Interview de M. Alain Juppé, Premier ministre, à Arte le 12 février 1996, sur la situation économique, la réduction du temps de travail, les réformes structurelles concernant l'emploi des jeunes et l'évolution du chômage.

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Circonstance : Voyage d'Alain Juppé à Bonn (Allemagne) le 12 février 1996

Média : Arte - Télévision

Texte intégral

(Extraits)
Q - Ni la réduction de temps de travail ni la baisse des coûts salariaux n'ont été à même de freiner l'évolution du chômage. N'est-il pas temps de trouver des remèdes nouveaux ?
R - Pour baisser le chômage, il faut d'abord une économie qui tourne. Je suis de ceux qui pensent que, sans croissance, on ne fera jamais reculer le chômage. Ce n'est sans doute pas une condition suffisante mais c'est une condition nécessaire. On le voit bien d'ailleurs depuis quelques mois, la croissance diminue et le chômage augmente, il faut d'abord soutenir l'activité de ce point de vue. La détente des taux d'intérêts, que nous connaissons depuis quelques mois maintenant, notamment en France, est une bonne chose. Elle doit se poursuivre.
Et puis, il y a des réformes structurelles aussi, parce que, c'est vrai, la croissance ne suffit pas. Ces réformes structurelles, c'est d'abord l'encouragement aux petites et moyennes entreprises dont tout le monde sait qu'elles sont le plus à même de créer des emplois. Nous avons pris des mesures en France au mois de novembre dernier. Nous sommes en train de les appliquer. L'Allemagne en a annoncé de son côté. C'est ensuite, pour ce qui concerne la France notamment, les réformes structurelles concernant l'emploi des jeunes, parce que là nous avons un problème de plus que d'autres pays. Ca prend du temps mais nous y travaillons et puis, vous avez raison, la réduction du temps de travail est aussi une source, je crois, de solutions pour le chômage, et les partenaires sociaux en France, commencent à aller dans cette direction : un accord interprofessionnel a été signé il y a quelques mois. De nouvelles discussions sont en cours, dans les entreprises publiques et la fonction publique aussi, voilà les différents chantiers qui sont ouverts.
Je lis souvent des analyses de journaux britanniques. Les dernières que j'ai eues sous les yeux étaient extrêmement élogieuses pour la politique française. En tout cas, pour les mesures qui sont prises. La communication est évidemment un art difficile, mais tous les gouvernements ont leurs problèmes de ce point de vue-là. Le britannique comme le français, peut-être même l'allemand.
Q - Votre prédécesseur, Edith Cresson, a dit un jour que les Français ne souhaiteraient pas vivre comme les Japonais. Par contre, régulièrement, on propose le modèle américain pour l'Europe. Pensez-vous que celui-ci soit applicable pour l'Europe ?
R - Non, chaque pays a son histoire, sa culture, il a sa sensibilité. La France ne suit évidemment pas le modèle japonais, ni non plus le modèle américain. Qu'il s'agisse de notre mode de vie, de l'aménagement du territoire, qu'il s'agisse même de choses comme la gastronomie ou la cuisine. Nous sommes français, nous avons bien l'intention de le rester. Ce qui ne veut pas dire bien sûr que nous soyons un pays fermé. Nous sommes un pays qui participe comme tous les autres à la mondialisation des échanges. Je crois que ce n'est pas contradictoire. On s'en rend compte de plus en plus, on peut être de plus en plus internationalisé et en même temps très fidèle à ses racines. C'est ce que nous essayons de faire en France comme ailleurs.
(Source http://www.doc.diplomatie.gouv.fr, le 7 novembre 2002)