Texte intégral
Chers Camarades,
La situation d'aujourd'hui qui pourrait, à bien des égards, nous griser tant elle affaiblie la droite nous impose de prendre en compte la lourde responsabilité qui est la nôtre. Car, dans ce moment-là, nous devons tracer le chemin, fixer la perspective, donner le cap.
Aujourd'hui, avec Henri Emmanuelli et tous ceux qui veulent bien se joindre à nous, nous menons cette tâche discrète d'élaboration, de confrontation pour aboutir à un projet à la mi-juin qui sera celui de tous les socialistes.
En ce moment, la clameur fait qu'il y a plus d'attention à ce qui est dit dans la rue que ce que nous faisons nous-mêmes. Et pourtant, c'est ici que se prépare l'essentiel.
Le sujet d'aujourd'hui : « égalité sociale et solidarité entre générations » est d'une actualité brûlante. Car, de quoi s'agit-il à travers la bataille contre la précarité ? Il s'agit de rappeler qu'il n'y a de croissance durable que dans l'égalité sociale. De quoi s'agit-il à travers la revendication des jeunes ? Il s'agit pour eux de trouver leur place dans la société d'aujourd'hui et de réclamer, à juste raison, une solidarité entre générations. Solidarité ! c'est un mot qui sonne à nos oreilles avec faveur, avec ferveur même ! Parce que, comme socialistes, nous sommes pour la solidarité entre groupes sociaux, entre catégories sociales, entre classes sociales. Nous sommes pour la solidarité entre le travail et le capital ; nous sommes pour la solidarité entre les territoires favorisés ou frappés par les mutations industrielles ; nous sommes surtout attentifs à la solidarité entre générations. Et l'Histoire du socialisme a été précisément de permettre la solidarité de la Nation à l'égard des plus anciens. Et, s'il y a une grande de la gauche -et notamment des gouvernements de François Mitterrand- c'est bien la retraite à 60 ans. Enfin s'étaient exclamés un certain nombre de travailleurs ! Enfin ce droit reconnu à pouvoir partir à un moment ! 60 ans ! pour vivre les dernières années de sa vie avec une retraite garantie. Il restait d'ailleurs peu d'années, pour beaucoup de ces travailleurs, à vivre.
Nous devons, aujourd'hui, assurer la solidarité entre générations à la jeunesse. Parce que beaucoup des arbitrages qui ont été rendus depuis des années -et pas simplement depuis 2002- par une forme de facilité, par un certain nombre d'évolution démographique, ont été défavorables à la jeunesse. Le fait que depuis 2002 notamment, il n'y ait plus la priorité à l'éducation et à la formation -pas même d'ailleurs à la Recherche. Le fait que ce soit plus difficile pour la génération qui vient d'accéder au logement par rapport aux générations qui avaient connu l'inflation pour payer les dettes plus facilement ou à d'autres qui avaient pu connaître des revenus garantis qui leur permettaient d'accéder à la propriété. C'est plus difficile pour un jeune couple de se loger aujourd'hui. Arbitrage défavorable aussi en termes de santé. La pauvreté, aujourd'hui, touche des catégories d'âge particulièrement jeunes qui n'accèdent plus au système de soins, qui se retrouvent sans droits, sans couverture sociale. Arbitrage le plus dur et le plus cruel en termes d'accès à l'emploi et de précarité du travail.
C'est pourquoi il y a aujourd'hui, à travers la bataille, la mobilisation contre le CPE, cette forme d'exigence d'en terminer avec les mesures discriminatoires qui touchent la jeunesse. Car, qu'est-ce que le CPE, si ce n'est une mesure qui vise à faire que tous les jeunes de moins de 26 ans n'aient pas le même contrat de travail que les autres et soient soumis à l'arbitraire de l'employeur, pour être licenciés à tout moment, dans un délai de deux ans qu'on voudrait -par générosité- limiter aujourd'hui à un an. Ce sentiment d'être une variable d'ajustement que vit la jeunesse est insupportable, pas simplement pour elle mais aussi pour nous tous. C'est pourquoi il y a eu ce conflit ; trois mois de mobilisation, de manifestations ; trois mois exceptionnel, car il n'y a pas eu d'exemple récent dans notre histoire sociale d'autant de mobilisation si longue. Et ceux qui avaient imaginé que mardi dernier, il y aurait moins de monde, au prétexte que les vacances approchaient ou que l'issue de la bataille paraissait plus favorable, ont été obligés de constater que cela a été plus fort encore que les semaines précédentes. Cette mobilisation était exceptionnelle aussi par l'unité qui la caractérisait. Unité syndicale : il y avait bien longtemps que l'on n'avait pas vu non seulement les 5 grandes centrales, mais aussi celles qui sont moins représentatives et qui dans le groupe ont également voulu marquer leur solidarité. Unité également dans la jeunesse à travers l'ensemble de ses syndicats ou organisations. Et unité, enfin, entre les syndicats des salariés et les organisations de jeunesse.
Cette unité nous porte aussi exigence : si le mouvement syndical dont on connaît le pluralisme a été capable de s'unir dans cette confrontation ; si les jeunes, qui n'ont pas forcément la même responsabilité que les plus anciens, ont été capables de se rassembler, la gauche ne pourrait pas faire cet effort d'unité, cette exigence de rassemblement ! Il y en aurait à gauche qui se poserait encore des questions ?
Après ce mouvement, je considère que le rassemblement de la gauche est irréversible, inéluctable et tant mieux ; c'est une bonne nouvelle. Car, nous le savons bien : il faut d'abord qu'il y ait l'unité des socialistes (elle est faite depuis le congrès du Mans) pour construire le rassemblement de la gauche.
Nous attendons tous l'issue du conflit. Il suffirait d'un mot, un seul, que le pouvoir hésite d'ailleurs à prononcer, une mesure simple, pratique : l'abrogation. Mais, c'est un « gros mot » pour la droite ; ce mot serait tabou, impropre ; il serait vulgaire. Mais, quand on fait une erreur, il faut savoir l'effacer. Il faudrait le faire vite, car cela n'a que trop duré ; ce choix devrait être fait depuis longtemps. Il doit d'ailleurs être fait avant les vacances parlementaires du 17 avril prochain. Voilà pourquoi nous proposons encore cette abrogation rapidement.
"Nous sommes rentrés dans une période de confusion totale :"
Confusion juridique invraisemblable : le Président de la République promulgue la loi comportant le CPE tout en demandant de ne pas l'appliquer. Nous apprenons aujourd'hui que, sur internet, des formulaires de CPE connaissent grand succès... pas simplement pour la curiosité des collectionneurs qui voudraient disposer d'un contrat avant qu'il ne soit abrogé ! Peut-être que des employeurs veulent tout simplement utiliser la loi, puisque c'est la loi. Nous sommes dans cette confusion-là. Mais, s'il n'y avait quelle !
Confusion institutionnelle : le Président ne préside plus, le gouvernement ne gouverne plus, le Parlement peine à légiférer. On a le sentiment qu'il n'y aurait que l'UMP qui subsisterait. Et l'on découvre, qu'au sein de l'UMP c'est un pugilat. On sent qu'entre Villepin qui résiste, Sarkozy qui veut toujours s'échapper, il existe une incapacité de ce groupe-là à trouver l'arbitrage.
Et c'est là que nous rentrons non pas dans la confusion, mais dans le ridicule : une triste palinodie sémantique où l'on nous parle de suspension, de substitution, de remplacement, mais jamais d'abrogation. Il faudra le dire et le répéter : qu'ils cessent ce comportement ; assez d'orgueil, d'amour-propre, d'honneur mal placé ou, tout simplement, les rivalités déplacées. Qu'ils en terminent une bonne fois, car ce n'est pas de l'UMP dont il s'agit, mais de l'avenir de la jeunesse ; ce n'est pas simplement de leur avenir propre.
Il faut savoir terminer un conflit. Aujourd'hui, le CPE est sans doute mort, mais il faut vite l'enterrer. C'est pourquoi, le plus tôt sera le mieux. Il faut aussi tirer les leçons pour nous-mêmes de ce qui vient de se produire, et d'abord l'exigence d'un projet pour la France.
Mais, lequel ? Aujourd'hui, ce qui menace c'est l'éclatement, la fragmentation, la perte des valeurs, les repères qui s'effacent, la défiance à l'égard du progrès. Que doivent faire les socialistes et la gauche ? Nous devons porter un projet collectif, une ambition pour la France. Nous devons réconcilier là où il y a eu division ; nous devons harmoniser là où il y a eu conflit ; nous devons rassembler là où il y a eu perte de la solidarité. Nous devons faire en sorte que les Français, les acteurs sociaux, les forces qui animent ce pays, le nôtre, soient capables de définir un pacte de croissance et de solidarité. Bref, nous devons redonner espérance dans la politique, confiance dans l'avenir et dire aux Français et aux Françaises qu'ils sont un grand peuple qui a besoin de se mettre dans un processus de dynamisme, de confiance et de progrès.
Mais, nous ne définirons cette ambition que si notre méthode de réforme change profondément. Trop longtemps, la gauche française -les socialistes aussi- a pensé qu'il était possible de définir des réformes et de les faire voter pour qu'elles deviennent sources de droits et changement pour chacun. Combien de fois avons-nous constaté, votant de grandes lois, qu'elles étaient en définitive si peu appliquées dans la réalité ! Souvenons-nous de ces lois Auroux avec lesquelles on pensait changer la démocratie dans l'entreprise -c'était il y a près de 25 ans. Souvenons-nous de cette loi de démocratie sociale qui devait changer la réalité des licenciements dans l'entreprise, et ce qui en a été fait. Souvent, nous avons fait franchir à notre pays des étapes essentielles, mais n'avions-nous pas, autant qu'il l'aurait fallu, associé les salariés, les citoyens aux changements qui les concernaient au premier chef.
C'est pourquoi, il n'y aura pas de projet collectif s'il n'y a pas de démocratie sociale et de démocratie politique. C'est pourquoi nous proposons la mise en place d'une conférence sociale annuelle entre Etat et partenaires sociaux, chargée de lancer les grands chantiers de la négociation sociale, notamment l'égalité, la lutte contre les discriminations, les salaires, la retraite et la protection sociale. Ce qui suppose de donner toute leur place aux acteurs eux-mêmes et aux syndicats, et de faire en sorte de redéfinir la représentativité syndicale, de poser le principe de l'accord majoritaire -car il faut bien conclure un certain nombre de négociations- et que nous assurions aussi la représentation des salariés et de leurs organisations dans les lieux de décision des grandes entreprises ; ce sera un changement de comportement, de méthode. Ce sera aussi une grande question posée aux syndicats eux-mêmes « Veulent-ils contractualiser ? », alors qu'ils prennent leur responsabilité. Ce sera une grande question posée au patronat qui, pendant les années où nous étions au pouvoir, nous parlaient de refondation sociale et mettaient en cause le gouvernement de Lionel Jospin qui voulait procéder par la loi et, en 2002 après le retour de la droite, le MEDEF n'a eu de projet que de défaire ce que nous avions fait non pas par la négociation collective, mais par la loi.
Et, jamais depuis 2002, il n'y a eu autant de lois sur autant de sujets pour remettre en cause les acquis sociaux, pas simplement de la période 1997/2002 mais parfois des acquis sociaux que nous considérions comme irréversibles.
Cette question de méthode est essentielle, mais elle ne nous épargne pas de prendre nous-mêmes nos responsabilités et de faire nos choix. Il serait tout de même assez singulier que, pour préparer notre projet, nous disions ouvrir de grandes négociations sur tout arrivés au pouvoir. Faut-il encore avoir fixé la ligne.
Quels sont, en matière de solidarité, les quatre grands défis que nous devons relever ?
1 . L'égalité quant à l'accès aux soins, à la santé, au service public, à la protection sociale et même l'espérance de vie (c'est toute la question des retraites).
2 . La pauvreté : en ce début de XXIè Siècle, nous n'en avons pas terminé, loin s'en faut, avec la pauvreté. Et, loin de reculer aujourd'hui, elle progresse. Nous connaissons le nombre d'enfants pauvres dans notre pays, de familles monoparentales, de travailleurs qui, même sans temps partiel, n'arrivent plus à vivre décemment. Ce grand défi des sociétés développées de résorber la pauvreté est encore devant nous.
3 . L'allongement de la vie, du bonheur non pas d'être éternel, mais du « bonheur durable ». C'est une grande question et en même temps une belle réponse. Plus de 500 000 personnes de plus de 85 ans sur les 5 prochaines années ; il va falloir leur faire bon accueil.
4 . Le financement, celui de nos propositions, de la solidarité telle que nous la voulons et le financement aussi des déficits d'aujourd'hui. Car la droite qui se pique toujours de bonne gestion a mis en péril la Sécurité Sociale -pas simplement par les lois de régression qu'elle a fait voter mais aussi par les déficits qu'elle nous laisse (+ de 10 milliards d'euros de déficits de la Sécurité Sociale, et en cumulé depuis 2002, c'est en gros 70 milliards d'euros en termes d'endettement car l'assurance maladie et même les retraites, aujourd'hui, sont financées à crédit). Il nous reviendra, une fois au pouvoir, de financer nos promesses électorales avec une caisse bien pleine et en même temps de boucher les trous de la droite et, en même temps, d'être capables de réparer les dégâts sociaux qu'elle a elle-même provoqués.
Ce sont les questions les plus difficiles que nous avons à régler dans le cadre de notre projet.
Sur la santé : nous sentons qu'il y a comme l'affirmation de la notion même du projet. Le progrès, finalement, à l'échelle de chacune et de chacun d'entre nous, c'est de vivre plus longtemps, mais de mieux en mieux plus longtemps, d'être couvert par rapport aux aléas, aux risques, aux maladies. Aujourd'hui, la question de la santé est une demande qui nous est adressée : c'est d'être toujours de mieux en mieux soigné, d'être toujours de plus en plus en forme. Il nous faut donc engager une grande politique de la prévention. Il y faudra de l'investissement car, la prévention, c'est de faire aujourd'hui une dépense pour l'éviter demain, et ce n'est pas facile à demander à l'ensemble de la Nation. Prévention en termes de médecine scolaire, de médecine du travail. Nous proposons un service public de la médecine du travail. Prévention aussi par rapport aux grandes causes que sont la lutte contre le cancer, contre l'alcoolisme, contre l'obésité. Nous avons, là aussi, l'obligation de mener de grandes campagnes de prévention, mais aussi d'actes qu'il faudra bien engager pour détecter assez tôt les risques, notamment chez les plus jeunes.
Nous faisons la proposition des « réseaux de santé », ce qui emporte forcément une réforme de la médecine générale, et fait du médecin généraliste le médecin référent avec un autre mode de rémunération. On ne peut pas rester avec un paiement à l'acte si nous voulons donner à ce médecin généraliste un rôle qui doit être, précisément, celui de la prévention, de la coordination et de l'orientation. Là aussi, il va falloir vaincre un certain nombre de catégories.
L'hôpital public : nous sommes tous pour l'hôpital public... Faut-il encore lui en donner les moyens. Faire des praticiens hospitaliers des médecins rémunérés à un tel niveau qu'ils ne soient pas tentés d'aller ailleurs, notamment dans le secteur privé. Il faut faire en sorte de changer le mode de sélection, en tout cas le numerus clausus, avec des contreparties pour la médecine. Il est invraisemblable que l'on puisse être obligé d'avoir recours aux médecins étrangers pour faire fonctionner nos hôpitaux -rendons leur d'ailleurs hommage- et de rationner l'accès à la médecine pour de nombreuses générations. Qui peut comprendre. L'hôpital public doit être exemplaire en termes de qualité. On ne peut pas maintenir un certain nombre de services s'il n'y a pas la qualité. Le danger, donc, est que l'on arrivera plus à recruter de praticiens hospitaliers dans bon nombre d'établissements et qu'il faudra les fermer.
Sur les retraites : nous sommes devant une grande exigence, une grande question politique. Il nous faut dire les choses clairement : si nous considérons que la loi Fillon est injuste et inefficace, il faut l'abroger. En même temps, si nous en restons là, nous ne répondons pas à ce grand défi qui n'a pas été réglé par la réforme Fillon. C'est-à-dire : refonder de manière pérenne l'ensemble du système des retraites fondé sur la répartition, sur la solidarité entre générations, mais qui appelle des efforts. En matière de retraite, il faudra faire des efforts. Ne laissons pas penser que ce serait simple !
Que faire ? D'abord, sur la durée de cotisation, il faudra effectivement la retraite à 60 ans avec 40 ans d'annuité, mais avec le principe de la pénibilité reconnu qui fera que, pour certains, se sera plus tôt et que, pour d'autres, il faudra étudier. Cela se fera forcément par la négociation.
Sur la question du travail des seniors, que se passe-t-il aujourd'hui ? Qu'est-ce que le libéralisme ? On fait rentrer les jeunes de plus en plus tard sur le marché du travail, on les précarise. Ils ne pourront pas suffisamment avoir d'annuité et quelle sera leur retraite ? Pour les autres, arrivés à 50 ans, on leur dira qu'ils sont trop vieux, qu'ils coûtent trop cher, et on les mettra de côté. Si nous ne mettons pas en cause ce principe d'arbitraire, d'arbitrage au détriment des plus âgés et des plus jeunes, nous ne pourrons pas financer correctement nos retraites. C'est pourquoi, nous faisons la proposition du droit à la sécurité sociale professionnelle. Le droit à un parcours professionnel, à une carrière professionnelle ne veut pas dire être simplement dans le même emploi toute sa vie -nous savons que ce n'est pas possible. Cela veut dire pouvoir changer d'emploi régulièrement, pouvoir se qualifier à chaque transition, être dans une accumulation de droit qui fait qu'à mesure que l'on est dans l'ancienneté, on peut changer d'entreprise, on garde avec soi un certain nombre de principes fondés justement sur l'ancienneté.
Pour les retraites, il faut une grande politique de la natalité, une grande politique familiale. Nous ne partons pas de rien. Depuis des années -la gauche y est grandement à l'origine-, c'est nous qui avons permis d'avoir une des natalités les plus fortes d'Europe. C'est en France que l'on a le taux de fécondité le plus élevé. C'est parce que nous avons permis, par des systèmes de garde -et les collectivités locales y sont pour beaucoup- de concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Nous avons, en France, le taux d'activité des femmes le plus élevé qu'ailleurs, hélas avec des rémunérations différentes des hommes. Ceci est d'ailleurs inacceptable. Profitons de cette situation et faisons en sorte qu'il y ait justement cette natalité dynamique qui nous permet quand même de financer nos régimes de retraite.
Enfin, il faudra trouver de nouvelles ressources. Ces ressources devront par ailleurs être justes entre le travail et le capital. Elles doivent pas être simplement celles des ménages par rapport aux entreprises qui en seraient exonérées. Il faudra donc une nouvelle contribution pour le financement des retraites.
Il y a aussi la question du grand âge. Le grand âge, ce sont de nouveaux besoins qui font que nous ne pouvons pas non plus avoir les mêmes réponses : établissements ou maintien à domicile.
Il faudra faire preuve d'imagination. Ce sont de nouvelles charges (APA), mais elles ont été transférées aux collectivités locales, c'était plus simple de la part de l'Etat. Il va donc falloir savoir qui paye cette solidarité essentielle, ce nouveau droit à l'autonomie et qui devrait peut-être devenir un 5ème risque de la Sécurité Sociale. Cela crée aussi de nouveaux emplois, et tant mieux. Il y aura là des gisements pour des jeunes ou des moins jeunes pour faire un travail utile. Cela génère aussi de nouveaux modes de développement qui devraient être justement rappelé à travers des indicateurs de richesse et de développement, et pas simplement la croissance.
Nous devons, parce que nous sommes socialistes, pour lutter contre la pauvreté, améliorer nos systèmes de prestations. Et, en même temps, ne pas verser dans l'assistance.
C'est un débat que nous devons avoir. Toute prestation suppose une contrepartie. Tout droit appelle un devoir. Nous avons le devoir de résorber la pauvreté. Et, quand nous avons créé le Revenu Minimum d'Insertion (RMI), il y avait cette volonté-là. Elle s'est parfois perdue. A chaque fois que nous versons une prestation à une famille, à un individu, nous devons faire en sorte pas simplement de lui donner ce à quoi il a droit, mais aussi une espérance autre, c'est-à-dire une dignité, une activité, un retour vers l'emploi. Voilà pourquoi, chaque prestation doit être accompagnée. Nous devons changer nos pratiques ; il faut une personnalisation des politiques sociales ; il faut des administrations qui ne se comportent pas comme des guichets, mais qui soient capables de suivre, de connaître, d'apprécier les situations des familles. Qu'est-ce qui se passe après s'il n'y a pas ce suivi des familles, s'il n'y a pas cet accompagnement des plus fragiles ?
Il y a la valorisation des travailleurs sociaux. Il faut reconnaître la qualité et le dévouement de ces travailleurs, et aussi dire combien ils souffrent du cloisonnement entre administrations. Il faut donc, là aussi, mettre tout à plat et veiller à ne pas simplement reproduire des schémas, des procédures, mais mettre les travailleurs sociaux au coeur des décisions publiques.
Nous ne pouvons pas occulter les choix de financements. Quelle société voulons-nous ? Une société où l'assurance personnelle, individuelle, l'emporte sur la solidarité collective ? C'est un choix et il séparera la gauche et la droite. Voulons-nous qu'il y ait contribution, cotisation, impôt ou simplement prime d'assurance ? C'est encore un choix. Que voulons-nous assurer comme niveau de protection, de solidarité pour la santé, pour la retraite... ? Le plus bas ? Nous paierons moins d'impôt ; mais qui paiera moins d'impôt ?
Si nous assumons un certain nombre de prélèvements, nous devons dire qui et comment, quelle collectivité et il faudra définir le rôle de l'Etat. À partir de là, une fois que nous avons assumé un niveau de prélèvement, un niveau de protection, il faut déterminer quel impôt, quelle contribution, quelle cotisation. C'est là que nous devons faire la part de ce qui relève de la responsabilité de l'Etat et donc de l'impôt, ce qui relève du système d'assurance collective -la Sécurité Sociale- et donc une cotisation, et la CSG qui doit assurer la solidarité d'ensemble. Il faudra aussi revaloriser le système mutualiste et faire en sorte que plus de nos concitoyens puissent accéder à ces mutuelles et assurances complémentaires, quand tant en sont privés.
CONCLUSION
Nous avons, nous socialistes, une responsabilité particulière : la solidarité, l'égalité, la redistribution. C'est notre identité politique et, en même temps, il faut changer et la méthode et la pratique -quelques fois le mode de décision.
Il faut faire des réformes justes et sortir de ce faux débat que l'on voudrait instaurer entre ceux qui seraient pour la rupture et ceux qui seraient dans l'immobilisme. Ceux qui sont dans la rupture sont dans la rupture à l'égard d'eux-mêmes. Nicolas SARKOZY se proclame acteur de la rupture ; mais, à part avec Jacques Chirac, avec qui veut-il rompre ? Rupture par rapport à quoi sinon ? Avec le pacte républicain ou le pacte social ? Ce serait plus grave ! Et qu'est-ce que c'??tait le CPE, si ce n'est précisément la rupture avec le contrat social et le contrat de travail.
Et il ne faut pas nous laisser porter du côté de l'immobilisme. Parfois, il faut conserver -et c'est normal- les acquis sociaux et les principes de la République ; il ne doit avoir aucune honte pour nous à dire que, chaque fois qu'il y a un acquis social, il doit être regardé comme imprescriptible, sauf si on nous démontre qu'il y aurait nécessité à le réformer pour l'améliorer encore. De même pour les principes de la République ; en quoi le fait d'être pour la laïcité serait être conservateur ? Nous voulons même conserver des lois anciennes.
Mais, nous sommes pour la réforme, la réforme juste, discutée, négociée, la réforme durable, car nous n'avons pas nécessairement à faire des lois tous les cinq ans. Il y a de grands changements qu'il faut faire et ne pas considérer que tout serait à réformer, que rien ne devrait durer.
Nous devons donc être des réformistes, des socialistes.
Une fois que nous avons affirmé une volonté qui doit être forte dans ces domaines, il faut dire la vérité, ne pas cacher car rien ne doit être caché de la difficulté de la tâche.
Dire ce qui nous attend, parler de l'ampleur des problèmes et, en même temps, ne pas justifier de la gravité de la situation pour ne rien faire. Et, pour cela, il faut fixer les rythmes, donner les calendriers, ne pas prétendre que l'on pourra tout faire en 5 ans -vieille rhétorique de la gauche qui nous a fait tant de mal. Imaginer que tout sera régler chaque fois que nous arrivons au pouvoir et susciter tellement d'attentes que nous ne pourrons y répondre, pour encourir ensuite la foudre du corps électoral. Il nous faut donc dire quelle est la perspective, fixer le cap et ensuite, donner notre rythme.
La droite fait naître, et c'est bien légitime, un rejet croissant de sa politique ; elle installe aussi l'idée, méfions-nous de cela, qu'il n'y aurait de sortie de la crise qu'individuelle, l'idée du repli sur soi, l'idée qu'il faudrait avoir peur de tout, du « sauve qui peut ».
Notre responsabilité est immense. Nous avons à battre la droite, sûrement ; nous avons mieux que cela à faire encore : nous avons à redonner confiance dans le progrès, dans l'avenir, dans la politique, dans la solidarité et donc, dans le changement que nous conduirons, nous les socialistes, mais que nous ne conduirons pas seuls. Nous avons à le faire avec toute la gauche et pas simplement en fonction de nos intérêts de partis, uniquement pour prendre les places, pour tourner la page, pour changer de majorité.
Ce qui nous anime, en ce moment, ce n'est pas de savoir lequel d'entre nous aura la lourde tâche de nous conduire en 2007 -nous y procéderons au mois de novembre prochain. Ce qui nous importe, c'est de réussir au-delà de notre parti, réussir au-delà de la gauche. Ce qui nous importe, c'est de réussir pour la France. Nous devons être responsables quand, en face, ils ne le sont plus.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 3 mai 2006
La situation d'aujourd'hui qui pourrait, à bien des égards, nous griser tant elle affaiblie la droite nous impose de prendre en compte la lourde responsabilité qui est la nôtre. Car, dans ce moment-là, nous devons tracer le chemin, fixer la perspective, donner le cap.
Aujourd'hui, avec Henri Emmanuelli et tous ceux qui veulent bien se joindre à nous, nous menons cette tâche discrète d'élaboration, de confrontation pour aboutir à un projet à la mi-juin qui sera celui de tous les socialistes.
En ce moment, la clameur fait qu'il y a plus d'attention à ce qui est dit dans la rue que ce que nous faisons nous-mêmes. Et pourtant, c'est ici que se prépare l'essentiel.
Le sujet d'aujourd'hui : « égalité sociale et solidarité entre générations » est d'une actualité brûlante. Car, de quoi s'agit-il à travers la bataille contre la précarité ? Il s'agit de rappeler qu'il n'y a de croissance durable que dans l'égalité sociale. De quoi s'agit-il à travers la revendication des jeunes ? Il s'agit pour eux de trouver leur place dans la société d'aujourd'hui et de réclamer, à juste raison, une solidarité entre générations. Solidarité ! c'est un mot qui sonne à nos oreilles avec faveur, avec ferveur même ! Parce que, comme socialistes, nous sommes pour la solidarité entre groupes sociaux, entre catégories sociales, entre classes sociales. Nous sommes pour la solidarité entre le travail et le capital ; nous sommes pour la solidarité entre les territoires favorisés ou frappés par les mutations industrielles ; nous sommes surtout attentifs à la solidarité entre générations. Et l'Histoire du socialisme a été précisément de permettre la solidarité de la Nation à l'égard des plus anciens. Et, s'il y a une grande de la gauche -et notamment des gouvernements de François Mitterrand- c'est bien la retraite à 60 ans. Enfin s'étaient exclamés un certain nombre de travailleurs ! Enfin ce droit reconnu à pouvoir partir à un moment ! 60 ans ! pour vivre les dernières années de sa vie avec une retraite garantie. Il restait d'ailleurs peu d'années, pour beaucoup de ces travailleurs, à vivre.
Nous devons, aujourd'hui, assurer la solidarité entre générations à la jeunesse. Parce que beaucoup des arbitrages qui ont été rendus depuis des années -et pas simplement depuis 2002- par une forme de facilité, par un certain nombre d'évolution démographique, ont été défavorables à la jeunesse. Le fait que depuis 2002 notamment, il n'y ait plus la priorité à l'éducation et à la formation -pas même d'ailleurs à la Recherche. Le fait que ce soit plus difficile pour la génération qui vient d'accéder au logement par rapport aux générations qui avaient connu l'inflation pour payer les dettes plus facilement ou à d'autres qui avaient pu connaître des revenus garantis qui leur permettaient d'accéder à la propriété. C'est plus difficile pour un jeune couple de se loger aujourd'hui. Arbitrage défavorable aussi en termes de santé. La pauvreté, aujourd'hui, touche des catégories d'âge particulièrement jeunes qui n'accèdent plus au système de soins, qui se retrouvent sans droits, sans couverture sociale. Arbitrage le plus dur et le plus cruel en termes d'accès à l'emploi et de précarité du travail.
C'est pourquoi il y a aujourd'hui, à travers la bataille, la mobilisation contre le CPE, cette forme d'exigence d'en terminer avec les mesures discriminatoires qui touchent la jeunesse. Car, qu'est-ce que le CPE, si ce n'est une mesure qui vise à faire que tous les jeunes de moins de 26 ans n'aient pas le même contrat de travail que les autres et soient soumis à l'arbitraire de l'employeur, pour être licenciés à tout moment, dans un délai de deux ans qu'on voudrait -par générosité- limiter aujourd'hui à un an. Ce sentiment d'être une variable d'ajustement que vit la jeunesse est insupportable, pas simplement pour elle mais aussi pour nous tous. C'est pourquoi il y a eu ce conflit ; trois mois de mobilisation, de manifestations ; trois mois exceptionnel, car il n'y a pas eu d'exemple récent dans notre histoire sociale d'autant de mobilisation si longue. Et ceux qui avaient imaginé que mardi dernier, il y aurait moins de monde, au prétexte que les vacances approchaient ou que l'issue de la bataille paraissait plus favorable, ont été obligés de constater que cela a été plus fort encore que les semaines précédentes. Cette mobilisation était exceptionnelle aussi par l'unité qui la caractérisait. Unité syndicale : il y avait bien longtemps que l'on n'avait pas vu non seulement les 5 grandes centrales, mais aussi celles qui sont moins représentatives et qui dans le groupe ont également voulu marquer leur solidarité. Unité également dans la jeunesse à travers l'ensemble de ses syndicats ou organisations. Et unité, enfin, entre les syndicats des salariés et les organisations de jeunesse.
Cette unité nous porte aussi exigence : si le mouvement syndical dont on connaît le pluralisme a été capable de s'unir dans cette confrontation ; si les jeunes, qui n'ont pas forcément la même responsabilité que les plus anciens, ont été capables de se rassembler, la gauche ne pourrait pas faire cet effort d'unité, cette exigence de rassemblement ! Il y en aurait à gauche qui se poserait encore des questions ?
Après ce mouvement, je considère que le rassemblement de la gauche est irréversible, inéluctable et tant mieux ; c'est une bonne nouvelle. Car, nous le savons bien : il faut d'abord qu'il y ait l'unité des socialistes (elle est faite depuis le congrès du Mans) pour construire le rassemblement de la gauche.
Nous attendons tous l'issue du conflit. Il suffirait d'un mot, un seul, que le pouvoir hésite d'ailleurs à prononcer, une mesure simple, pratique : l'abrogation. Mais, c'est un « gros mot » pour la droite ; ce mot serait tabou, impropre ; il serait vulgaire. Mais, quand on fait une erreur, il faut savoir l'effacer. Il faudrait le faire vite, car cela n'a que trop duré ; ce choix devrait être fait depuis longtemps. Il doit d'ailleurs être fait avant les vacances parlementaires du 17 avril prochain. Voilà pourquoi nous proposons encore cette abrogation rapidement.
"Nous sommes rentrés dans une période de confusion totale :"
Confusion juridique invraisemblable : le Président de la République promulgue la loi comportant le CPE tout en demandant de ne pas l'appliquer. Nous apprenons aujourd'hui que, sur internet, des formulaires de CPE connaissent grand succès... pas simplement pour la curiosité des collectionneurs qui voudraient disposer d'un contrat avant qu'il ne soit abrogé ! Peut-être que des employeurs veulent tout simplement utiliser la loi, puisque c'est la loi. Nous sommes dans cette confusion-là. Mais, s'il n'y avait quelle !
Confusion institutionnelle : le Président ne préside plus, le gouvernement ne gouverne plus, le Parlement peine à légiférer. On a le sentiment qu'il n'y aurait que l'UMP qui subsisterait. Et l'on découvre, qu'au sein de l'UMP c'est un pugilat. On sent qu'entre Villepin qui résiste, Sarkozy qui veut toujours s'échapper, il existe une incapacité de ce groupe-là à trouver l'arbitrage.
Et c'est là que nous rentrons non pas dans la confusion, mais dans le ridicule : une triste palinodie sémantique où l'on nous parle de suspension, de substitution, de remplacement, mais jamais d'abrogation. Il faudra le dire et le répéter : qu'ils cessent ce comportement ; assez d'orgueil, d'amour-propre, d'honneur mal placé ou, tout simplement, les rivalités déplacées. Qu'ils en terminent une bonne fois, car ce n'est pas de l'UMP dont il s'agit, mais de l'avenir de la jeunesse ; ce n'est pas simplement de leur avenir propre.
Il faut savoir terminer un conflit. Aujourd'hui, le CPE est sans doute mort, mais il faut vite l'enterrer. C'est pourquoi, le plus tôt sera le mieux. Il faut aussi tirer les leçons pour nous-mêmes de ce qui vient de se produire, et d'abord l'exigence d'un projet pour la France.
Mais, lequel ? Aujourd'hui, ce qui menace c'est l'éclatement, la fragmentation, la perte des valeurs, les repères qui s'effacent, la défiance à l'égard du progrès. Que doivent faire les socialistes et la gauche ? Nous devons porter un projet collectif, une ambition pour la France. Nous devons réconcilier là où il y a eu division ; nous devons harmoniser là où il y a eu conflit ; nous devons rassembler là où il y a eu perte de la solidarité. Nous devons faire en sorte que les Français, les acteurs sociaux, les forces qui animent ce pays, le nôtre, soient capables de définir un pacte de croissance et de solidarité. Bref, nous devons redonner espérance dans la politique, confiance dans l'avenir et dire aux Français et aux Françaises qu'ils sont un grand peuple qui a besoin de se mettre dans un processus de dynamisme, de confiance et de progrès.
Mais, nous ne définirons cette ambition que si notre méthode de réforme change profondément. Trop longtemps, la gauche française -les socialistes aussi- a pensé qu'il était possible de définir des réformes et de les faire voter pour qu'elles deviennent sources de droits et changement pour chacun. Combien de fois avons-nous constaté, votant de grandes lois, qu'elles étaient en définitive si peu appliquées dans la réalité ! Souvenons-nous de ces lois Auroux avec lesquelles on pensait changer la démocratie dans l'entreprise -c'était il y a près de 25 ans. Souvenons-nous de cette loi de démocratie sociale qui devait changer la réalité des licenciements dans l'entreprise, et ce qui en a été fait. Souvent, nous avons fait franchir à notre pays des étapes essentielles, mais n'avions-nous pas, autant qu'il l'aurait fallu, associé les salariés, les citoyens aux changements qui les concernaient au premier chef.
C'est pourquoi, il n'y aura pas de projet collectif s'il n'y a pas de démocratie sociale et de démocratie politique. C'est pourquoi nous proposons la mise en place d'une conférence sociale annuelle entre Etat et partenaires sociaux, chargée de lancer les grands chantiers de la négociation sociale, notamment l'égalité, la lutte contre les discriminations, les salaires, la retraite et la protection sociale. Ce qui suppose de donner toute leur place aux acteurs eux-mêmes et aux syndicats, et de faire en sorte de redéfinir la représentativité syndicale, de poser le principe de l'accord majoritaire -car il faut bien conclure un certain nombre de négociations- et que nous assurions aussi la représentation des salariés et de leurs organisations dans les lieux de décision des grandes entreprises ; ce sera un changement de comportement, de méthode. Ce sera aussi une grande question posée aux syndicats eux-mêmes « Veulent-ils contractualiser ? », alors qu'ils prennent leur responsabilité. Ce sera une grande question posée au patronat qui, pendant les années où nous étions au pouvoir, nous parlaient de refondation sociale et mettaient en cause le gouvernement de Lionel Jospin qui voulait procéder par la loi et, en 2002 après le retour de la droite, le MEDEF n'a eu de projet que de défaire ce que nous avions fait non pas par la négociation collective, mais par la loi.
Et, jamais depuis 2002, il n'y a eu autant de lois sur autant de sujets pour remettre en cause les acquis sociaux, pas simplement de la période 1997/2002 mais parfois des acquis sociaux que nous considérions comme irréversibles.
Cette question de méthode est essentielle, mais elle ne nous épargne pas de prendre nous-mêmes nos responsabilités et de faire nos choix. Il serait tout de même assez singulier que, pour préparer notre projet, nous disions ouvrir de grandes négociations sur tout arrivés au pouvoir. Faut-il encore avoir fixé la ligne.
Quels sont, en matière de solidarité, les quatre grands défis que nous devons relever ?
1 . L'égalité quant à l'accès aux soins, à la santé, au service public, à la protection sociale et même l'espérance de vie (c'est toute la question des retraites).
2 . La pauvreté : en ce début de XXIè Siècle, nous n'en avons pas terminé, loin s'en faut, avec la pauvreté. Et, loin de reculer aujourd'hui, elle progresse. Nous connaissons le nombre d'enfants pauvres dans notre pays, de familles monoparentales, de travailleurs qui, même sans temps partiel, n'arrivent plus à vivre décemment. Ce grand défi des sociétés développées de résorber la pauvreté est encore devant nous.
3 . L'allongement de la vie, du bonheur non pas d'être éternel, mais du « bonheur durable ». C'est une grande question et en même temps une belle réponse. Plus de 500 000 personnes de plus de 85 ans sur les 5 prochaines années ; il va falloir leur faire bon accueil.
4 . Le financement, celui de nos propositions, de la solidarité telle que nous la voulons et le financement aussi des déficits d'aujourd'hui. Car la droite qui se pique toujours de bonne gestion a mis en péril la Sécurité Sociale -pas simplement par les lois de régression qu'elle a fait voter mais aussi par les déficits qu'elle nous laisse (+ de 10 milliards d'euros de déficits de la Sécurité Sociale, et en cumulé depuis 2002, c'est en gros 70 milliards d'euros en termes d'endettement car l'assurance maladie et même les retraites, aujourd'hui, sont financées à crédit). Il nous reviendra, une fois au pouvoir, de financer nos promesses électorales avec une caisse bien pleine et en même temps de boucher les trous de la droite et, en même temps, d'être capables de réparer les dégâts sociaux qu'elle a elle-même provoqués.
Ce sont les questions les plus difficiles que nous avons à régler dans le cadre de notre projet.
Sur la santé : nous sentons qu'il y a comme l'affirmation de la notion même du projet. Le progrès, finalement, à l'échelle de chacune et de chacun d'entre nous, c'est de vivre plus longtemps, mais de mieux en mieux plus longtemps, d'être couvert par rapport aux aléas, aux risques, aux maladies. Aujourd'hui, la question de la santé est une demande qui nous est adressée : c'est d'être toujours de mieux en mieux soigné, d'être toujours de plus en plus en forme. Il nous faut donc engager une grande politique de la prévention. Il y faudra de l'investissement car, la prévention, c'est de faire aujourd'hui une dépense pour l'éviter demain, et ce n'est pas facile à demander à l'ensemble de la Nation. Prévention en termes de médecine scolaire, de médecine du travail. Nous proposons un service public de la médecine du travail. Prévention aussi par rapport aux grandes causes que sont la lutte contre le cancer, contre l'alcoolisme, contre l'obésité. Nous avons, là aussi, l'obligation de mener de grandes campagnes de prévention, mais aussi d'actes qu'il faudra bien engager pour détecter assez tôt les risques, notamment chez les plus jeunes.
Nous faisons la proposition des « réseaux de santé », ce qui emporte forcément une réforme de la médecine générale, et fait du médecin généraliste le médecin référent avec un autre mode de rémunération. On ne peut pas rester avec un paiement à l'acte si nous voulons donner à ce médecin généraliste un rôle qui doit être, précisément, celui de la prévention, de la coordination et de l'orientation. Là aussi, il va falloir vaincre un certain nombre de catégories.
L'hôpital public : nous sommes tous pour l'hôpital public... Faut-il encore lui en donner les moyens. Faire des praticiens hospitaliers des médecins rémunérés à un tel niveau qu'ils ne soient pas tentés d'aller ailleurs, notamment dans le secteur privé. Il faut faire en sorte de changer le mode de sélection, en tout cas le numerus clausus, avec des contreparties pour la médecine. Il est invraisemblable que l'on puisse être obligé d'avoir recours aux médecins étrangers pour faire fonctionner nos hôpitaux -rendons leur d'ailleurs hommage- et de rationner l'accès à la médecine pour de nombreuses générations. Qui peut comprendre. L'hôpital public doit être exemplaire en termes de qualité. On ne peut pas maintenir un certain nombre de services s'il n'y a pas la qualité. Le danger, donc, est que l'on arrivera plus à recruter de praticiens hospitaliers dans bon nombre d'établissements et qu'il faudra les fermer.
Sur les retraites : nous sommes devant une grande exigence, une grande question politique. Il nous faut dire les choses clairement : si nous considérons que la loi Fillon est injuste et inefficace, il faut l'abroger. En même temps, si nous en restons là, nous ne répondons pas à ce grand défi qui n'a pas été réglé par la réforme Fillon. C'est-à-dire : refonder de manière pérenne l'ensemble du système des retraites fondé sur la répartition, sur la solidarité entre générations, mais qui appelle des efforts. En matière de retraite, il faudra faire des efforts. Ne laissons pas penser que ce serait simple !
Que faire ? D'abord, sur la durée de cotisation, il faudra effectivement la retraite à 60 ans avec 40 ans d'annuité, mais avec le principe de la pénibilité reconnu qui fera que, pour certains, se sera plus tôt et que, pour d'autres, il faudra étudier. Cela se fera forcément par la négociation.
Sur la question du travail des seniors, que se passe-t-il aujourd'hui ? Qu'est-ce que le libéralisme ? On fait rentrer les jeunes de plus en plus tard sur le marché du travail, on les précarise. Ils ne pourront pas suffisamment avoir d'annuité et quelle sera leur retraite ? Pour les autres, arrivés à 50 ans, on leur dira qu'ils sont trop vieux, qu'ils coûtent trop cher, et on les mettra de côté. Si nous ne mettons pas en cause ce principe d'arbitraire, d'arbitrage au détriment des plus âgés et des plus jeunes, nous ne pourrons pas financer correctement nos retraites. C'est pourquoi, nous faisons la proposition du droit à la sécurité sociale professionnelle. Le droit à un parcours professionnel, à une carrière professionnelle ne veut pas dire être simplement dans le même emploi toute sa vie -nous savons que ce n'est pas possible. Cela veut dire pouvoir changer d'emploi régulièrement, pouvoir se qualifier à chaque transition, être dans une accumulation de droit qui fait qu'à mesure que l'on est dans l'ancienneté, on peut changer d'entreprise, on garde avec soi un certain nombre de principes fondés justement sur l'ancienneté.
Pour les retraites, il faut une grande politique de la natalité, une grande politique familiale. Nous ne partons pas de rien. Depuis des années -la gauche y est grandement à l'origine-, c'est nous qui avons permis d'avoir une des natalités les plus fortes d'Europe. C'est en France que l'on a le taux de fécondité le plus élevé. C'est parce que nous avons permis, par des systèmes de garde -et les collectivités locales y sont pour beaucoup- de concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Nous avons, en France, le taux d'activité des femmes le plus élevé qu'ailleurs, hélas avec des rémunérations différentes des hommes. Ceci est d'ailleurs inacceptable. Profitons de cette situation et faisons en sorte qu'il y ait justement cette natalité dynamique qui nous permet quand même de financer nos régimes de retraite.
Enfin, il faudra trouver de nouvelles ressources. Ces ressources devront par ailleurs être justes entre le travail et le capital. Elles doivent pas être simplement celles des ménages par rapport aux entreprises qui en seraient exonérées. Il faudra donc une nouvelle contribution pour le financement des retraites.
Il y a aussi la question du grand âge. Le grand âge, ce sont de nouveaux besoins qui font que nous ne pouvons pas non plus avoir les mêmes réponses : établissements ou maintien à domicile.
Il faudra faire preuve d'imagination. Ce sont de nouvelles charges (APA), mais elles ont été transférées aux collectivités locales, c'était plus simple de la part de l'Etat. Il va donc falloir savoir qui paye cette solidarité essentielle, ce nouveau droit à l'autonomie et qui devrait peut-être devenir un 5ème risque de la Sécurité Sociale. Cela crée aussi de nouveaux emplois, et tant mieux. Il y aura là des gisements pour des jeunes ou des moins jeunes pour faire un travail utile. Cela génère aussi de nouveaux modes de développement qui devraient être justement rappelé à travers des indicateurs de richesse et de développement, et pas simplement la croissance.
Nous devons, parce que nous sommes socialistes, pour lutter contre la pauvreté, améliorer nos systèmes de prestations. Et, en même temps, ne pas verser dans l'assistance.
C'est un débat que nous devons avoir. Toute prestation suppose une contrepartie. Tout droit appelle un devoir. Nous avons le devoir de résorber la pauvreté. Et, quand nous avons créé le Revenu Minimum d'Insertion (RMI), il y avait cette volonté-là. Elle s'est parfois perdue. A chaque fois que nous versons une prestation à une famille, à un individu, nous devons faire en sorte pas simplement de lui donner ce à quoi il a droit, mais aussi une espérance autre, c'est-à-dire une dignité, une activité, un retour vers l'emploi. Voilà pourquoi, chaque prestation doit être accompagnée. Nous devons changer nos pratiques ; il faut une personnalisation des politiques sociales ; il faut des administrations qui ne se comportent pas comme des guichets, mais qui soient capables de suivre, de connaître, d'apprécier les situations des familles. Qu'est-ce qui se passe après s'il n'y a pas ce suivi des familles, s'il n'y a pas cet accompagnement des plus fragiles ?
Il y a la valorisation des travailleurs sociaux. Il faut reconnaître la qualité et le dévouement de ces travailleurs, et aussi dire combien ils souffrent du cloisonnement entre administrations. Il faut donc, là aussi, mettre tout à plat et veiller à ne pas simplement reproduire des schémas, des procédures, mais mettre les travailleurs sociaux au coeur des décisions publiques.
Nous ne pouvons pas occulter les choix de financements. Quelle société voulons-nous ? Une société où l'assurance personnelle, individuelle, l'emporte sur la solidarité collective ? C'est un choix et il séparera la gauche et la droite. Voulons-nous qu'il y ait contribution, cotisation, impôt ou simplement prime d'assurance ? C'est encore un choix. Que voulons-nous assurer comme niveau de protection, de solidarité pour la santé, pour la retraite... ? Le plus bas ? Nous paierons moins d'impôt ; mais qui paiera moins d'impôt ?
Si nous assumons un certain nombre de prélèvements, nous devons dire qui et comment, quelle collectivité et il faudra définir le rôle de l'Etat. À partir de là, une fois que nous avons assumé un niveau de prélèvement, un niveau de protection, il faut déterminer quel impôt, quelle contribution, quelle cotisation. C'est là que nous devons faire la part de ce qui relève de la responsabilité de l'Etat et donc de l'impôt, ce qui relève du système d'assurance collective -la Sécurité Sociale- et donc une cotisation, et la CSG qui doit assurer la solidarité d'ensemble. Il faudra aussi revaloriser le système mutualiste et faire en sorte que plus de nos concitoyens puissent accéder à ces mutuelles et assurances complémentaires, quand tant en sont privés.
CONCLUSION
Nous avons, nous socialistes, une responsabilité particulière : la solidarité, l'égalité, la redistribution. C'est notre identité politique et, en même temps, il faut changer et la méthode et la pratique -quelques fois le mode de décision.
Il faut faire des réformes justes et sortir de ce faux débat que l'on voudrait instaurer entre ceux qui seraient pour la rupture et ceux qui seraient dans l'immobilisme. Ceux qui sont dans la rupture sont dans la rupture à l'égard d'eux-mêmes. Nicolas SARKOZY se proclame acteur de la rupture ; mais, à part avec Jacques Chirac, avec qui veut-il rompre ? Rupture par rapport à quoi sinon ? Avec le pacte républicain ou le pacte social ? Ce serait plus grave ! Et qu'est-ce que c'??tait le CPE, si ce n'est précisément la rupture avec le contrat social et le contrat de travail.
Et il ne faut pas nous laisser porter du côté de l'immobilisme. Parfois, il faut conserver -et c'est normal- les acquis sociaux et les principes de la République ; il ne doit avoir aucune honte pour nous à dire que, chaque fois qu'il y a un acquis social, il doit être regardé comme imprescriptible, sauf si on nous démontre qu'il y aurait nécessité à le réformer pour l'améliorer encore. De même pour les principes de la République ; en quoi le fait d'être pour la laïcité serait être conservateur ? Nous voulons même conserver des lois anciennes.
Mais, nous sommes pour la réforme, la réforme juste, discutée, négociée, la réforme durable, car nous n'avons pas nécessairement à faire des lois tous les cinq ans. Il y a de grands changements qu'il faut faire et ne pas considérer que tout serait à réformer, que rien ne devrait durer.
Nous devons donc être des réformistes, des socialistes.
Une fois que nous avons affirmé une volonté qui doit être forte dans ces domaines, il faut dire la vérité, ne pas cacher car rien ne doit être caché de la difficulté de la tâche.
Dire ce qui nous attend, parler de l'ampleur des problèmes et, en même temps, ne pas justifier de la gravité de la situation pour ne rien faire. Et, pour cela, il faut fixer les rythmes, donner les calendriers, ne pas prétendre que l'on pourra tout faire en 5 ans -vieille rhétorique de la gauche qui nous a fait tant de mal. Imaginer que tout sera régler chaque fois que nous arrivons au pouvoir et susciter tellement d'attentes que nous ne pourrons y répondre, pour encourir ensuite la foudre du corps électoral. Il nous faut donc dire quelle est la perspective, fixer le cap et ensuite, donner notre rythme.
La droite fait naître, et c'est bien légitime, un rejet croissant de sa politique ; elle installe aussi l'idée, méfions-nous de cela, qu'il n'y aurait de sortie de la crise qu'individuelle, l'idée du repli sur soi, l'idée qu'il faudrait avoir peur de tout, du « sauve qui peut ».
Notre responsabilité est immense. Nous avons à battre la droite, sûrement ; nous avons mieux que cela à faire encore : nous avons à redonner confiance dans le progrès, dans l'avenir, dans la politique, dans la solidarité et donc, dans le changement que nous conduirons, nous les socialistes, mais que nous ne conduirons pas seuls. Nous avons à le faire avec toute la gauche et pas simplement en fonction de nos intérêts de partis, uniquement pour prendre les places, pour tourner la page, pour changer de majorité.
Ce qui nous anime, en ce moment, ce n'est pas de savoir lequel d'entre nous aura la lourde tâche de nous conduire en 2007 -nous y procéderons au mois de novembre prochain. Ce qui nous importe, c'est de réussir au-delà de notre parti, réussir au-delà de la gauche. Ce qui nous importe, c'est de réussir pour la France. Nous devons être responsables quand, en face, ils ne le sont plus.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 3 mai 2006