Texte intégral
Monsieur le Premier ministre,
Vous êtes en place depuis à peine un an. Et votre gouvernement a déjà essuyé deux épreuves majeures. Des émeutes urbaines, d'une ampleur et d'une durée inégalée. Et un conflit social sur le CPE qui vous a aliéné la jeunesse de notre pays et qui vous a contraint au recul, après plusieurs semaines d'obstination. A eux seuls, ces échecs auraient pu justifier votre départ. Mais, vous avez considéré, qu'ayant perdu la confiance des Français, il vous restait au moins celle du Chef de l'Etat, sans avoir besoin de vérifier celle du Parlement.
Et voilà, qu'éclate une affaire qui plonge notre pays dans une crise politique, institutionnelle, morale. L'une des plus graves de la Vème République, parce qu'elle atteint l'Etat, lui-même. Ses institutions, son fonctionnement, son autorité. C'est le sens même de la censure, faire cesser cette situation devenue irrespirable.
Le Parlement n'est pas un tribunal. Et il appartiendra à la Justice, en toute indépendance, d'établir la vérité et de remonter la chaîne des responsabilités et d'en tirer les conséquences pénales.
Mais, il ressort d'ores et déjà des informations révélées que l'Etat a été utilisé à des fins de déstabilisation politique et selon des procédures contraires aux règles et aux usages.
Quelques exemples :
Pourquoi, en janvier 2004, le Ministre des Affaires Etrangères, c'est-à-dire vous-même, a-t-il diligenté une enquête sur des personnalités politiques, en utilisant un officier Général, spécialiste du renseignement et membre du Cabinet de la Ministre de la Défense et en lui demandant de ne pas en référer à son autorité directe ?
Pourquoi les services officiels n'ont-ils pas été saisis ? Pas plus que la Justice, alors que -selon l'article 40 du Code de procédure pénale- toute autorité publique qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un délit, est tenue d'en donner avis sans délai au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements qui y sont relatifs ?
Pourquoi devenu Ministre de l'Intérieur, saisissez-vous la DST, en juillet 2004, sans informer le service du contre-espionnage français de l'existence de l'enquête parallèle conduite par le Général Rondot ?
Pourquoi les personnalités, citées dans les listings, n'ont-elles pas été immédiatement prévenues des résultats de ces investigations, d'autant plus qu'elles les mettaient hors de cause ?
Pourquoi votre Ministre de l'Intérieur attend-il, janvier 2006, pour saisir la Justice et se constituer partie civile, alors qu'il est informé depuis au moins octobre 2004 de l'existence de l'enquête de la DST ?
Bref, ce qui fait que nous sommes dans une affaire d'Etat, c'est que les chaînes de commandement politique ont été délibérément brisées, que les procédures administratives et judiciaires ont été volontairement contournées et même détournées et que les droits des personnes ont été gravement mis en cause. Nous sommes dans une affaire d'Etat parce que des services secrets ont été utilisés à des fins de passion politique. Nous sommes dans une affaire d'Etat parce que l'Etat lui-même a été pris en otage, a été accaparé par des clans, pour assouvir des rivalités personnelles.
Vous en portez la responsabilité dans vos fonctions antérieures de Ministre des Affaires Etrangères, puis de Ministre de l'Intérieur. Vous la partagez avec votre numéro 2, vraie fausse victime d'une opération qu'il a contribué à relancer.
Et les manquements constatés, au cours de cette période, ont eu de graves conséquences sur la Justice qui a été, elle-même, manipulée et sur l'entreprise EADS qui a été l'objet d'une déstabilisation préjudiciable à nos intérêts. C'est un effroyable gâchis. C'est le premier motif de censure.
Mais, l'affaire d'Etat débouche sur une crise politique de grande dimension, qui interdit à votre gouvernement de travailler valablement dans l'intérêt du pays.
Comment faire coexister, dans la même équipe, un Premier Ministre soupçonné d'avoir voulu déstabiliser son numéro 2 et un Ministre de l'Intérieur qui engage une procédure judiciaire dont le premier effet est de viser le chef de son propre gouvernement ?
Comment laisser plus longtemps s'amplifier, au rythme des révélations quotidiennes, un scandale empêchant le gouvernement, tel qu'il est composé, de poursuivre sereinement sa tâche ? Surtout quand les rumeurs naissent et courent au sein même de l'Exécutif et que, dimanche encore, votre Ministre des Affaires Sociales déclare sa disponibilité pour vous remplacer ? Et le Ministre de l'Intérieur attend la prochaine révélation de presse pour partir ?
Comment admettre les mots qui sont utilisés par vos ministres pour caractériser le climat qui règne au sein de ce qui n'a plus que l'apparence d'une équipe gouvernementale : c'est votre Ministre de l'Intérieur qui évoque les officines, les comploteurs, les falsificateurs.
C'est votre Ministre de la Défense qui dit qu'elle est une victime et que l'on veut l'atteindre. C'est votre Ministre des Collectivités locales qui évoque une tentative de meurtre politique, rien que cela. Ce n'est plus un gouvernement, c'est un champ de bataille. Où est la solidarité quand la haine est le sentiment commun ?
Et vous voudriez nous faire croire qu'il serait possible de diriger la Nation avec un tel attelage, de donner confiance aux Français quand votre gouvernement en est aujourd'hui dépourvu, de susciter le respect du peuple, quand tout est permis au sommet de l'Etat ?. Et que dire de l'image de la France à l'étranger ? Comment admettre plus longtemps cette déconsidération, ce délitement, ce délabrement qui atteignent les institutions et la politique, elle-même réduite à des coups tordus, des machinations et des manipulations.
Dans toute démocratie digne de ce nom, une initiative aurait été prise pour changer la donne, purger la crise et retrouver une sérénité indispensable au service du pays. La logique comme la clarté exigent à tout le moins un changement de gouvernement. Mais rien ne bouge. Tout se maintient. Chacun se tient. C'est là que la crise politique débouche sur une crise institutionnelle puisque le mécanisme de la responsabilité ne joue plus.
- le chef de l'Etat vous confirme comme 1er Ministre, sans lui-même rendre compte au pays de ce choix et sans décourager vos successeurs virtuels, de se préparer.
- Vous-même, dans un isolement qui n'a rien de splendide, vous vous efforcez de poursuivre votre mission sans oser demander la confiance de votre majorité.
- Quant au Président de l'UMP, qui se prétend victime d'apprentis comploteurs et qui a déclenché la déferlante judiciaire qui vous atteint de plein fouet, il choisit de rester au Ministère de l'Intérieur pour mieux se protéger -il l'avoue lui-même- et assurer ainsi et d'abord sa propre sécurité politique, tout en menant campagne au frais de l'Etat. Ce n'est plus de l'habileté, c'est de la duplicité.
Ainsi tous ceux qui ont compétence au sommet de l'exécutif pour agir se dérobent : Le Président de la République, par immobilisme, le Premier ministre, par indifférence à l'égard du suffrage universel, le n° 2 du gouvernement, par calcul électoral.
Il revient donc à l'Assemblée Nationale d'exercer le rôle que lui confère la Constitution dans cette circonstance, puisque le chef de l'Etat ne prend pas la responsabilité de changer le gouvernement, puisque le 1er ministre n'exerce pas la sienne de poser la question de confiance puisque le Président de l'UMP préfère l'arrangement à la rupture. Alors, c'est au Parlement, par le vote d'une motion de censure, de dénouer la crise, d'arrêter le processus qui abîme la France, la Démocratie, la République.
C'est pourquoi la motion de censure que je présente ici, au nom du groupe socialiste, est la voie de sortie démocratique, elle est l'issue républicaine, elle est l'instrument de la clarification. Elle vise à tirer les conséquences de comportements inadmissibles et les conclusions d'une impossibilité pour le gouvernement que vous dirigez d'aller plus loin. Elle sanctionne vos choix économiques et sociaux qui vous ont placé à un niveau record d'impopularité.
Elle est tournée vers les intérêts de la France. Tous ceux qui voteront la motion de censure contribueront, en conscience, à sortir le pays de l'impasse. En revanche les députés qui ne voteront pas la censure -et c'est la logique politique et parlementaire- seront considérés comme vous soutenant à la tête du gouvernement, au risque d'amplifier la crise sociale et morale. Ils devront en répondre, le moment venu, devant leurs électeurs.
Au-delà de notre vote d'aujourd'hui, nous mesurons l'intensité du trouble que connaît notre pays. Il s'interroge sur sa place en Europe. Et le référendum du 29 mai en a été le signe. Il refuse le libéralisme, comme modèle de référence, et le conflit sur le CPE en a été l'illustration. Il pose la question essentielle de son identité et notre capacité à vivre ensemble. Et les émeutes urbaines en ont été l'un des révélateurs. Il doute de la volonté du politique à prendre la mesure de la mondialisation. Et la succession des alternances depuis 20 ans en a été la démonstration. Bref tout appelle à une maîtrise des enjeux fondamentaux qui se posent à la France ; tout commande un débat projet contre-projet sur les questions essentielles de l'égalité, de la laïcité, de l'éducation, de l'environnement, de l'énergie. Tout exige de faire de la démocratie l'objectif de l'action publique et les conditions de sa réussite.
Or, au lieu de cela, l'Exécutif tout entier, par ses comportements, ses silences comme par son irresponsabilité, fait subir une épreuve aux français dont il ne tient qu'à l'Assemblée nationale qu'elle s'arrête. C'est vous et votre gouvernement qui créent la défiance, vous prenez le risque par la tempête que vous levez, de gonfler encore les vents mauvais de l'incivisme et de l'extrémisme.
La censure c'est aussi un sursaut républicain pour revenir à l'essentiel.
Et d'abord à l'immédiat et à l'urgent, c'est-à-dire ce qui est la vie quotidienne des Français, fatigués d'une affaire qui les désole mais surtout harassés par les effets de votre mauvaise politique et sociale :
- L'emploi : vous tirez argument de résultats en trompe l'oeil sur le chômage alors les annonces de suppressions d'emplois augmentent : la SOGERMA -filiale de l'EADS- entreprise dans laquelle l'Etat joue un rôle majeur, ferme son site de Mérignac. Je vous demande d'aller au-delà des proclamations et de contraindre le Président d'EADS -que le gouvernement a porté à la tête de cette entreprise- à revenir sur cette décision de fermeture -le v rai scandale d'EADS est là, dans les 1000 emplois supprimés. DIM licencie plus de 500 personnes dans le Nord et en Bourgogne. Et votre gouvernement avoue son impuissance. Le nombre de CNE gonfle, mais les licenciements augmentent.
- Le pouvoir d'achat est amputé chaque jour par la hausse du prix des carburants et du gaz. Et le fameux ticket transport que vous aviez promis, il y a plus de huit mois n'est toujours pas mis en place.
- L'insécurité est chaque jour plus évidente avec des faits divers tragiques qui appellent de la part du Ministre, une compassion légitime mais l'annonce répétée de mesures jamais effectives.
- Quant aux banlieues, un couvercle a été mis sur la cocote-minute. Et l'explosion est possible à tout moment, tant les promesses d'emplois, pour les jeunes de moins de 25 ans, dans les 750 zones urbaines sensibles, se sont traduites par de simples convocations à l'ANPE. Et, pendant ce temps-là, l'apprentissage est rendu possible dès 14 ans. Et le travail de nuit dès 15 ans !
- Les comptes publics et le déficit extérieur continuent de dégrader et atteignent des niveaux records qui seront autant de charges, transmises aux générations futures.
C'est dans ce contexte, déjà lourd, fait de précarité, d'incertitude, de peur du déclassement, que l'affaire qui vous étreint et vous étouffe, s'installe. Les inégalités, les injustices s'ajoutent à l'indignation.
C'est en ce sens qu'elle est dangereuse pour la démocratie, autant que pour vous-même.
Monsieur le Premier ministre,
Beaucoup, ici, dans cette Assemblée, ressentent avec douleur ce malaise et éprouvent avec lucidité ce besoin de clarification et de transparence.
Chacun constate avec inquiétude les effets de ce délabrement au sommet de l'Etat. Pouvons-nous ainsi attendre 2007 et vivre un an dans un climat irrespirable.
Que ceux qui veulent mettre un terme à la crise votent la censure et accordent leur confiance à la démocratie et au rôle du Parlement.
Que les autres craignent la censure des électeurs. Elle viendra en 2007
source http://www.parti-socialiste.fr, le 17 mai 2006
Vous êtes en place depuis à peine un an. Et votre gouvernement a déjà essuyé deux épreuves majeures. Des émeutes urbaines, d'une ampleur et d'une durée inégalée. Et un conflit social sur le CPE qui vous a aliéné la jeunesse de notre pays et qui vous a contraint au recul, après plusieurs semaines d'obstination. A eux seuls, ces échecs auraient pu justifier votre départ. Mais, vous avez considéré, qu'ayant perdu la confiance des Français, il vous restait au moins celle du Chef de l'Etat, sans avoir besoin de vérifier celle du Parlement.
Et voilà, qu'éclate une affaire qui plonge notre pays dans une crise politique, institutionnelle, morale. L'une des plus graves de la Vème République, parce qu'elle atteint l'Etat, lui-même. Ses institutions, son fonctionnement, son autorité. C'est le sens même de la censure, faire cesser cette situation devenue irrespirable.
Le Parlement n'est pas un tribunal. Et il appartiendra à la Justice, en toute indépendance, d'établir la vérité et de remonter la chaîne des responsabilités et d'en tirer les conséquences pénales.
Mais, il ressort d'ores et déjà des informations révélées que l'Etat a été utilisé à des fins de déstabilisation politique et selon des procédures contraires aux règles et aux usages.
Quelques exemples :
Pourquoi, en janvier 2004, le Ministre des Affaires Etrangères, c'est-à-dire vous-même, a-t-il diligenté une enquête sur des personnalités politiques, en utilisant un officier Général, spécialiste du renseignement et membre du Cabinet de la Ministre de la Défense et en lui demandant de ne pas en référer à son autorité directe ?
Pourquoi les services officiels n'ont-ils pas été saisis ? Pas plus que la Justice, alors que -selon l'article 40 du Code de procédure pénale- toute autorité publique qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un délit, est tenue d'en donner avis sans délai au Procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements qui y sont relatifs ?
Pourquoi devenu Ministre de l'Intérieur, saisissez-vous la DST, en juillet 2004, sans informer le service du contre-espionnage français de l'existence de l'enquête parallèle conduite par le Général Rondot ?
Pourquoi les personnalités, citées dans les listings, n'ont-elles pas été immédiatement prévenues des résultats de ces investigations, d'autant plus qu'elles les mettaient hors de cause ?
Pourquoi votre Ministre de l'Intérieur attend-il, janvier 2006, pour saisir la Justice et se constituer partie civile, alors qu'il est informé depuis au moins octobre 2004 de l'existence de l'enquête de la DST ?
Bref, ce qui fait que nous sommes dans une affaire d'Etat, c'est que les chaînes de commandement politique ont été délibérément brisées, que les procédures administratives et judiciaires ont été volontairement contournées et même détournées et que les droits des personnes ont été gravement mis en cause. Nous sommes dans une affaire d'Etat parce que des services secrets ont été utilisés à des fins de passion politique. Nous sommes dans une affaire d'Etat parce que l'Etat lui-même a été pris en otage, a été accaparé par des clans, pour assouvir des rivalités personnelles.
Vous en portez la responsabilité dans vos fonctions antérieures de Ministre des Affaires Etrangères, puis de Ministre de l'Intérieur. Vous la partagez avec votre numéro 2, vraie fausse victime d'une opération qu'il a contribué à relancer.
Et les manquements constatés, au cours de cette période, ont eu de graves conséquences sur la Justice qui a été, elle-même, manipulée et sur l'entreprise EADS qui a été l'objet d'une déstabilisation préjudiciable à nos intérêts. C'est un effroyable gâchis. C'est le premier motif de censure.
Mais, l'affaire d'Etat débouche sur une crise politique de grande dimension, qui interdit à votre gouvernement de travailler valablement dans l'intérêt du pays.
Comment faire coexister, dans la même équipe, un Premier Ministre soupçonné d'avoir voulu déstabiliser son numéro 2 et un Ministre de l'Intérieur qui engage une procédure judiciaire dont le premier effet est de viser le chef de son propre gouvernement ?
Comment laisser plus longtemps s'amplifier, au rythme des révélations quotidiennes, un scandale empêchant le gouvernement, tel qu'il est composé, de poursuivre sereinement sa tâche ? Surtout quand les rumeurs naissent et courent au sein même de l'Exécutif et que, dimanche encore, votre Ministre des Affaires Sociales déclare sa disponibilité pour vous remplacer ? Et le Ministre de l'Intérieur attend la prochaine révélation de presse pour partir ?
Comment admettre les mots qui sont utilisés par vos ministres pour caractériser le climat qui règne au sein de ce qui n'a plus que l'apparence d'une équipe gouvernementale : c'est votre Ministre de l'Intérieur qui évoque les officines, les comploteurs, les falsificateurs.
C'est votre Ministre de la Défense qui dit qu'elle est une victime et que l'on veut l'atteindre. C'est votre Ministre des Collectivités locales qui évoque une tentative de meurtre politique, rien que cela. Ce n'est plus un gouvernement, c'est un champ de bataille. Où est la solidarité quand la haine est le sentiment commun ?
Et vous voudriez nous faire croire qu'il serait possible de diriger la Nation avec un tel attelage, de donner confiance aux Français quand votre gouvernement en est aujourd'hui dépourvu, de susciter le respect du peuple, quand tout est permis au sommet de l'Etat ?. Et que dire de l'image de la France à l'étranger ? Comment admettre plus longtemps cette déconsidération, ce délitement, ce délabrement qui atteignent les institutions et la politique, elle-même réduite à des coups tordus, des machinations et des manipulations.
Dans toute démocratie digne de ce nom, une initiative aurait été prise pour changer la donne, purger la crise et retrouver une sérénité indispensable au service du pays. La logique comme la clarté exigent à tout le moins un changement de gouvernement. Mais rien ne bouge. Tout se maintient. Chacun se tient. C'est là que la crise politique débouche sur une crise institutionnelle puisque le mécanisme de la responsabilité ne joue plus.
- le chef de l'Etat vous confirme comme 1er Ministre, sans lui-même rendre compte au pays de ce choix et sans décourager vos successeurs virtuels, de se préparer.
- Vous-même, dans un isolement qui n'a rien de splendide, vous vous efforcez de poursuivre votre mission sans oser demander la confiance de votre majorité.
- Quant au Président de l'UMP, qui se prétend victime d'apprentis comploteurs et qui a déclenché la déferlante judiciaire qui vous atteint de plein fouet, il choisit de rester au Ministère de l'Intérieur pour mieux se protéger -il l'avoue lui-même- et assurer ainsi et d'abord sa propre sécurité politique, tout en menant campagne au frais de l'Etat. Ce n'est plus de l'habileté, c'est de la duplicité.
Ainsi tous ceux qui ont compétence au sommet de l'exécutif pour agir se dérobent : Le Président de la République, par immobilisme, le Premier ministre, par indifférence à l'égard du suffrage universel, le n° 2 du gouvernement, par calcul électoral.
Il revient donc à l'Assemblée Nationale d'exercer le rôle que lui confère la Constitution dans cette circonstance, puisque le chef de l'Etat ne prend pas la responsabilité de changer le gouvernement, puisque le 1er ministre n'exerce pas la sienne de poser la question de confiance puisque le Président de l'UMP préfère l'arrangement à la rupture. Alors, c'est au Parlement, par le vote d'une motion de censure, de dénouer la crise, d'arrêter le processus qui abîme la France, la Démocratie, la République.
C'est pourquoi la motion de censure que je présente ici, au nom du groupe socialiste, est la voie de sortie démocratique, elle est l'issue républicaine, elle est l'instrument de la clarification. Elle vise à tirer les conséquences de comportements inadmissibles et les conclusions d'une impossibilité pour le gouvernement que vous dirigez d'aller plus loin. Elle sanctionne vos choix économiques et sociaux qui vous ont placé à un niveau record d'impopularité.
Elle est tournée vers les intérêts de la France. Tous ceux qui voteront la motion de censure contribueront, en conscience, à sortir le pays de l'impasse. En revanche les députés qui ne voteront pas la censure -et c'est la logique politique et parlementaire- seront considérés comme vous soutenant à la tête du gouvernement, au risque d'amplifier la crise sociale et morale. Ils devront en répondre, le moment venu, devant leurs électeurs.
Au-delà de notre vote d'aujourd'hui, nous mesurons l'intensité du trouble que connaît notre pays. Il s'interroge sur sa place en Europe. Et le référendum du 29 mai en a été le signe. Il refuse le libéralisme, comme modèle de référence, et le conflit sur le CPE en a été l'illustration. Il pose la question essentielle de son identité et notre capacité à vivre ensemble. Et les émeutes urbaines en ont été l'un des révélateurs. Il doute de la volonté du politique à prendre la mesure de la mondialisation. Et la succession des alternances depuis 20 ans en a été la démonstration. Bref tout appelle à une maîtrise des enjeux fondamentaux qui se posent à la France ; tout commande un débat projet contre-projet sur les questions essentielles de l'égalité, de la laïcité, de l'éducation, de l'environnement, de l'énergie. Tout exige de faire de la démocratie l'objectif de l'action publique et les conditions de sa réussite.
Or, au lieu de cela, l'Exécutif tout entier, par ses comportements, ses silences comme par son irresponsabilité, fait subir une épreuve aux français dont il ne tient qu'à l'Assemblée nationale qu'elle s'arrête. C'est vous et votre gouvernement qui créent la défiance, vous prenez le risque par la tempête que vous levez, de gonfler encore les vents mauvais de l'incivisme et de l'extrémisme.
La censure c'est aussi un sursaut républicain pour revenir à l'essentiel.
Et d'abord à l'immédiat et à l'urgent, c'est-à-dire ce qui est la vie quotidienne des Français, fatigués d'une affaire qui les désole mais surtout harassés par les effets de votre mauvaise politique et sociale :
- L'emploi : vous tirez argument de résultats en trompe l'oeil sur le chômage alors les annonces de suppressions d'emplois augmentent : la SOGERMA -filiale de l'EADS- entreprise dans laquelle l'Etat joue un rôle majeur, ferme son site de Mérignac. Je vous demande d'aller au-delà des proclamations et de contraindre le Président d'EADS -que le gouvernement a porté à la tête de cette entreprise- à revenir sur cette décision de fermeture -le v rai scandale d'EADS est là, dans les 1000 emplois supprimés. DIM licencie plus de 500 personnes dans le Nord et en Bourgogne. Et votre gouvernement avoue son impuissance. Le nombre de CNE gonfle, mais les licenciements augmentent.
- Le pouvoir d'achat est amputé chaque jour par la hausse du prix des carburants et du gaz. Et le fameux ticket transport que vous aviez promis, il y a plus de huit mois n'est toujours pas mis en place.
- L'insécurité est chaque jour plus évidente avec des faits divers tragiques qui appellent de la part du Ministre, une compassion légitime mais l'annonce répétée de mesures jamais effectives.
- Quant aux banlieues, un couvercle a été mis sur la cocote-minute. Et l'explosion est possible à tout moment, tant les promesses d'emplois, pour les jeunes de moins de 25 ans, dans les 750 zones urbaines sensibles, se sont traduites par de simples convocations à l'ANPE. Et, pendant ce temps-là, l'apprentissage est rendu possible dès 14 ans. Et le travail de nuit dès 15 ans !
- Les comptes publics et le déficit extérieur continuent de dégrader et atteignent des niveaux records qui seront autant de charges, transmises aux générations futures.
C'est dans ce contexte, déjà lourd, fait de précarité, d'incertitude, de peur du déclassement, que l'affaire qui vous étreint et vous étouffe, s'installe. Les inégalités, les injustices s'ajoutent à l'indignation.
C'est en ce sens qu'elle est dangereuse pour la démocratie, autant que pour vous-même.
Monsieur le Premier ministre,
Beaucoup, ici, dans cette Assemblée, ressentent avec douleur ce malaise et éprouvent avec lucidité ce besoin de clarification et de transparence.
Chacun constate avec inquiétude les effets de ce délabrement au sommet de l'Etat. Pouvons-nous ainsi attendre 2007 et vivre un an dans un climat irrespirable.
Que ceux qui veulent mettre un terme à la crise votent la censure et accordent leur confiance à la démocratie et au rôle du Parlement.
Que les autres craignent la censure des électeurs. Elle viendra en 2007
source http://www.parti-socialiste.fr, le 17 mai 2006