Déclarations de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la coopération franco-allemande, l'apprentissage des langues vivantes à l'école, notamment l'allemand et le manuel scolaire d'histoire franco-allemand, Paris le 11 mai 2006.

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Circonstance : Rencontre entre les recteurs d'académie et les ministres de l'éducation des Länder à Paris le 11 mai 2006

Texte intégral

Discours d'ouverture
Monsieur le plénipotentiaire, cher Peter,
Monsieur l'ambassadeur,
Monsieur le ministre, vice-président de la KMK,
Messieurs les secrétaires d'état,
Monsieur le président de la Région Alsace,
Monsieur le préfet du Bas-Rhin,
Mesdames et Messieurs les recteurs,
Mesdames et Messieurs les inspecteurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux, cher Peter Müller, de vous retrouver une semaine après avoir pu avec vous, à Péronne, fêter la sortie de la version française, pour les enseignants, du premier volume du manuel d'histoire franco-allemand. Nous avons eu l'occasion, à Péronne, de souligner la portée considérable de cet événement à la fois sur le plan pédagogique et politique. Nous avons pu également saluer le travail remarquable effectué par les historiens, par les éditeurs, par les auteurs. Je sais que les recteurs d'académie ont à coeur de faire connaître cet ouvrage par tout moyen.
Je suis très heureux également qu'après le report de la rencontre du 3 février dernier, nous ayons pu convenir de cette nouvelle date pour nous retrouver. Signe que, dans le domaine de la coopération franco-allemande, on a de la suite dans les idées.
A mes yeux, cette journée est importante parce qu'elle est une journée carrefour qui se situe au croisement de trois lignes de force.
La première ligne de force, c'est celle de la politique de r énovation de l'apprentissage des langues vivantes dans laquelle mon ministère s'est engagé avec conviction et dont je voudrais souligner brièvement l'enjeu et le cadre.
L'enjeu, c'est évidemment une meilleure insertion professionnelle, culturelle, humaine, des jeunes dans le monde d'aujourd'hui, dans l'Europe de demain. Dans une Europe multilingue, le plurilinguisme est une nécessité, il est donc un objectif prioritaire.
Le cadre de cette transformation,
- c'est d'abord une nouvelle approche de l'apprentissage des langues, fondée sur l'oral ; d'où notre volonté de dédoubler les effectifs des classes de langue, dès cette année, en classe terminale ;
- c'est ensuite un enseignement plus précoce : notre objectif est que tous les élèves apprennent une langue vivante dès le CE1 à partir de la rentrée 2007 ;
- c'est également la reconnaissance des compétences selon le cadre européen commun pour les langues, qui permet une comparabilité et une transparence des compétences en Europe ; cette possibilité est offerte pour l'allemand dès cette année scolaire ;
- le cadre, c'est aussi la formation des enseignants : depuis cette année, les candidats aux concours de recrutement de professeur des écoles ont à passer une épreuve orale de langue vivante ;
- c'est enfin, l'affirmation que les langues font partie intégrante du socle de connaissances et de compétences que tout élève devra posséder en fin de scolarité obligatoire : lire, écrire, compter - mais aussi parler une langue étrangère.
La deuxième ligne de force, c'est, naturellement celle de notre coopération éducative avec l'Allemagne en faveur d'une meilleure connaissance de la langue et de la culture de notre voisin et ami, et premier partenaire économique.
Depuis 15 ans les chiffres de l'apprentissage de l'allemand en France étaient en recul. Nous avons voulu redresser la barre en décidant d'un plan stratégique en faveur de la langue du partenaire lors du conseil des ministres franco-allemand du 26 octobre 2004.
Je suis très heureux de constater que, 18 mois après, la situation s'est déjà très nettement améliorée.
On observe en effet en France une double progression extrêmement encourageante :
- en 2 ans, depuis 2003, le nombre d'élèves apprenant l'allemand à l'école primaire a augmenté de près de 15% ;
- et à la rentrée 2005, on constate une augmentation de 7% des élèves qui ont choisi l'allemand en classe de 6 ème .
Cette progression au collège repose d'ailleurs sur un dispositif très intéressant qui est celui des « 6 èmes bilangues » permettant d'apprendre à parité deux langues vivantes. Le nombre de ces classes où l'on apprend à la fois l'anglais et l'allemand a progressé de 43% entre 2004 et 2005. Ce dispositif doit incontestablement être encouragé partout où c'est possible, car il permet de répondre à une demande qui, on le voit bien, est prête à s'exprimer si on lui en donne l'occasion.
Ces progrès que nous observons au primaire et en 6 ème n'ont aucune raison de ne pas se confirmer dans les classes suivantes, faisant ainsi retrouver à l'allemand la place que le bon sens exige que nous lui redonnions. Il y a donc bien là une vraie raison d'espérer.
En dehors des 6 èmes bilangues, d'autres dispositifs existent, notamment tous ceux qui visent à encourager l'inscription de l'international au coeur de nos systèmes éducatifs.
Je pense notamment à cette certification d'allemand, conforme au cadre européen de référence dont je parlais tout à l'heure. Nos élèves de 2 nde et de 3 ème passent depuis jeudi les épreuves orales de cette certification qui leur permettra de voir reconnues leurs compétences et récompensés leurs efforts.
Pour cette certification, je le rappelle, nous avons fait entièrement confiance à nos partenaires allemands, la KMK et le Goethe Institut, avec qui nous avons signé une convention de partenariat. Je suis très heureux d'ailleurs de constater, que dans un esprit de réciprocité, la certification délivrée par le CIEP - le DELF scolaire- connaît un succès croissant en Allemagne.
Je pense aussi et surtout, aujourd'hui, à l' AbiBac.
Je me félicite en effet que nous puissions signer tout à l'heure, à la fin de cette matinée, le nouvel arrangement administratif qui modernise ce dispositif sur la base du principe de confiance.
C'est ainsi qu'à partir de la session 2008, les épreuves écrites ne feront plus l'objet d'une double correction. Les notes attribuées en France seront ensuite, sous la responsabilité des autorités nationales, prises en compte pour la délivrance de l'Abitur - et réciproquement.
Ce nouveau texte favorisera également une harmonisation et une adaptation des programmes. Ceux d'histoire trouveront naturellement dans le manuel d'histoire franco-allemand une base particulièrement adaptée.
Je disais en commençant que trois lignes de force se rejoignent aujourd'hui.
Après la rénovation de l'apprentissage des langues et le partenariat éducatif avec l'Allemagne, la troisième ligne de force, c'est précisément celle de cette coopération décentralisée qui nous rassemble ici et qui, tissant des liens entre les académies et les Länder, dessine le cadre dans lequel les projets communs peuvent trouver leur pleine réalisation.
Les partenariats sont d'ores et déjà nombreux, qu'ils s'agissent de conventions ou de relations privilégiées. Mais ils doivent être encouragés, structurés et développés. Et si, à l'issue de notre rencontre, quelques couples nouveaux se forment - ou projettent de se former- nous pourrons considérer qu'un résultat très positif aura été atteint. Car c'est au sein de ces partenariats que la coopération éducative franco-allemande peut devenir et rester un véritable laboratoire de la mobilité en Europe : voilà ce que nous pouvons souhaiter de nos entretiens d'aujourd'hui.
En terminant, je n'oublie pas que cette rencontre n'aurait pas été possible sans le concours et l'accueil de tous ceux qui l'ont préparée,
Je tiens à remercier très chaleureusement M. Adrien Zeller, président de la Région Alsace, de nous accueillir dans des conditions vraiment exceptionnelles qui contribueront assurément au succès de cette journée.
Je remercie également M. Gérald Chaix, recteur de l'académie de Strasbourg, et tous ses collaborateurs, pour la qualité de la préparation et de l'organisation de cet événement.
Je remercie naturellement aussi mon collègue et ami Peter Müller pour l'ardeur de son engagement en faveur du français en Allemagne, tant il est vrai que la réciprocité est ici gage du succès.
Je remercie enfin tous les participants et nous souhaite une excellente journée de travail et d'échanges.
Source http://www.education.gouv.fr, le 19 mai 2006Mot de conclusion
J'ai écouté avec un très vif intérêt tout ce qui a été dit au cours de ces débats très riches qui illustrent parfaitement la vitalité de notre coopération, l'inventivité de nos projets, mais aussi l'importance des contacts directs et personnels comme ceux que nous avons pu nouer aujourd'hui.
1. Le premier point que je voudrais souligner, c'est que l'action volontariste dans laquelle nous nous sommes engagés depuis deux ans a commencé de porter ses fruits, et que c'est pour nous tous un formidable encouragement.
- Je pense d'abord, bien sûr, au manuel d'histoire franco-allemand, aboutissement d'un processus complexe de rapprochement : non pas tant entre les conceptions historiques qu'entre des approches pédagogiques et didactiques assez différentes entre nos deux pays. Si les Français et les Allemands écrivent l'histoire de façon somme toute assez semblable (les universitaires des deux pays y travaillent ensemble depuis des décennies), ils ne l'enseignent pas nécessairement de la même manière.
Avec ce manuel, ce sera désormais possible : tous les élèves qui le souhaiteront, dans les deux pays, étudieront l'histoire dans le même ouvrage.
Je salue à nouveau le travail et l'engagement de tous ceux qui ont contribué à ce projet novateur, véritable première mondiale.
- Nous avons constaté aussi, dans le domaine de la langue, des résultats très positifs. Comme le titrait le dernier numéro du magazine Paris-Berlin : « l'allemand remonte la pente », et je suis heureux de voir que cette formule s'applique aussi à la situation du français en Allemagne.
Cette « remontée » s'appuie sur un travail de fond, sur un travail d'information, sur le travail des enseignants et des associations de spécialistes. Elle repose aussi sur l'action des institutions et des organismes franco-allemands. La simplification de l'Abibac que nous allons signer dans un instant et l'introduction de la certification d'allemand en France sont, pour moi, emblématiques de cette action : reposant sur la confiance mutuelle, ces deux mesures sont, si je peux dire, « tout bénéfice » pour les élèves. Elles joueront ainsi pleinement un rôle moteur pour la promotion de la langue du partenaire.
- Il y a enfin tout ce qui se fait au sein des partenariats entre académies et Länder. Les interventions des trois tandems l'ont bien montré : il s'agit d'adapter les dispositifs aux réalités locales, de leur donner du contenu en fonction des besoins constatés, et même d'inventer de nouvelles façons de coopérer.
J'ai été très sensible à la richesse et à la variété des initiatives prises dans ce domaine notamment en faveur de la mobilité des jeunes et de la formation des enseignants.
2. Si le tableau est très encourageant, il nous faut pourtant aller de l'avant et poursuivre notre action. Reprenant les trois grands chantiers que je viens d'évoquer, je soulignerai donc les attentes qu'ils suscitent et les approfondissements qu'ils appellent.
- Le manuel d'histoire d'abord : cette aventure enthousiasmante doit se poursuivre. Après le volume pour les classes terminales, nous attendons les deux volumes suivants, pour les classes de 1 ère et de 2 nde, avec la même impatience que le premier. Je suis sûr que ce premier volume recueillera le succès et la diffusion qu'il mérite, et qu'il préparera le terrain aux deux autres. Je suis certain, cher Peter Müller, que vous partagez mon impatience.
- Les partenariats régionaux, ensuite : il s'agit incontestablement d'une voie d'avenir, en particulier lorsque ces partenariats font jouer les synergies avec les collectivités locales, comme l'exemple alsacien l'a bien montré. J'ai envie de dire : ce que certaines académies font avec certains Länder, d'autres académies peuvent et doivent le faire aussi. Car c'est bien au sein de ces relations régionales, plus proches du terrain et des réalités locales, que les mesures prises au plan national vivront concrètement et réellement.
- Quant aux mesures pour la langue du partenaire, elles s'inscrivent dans un projet pluriannuel. Il nous faut donc continuer de convaincre les élèves et les familles de l'intérêt de cet apprentissage, et de développer les dispositifs dont l'expérience prouve qu'ils sont le mieux à même de répondre à la demande de diversité linguistique en général et d'allemand en particulier.
Deux exemples d'action à poursuivre :
- il est impératif, d'abord, que chaque académie permette aux élèves qui le souhaitent, dès l'année prochaine, de s'inscrire dans un établissement Abibac ;
- quant aux 6 èmes bilangues, enfin, dont nous avons vu la grande efficacité, je souhaite qu'elles puissent s'implanter très largement sur tout le territoire.
C'est sur ce double message de satisfaction face aux résultats obtenus et d'invitation à la persévérance dans l'action que je voudrais conclure, en remerciant tous les intervenants pour leur précieuse contribution à cette rencontre.
Je tiens aussi à remercier à nouveau, au nom de tous les participants, Adrien Zeller pour son accueil cordial et Gérald Chaix pour la parfaite organisation de cette journée.
Je remercie enfin tous nos partenaires allemands, et en particulier, bien sûr, M. Jürgen Schreier, ministre de l'éducation du Land de Sarre et vice-président de la KMK, et vous-même, cher Peter Müller, en me réjouissant de vous retrouver le 10 juillet prochain, à Sarrebruck, pour la parution de la version allemande du premier volume du manuel d'histoire franco-allemand.
Source http://www.education.gouv.fr, le 19 mai 2006