Texte intégral
J'ai tout d'abord, comme vous le savez, lancé la saison française en Israël hier soir et j'ai voulu me rendre à Jérusalem. Nous avons eu Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne, à Paris il y a quelques semaines. Il a été reçu au Palais de l'Elysée et j'ai eu la chance et l'honneur de l'inviter à déjeuner au Quai d'Orsay. Comme vous le savez, il est actuellement en Europe. J'ai eu également la possibilité de parler avec des intellectuels, des anciens responsables politiques, des universitaires, de la situation des Territoires palestiniens et je suis à votre disposition pour répondre aux questions que vous souhaitez.
Q - De quoi allez-vous parler avec Tzipi Livni et Ehud Olmert ?
R - Je vais aborder d'abord les sujets bilatéraux pour dire à quel point aujourd'hui les rapports entre la France et Israël sont bons. Les deux sociétés civiles se connaissent mieux. Et je souhaiterais d'ailleurs développer ces relations dans plusieurs directions : les relations culturelles sont déjà bonnes ; par contre les relations scientifiques doivent être améliorées, en particulier dans le domaine des bio et nanotechnologies. J'ai mené des entretiens en ce sens dernièrement. Et puis peut-être aussi dans le domaine de ce que l'on appelle la recherche et l'innovation, le domaine de l'industrie. Je crois que nous avons intérêt aussi à mieux nous connaître.
Alors, ceci étant dit, évidemment, nous allons aborder le Processus de paix et le dialogue nécessaire entre Israéliens et Palestiniens. Et je vais redire à M. Olmert ce que nous avons toujours dit : nous pensons qu'il n'y a qu'une seule solution, le Processus de paix. Nous pensons que la politique unilatérale n'est pas la politique qu'il faut, puisque la seule solution, c'est de parler avec l'autre, de renouer le dialogue, de tendre la main à l'autre et de se mettre autour d'une table. Soutenant l'idée d'une conférence internationale que Mahmoud Abbas a proposée, nous pensons également qu'il est tout à fait nécessaire d'avoir une aide pour la population palestinienne, partant du principe que ne pas aider la population palestinienne aujourd'hui, c'est prendre le risque de la radicaliser, de l'envoyer dans les bras des extrêmes. C'est exactement le contraire de ce que souhaite la France et, j'espère, de ce que souhaite la communauté internationale.
Nous pensons qu'il est nécessaire de pouvoir nous assurer que ce sont bien les fonctionnaires, les instituteurs, les professeurs, les magistrats anti-corruption, les infirmières, les médecins qui peuvent disposer de l'argent de la communauté internationale. Et la proposition du président Chirac au président Abbas qui est une proposition de fonds fiduciaire via la Banque mondiale ou d'autres institutions nous paraît être la bonne, ce qui permettrait d'aider la population palestinienne dans son quotidien, à la fois sur le plan humanitaire mais aussi dans une perspective d'Etat de droit. Il n'y aura jamais deux Etats ici, viables qui vivront en paix et en sécurité s'il n'y a pas un début d'Etat de droit. Et à l'origine de l'Etat de droit, bien évidemment, il y a le problème de la police et de la justice. Il y a bien sûr aussi des problèmes de santé, des problèmes d'éducation, ce qui existe dans toute démocratie.
Q - Allez-vous rester ferme vis-à-vis du Hamas pour exiger les trois conditions, avant de reprendre le dialogue avec cette organisation islamiste ?
R - Oui. Nous sommes très clairs. Nous souhaitons renforcer la légitimité du président de l'Autorité nationale palestinienne. Nous souhaitons et nous croyons d'abord en l'Autorité palestinienne, une des plus grandes avancées institutionnelles de la dernière décennie. Nous souhaitons également dire au gouvernement du Hamas : nous avons posé, via le Quartet de la communauté internationale, trois principes : reconnaissance de l'Etat d'Israël, des Accords d'Oslo et le renoncement public et explicite à toute violence. Il nous paraît important que le Hamas, qui a gagné les élections législatives, on le constate, avec une forte participation et avec une transparence totale de ces élections, puisse entrer dans le processus politique ; quitter les armes et la violence pour entrer dans le processus politique. C'est en tout cas le souhait que nous formulons et nous pensons que c'est la seule solution. Pas d'unilatéralisme d'un côté, processus politique de tous les mouvements de l'autre, seules conditions pour qu'il y ait un dialogue entre les deux parties. Je pense que l'Union européenne, et la France en particulier, doivent jouer un rôle, plus que jamais.
Q - Comment souhaitez-vous inciter le Hamas à rentrer dans le processus politique ?
R - Eh bien, je me suis présenté à des élections dans mon pays. Je pense que ceux qui se présentent à des élections souhaitent la démocratie. La démocratie, c'est la politique. La démocratie, ce n'est pas la violence. La violence, c'est le contraire de la démocratie. Donc on ne peut pas faire les deux. On ne peut pas la fois être dans la démocratie, se présenter à des élections, respecter son électorat, y compris ses adversaires, et user de la violence. Car la démocratie, c'est le respect de ses adversaires. Donc, il est évident que le recours à la violence, par définition, est le contraire de cela.
Alors, nous pensons également que l'une des clés de la solution n'est pas que politique. Elle est aussi économique. Et l'Union européenne devra, et la France en particulier, faire des propositions sur le plan économique, en particulier à Gaza. Je crois qu'il faudra reprendre le dossier du port. Il faudra revenir ici avec des chefs d'entreprise. Il faudra convaincre les Israéliens et l'ensemble de la communauté internationale que le désespoir que représente l'absence d'avenir économique pour un jeune Palestinien, ou pour un jeune en général dans le monde, est une source de violence.
Q - Quelle est la position de la France face au plan de convergence d'Ehud Olmert, et sur le re-dessin des frontières d'Israël ?
R - Nous pensons, qu'il s'agisse de Jérusalem, qu'il s'agisse de l'achèvement programmé de la barrière de sécurité, qu'il s'agisse de la Vallée du Jourdain, qu'il s'agisse de la question que vous abordez, il nous paraît important de dire haut et fort que ce n'est que le dialogue entre deux parties qui pourra régler le problème. Le reste ne peut pas exister. Quand vous êtes deux, vous ne décidez pas unilatéralement pour les deux. Cela ne peut pas fonctionner. Donc, cela c'est en effet un discours fort que l'Union européenne, et la France en particulier, tient à tenir ici.
Q - Monsieur le Ministre, une dernière question. Du côté des autorités israéliennes, on est a priori pour négocier tout arrangement politique. Or quand il y a dialogue, il y a reconnaissance des deux parties. Pour l'instant, si le dialogue n'est pas possible, c'est parce que le Hamas ne reconnaît pas Israël.
R - En tout cas, je peux vous répondre que M. Abbas et M. Olmert pourraient se rencontrer. Mahmoud Abbas l'a proposé. J'espère que M. Olmert l'acceptera.
Q - M. Olmert a dit de façon nette et claire qu'il essaiera de négocier avec les Palestiniens. Il n'y aurait de retrait unilatéral que si la négociation n'aboutissait pas. Dans ce cas, que préconiseriez-vous ?
R - J'ai appris dans ma vie d'homme politique, et dans le contexte international en particulier, que chaque étape est importante, donc, il faut d'abord qu'il y ait une discussion. Je souhaite, nous souhaitons vraiment qu'il y ait une discussion entre M. Olmert et M. Abbas. Dès l'instant où cette discussion aura lieu, alors je pourrai répondre à votre question, si le cas que vous évoquez se vérifiait, mais je ne le crois pas.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2006
Q - De quoi allez-vous parler avec Tzipi Livni et Ehud Olmert ?
R - Je vais aborder d'abord les sujets bilatéraux pour dire à quel point aujourd'hui les rapports entre la France et Israël sont bons. Les deux sociétés civiles se connaissent mieux. Et je souhaiterais d'ailleurs développer ces relations dans plusieurs directions : les relations culturelles sont déjà bonnes ; par contre les relations scientifiques doivent être améliorées, en particulier dans le domaine des bio et nanotechnologies. J'ai mené des entretiens en ce sens dernièrement. Et puis peut-être aussi dans le domaine de ce que l'on appelle la recherche et l'innovation, le domaine de l'industrie. Je crois que nous avons intérêt aussi à mieux nous connaître.
Alors, ceci étant dit, évidemment, nous allons aborder le Processus de paix et le dialogue nécessaire entre Israéliens et Palestiniens. Et je vais redire à M. Olmert ce que nous avons toujours dit : nous pensons qu'il n'y a qu'une seule solution, le Processus de paix. Nous pensons que la politique unilatérale n'est pas la politique qu'il faut, puisque la seule solution, c'est de parler avec l'autre, de renouer le dialogue, de tendre la main à l'autre et de se mettre autour d'une table. Soutenant l'idée d'une conférence internationale que Mahmoud Abbas a proposée, nous pensons également qu'il est tout à fait nécessaire d'avoir une aide pour la population palestinienne, partant du principe que ne pas aider la population palestinienne aujourd'hui, c'est prendre le risque de la radicaliser, de l'envoyer dans les bras des extrêmes. C'est exactement le contraire de ce que souhaite la France et, j'espère, de ce que souhaite la communauté internationale.
Nous pensons qu'il est nécessaire de pouvoir nous assurer que ce sont bien les fonctionnaires, les instituteurs, les professeurs, les magistrats anti-corruption, les infirmières, les médecins qui peuvent disposer de l'argent de la communauté internationale. Et la proposition du président Chirac au président Abbas qui est une proposition de fonds fiduciaire via la Banque mondiale ou d'autres institutions nous paraît être la bonne, ce qui permettrait d'aider la population palestinienne dans son quotidien, à la fois sur le plan humanitaire mais aussi dans une perspective d'Etat de droit. Il n'y aura jamais deux Etats ici, viables qui vivront en paix et en sécurité s'il n'y a pas un début d'Etat de droit. Et à l'origine de l'Etat de droit, bien évidemment, il y a le problème de la police et de la justice. Il y a bien sûr aussi des problèmes de santé, des problèmes d'éducation, ce qui existe dans toute démocratie.
Q - Allez-vous rester ferme vis-à-vis du Hamas pour exiger les trois conditions, avant de reprendre le dialogue avec cette organisation islamiste ?
R - Oui. Nous sommes très clairs. Nous souhaitons renforcer la légitimité du président de l'Autorité nationale palestinienne. Nous souhaitons et nous croyons d'abord en l'Autorité palestinienne, une des plus grandes avancées institutionnelles de la dernière décennie. Nous souhaitons également dire au gouvernement du Hamas : nous avons posé, via le Quartet de la communauté internationale, trois principes : reconnaissance de l'Etat d'Israël, des Accords d'Oslo et le renoncement public et explicite à toute violence. Il nous paraît important que le Hamas, qui a gagné les élections législatives, on le constate, avec une forte participation et avec une transparence totale de ces élections, puisse entrer dans le processus politique ; quitter les armes et la violence pour entrer dans le processus politique. C'est en tout cas le souhait que nous formulons et nous pensons que c'est la seule solution. Pas d'unilatéralisme d'un côté, processus politique de tous les mouvements de l'autre, seules conditions pour qu'il y ait un dialogue entre les deux parties. Je pense que l'Union européenne, et la France en particulier, doivent jouer un rôle, plus que jamais.
Q - Comment souhaitez-vous inciter le Hamas à rentrer dans le processus politique ?
R - Eh bien, je me suis présenté à des élections dans mon pays. Je pense que ceux qui se présentent à des élections souhaitent la démocratie. La démocratie, c'est la politique. La démocratie, ce n'est pas la violence. La violence, c'est le contraire de la démocratie. Donc on ne peut pas faire les deux. On ne peut pas la fois être dans la démocratie, se présenter à des élections, respecter son électorat, y compris ses adversaires, et user de la violence. Car la démocratie, c'est le respect de ses adversaires. Donc, il est évident que le recours à la violence, par définition, est le contraire de cela.
Alors, nous pensons également que l'une des clés de la solution n'est pas que politique. Elle est aussi économique. Et l'Union européenne devra, et la France en particulier, faire des propositions sur le plan économique, en particulier à Gaza. Je crois qu'il faudra reprendre le dossier du port. Il faudra revenir ici avec des chefs d'entreprise. Il faudra convaincre les Israéliens et l'ensemble de la communauté internationale que le désespoir que représente l'absence d'avenir économique pour un jeune Palestinien, ou pour un jeune en général dans le monde, est une source de violence.
Q - Quelle est la position de la France face au plan de convergence d'Ehud Olmert, et sur le re-dessin des frontières d'Israël ?
R - Nous pensons, qu'il s'agisse de Jérusalem, qu'il s'agisse de l'achèvement programmé de la barrière de sécurité, qu'il s'agisse de la Vallée du Jourdain, qu'il s'agisse de la question que vous abordez, il nous paraît important de dire haut et fort que ce n'est que le dialogue entre deux parties qui pourra régler le problème. Le reste ne peut pas exister. Quand vous êtes deux, vous ne décidez pas unilatéralement pour les deux. Cela ne peut pas fonctionner. Donc, cela c'est en effet un discours fort que l'Union européenne, et la France en particulier, tient à tenir ici.
Q - Monsieur le Ministre, une dernière question. Du côté des autorités israéliennes, on est a priori pour négocier tout arrangement politique. Or quand il y a dialogue, il y a reconnaissance des deux parties. Pour l'instant, si le dialogue n'est pas possible, c'est parce que le Hamas ne reconnaît pas Israël.
R - En tout cas, je peux vous répondre que M. Abbas et M. Olmert pourraient se rencontrer. Mahmoud Abbas l'a proposé. J'espère que M. Olmert l'acceptera.
Q - M. Olmert a dit de façon nette et claire qu'il essaiera de négocier avec les Palestiniens. Il n'y aurait de retrait unilatéral que si la négociation n'aboutissait pas. Dans ce cas, que préconiseriez-vous ?
R - J'ai appris dans ma vie d'homme politique, et dans le contexte international en particulier, que chaque étape est importante, donc, il faut d'abord qu'il y ait une discussion. Je souhaite, nous souhaitons vraiment qu'il y ait une discussion entre M. Olmert et M. Abbas. Dès l'instant où cette discussion aura lieu, alors je pourrai répondre à votre question, si le cas que vous évoquez se vérifiait, mais je ne le crois pas.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2006