Conférence de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur l'engagement de la France aux côtés d'Haïti et de son président en matière d'aide et de coopération, Port-au-Prince le 14 mai 2006.

Prononcé le

Circonstance : Cérémonies d'investiture du président de la République d'Haïti, M. René Préval, à Port-au-Prince le 14 mai 2006

Texte intégral

Q - Que signifie votre présence aujourd'hui en Haïti à l'occasion de l'investiture du président Préval ?
R - La France aime Haïti et la Francophonie, pour nous, joue un rôle important en Haïti. Nous sommes bien sûr très heureux, nous considérons ce pays comme un pays ami, qui a eu de graves difficultés. Nous avons vu cela de très près.
Nous sommes là pour aider, pour vous aider et pour dire aussi au président Préval combien nous le soutenons dans son action évidemment tournée vers le dialogue, dialogue politique, dialogue avec la société civile, et puis aussi dans son action pour le rétablissement de l'Etat de droit.
Nous avons salué les grandes avancées démocratiques puisqu'après les élections présidentielles qui ont vu l'élection du président Préval, il y a eu les élections législatives et donc, il va y avoir la constitution d'un gouvernement issu des élections législatives. Nous sommes évidemment heureux de voir que le processus démocratique suit son cours.
Q - On sait que les rapports entre la France et le président Aristide étaient un peu houleux, notamment en raison de ses prises de position de l'ancien président de la République. Quelle sera l'attitude de la France avec le président Préval ?
R - Nous nous félicitons de la victoire de M. René Préval et nous l'attendons. Le président de la République a invité M. Préval à venir à Paris à la fin du mois de juin. Nous espérons même que cette visite durera deux jours au moins pour que le président de la République, le Premier ministre, les présidents des Chambres et le ministre des Affaires étrangères que je suis, puissent le rencontrer pour lui dire combien nous pensons qu'il est important d'avoir une coopération entre nos deux pays.
Ensuite, comme vous le savez, la France aide Haïti. Elle continuera à aider encore davantage Haïti. Notre aide bilatérale s'élève à 7 ou 8 millions d'euros. Cette aide bilatérale est essentiellement axée sur des éléments très concrets. Je ne prendrai qu'un seul exemple, la police judiciaire que cela soit en terme d'immobilier, d'équipements et d'aide.
Et puis, il y a peut-être quelque chose encore plus important : c'est mon message. C'est le message que le président de la République me demande d'adresser aujourd'hui. Cette aide va augmenter de 50 à 60 % dans les prochains mois.
Mais la France aide aussi d'une seconde manière peut-être moins visible, mais bien réelle. Sur les 60 millions d'euros de l'aide de l'Union européenne, sachez que la France participe à hauteur de 25 % de celle-ci, soit près de 15 millions d'euros. Vous le voyez 7 à 8 millions directement et 15 millions d'euros par l'intermédiaire de l'Union européenne, qui est ici le plus important bailleur de fonds. C'est vous dire l'importance que représente Haïti dans notre coeur.
Q - Est-ce que la France est prête à répondre à une nouvelle forme de coopération avec l'international que demande Haïti ?
R - Nous le souhaitons en effet. Il y a un élément majeur pour nous. La France, c'est le pays des Droits de l'Homme. La France est le pays des valeurs universelles et la France, comme la communauté internationale, mais c'est la particularité de la France d'être extrêmement attentive aux progrès faits ici concernant les problèmes de sécurité et de justice. Je me permets de le dire avec Nicole Guedj qui est parmi vous depuis deux jours, nous ne pouvons pas penser à un début d'Etat de droit s'il n'y a pas de sécurité et de Justice. Si les coupables ne sont pas traduits devant la justice puis punis. En fait, c'est le grand rendez-vous des prochains mois et la France sera à vos cotés dans ce sens.
Q - La France était restée discrète, Vous étiez-vous donnés un temps d'observation ?
R - Le moins que l'on puisse dire c'est que non seulement la diplomatie n'est pas discrète, mais elle est concrète. Quel est le pays qui est prêt à présenter les chiffres que je viens de présenter ? Ce qui nous intéresse, c'est d'être aux côtés du peuple haïtien, d'être aux côtés du président Préval, d'être aux côtés du futur gouvernement issu des élections législatives et surtout aux côtés de tout ce qui fera avancer non seulement la démocratie, mais l'Etat de droit, et en réalité, il s'agit de la même chose. Il n'y a pas de démocratie sans sécurité et sans justice.
Q - Il y avait une question très essentielle dans les relations franco-haïtiennes, une question lancinante, même si elle a été galvaudée dans le discours lavalassien chez les partisans de l'ancien président Aristide, celle de la restitution de la dette de l'indépendance haïtienne. Comment, vous dirigeant français, aujourd'hui en 2006, comptez-vous vous acquitter de votre dette morale au regard de la colonisation et des méfaits de l'esclavage dont vous venez justement cette semaine de commémorer l'abolition ?
R - Nous sommes très clairs sur ce sujet puisque le président de la République a souhaité commémorer ce qui doit être considéré comme la pire des choses que l'espèce humaine ait faite jusqu'à maintenant, l'esclavage. Il y a eu en France des commémorations où le président, le Premier ministre, étaient présents pour montrer comment la France condamne l'esclavage.
Permettez-moi d'ajouter qu'aujourd'hui la meilleure attitude est certainement de se remémorer ce qui s'est passé pour ne jamais oublier, ne jamais le revivre et, surtout, de pourfendre tous ceux qui pourraient être amenés de près ou de loin à se servir de mineurs, d'enfants soldats qui, dans le monde, malheureusement sont encore nombreux.
Q - Concernant les relations franco-haïtiennes, allez-vous tenir compte du rapport rédigé par Regis Debray ?
R - En matière de rapport franco-haïtien, je ne connais qu'une seule voix, celle du président de la République. Il s'est exprimé d'ailleurs à Vienne récemment, lors du sommet de l'Union européenne et l'Amérique latine. Le président a redit son attachement à Haïti, son attachement au président Préval et à son futur gouvernement qui va être issu des urnes.
Il y a un certain nombre de priorités qui vont être définies. Nous allons étudier cela avec les autorités d'Haïti, mais sachez que nous travaillerons main dans la main. Nous en parlerons avec le président d'Haïti quand il viendra à Paris.
En parlant de dette je voudrai parler du FMI et de la Banque mondiale. La France est l'avocate d'Haïti, notamment pour qu'Haïti soit éligible à l'initiative sur la dette. Je voulais vous le dire, puisque cela fera partie des choses importantes que le président de la République aura à dire avec tout le poids qu'on lui connaît dans le système multilatéral moderne.
Q - Quelle est la position de la France vis-à-vis d'un éventuel retour en Haïti du président Aristide ?
R - Je suis ici pour l'investiture du nouveau président, M. Préval. Nous avons eu une réunion de travail, pour lui expliquer combien la France est à ses cotés, combien les Français sont aux cotés des Haïtiens.
A titre personnel, c'est la deuxième fois que je viens à l'investiture du président Préval. J'étais déjà là en février 1996. Le président Chirac m'avait envoyé comme ministre de la Culture et de la Communication à l'époque et c'est avec un très grand plaisir que je m'étais retrouvé ici pour sa première investiture. C'est avec un très grand plaisir que je me retrouve aujourd'hui ici pour sa seconde investiture.
Je pense qu'après les heures difficiles qu'Haïti a vécues, il faut continuer le mandat de la MINUSTAH, il faut aussi que la PNH soit renforcée et que l'Etat de droit soit instauré. Je pense que le président Préval fera tout pour que la réalité quotidienne de chaque Haïtienne et de chaque Haïtien puisse s'améliorer. Je l'ai trouvé dans cet état d'esprit. Nous avons confiance et nous espérons de tout notre coeur que la vie quotidienne des Haïtiennes et des Haïtiens s'améliore, parce que quand on a des amis on aime voir leur situation s'améliorer.
Merci beaucoup !source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mai 2006