Texte intégral
Q - Les entreprises françaises à l'étranger emploient de très nombreux salariés. Cette chance économique pourrait être également une chance pour la promotion de notre langue. Or, ce n'est pas le cas. Lors du débat budgétaire pour 2006, j'ai déposé un amendement visant à permettre à nos entreprises qui financent un enseignement du français ouvert aux salariés non francophones de leur filiale ou de leurs succursales étrangères de couvrir cette charge. À cet effet, je suggérais de leur attribuer un crédit d'impôt égal à 90 % des frais engagés, ces frais étant évidemment plafonnés. Cet amendement n'a pas été adopté, mais le débat n'est pas clos. Dans les implantations étrangères hors des pays membres de la Francophonie, peu de salariés d'entreprises françaises connaissent spontanément le français et l'on ne pourrait avoir une telle exigence sans les pénaliser. Localement, on se limite donc à pousser les salariés non francophones à renforcer leur connaissance de l'anglais, conçue comme une langue de communication intra groupe, ou bien à leur apprendre cette langue. L'apprentissage du français est, quant à lui, assimilé à une dépense sans contrepartie, ce qui nuit, bien entendu, à la diffusion de notre langue. Comment vaincre cette réticence ? Je propose d'assumer en France le coût de l'enseignement du français.
Pour que la maison mère le prenne en charge, je vous propose de lui accorder ce crédit d'impôt. Les salariés non francophones se verraient ainsi offrir un enseignement gratuit pour eux et leur employeur. Si les autorités publiques concourent à financer raisonnablement l'enseignement du français aux fonctionnaires des nouveaux Etats membres de l'Union européenne, pourquoi ne pas faire de même pour les entreprises privées ? Au lieu de nous lamenter sur l'inéluctable délocalisation des entreprises, tentons d'en faire un atout pour la diffusion de notre langue. Les bonnes volontés ne manquent pas : donnons-leur un instrument simple. Le levier fiscal est le plus séduisant.
R - Monsieur le Président,
Monsieur le Député,
Mme Brigitte Girardin vous prie de l'excuser, elle est actuellement en déplacement en Guinée.
Dans le cadre du projet de loi de finances 2006, vous aviez proposé, Monsieur le Député, un crédit d'impôts pour encourager les entreprises françaises à organiser, dans leurs filiales à l'étranger, des formations en français au bénéfice des cadres locaux. Cette mesure n'a pas été adoptée, vous venez de le rappeler.
Néanmoins, et comme vous le soulignez très justement, le développement des entreprises françaises à l'étranger doit accompagner la promotion de notre langue. Francophonie et francophilie peuvent permettre la création de nouveaux marchés et de nouveaux débouchés pour les produits français.
C'est pourquoi le ministère des Affaires étrangères a lancé en avril de cette année l'initiative "OUI, je parle français" en partenariat avec l'Alliance française, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris et le Forum francophone des affaires, pour favoriser une meilleure connaissance de nos actions hors de France et recueillir l'expression des attentes du secteur privé.
Parce que cette question est de première importance, le ministère des Affaires étrangères a donc au préalable mené une enquête entre février et avril 2006 auprès de 78 filiales d'entreprises françaises implantées dans 33 pays. Il en résulte que 99 % des filiales interrogées pensent que les entreprises ont un rôle à jouer dans le rayonnement de la France. 59 % de ces filiales ont d'ailleurs déjà participé à un projet culturel, en partenariat avec les services de l'ambassade de France.
L'enquête révèle aussi que pour 41 % des filiales interrogées, la connaissance du français entre en ligne de compte lors du recrutement des salariés locaux. Elle est même une condition expresse du recrutement des cadres dans 24 % des cas. Au total, la connaissance du français entre donc en ligne de compte lors du recrutement dans 65 % des filiales interrogées.
La filiale de PSA en Slovaquie est un bon exemple de cette préoccupation puisque l'apprentissage du français y est l'une des conditions d'embauche. J'ai pu d'ailleurs le vérifier. PSA offre donc des cours intensifs à ses salariés. L'année dernière, l'Institut français de Bratislava a ainsi formé plus de 800 personnes.
L'emploi du français en interne au sein de la filiale est un sujet qui tient à coeur à 69 % des directeurs de filiales interrogés à titre personnel. Seules 36 % des filiales utilisent cependant le français comme l'une des langues de travail en interne et la tendance est à l'utilisation conjointe du français et de l'anglais afin de ne pas exclure les cadres locaux non francophones.
Quand le siège du groupe est français, la maîtrise de la langue française représente "un plus" pour les cadres de la filiale en termes d'évolution de carrière. Au total, la pratique du français influe donc sur la mobilité des salariés locaux dans 72 % des filiales.
55 % des filiales interrogées proposent des cours en français à leur personnel. C'est un chiffre intéressant. 40 % d'entre elles sont impliquées dans le financement d'une formation francophone ou d'une école mise en place par des instances éducatives françaises. Nombreux sont les groupes conscients de l'importance de l'apprentissage mais aussi de l'usage du français comme vecteur de formation et de fidélisation des personnels autour d'une culture partagée.
Le ministère des Affaires étrangères partage donc votre conviction que l'approche des enjeux de la formation linguistique et professionnelle doit être renforcée et peut-être même renouvelée.
Parmi les suites qui seront données à cette initiative pour encourager les entreprises françaises installées à l'étranger à offrir à leurs salariés locaux non francophones la possibilité d'apprendre le français, figurent notamment :
- la diffusion des bonnes pratiques relevées parmi les filiales à l'étranger des entreprises françaises ;
- la mise au point d'offres de formations en français destinées au personnel de ces entreprises ;
- le développement d'approches incitatives pour encourager la francophonie dans le fonctionnement interne des entreprises par la formation au français de leurs salariés recrutés locaux.
Si vous le permettez, Monsieur le Député, j'invite les parlementaires qui le souhaitent à parrainer l'initiative "OUI, je parle français" qui est également ouverte aux personnalités élues ou issues de la société civile.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 juin 2006