Interview de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, à France-Inter le 4 avril 2006, sur le CPE, les négociations avec le gouvernement et l'UMP et l'unité syndicale.

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Média : France Info

Texte intégral

Q- A quoi sert la journée de grève d'aujourd'hui ? [...] Ne pouvait-on pas faire l'économie de cette journée d'action syndicale ? Vendredi dernier, J. Chirac a quand même enterré le CPE, dans sa forme actuelle en tout cas ?
R- Ecoutez, même dans les rangs du parti majoritaire, l'UMP, vous avez autant de versions de la situation actuelle que vous avez d'interlocuteurs. Non. Le président de la République a décidé, malheureusement, de promulguer cette loi. Cette loi est donc effective, et tout employeur peut légalement, aujourd'hui, recruter par CPE. Et nous avons, chaque jour qui passe, des rumeurs différentes quant aux intentions qui seraient celles, tantôt du Gouvernement, tantôt celles des députés, tantôt celles du parti majoritaire. Bref, cette journée est destinée à rappeler que le retrait du CPE n'est pas négociable, et qu'il nous faut l'obtenir le plus rapidement possible maintenant.
Q- Pour vous, le CPE n'est pas mort ?
R- Absolument pas ! La loi a été promulguée, la loi est donc applicable, même si, dans des contorsions assez spectaculaires, que l'on n'a jamais connues, et pour cause, nous avons dans le même mouvement, un président de la République, des ministres, qui invitent les employeurs à ne pas appliquer la loi. Mais la loi existe, et légalement elle est applicable.
Q- Alors, est-ce que les ministres invitent les syndicalistes en ce moment ? Qu'est-ce qui se passe depuis vendredi ? Vous avez renoué des contacts, vous avez eu des coups de téléphone ?
R- Nous avons eu des coups de téléphone, comme chacun sait maintenant...
Q- Avec qui ?
R- ... puisqu'ils ont été rendus publics. C'est à se demander d'ailleurs, si plutôt que de faire avancer le sujet, on ne cherche pas davantage à travailler la communication extérieure. Nous n'avons plus de contacts récents, et vous avez vu que, à chaque heure qui passait, le flou demeurait total. On cherche, je crois, un petit peu à nous balader en ce moment, entre groupes politiques, représentants du Gouvernement, propos présidentiels. Je crois que nous ne sommes pas dans une cour de récréation. Il va falloir reprendre un certain sérieux pour gérer la situation de conflit, sans équivalent depuis très longtemps dans notre pays.
Q- Alors, personnellement, vous avez eu N. Sarkozy au téléphone ?
R- Oui.
Q- qu'est-ce qu'il vous a dit ?
R- Il nous a laissé entendre - il m'a laissé entendre - qu'il avait un rôle majeur dans le dispositif actuel, que les parlementaires UMP étaient censés nous faire une offre de dialogue, ce que nous attendons de voir. Mais il y a tellement d'ambiguïtés dans les propos des uns et des autres depuis 24 à 48 heures, que j'attends un courrier qui est censé préciser la démarche qui nous est proposée. Mais en tout cas, je le redis, ce matin, c'est le sens des manifestations et des grèves aujourd'hui. Encore une fois, le retrait du CPE n'est pas négociable, il n'y a aucune contrepartie à attendre de notre part.
Q- Est-ce que N. Sarkozy a évoqué avec vous un éventuel retrait du CPE ?
R- Non, absolument pas.
Q- C'est ce qu'il a dit à F. Chérèque, hein.
R- Peut-être, mais ça n'est pas ce qu'il m'a dit, à moi. Ce qui confirme bien d'ailleurs la nécessité d'avoir une grosse journée de mobilisation, et j'espère que les manifestations nous aideront à porter un coup fatal au CPE.
Q- B. Thibault, vous avez tout de même l'impression que Matignon est désormais hors jeu ?
R- Ecoutez, les Français ont très largement désavoué, vous le savez, à la fois la gestion par le Premier ministre de ce dossier, son intransigeance, sur la forme comme sur le fond. Je crois que de ce point de vue-là, la démonstration n'est plus à faire.
Q- Mais vous n'avez plus de contact avec Matignon ?
R- Absolument.
Q- Une des surprises quand même ce matin, c'est que, finalement, ça ne roule pas si mal dans les transports parisiens. Est-ce que il y a une petite déception pour vous, là ?
R- Non, mais vous savez, ce qui circule en matière de transport est loin d'être le seul indicateur de la mobilisation.
Q- Tout de même, ça l'a été pendant longtemps ?
R- Non, mais parce que beaucoup de médias, effectivement, apprécient une journée de mobilisation réussie suivant l'intensité des circulations dans les transports
Q- Ce sont les usagers qui l'apprécient aussi ?
R- Eh bien, écoutez, cela aura au moins le mérite de faciliter le déplacement de tous ceux, très nombreux, je l'espère, jeunes et moins jeunes, qui seront dans les cortèges syndicaux aujourd'hui.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 avril 2006