Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les relations entre le gouvernement et l'UNAPEL, le socle commun de connaissances et l'insertion professionnelle des élèves, Nantes le 21 mai 2006.

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Circonstance : XIVème Congrès de l'UNAPEL à Nantes du 19 au 21 mai 2006

Texte intégral

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député (Serge Poignant),
Madame la Sénatrice (Gisèle Gautier),
Monsieur le Président du Conseil général,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monseigneur l'Archevêque,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Secrétaire général de l'enseignement catholique (Paul Malartre),
Madame la Présidente (Véronique Gass),
Monsieur le Président Raffin,
Mesdames et Messieurs,
Quand le président Raffin m'a proposé d'intervenir lors de cette séance plénière de clôture, j'ai accepté sans hésiter.
Car, comme ministre de l'éducation nationale, j'ai la charge de veiller à l'avenir de tous les enfants de ce pays, qu'ils soient scolarisés dans l'enseignement public ou dans l'enseignement privé qui est associé à l'Etat par contrat.
Aujourd'hui, l'enseignement privé sous contrat s'inscrit pleinement dans le paysage éducatif français, conformément à la liberté de l'enseignement - cette liberté qui est reconnue comme une partie intégrante des principes fondamentaux de la République.
Je me félicite que ces derniers mois nous ayons pu travailler tous ensemble dans un esprit de concertation.
Car l'enseignement public et l'enseignement privé sous contrat ne suivent pas des routes opposées. Ils ont un but identique : donner à nos enfants une éducation qui fasse d'eux des citoyens libres et éclairés !
C'est en gardant les yeux fixés sur cet objectif commun que nous avons pu travailler ensemble avec profit, et que nous continuerons de le faire, j'en suis sûr !
Je profite de l'occasion pour saluer chaleureusement, au terme de ses quatre ans de mandat, le président Eric Raffin.
La confiance et l'estime mutuelle ont toujours présidé à nos relations de travail.
En ces occasions, j'ai pu apprécier vos qualités professionnelles mais aussi humaines. Je crois pouvoir témoigner de votre dévouement et de votre engagement au service de votre fédération.
Je salue également votre successeur à la présidence de l'UNAPEL, Mme Véronique Gass. Je souhaite, Madame la présidente, que nous poursuivions l'oeuvre commencée et le dialogue constructif qui s'est noué entre le ministère et les responsables de votre grande fédération.
Je suis heureux des avancées qui ont été faites, notamment dans le domaine des retraites des maîtres - je sais combien vous y êtes attachés. Les derniers décrets d'application paraîtront dans le mois qui vient.
Nous sommes aussi parvenus à maintenir le dialogue sur la mise en oeuvre de l'article 89 de la loi sur les libertés et responsabilité locales. Cela montre, là encore, les vertus de la concertation.
Mesdames et Messieurs, les « attentes éducatives » et les « projets d'établissement » ont été au programme de vos discussions, tout au long des deux jours qu'a duré votre congrès.
Pour ma part, je voudrais m'arrêter sur les attentes éducatives des parents envers l'école.
Il me semble qu'on peut en distinguer quatre :
. d'abord, la définition d'un programme d'instruction clair ;
. puis, la mise en oeuvre de méthodes éducatives efficaces ;
. ensuite, la personnalisation de l'enseignement ;
. et enfin, l'amélioration de l'insertion professionnelle.
1. Première attente des parents : la diffusion d'objectifs pédagogiques clairs
Les enfants sont notre bien le plus précieux, et il est normal que les parents attendent beaucoup de l'école à laquelle ils les confient.
Et la première de ces attentes concerne bien évidemment le coeur de l'école : l'instruction.
Car la mission essentielle de l'école, c'est bien de transmettre des connaissances aux enfants.
Il est donc tout à fait légitime que les parents s'intéressent au contenu des programmes.
Mais à cause des aléas de l'histoire, de l'empilement parfois désordonné des réformes, le système éducatif français en est arrivé à une situation à vrai dire assez étrange. Il est incapable de dire aux parents : voilà ce que vont apprendre vos enfants, voilà ce qu'ils sauront quand ils auront quitté les bancs de l'école !
Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante. C'est pourquoi nous mettons en place le socle commun de connaissances et de compétences, dont vous avez certainement parlé lors de ce congrès.
Ce socle est en quelque sorte la description du bagage que tout élève devra posséder à sa sortie du système éducatif. Nous l'envisageons comme un tremplin pour accéder à une plus grande qualification ; c'est la première étape d'une formation tout au long de la vie.
Ce n'est pas une réformette, ni un travail de cosmétique administrative. C'est vraiment une révolution ! Et c'est un objectif que nous partageons avec nos partenaires européens.
Car, pour la première fois depuis Jules Ferry, la Nation va enfin dire clairement ce que doivent apprendre nos enfants.
Ce qui veut dire : les parents vont le savoir !
Car je veux que le socle commun donne à tous les parents des indications très nettes sur le contenu des enseignements.
Et c'est pourquoi le socle n'est pas rédigé dans un sabir technocratique ! Il est écrit dans une langue accessible à tous.
Le socle est donc clair, mais il est aussi complet : tous les savoirs et toutes les compétences nécessaires sont passés en revue et détaillés.
Il est aussi moderne, car il intègre les connaissances utiles en informatique notamment.
Il est enfin ambitieux, et il suffit de le lire pour s'en rendre compte. Je dirais volontiers qu'il est exigeant, tout en restant réaliste.
En fait, il est doublement exigeant.
Envers les élèves, naturellement. N'avoir aucune exigence envers eux, ce serait en réalité n'avoir aucune ambition pour eux ! Et seuls ceux qui n'ont plus aucune ambition pour l'école peuvent n'avoir aucune exigence pour les élèves.
Mais il est aussi exigeant pour l'éducation nationale .
C'est une façon pour le système éducatif de s' engager sur des objectifs clairement affichés.
Et c'est pourquoi nous ferons un effort supplémentaire pour mieux évaluer les élèves, en CE1 et en CM2, et voir où ils en sont.
Vous voyez, le socle est loin des caricatures que l'on en fait parfois, et je vous invite à juger par vous-mêmes de sa clarté et de son ambition.
Car mon rêve serait que ce socle devienne une référence pour les parents, les élèves et les enseignants. Bref, la base d'une véritable culture commune, scientifique, humaniste et civique.
2. Deuxième attente des parents : la mise en oeuvre des meilleures méthodes éducatives
Les parents ont des attentes en termes de contenu , je viens de le dire, mais aussi en termes de méthode .
Car, bien entendu, il ne suffit pas de dire ce que l'école va enseigner. Encore faut-il savoir comment elle va le faire !
Et je crois que les parents sont en droit d'attendre que l'école mette en oeuvre les méthodes d'apprentissage les plus efficaces.
C'est une exigence de bon sens, une question nullement idéologique, mais pragmatique .
Eh bien, c'est très exactement ce que j'ai voulu faire avec la circulaire du 3 janvier dernier sur la lecture, qui proscrit l'usage des méthodes globales ou semi-globales au profit des méthodes qui proposent un entraînement systématique à la relation entre les lettres et les sons, ou si l'on préfère, entre graphèmes et phonèmes.
J'ai demandé aux recteurs de veiller à ce que dans toutes les académies cette circulaire soit effectivement appliquée dès la prochaine rentrée.
Qu'on me comprenne bien : si je prône une telle méthode, ce n'est pas parce que je serais un nostalgique de l'école d'antan !
Ce n'est pas vers le passé que je me suis tourné pour prendre cette décision, mais tout au contraire vers les recherches les plus récentes sur les mécanismes d'apprentissage de la lecture. Et les résultats de ces recherches disent tous que la méthode associant les lettres et les sons est la plus efficace.
Le dire, ce n'est pas énoncer une opinion, ni un préjugé, mais tout simplement une vérité de fait !
Et j'estime que l'école doit à ses élèves, et aussi aux parents d'être la plus efficace possible.
Car l'école, qu'elle soit privée ou publique, est toujours financée par les parents !
Mettre en oeuvre les meilleures méthodes à l'école, c'est donc aussi adopter une attitude responsable vis-à-vis des deniers publics !
3. Troisième attente des parents : la personnalisation de l'enseignement
Concernant les attentes des parents, je voudrais aussi revenir sur les résultats du sondage qui a été commandé par votre fédération, et pour lequel ont été interrogés des parents d'élèves de l'enseignement public et privé.
Je crois en effet que ce sondage est riche d'enseignements.
Il montre que les parents attendent de l'école non seulement des contenus et des méthodes, mais encore qu'elle prenne en compte la personnalité des enfants : 40% des parents interrogés pensent que l'école ne le fait pas assez.
Ce résultat en recoupe un autre, puisque 44% des parents interrogés pensent que l'école n'apporte pas aux élèves un suivi suffisamment individualisé. Ainsi les parents veulent une école qui considère leur enfant comme un être doté d'une personnalité spécifique, de capacités propres, pour lesquelles il faut concevoir des contenus éducatifs adaptés.
Eh bien, c'est précisément l'un de nos objectifs : d'abord faire en sorte que les contenus éducatifs touchent l'élève le plus directement possible.
Cela implique que l'enseignant puisse consacrer davantage de temps à chacun.
Nous avons donc allégé les classes de terminale pour l'apprentissage des langues étrangères , et en particulier celui de l'expression orale. Car, comme vous le savez, les Français ont beaucoup de progrès à faire.
Nous agissons aussi pour faire en sorte que les élèves bénéficient d'un suivi individualisé , et notamment les élèves qui éprouvent des difficultés.
Nous commençons d'abord par agir sur deux niveaux déterminants : le CE1, moment de consolidation des acquis du CP, notamment la lecture, et la sixième, qui marque le passage dans l'enseignement secondaire.
Et puis, pour chacun de ces niveaux, nous nous efforçons de trouver une réponse aux difficultés propres à chaque élève.
Tel est l'objet de ce que nous appelons les « programmes personnalisés de réussite éducative », qui sont expérimentés depuis la rentrée dernière et que nous allons généraliser à la rentrée 2006.
La prise en compte de l'individualité de l'élève passe donc par une personnalisation des enseignements. Et nous y travaillons !
Elle passe aussi par la stimulation de l'autonomie et de la capacité d'initiative.
Car l'élève ne doit pas se borner à s'imprégner de contenus. Il doit encore se les approprier, savoir les utiliser à bon escient et en toutes circonstances !
Et c'est pourquoi le 7 e pilier du socle commun comprend tout un ensemble de compétences qui relèvent de l'autonomie et de la capacité d'initiative.
Ce qui signifie, concrètement, que l'école aura la charge de donner à l'élève l'occasion de s'engager dans des projets . Et par ce mot, je n'entends pas simplement des travaux de recherches documentaires, où il s'agit uniquement de collecter l'information !
Un vrai projet suppose que l'élève s'engage effectivement dans une démarche personnelle ou collective, où seront valorisés son esprit d'initiative, son engagement, sa capacité d'invention. Les domaines peuvent être multiples : artistique, social, sportif, etc.
Et naturellement, ces projets doivent être validés par les établissements.
L'essentiel, c'est que l'élève prenne conscience de ses forces, se responsabilise, et enfin acquière confiance en lui-même .
Vous voyez, tout cela excède largement l'apprentissage de contenus. Car l'élève n'est pas seulement comme on l'a écrit parfois un « apprenant » !
A ce mot, assez peu heureux, je préfère celui d' élève , justement parce qu'il comporte l'idée d'une élévation , d'un progrès non seulement intellectuel, mais aussi personnel et moral .
Pour y parvenir, je crois qu'il faut donner à l'élève tout à la fois des libertés, des savoirs et des règles. Ces trois notions sont intimement liées.
Car l'école doit évidemment permettre à chacun d'exprimer sa personnalité, ses potentialités propres, pour faire en sorte que chaque élève s'épanouisse au mieux de ses compétences, et trouve sa voie ! En ce sens, l'école doit apprendre à être autonome, c'est-à-dire à être libre !
Mais pour s'exprimer au mieux, encore faut-il en avoir les moyens ! Que peut-on dire de soi quand on ne sait pas bien écrire ! Il faut donc associer la liberté au savoir , qui seul permet d'enrichir les modalités d'expression.
Il faut aussi des règles , car on ne devient pas soi-même tout seul : on le devient grâce aux autres, et au milieu d'eux. Et c'est pourquoi le 6 e pilier du socle commun détaille les compétences sociales et civiques que doivent posséder tous les élèves.
Car jamais un élève ne pourra se développer harmonieusement s'il ne maîtrise pas les règles de la société où il vit, ou s'il les perçoit comme une entrave à sa liberté, alors qu'elles en sont la condition.
C'est aussi pourquoi j'ai voulu instaurer une note de vie scolaire au collège . Elle sera mise en place à la rentrée prochaine et prise en compte dans les notes du diplôme national du brevet dès la session 2007.
Des libertés, des savoirs, des règles : acquérir tout cela suppose du temps, et du travail .
Dire cela n'est pas méconnaître ou brimer l'épanouissement des élèves. C'est tout simplement exprimer la vérité.
Et il nous appartient de le faire. Car si nous ne donnons pas aux élèves ce modèle de développement personnel, où vont-ils en trouver un ?
Eh bien, ils risquent fort alors de le trouver dans le spectacle des succès faciles qu'on leur donne en image !
Si l'on n'explique pas aux élèves la valeur du travail et de l'effort, si on ne les encourage pas dans cette voie, alors il n'auront plus devant eux que le mirage des réussites d'un jour !
Et alors toute exigence, toute discipline, toute règle sera vécue comme insupportable, ou absurde.
Et donc l'insertion sociale ou professionnelle sera gravement compromise.
4. Quatrième attente des parents : l'amélioration de l'insertion professionnelle
J'en viens justement pour finir à l'insertion professionnelle.
Selon le sondage que vous avez commandé, 46% des parents d'élèves pensent que l'école prépare insuffisamment à la vie professionnelle.
Eh bien, je peux vous dire que l'insertion professionnelle des jeunes fait partie de mes priorités !
Car l'ambition de l'école et de l'enseignement en général ne peut se limiter à l'acquisition des connaissances.
Aurions-nous vraiment rendu service à nos enfants en leur donnant une formation ne débouchant sur aucun emploi ?
Je crois qu'au contraire, ils penseraient alors qu'on leur aurait demandé beaucoup d'efforts en vain, que cela aurait été un marché de dupes.
L'insertion professionnelle n'est évidemment pas le seul but. J'ai dit à l'instant que l'apprentissage des connaissances, la culture, le développement de la personnalité étaient tout aussi nécessaires.
Mais l'éducation forme un tout . Elle doit aussi préparer à la vie sociale, et donc professionnelle. Nous avons donc le devoir de nous saisir de cette question.
Et nous y travaillons !
D'abord, nous avons mis en place l' apprentissage junior . Il s'agit de permettre aux jeunes qui le souhaitent, et qui ne se retrouvent pas dans les formes traditionnelles d'enseignement, de s'engager dès l'âge de 14 ans sur une voie qui les conduira à une qualification professionnelle. Car, rappelons-le, l'apprentissage est une excellente voie d'insertion dans l'emploi !
Ensuite, nous réfl??chissons aux moyens d'améliorer l'insertion professionnelle des étudiants . Car beaucoup d'étudiants sortant de l'enseignement supérieur sont durement frappés par le chômage. Ils s'inquiètent pour leur avenir, et doutent de la valeur de leurs diplômes.
Et plus grave : ils doutent d'eux-mêmes.
C'est pourquoi le Premier Ministre a lancé le Débat national université-emploi , qui doit déboucher sur des propositions concrètes pour faire en sorte que les formations supérieures soient vraiment des tremplins vers l'emploi.
D'ores et déjà, nous créons près de 200 nouvelles licences professionnelles pour la rentrée 2006, et je suis sûr que d'autres mesures innovantes seront proposées.
Enfin, François Goulard et moi-même nous venons de mettre en place un outil internet innovant : le portail étudiant. Il permettra aux jeunes bacheliers, dès le bac 2006, de mieux s'informer sur les filières et les débouchés, et donc de mieux réussir leurs études. Car une mauvaise orientation peut se révéler désastreuse pour l'insertion professionnelle.
Mesdames et Messieurs,
Vous pouvez le constater, nous sommes plus que jamais attentifs aux attentes des parents.
Nous leur donnons les moyens de savoir exactement ce que sauront leurs enfants à la sortie de l'école.
Nous mettons en oeuvre les méthodes les plus efficaces.
Nous sommes attentifs à la personnalisation de l'enseignement donné à leurs enfants.
Et enfin, nous faisons un effort sans précédent pour leur insertion professionnelle.
Mais l'école ne peut pas tout faire toute seule. La présence de parents attentifs, et impliqués dans l'éducation de leurs enfants est naturellement un élément fondamental.
Mesdames et Messieurs, l'éducation des enfants est donc, plus que jamais, notre tâche commune !
Je vous remercie.
Source http://www.education.gouv.fr, le 24 mai 2006