Interview de M. Jacques Voisin, président de la CFTC à RTL le 25 mai 2006, sur la journée de solidarité pour le lundi de Pentecôte, la contribution versée par les entreprises et l'accès à l'emploi des jeunes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Richard ARZT : Bonjour Jacques Voisin
R- Jacques VOISIN : Bonjour
Q- Alors premièrement, nous sommes le jeudi de l'Ascension. C'est un jour férié, et la CFTC appelle à la grève. Deuxièmement, le 5 juin, c'est le lundi de Pentecôte : ce n'est plus un jour chômé depuis l'an dernier, et la CFTC appelle aussi à la grève. Alors est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi cette même attitude dans les deux cas ?
R- Et bien simplement parce que dans les deux cas il s'agit de l'obligation que l'on fait aux salariés de travailler un jour férié et qui plus est, travail non rémunéré. Donc il y a déjà un problème de fond qui nous est posé, de droit...
Q- ... même pour l'Ascension ?
R- Même pour l'Ascension. Evidemment pour les deux, puisque on a le choix, en fait, entre les jours fériés - quel que soit le jour férié, ça peut être aussi les autres jours fériés. C'est l'Ascension, c'est la Pentecôte, ça peut être le... 1er novembre
Q- ... et c'est comme ça qu'en fait la loi de 2004 a été assouplie
R- Voilà c'est ça ! On a assoupli la loi de 2004 en disant : c'est au choix des entreprises, c'est au choix de la négociation entre les partenaires. Il n'y a pas eu de négociations, en fait. On est toujours dans la situation d'une mesure complètement bâclée sur des vraies, une vraie question qui est posée, c'est celle de la solidarité en direction des personnes âgées.
Q- Oui parce que rappelons-le, en ce qui concerne en tout cas la Pentecôte, le lundi de Pentecôte, cette journée de travail a été instituée pour financer la dépendance des personnes âgées et dépendantes.
R- Et des handicapés, aussi. Alors nous on ne dit pas que les salariés ne sont pas prêts à jouer la solidarité. Encore faut-il que cette solidarité concerne tout le monde. Il n'y a pas de demi solidarité ou solidarité partielle.
Q- Tout le monde, vous voulez dire.
R- ... C'est-à-dire qu'aujourd'hui, ce sont essentiellement les salariés qui sont concernés par cette solidarité. C'est eux qu'on appelle à la solidarité. Toutes les professions qui sont de non salariées : professions libérales, les agriculteurs, ne sont pas appelées à participer à cette solidarité.
Q- Quel souvenir vous a laissé le lundi de Pentecôte de l'an dernier, où ça avait été un petit peu désordonné, disons, notamment dans les transports ?
R- Voilà c'était la plus belle cacophonie. Ca tenait presque de la plaisanterie en fait ! C'est pour ça que nous, nous disons : il faut proposer les choses et c'est un moyen de le faire en disant ceux qui veulent garder leur jour férié, et bien utilisent le préavis de grève que la CFTC a déposé.
Q- Il y aura donc les entreprises et les administrations qui travailleront le lundi de Pentecôte, c'est à dire le 5 juin ; celles qui ne travailleront pas avec une variante, celles qui seront en grève...
R- Oui c'est ça; il y aura un peu tout ça ; et puis il y a celles qui font cadeau du jour férié à leurs salariés. Ca existe aussi, ça.
Q- C'est-à-dire le cadeau, vous voulez dire...
R- C'est-à-dire comme la contribution de l'entreprise c'est 1,03 ...
Q- ... de la masse salariale
R- de la masse salariale, et bien ils font cadeau de ce 1,03 à leurs salariés. En leur disant et bien restez chez vous, c'est un jour férié comme un autre.
Q- Vous ne préconisez pas que la grève puisque vous avez saisi la Cour Européenne des Droits de l'Homme ; vous pensez vraiment qu'elle va annuler cette disposition française ?
R- Nous avons appris cette semaine que la requête de la CFTC avait été retenue par la cour. Donc le premier filtre est passé. Ca veut quand même dire que la cour s'intéresse à la question que nous lui avons posée, c'est-à-dire la question de l'atteinte aux droits, c'est-à-dire d'obligation du travail non rémunéré. Alors évidemment ça fait un peu démago, quoi, quand on dit travail non rémunéré, travail obligatoire, mais on dit dans cette....
Q- ... travail obligatoire effectivement ça fait, c'est un mot qui a servi dans d'autres périodes
R- ... dans d'autres circonstances non rémunéré; et pour le coup on veut éviter qu'on mette le doigt dans l'engrenage.
Q- Vous considérez que c'est une réquisition en fait ?
R- On va pas jusque là quand même mais on dit posons nous vraiment la question et veillons à ce qu'il n'y ait pas atteinte au principe du droit.
Q- On peut quand même remarquer que l'an dernier cette journée travaillée, ce lundi de Pentecôte avait rapporté 2 milliards d'euros , c'est pas rien.
R- C'est pas rien mais de toute façon encore aujourd'hui la contribution sera versée par les entreprises puisque c'est une contribution sur la masse salariale
Q- C'est comme un impôt ?
R- C'est comme un impôt. Et nous effectivement vous posez bien la question. Nous on préfère que les choses soient claires. Qu'on nous dise qu'il faut une contribution qui serait de 0,001, contribution sociale des salariés. Ils sont prêts à faire ça. L'essentiel c'est que tout le monde participe.
Q- A la base c'est quand même une mesure charitable ; en tant que syndicat chrétien, ça vous interpelle ?
R- Mais non justement, nous on dit posons là correctement. La solidarité, on est prêt à jouer la solidarité. Mais dans l'équité. L'équité ça a aussi un sens chez nous et c'est important. La justice a un sens.
Q- La semaine prochaine vous allez rencontrer le MEDEF qui rencontre d'ailleurs l'ensemble des syndicats. La CFTC, quel est le dossier que vous allez mettre en avant dans ces discussions avec le MEDEF ?
R- La CFTC remettra le dossier qu'elle a mis sur la table du MEDEF à Madame Parisot au mois de Septembre; c'est à dire la question de l'accès à l'emploi des jeunes. Nous avons dit à Madame Parisot au mois de Septembre que c'était la question la plus urgente. Et on a bien vu ce qui s'était passé par la suite. Il y a urgence à se reposer cette question là, à regarder comment ensemble, partenaires sociaux , on est capables de mettre en place un vrai dispositif d'accès à l'emploi des jeunes pour faciliter...
Q- ... Est-ce qu'il faudrait ...
R- ... et notamment les plus fragilisés; ceux qui n'ont aucune qualification et aucun diplôme.
Q- ... Assouplir le droit du travail ça reste quelque chose qui est dans l'air après ce qui s'est passé pour le CPE ?
R- L'assouplissement du code du travail, nous on a quand même comme d'autres, d'ailleurs, mais la CFTC a quelques réserves sur la façon dont on aborde les choses. On a entendu parler du contrat de travail unique; nous on est prêt à regarder mais il ne s'agit pas d'avancer sur un contrat de travail unique . Il y a les contrats de travail à regarder. La logique des contrats de travail puisque les dispositions d'accès au travail sont différentes pour les jeunes. On vient d'en parler que pour les autres salariés. Ca c'est la première chose et la deuxième chose : on voit bien que la question qui est posée par le MEDEF c'est la question de la sécurité juridique. Alors que l'on regarde de manière approfondie les conditions de la rupture du contrat de travail, nous on est d'accord mais ça n'est pas pour fragiliser le contrat de travail, pour fragiliser les salariés, le salarié notamment au moment de la rupture du contrat.
Q- Sur la représentation des syndicats, l'idée de Ségolène Royal d'une adhésion obligatoire à un syndicat, ça vous plaît ça ?
R- Non nous ne sommes pas partisans de ça. Nous, nous disons liberté syndicale; ça c'est important. Par contre que les organisations syndicales se soucient des attentes et des besoins des salariés, des services à rendre aux salariés, ça c'est important pour nous.
Q- Nicolas Sarkozy, de son côté, lui, remet en cause le monopole de présentation au premier tour, dans les élections professionnelles de 5 syndicats dont la CFTC ; il faut remettre ça en cause ?
R- Ne jouons pas l'apprenti sorcier. En fait et l'atomisation des syndicats et les conséquences que ça peut avoir. Tout et n'importe quoi.
Q- Il y a un rapport qui vient d'être déposé ; un rapport Hadas-Lebel sur le bureau du premier ministre dont vous allez sans doute être consulté dessus...
R- ... absolument
Q- .... il va dans la bonne direction , lui ; il essaye de revoir justement les règles de représentativité.
R- Je pense que le rapport Hadas-Lebel pour nous, pose de bonnes questions qui doit ouvrir au dialogue, à la négociation notamment avec le MEDEF , avec les partenaires sociaux. Je crois que la question de l'audience est une des questions posées pour la représentativité des organisations syndicales, pour la légitimité des accords contractuels. Ca ce sont des vraies questions qui sont posées. Et nous sommes prêts à les aborder. Le tout c'est de savoir comment on mesure ce critère d'audience. Il y a une élection nationale qui nous paraît intéressante pour ce faire, c'est les élections prud'hommales ; c'est le moment où on peut mesurer la représentativité, l'audience plutôt; ne confondons pas l'audience de l'organisation syndicale. Allons vers ça et regardons effectivement entre partenaires sociaux comment on renforce la légitimité de la politique contractuelle et des accords négociés.
Merci Jacques Voisin. Je rappelle que vous êtes le président de la CFTC, Confédération française des travailleurs chrétiens. Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 29 mai 2006