Je n'oublie pas naturellement l'Asie, où nous sommes encouragés par la popularité de notre langue : en Inde, les 20 Alliances françaises se sont mobilisées, cette année, pour mettre la Francophonie à la portée des publics les plus jeunes, tandis qu'en Chine, un festival de musiques francophones a réuni un très nombreux public à Pékin, Chengdu et Shanghai.
Bien évidemment, dans les pays membres ou observateurs de la Francophonie, de nombreuses autres initiatives sont menées, et vous me pardonnerez de ne pas les évoquer toutes ici aujourd'hui. Je voudrais simplement signaler à votre intention trois dates importantes à retenir pour les mois à venir, et qui témoignent, à mon sens, de l'importance accordée par notre pays aux enjeux culturels et de solidarité propres à la Francophonie :
Tout d'abord, le Festival de Cannes : je suis heureux de vous annoncer que le 18 mai prochain, une journée sera spécialement consacrée à la diversité culturelle et à la Francophonie, avec une attention toute particulière portée aux actions de coopération menées avec les cinémas du Sud.
Ensuite, la Fête de la musique, qui aura lieu comme tous les ans le 21 juin : le thème retenu étant celui des musiques francophones, c'est l'ensemble de notre réseau culturel et diplomatique dans le monde qui sera convié, cette année, à s'associer à cette célébration.
Enfin, je vous invite tous à venir nombreux, le 9 octobre prochain, à la Bibliothèque nationale de France, pour la soirée de clôture du Festival "Francofffonies", qui sera consacrée au centième anniversaire de Léopold Sédar Senghor, l'un des membres fondateurs de la Francophonie. C'est tout particulièrement son message "pour un humanisme intégral" que nous avons voulu célébrer cette année.
Mesdames, Messieurs,
Pour la France, la Francophonie est à la fois un héritage et une obligation liée à l'histoire, mais elle est aussi bien davantage que cela : c'est une chance historique pour notre pays, à l'heure où la mondialisation, en ouvrant les frontières, nous donne l'occasion d'étendre à de nouveaux espaces le message de l'universalité de nos valeurs.
La Francophonie, c'est aussi un formidable facteur d'humanisation de la mondialisation, qui va dans le sens de cette vision d'un monde plus équilibré et plus solidaire portée au quotidien, sur la scène internationale, par la diplomatie de notre pays.
La Francophonie, c'est enfin un enjeu stratégique, un enjeu culturel évidemment, mais aussi économique et technologique : à nous de nous donner les moyens de le faire vivre, afin que la bataille pour la diversité culturelle, si elle a été remportée sur le terrain politique, ne soit pas perdue, dans l'avenir, sur le terrain de la communication.
C'est à cet avenir, dans ce monde nouveau, que la Francophonie nous invite. De nombreux défis sont à relever. Envisageons-les avec un optimisme raisonné, et surtout, beaucoup de détermination. Je suis convaincu que de nouvelles pistes peuvent être tracées pour servir cette Francophonie en action.
Aussi, je souhaite à chacun de vous de fructueux travaux : je ne doute pas que vos propositions seront très utiles pour nourrir la réflexion collective, au service de la Francophonie mais aussi plus largement d'une politique d'influence qui est vitale pour notre pays.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2006