Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, dans "20 minutes" du 10 mai 2006, sur l'avenir de la construction européenne et sur les négociations de rapprochement avec les Balkans et la Turquie.

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Q - La Commission européenne doit présenter aujourd'hui son projet sur l'avenir de l'Europe. Vous avez donné vos propositions fin avril. Quelle a été votre ligne de réflexion ?
R - L'Europe doit fonctionner plus démocratiquement et plus efficacement : la mécanique de prise de décision à vingt-cinq est lourde. Le traité constitutionnel apportait des innovations mais son avenir est incertain. Cela ne nous empêche pas, dès maintenant, d'apporter des améliorations à ce qui existe.
Q - Quelles sont-elles ?
R - Accroître le contrôle de la Commission européenne par les parlements nationaux et le Parlement européen. Utiliser la majorité qualifiée - plus facile à atteindre que l'unanimité - par exemple dans les domaines de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme ou pour le social. Améliorer la coordination de nos politiques économiques. Rendre plus cohérente l'action de l'Europe à l'étranger, en faisant qu'à chaque fois une seule personne représente les vingt-cinq. Tout cela est possible dès maintenant, avec les traités existants.
Q - Que répondez-vous à ceux qui disent que l'Union européenne est en panne ?
R - L'Europe est une formidable réussite. Elle a apporté la paix et la sécurité sur un continent où l'on se faisait la guerre. Dans un monde qui va vite et qui bouge, l'union fait la force ! Sans l'Europe, chacun de nos pays aurait été "haché menu" à la moulinette de la mondialisation. L'Union est notre meilleur moyen d'être influent. C'est vrai qu'il y a, au quotidien, mille complications, mille discussions sur des directives ; mais si on prend un peu de recul, on s'aperçoit que c'est une exceptionnelle réussite.
Q - Les négociations de rapprochement avec la Serbie-et-Monténégro ont été suspendues car Ratko Mladic n'a pas été livré au Tribunal pénal international. Cela ne risque-t-il pas de déstabiliser le pays ?
R - En 2000, l'Union européenne a offert aux Balkans une perspective d'intégration à long terme, en mettant tout sur la table. Les droits et les devoirs de chacun. Une des choses exigées était l'arrestation des criminels de guerre recherchés par le TPI, mais la coopération de la Serbie-et-Monténégro n'est pas satisfaisante. Il n'y a pas de paix sans justice et le pays doit tourner la page du passé. Au-delà des exigences européennes, c'est à eux-mêmes qu'ils le doivent. La Croatie, elle, a livré ses criminels de guerre, et les négociations ont pu continuer. L'Europe a toujours tenu ses promesses.
Q - Même avec la Turquie ? Son adhésion, dans dix ou quinze ans, sera soumise à un référendum en France. Cela n'a pas été le cas pour les autres pays.
R - La Turquie pose des questions d'une grande sensibilité. Les négociations ont été ouvertes le 3 octobre 2005. Ce sera un processus long, dont l'issue n'est pas définie. Ce pays devra montrer sa capacité à changer, à respecter nos critères politiques - Droits de l'Homme... - et économiques - transparence... -. Les mêmes règles s'appliquent à tous. Pour ce qui est du référendum, on ne peut pas faire l'Europe sans les peuples.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 mai 2006