Texte intégral
Monsieur le ministre,
Madame la rectrice
Monsieur le directeur de l'IUT,
Messieurs les présidents d'université
Mesdames, Messieurs,
D'abord, permettez-moi de vous dire le plaisir que j'ai d'être avec vous aujourd'hui, dans cet IUT de Chartres qui témoigne bien de la réussite des instituts technologiques universitaires, et ce 40 ans après leur création. C'est un exemple de l'ambition que nous devons avoir pour notre enseignement supérieur, et vous avez dit, monsieur le président, à quel point cette ambition se concrétisait, dès la sortie de l'école, par une entrée facile dans la vie active, puisque bien préparée.
Merci Madame la Rectrice d'avoir organisé, dans toutes l'Académie d'Orléans-Tours, les ateliers et les séminaires qui viendront nourrir ce débat "Université-Emploi".
Je suis heureux également que les travaux de la commission du débat Université-Emploi, voulu par le Président de la République, aient bien démarré et qu'ils se déroulent dans un climat partout apaisé, et en même temps lucide et constructif, c'est ce que nous avons souhaité.
1. Nous l'avons tous vécu douloureusement lors de la crise du CPE : les étudiants attendent plus de l'université
Et cette crise a bien été d'abord un révélateur de ces inquiétudes et de ces attentes. Sentiment que l'Université ne répond pas suffisamment à leurs attentes, à leurs espoirs, et sentiment, peut-être aussi de ne pas être suffisamment informés, guidés, accompagnés tout au long de leurs études. Craintes aussi que leurs diplômes ne leur permettent pas d'accéder à un emploi.
En même temps, nous le voyons, c'est le signe d'une inquiétude diffuse : les parents eux-mêmes s'inquiètent pour l'avenir de leurs enfants. Ils pensent que la vie sera plus difficile pour eux, pour leurs enfants, que celle qu'ils ont eux-mêmes connue, et ce sentiment s'accompagne d'une inquiétude face à l'avenir, parfois même d'un sentiment ou d'une crainte de déclassement. Et cela altère quelque peu notre pacte républicain, puisque les promesses de ce pacte, les promesses de l'égalité des chances, peuvent alors être remises en cause.
L'université est bien à la croisée des chemins : elle a relevé des défis considérables depuis plus de vingt ans et aujourd'hui, elle doit bien sûr rester un lieu de savoir, un lieu d'excellence capable de rivaliser avec les plus grandes facultés et universités du monde. Mais aussi elle a un rôle majeur à jouer pour faire de l'égalité des chances une réalité tangible pour chacun. Elle doit préparer davantage nos étudiants à la vie professionnelle et à l'emploi.
Et c'est bien ce double objectif que j'ai fixé à la Commission présidée par le recteur Patrick Hetzel, commission que nous avons installée avec Gilles de Robien et François Goulard le 25 avril dernier à la Sorbonne :
Les travaux de la commission ont commencé immédiatement, le jour même de l'installation au plan national et dans les académies dès la mi-mai.
Et nous avons demandé à Patrick HETZEL de remettre à Gilles de ROBIEN et à François GOULARD un premier rapport dès la mi juin.
Pourquoi si rapidement ? Tout simplement parce que nous souhaitons pouvoir tirer les premières conclusions pour la rentrée 2006-2007, et que nous souhaitons pouvoir expérimenter les premières idées et mettre en place des initiatives qui pourront déjà être testées dans un certain nombre d'établissements.
Au-delà du calendrier lui-même de ce débat, je voudrais revenir rapidement sur la méthode qui doit guider nos débats :
Il ne s'agit pas d'engager immédiatement dans des réformes majeures qui, nous le savons, seront néanmoins, pour un certain nombre d'entre elles, nécessaires dans les années à venir.
Il s'agit de nous appuyer sur les progrès considérables qui sont déjà réalisés par nos Universités et de nous efforcer d'aller plus loin.
J'avais proposé le 25 avril dernier trois chantiers sur lesquels un consensus existe et où un travail remarquable a déjà été réalisé :
Premier élément, premier chantier : l'information, l'orientation et l'insertion professionnelle des étudiants ;
Le deuxième, c'est la professionnalisation des études universitaires dans le cadre nouveau qui a été tracé par la réforme Licence-Master-Doctorat ;
Et puis, dernier chantier, la question de la place des formations en apprentissage et en alternance dans les cursus universitaires.
2. Alors, aujourd'hui, nous le ressentons bien : ce débat était attendu par tous :
J'en veux pour preuve la participation très large de l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur.
Mais, au-delà, toutes les organisations étudiantes, tous les syndicats de salariés, toutes les organisations professionnelles, les présidents d'université, les experts des ministères ou des conseils économiques et sociaux ont immédiatement accepté d'y prendre part.
Les élus nationaux et locaux ont montré, par leur présence, tout l'intérêt qu'ils portent à ces questions. Et nous voyons bien aujourd'hui, par la composition de cette salle, vous êtes tous, les uns et les autres, au rendez-vous.
Depuis plus d'un mois, les échanges ont lieu avec franchise, avec sérénité. Je veux saluer l'esprit dans lequel se déroule ce débat.
Je sais que la déconcentration du débat au niveau local a été particulièrement appréciée. Elle permet de prendre en compte les spécificités, celles de chaque académie, celles de chaque université.
Et c'est l'occasion pour moi de souligner, de saluer le rôle joué par les recteurs d'académie, qui ont permis l'organisation de ces débats dans des délais qui sont, je le sais, très resserrés et je souhaite qu'ils puissent poursuivre dans cette voie afin d'inscrire dans la durée la réflexion sur les liens entre l'Université et l'emploi.
Les travaux sont d'ores et déjà bien engagés, ici à Chartres mais aussi à Blois, à Orléans, à Tours et sur tout le territoire. Avec Gilles de ROBIEN, avec François GOULARD que je remercie de m'avoir accompagné aujourd'hui, je veux dès à présent tirer un certain nombre d'enseignements :
La question la plus urgente à laquelle nous sommes confrontés, c'est bien sûr celle de l'orientation. Trop souvent, une mauvaise orientation est à l'origine des difficultés que rencontrent les étudiants, notamment dans les premières années d'université. Nous savons à quel gâchis cela conduit parfois, quand on voit que 40 % des étudiants abandonnent au bout de deux ans. Il faut donc que les jeunes soient mieux informés, dès le lycée, mais aussi tout au long de leurs études, du contenu et des débouchés des formations qu'ils ont choisies. Il est normal que chacun puisse connaître, lorsqu'il s'inscrit à l'université, les chiffres et les résultats liés à l'insertion professionnelle. On ne doit pas s'inscrire dans une discipline à l'aveugle. Il faut bien sûr savoir à quoi cela peut conduire. Je suis convaincu pour ma part qu'en termes psychologiques, en termes personnels, en termes même de mobilisation, c'est un facteur d'encouragement très fort, pour chaque étudiante et chaque étudiant.
Ils disposent désormais, les étudiants, d'un nouvel outil : le « portail étudiant » qui a été mis en place par Gilles de ROBIEN et François GOULARD le 17 mai dernier. C'est un site qui dès à présent regroupe des informations détaillées sur les études supérieures, les liens entre formation et emploi ainsi que sur la vie étudiante. C'est donc une initiative tout à fait indispensable.
Alors, il faut aller bien sûr encore plus loin. Et c'est pourquoi j'attache une grande importance à la mise en place d'un service public de l'orientation. J'ai d'ailleurs souhaité que la mise en place du schéma national d'orientation et d'insertion professionnelle soit différée, pour pouvoir intégrer les réflexions auxquelles la Commission arrivera sur le sujet.
L'autre inquiétude à laquelle ce débat doit permettre de répondre, c'est l'encadrement des étudiants durant les deux premières années de leurs études. Aujourd'hui le passage du lycée à l'université est trop souvent vécu comme un traumatisme et une perte de repères : On passe d'un encadrement très strict dans le cadre du lycée à un encadrement évidemment beaucoup plus lâche, dans le cadre de l'université, et un certain nombre d'étudiants ont du mal à s'adapter à ce nouveau rythme, à cette liberté qui leur est donnée. Comment permettre à tous les étudiants de s'adapter, de s'y retrouver ? Comment mieux les accompagner et comment les aider à surmonter les difficultés ? Dans cette phase décisive pour la suite des études, nous devons réfléchir à la mise en place d'un suivi personnalisé et semestrialisé des étudiants. On le voit, il y a peut-être des exemples à retenir dans un certain nombre de pays, aux Etats-Unis par exemple, où la proximité organisée de la relation entre étudiants et professeurs permet justement de compenser parfois le faible nombre d'heures de cours. Il est important que le rendement quotidien, l'organisation et la méthode de travail puissent faire l'objet peut-être de soins plus attentifs.
Les travaux préparatoires ont également mis en évidence la nécessité de mieux organiser l'offre de formation au niveau national. Il paraît nécessaire de passer à une nouvelle étape de la contractualisation entre l'Etat et les Universités, à partir d'indicateurs de performances en matière de formation qui permettraient d'évaluer et de moduler les moyens affectés aux Universités dans le cadre des contrats quadriennaux. D'une manière plus générale je souhaite que les besoins universitaires soient prioritaires dans l'élaboration des nouveaux contrats de projet Etat-région.
Enfin nous devons réfléchir à une meilleure adaptation des contenus des formations aux exigences de l'emploi. Un certain nombre d'impératifs semblent d'ores et déjà se dessiner : la nécessité absolue de maîtriser au moins une langue étrangère, ça c'est un constat d'évidence. En quelques années, le monde a changé et parfois, le diplôme vaut moins que la maîtrise de certaines techniques ou que de certains outils. Et des portes s'ouvrent dès lors qu'on est capable de maîtriser une langue usuelle, je pense à l'anglais ou l'espagnol ou une langue rare. C'est donc aujourd'hui un atout extraordinairement important que de pouvoir maîtriser, non pas à l'oral une langue, mais totalement une langue. Cela permet d'avoir des choix beaucoup plus larges. Et cela permet tout simplement de travailler dans des milieux professionnels où la diversité est la règle. Et nous le voyons de plus en plus, dans une même entreprise, plusieurs nationalités cohabitent ensemble et le fait de pouvoir parler avec chacun dans sa langue, le fait de pouvoir passer d'un client à un autre dans la langue des marchés, eh bien est aujourd'hui une exigence indispensable. L'importance de la pratique des outils informatique ou une meilleure connaissance du monde de l'entreprise, c'est aussi une nécessité. Et il est très important, à 20 ans, de pouvoir apprivoiser tout cela, ne pas avoir ces réticences que les générations précédentes ont trop souvent eues : sentiment de langages rébarbatifs, trop techniques, sentiment parfois même complexes vis-à-vis de ces techniques qui inhibent quelque peu la démarche de chacun vis-à-vis de la vie professionnelle. Moi, je crois que l'un des problèmes majeurs que nous avons, ce qui explique d'ailleurs l'engament tardif de nos jeunes dans la vie professionnelle, c'est bien le sentiment qu'il y a une sorte de muraille de Chine qui est devant eux, et que c'est compliqué de rentrer dans l'emploi, là où d'autres, parce que la pratique des stages se fait plus jeune, parce que justement ces langages usuels sont appris plus tôt, eh bien, franchissent ces barrières avec beaucoup plus de facilités. Je crois que le lien entre la vie étudiante et la vie professionnelle doit être beaucoup plus facile, beaucoup plus naturelle, beaucoup plus normale, beaucoup moins traumatisant.
Sur ce dernier point, la connaissance du monde de l'entrepris, l'amélioration de l'encadrement des stages élaborée par Gérard LARCHER et François GOULARD permettra de mieux intégrer cette expérience professionnelle au cursus universitaire. Je crois que dans le domaine des stages, nous avons véritablement franchi, avec les décisions qui ont été prises, une étape très importante dans la loi sur l'égalité des chances, l'encadrement des stages, la rémunération des stages, le fait que les stages doivent s'intégrer dans un cursus professionnel et universitaire, c'est tout simplement avoir remis les choses en ordre, là où il y avait une gigantesque improvisation, un gigantesque aléa, et beaucoup de stagiaires soumis à une absence de règles, qui finalement est dommageable, quand on a vingt ans, et qu'on entre dans la vie, qu'on découvre la vie professionnelle.
Mesdames, Messieurs,
Les débats qui vont avoir lieu dans les prochains mois constituent une chance pour nos universités, une chance que nous devons saisir si nous voulons leur redonner toute la place qui leur revient dans notre enseignement supérieur et dans notre société. C'est une responsabilité, c'est un devoir pour chacun d'entre nous. Les universités ont joué un rôle tout à fait essentiel dans la démocratisation de l'enseignement et des études supérieures. Il n'est pas question de revenir sur cette exigence démocratique, mais il est question de mieux l'asseoir, de mieux l'inscrire dans une réalité quotidienne. Aujourd'hui, les universités font face à une compétition internationale de plus en plus rude pour attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs. Il faut donc leur donner les moyens de réussir. Aujourd'hui, un étudiant, il arbitre entre une proposition qui lui est faite à Doha, une proposition qui lui est faite à Londres ou qui lui est faite aux Etats-Unis. De plus en plus, le choix des étudiants, il se fera en toute simplicité, et pas forcément en s'inscrivant à l'université à côté de chez lui. Donc, si cette compétition, si les moyens mis au service des étudiants ne sont pas compétitifs, le risque c'est bien de voir y compris chez nous, une hémorragie de nos propres étudiants. Il s'agit non seulement de garder les nôtres, mais il s'agit d'attirer tous ceux qui souhaiteraient venir travailler en France, étudier en France, profiter non seulement d'une culture, d'un contexte, des bienfaits de notre pays, mais aussi d'un esprit qui est celui qui est si exigent et si fort au sein de notre université, c'est-à-dire une préparation large, ouverte, à la vie, une exigence humaniste qui est la marque de l'esprit de notre université.
Alors, la loi sur la recherche a permis de conforter le rôle des universités dans l'effort de recherche. Ma conviction, c'est que l'Université française doit rester fidèle à sa vocation d'excellence : la dualité universités/grandes Ecoles doit être une richesse et pas le fondement d'une éducation à deux vitesses. On doit pouvoir réussir dans chacun de ces systèmes et les passerelles et les échanges - c'est d'ailleurs le cas depuis un certain nombre d'années - doivent êtres multipliées.
Voilà ce que je voulais vous dire brièvement, avant de vous laisser commencer vos travaux dans chacun des trois ateliers organisés par madame la Rectrice en étroite relation avec les présidents d'université. Je souhaite que les débats se déroulent, ici comme sur tout le territoire, avec la plus grande franchise possible. Aucun sujet ne doit être écarté. C'est bien à cette condition que nous pourrons proposer, à l'issue des travaux de la Commission à l'automne, un nouveau pacte entre l'Université et les Français.
Je vous remercie, de chacun avoir à coeur de participer à ces débats. L'évidence, elle est marquée par votre présence, que l'on soit chef d'entreprise, que l'on soit professeur d'université, que l'on soit étudiant,chacun ici a une part de responsabilité dans le devenir de l'université. Et la place et le rôle de l'université dans notre société, elle est centrale. Nous avons fait le choix de la démocratie, c'est-à-dire de l'accès du plus grand nombre à l'université. Faisons en même temps le choix de la responsabilité, celui de l'avenir, qui est d'inscrire le plus possible l'université dans la vie. Pas uniquement la vie professionnelle mais aussi la vie tout court, c'est-à-dire les débats de la vie, les questions de la vie, les réalités de la vie. C'est-à-dire qu'il nous faut accepter de prendre à bras le corps les problèmes pour leur apporter des réponses.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 6 juin 2006
Madame la rectrice
Monsieur le directeur de l'IUT,
Messieurs les présidents d'université
Mesdames, Messieurs,
D'abord, permettez-moi de vous dire le plaisir que j'ai d'être avec vous aujourd'hui, dans cet IUT de Chartres qui témoigne bien de la réussite des instituts technologiques universitaires, et ce 40 ans après leur création. C'est un exemple de l'ambition que nous devons avoir pour notre enseignement supérieur, et vous avez dit, monsieur le président, à quel point cette ambition se concrétisait, dès la sortie de l'école, par une entrée facile dans la vie active, puisque bien préparée.
Merci Madame la Rectrice d'avoir organisé, dans toutes l'Académie d'Orléans-Tours, les ateliers et les séminaires qui viendront nourrir ce débat "Université-Emploi".
Je suis heureux également que les travaux de la commission du débat Université-Emploi, voulu par le Président de la République, aient bien démarré et qu'ils se déroulent dans un climat partout apaisé, et en même temps lucide et constructif, c'est ce que nous avons souhaité.
1. Nous l'avons tous vécu douloureusement lors de la crise du CPE : les étudiants attendent plus de l'université
Et cette crise a bien été d'abord un révélateur de ces inquiétudes et de ces attentes. Sentiment que l'Université ne répond pas suffisamment à leurs attentes, à leurs espoirs, et sentiment, peut-être aussi de ne pas être suffisamment informés, guidés, accompagnés tout au long de leurs études. Craintes aussi que leurs diplômes ne leur permettent pas d'accéder à un emploi.
En même temps, nous le voyons, c'est le signe d'une inquiétude diffuse : les parents eux-mêmes s'inquiètent pour l'avenir de leurs enfants. Ils pensent que la vie sera plus difficile pour eux, pour leurs enfants, que celle qu'ils ont eux-mêmes connue, et ce sentiment s'accompagne d'une inquiétude face à l'avenir, parfois même d'un sentiment ou d'une crainte de déclassement. Et cela altère quelque peu notre pacte républicain, puisque les promesses de ce pacte, les promesses de l'égalité des chances, peuvent alors être remises en cause.
L'université est bien à la croisée des chemins : elle a relevé des défis considérables depuis plus de vingt ans et aujourd'hui, elle doit bien sûr rester un lieu de savoir, un lieu d'excellence capable de rivaliser avec les plus grandes facultés et universités du monde. Mais aussi elle a un rôle majeur à jouer pour faire de l'égalité des chances une réalité tangible pour chacun. Elle doit préparer davantage nos étudiants à la vie professionnelle et à l'emploi.
Et c'est bien ce double objectif que j'ai fixé à la Commission présidée par le recteur Patrick Hetzel, commission que nous avons installée avec Gilles de Robien et François Goulard le 25 avril dernier à la Sorbonne :
Les travaux de la commission ont commencé immédiatement, le jour même de l'installation au plan national et dans les académies dès la mi-mai.
Et nous avons demandé à Patrick HETZEL de remettre à Gilles de ROBIEN et à François GOULARD un premier rapport dès la mi juin.
Pourquoi si rapidement ? Tout simplement parce que nous souhaitons pouvoir tirer les premières conclusions pour la rentrée 2006-2007, et que nous souhaitons pouvoir expérimenter les premières idées et mettre en place des initiatives qui pourront déjà être testées dans un certain nombre d'établissements.
Au-delà du calendrier lui-même de ce débat, je voudrais revenir rapidement sur la méthode qui doit guider nos débats :
Il ne s'agit pas d'engager immédiatement dans des réformes majeures qui, nous le savons, seront néanmoins, pour un certain nombre d'entre elles, nécessaires dans les années à venir.
Il s'agit de nous appuyer sur les progrès considérables qui sont déjà réalisés par nos Universités et de nous efforcer d'aller plus loin.
J'avais proposé le 25 avril dernier trois chantiers sur lesquels un consensus existe et où un travail remarquable a déjà été réalisé :
Premier élément, premier chantier : l'information, l'orientation et l'insertion professionnelle des étudiants ;
Le deuxième, c'est la professionnalisation des études universitaires dans le cadre nouveau qui a été tracé par la réforme Licence-Master-Doctorat ;
Et puis, dernier chantier, la question de la place des formations en apprentissage et en alternance dans les cursus universitaires.
2. Alors, aujourd'hui, nous le ressentons bien : ce débat était attendu par tous :
J'en veux pour preuve la participation très large de l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur.
Mais, au-delà, toutes les organisations étudiantes, tous les syndicats de salariés, toutes les organisations professionnelles, les présidents d'université, les experts des ministères ou des conseils économiques et sociaux ont immédiatement accepté d'y prendre part.
Les élus nationaux et locaux ont montré, par leur présence, tout l'intérêt qu'ils portent à ces questions. Et nous voyons bien aujourd'hui, par la composition de cette salle, vous êtes tous, les uns et les autres, au rendez-vous.
Depuis plus d'un mois, les échanges ont lieu avec franchise, avec sérénité. Je veux saluer l'esprit dans lequel se déroule ce débat.
Je sais que la déconcentration du débat au niveau local a été particulièrement appréciée. Elle permet de prendre en compte les spécificités, celles de chaque académie, celles de chaque université.
Et c'est l'occasion pour moi de souligner, de saluer le rôle joué par les recteurs d'académie, qui ont permis l'organisation de ces débats dans des délais qui sont, je le sais, très resserrés et je souhaite qu'ils puissent poursuivre dans cette voie afin d'inscrire dans la durée la réflexion sur les liens entre l'Université et l'emploi.
Les travaux sont d'ores et déjà bien engagés, ici à Chartres mais aussi à Blois, à Orléans, à Tours et sur tout le territoire. Avec Gilles de ROBIEN, avec François GOULARD que je remercie de m'avoir accompagné aujourd'hui, je veux dès à présent tirer un certain nombre d'enseignements :
La question la plus urgente à laquelle nous sommes confrontés, c'est bien sûr celle de l'orientation. Trop souvent, une mauvaise orientation est à l'origine des difficultés que rencontrent les étudiants, notamment dans les premières années d'université. Nous savons à quel gâchis cela conduit parfois, quand on voit que 40 % des étudiants abandonnent au bout de deux ans. Il faut donc que les jeunes soient mieux informés, dès le lycée, mais aussi tout au long de leurs études, du contenu et des débouchés des formations qu'ils ont choisies. Il est normal que chacun puisse connaître, lorsqu'il s'inscrit à l'université, les chiffres et les résultats liés à l'insertion professionnelle. On ne doit pas s'inscrire dans une discipline à l'aveugle. Il faut bien sûr savoir à quoi cela peut conduire. Je suis convaincu pour ma part qu'en termes psychologiques, en termes personnels, en termes même de mobilisation, c'est un facteur d'encouragement très fort, pour chaque étudiante et chaque étudiant.
Ils disposent désormais, les étudiants, d'un nouvel outil : le « portail étudiant » qui a été mis en place par Gilles de ROBIEN et François GOULARD le 17 mai dernier. C'est un site qui dès à présent regroupe des informations détaillées sur les études supérieures, les liens entre formation et emploi ainsi que sur la vie étudiante. C'est donc une initiative tout à fait indispensable.
Alors, il faut aller bien sûr encore plus loin. Et c'est pourquoi j'attache une grande importance à la mise en place d'un service public de l'orientation. J'ai d'ailleurs souhaité que la mise en place du schéma national d'orientation et d'insertion professionnelle soit différée, pour pouvoir intégrer les réflexions auxquelles la Commission arrivera sur le sujet.
L'autre inquiétude à laquelle ce débat doit permettre de répondre, c'est l'encadrement des étudiants durant les deux premières années de leurs études. Aujourd'hui le passage du lycée à l'université est trop souvent vécu comme un traumatisme et une perte de repères : On passe d'un encadrement très strict dans le cadre du lycée à un encadrement évidemment beaucoup plus lâche, dans le cadre de l'université, et un certain nombre d'étudiants ont du mal à s'adapter à ce nouveau rythme, à cette liberté qui leur est donnée. Comment permettre à tous les étudiants de s'adapter, de s'y retrouver ? Comment mieux les accompagner et comment les aider à surmonter les difficultés ? Dans cette phase décisive pour la suite des études, nous devons réfléchir à la mise en place d'un suivi personnalisé et semestrialisé des étudiants. On le voit, il y a peut-être des exemples à retenir dans un certain nombre de pays, aux Etats-Unis par exemple, où la proximité organisée de la relation entre étudiants et professeurs permet justement de compenser parfois le faible nombre d'heures de cours. Il est important que le rendement quotidien, l'organisation et la méthode de travail puissent faire l'objet peut-être de soins plus attentifs.
Les travaux préparatoires ont également mis en évidence la nécessité de mieux organiser l'offre de formation au niveau national. Il paraît nécessaire de passer à une nouvelle étape de la contractualisation entre l'Etat et les Universités, à partir d'indicateurs de performances en matière de formation qui permettraient d'évaluer et de moduler les moyens affectés aux Universités dans le cadre des contrats quadriennaux. D'une manière plus générale je souhaite que les besoins universitaires soient prioritaires dans l'élaboration des nouveaux contrats de projet Etat-région.
Enfin nous devons réfléchir à une meilleure adaptation des contenus des formations aux exigences de l'emploi. Un certain nombre d'impératifs semblent d'ores et déjà se dessiner : la nécessité absolue de maîtriser au moins une langue étrangère, ça c'est un constat d'évidence. En quelques années, le monde a changé et parfois, le diplôme vaut moins que la maîtrise de certaines techniques ou que de certains outils. Et des portes s'ouvrent dès lors qu'on est capable de maîtriser une langue usuelle, je pense à l'anglais ou l'espagnol ou une langue rare. C'est donc aujourd'hui un atout extraordinairement important que de pouvoir maîtriser, non pas à l'oral une langue, mais totalement une langue. Cela permet d'avoir des choix beaucoup plus larges. Et cela permet tout simplement de travailler dans des milieux professionnels où la diversité est la règle. Et nous le voyons de plus en plus, dans une même entreprise, plusieurs nationalités cohabitent ensemble et le fait de pouvoir parler avec chacun dans sa langue, le fait de pouvoir passer d'un client à un autre dans la langue des marchés, eh bien est aujourd'hui une exigence indispensable. L'importance de la pratique des outils informatique ou une meilleure connaissance du monde de l'entreprise, c'est aussi une nécessité. Et il est très important, à 20 ans, de pouvoir apprivoiser tout cela, ne pas avoir ces réticences que les générations précédentes ont trop souvent eues : sentiment de langages rébarbatifs, trop techniques, sentiment parfois même complexes vis-à-vis de ces techniques qui inhibent quelque peu la démarche de chacun vis-à-vis de la vie professionnelle. Moi, je crois que l'un des problèmes majeurs que nous avons, ce qui explique d'ailleurs l'engament tardif de nos jeunes dans la vie professionnelle, c'est bien le sentiment qu'il y a une sorte de muraille de Chine qui est devant eux, et que c'est compliqué de rentrer dans l'emploi, là où d'autres, parce que la pratique des stages se fait plus jeune, parce que justement ces langages usuels sont appris plus tôt, eh bien, franchissent ces barrières avec beaucoup plus de facilités. Je crois que le lien entre la vie étudiante et la vie professionnelle doit être beaucoup plus facile, beaucoup plus naturelle, beaucoup plus normale, beaucoup moins traumatisant.
Sur ce dernier point, la connaissance du monde de l'entrepris, l'amélioration de l'encadrement des stages élaborée par Gérard LARCHER et François GOULARD permettra de mieux intégrer cette expérience professionnelle au cursus universitaire. Je crois que dans le domaine des stages, nous avons véritablement franchi, avec les décisions qui ont été prises, une étape très importante dans la loi sur l'égalité des chances, l'encadrement des stages, la rémunération des stages, le fait que les stages doivent s'intégrer dans un cursus professionnel et universitaire, c'est tout simplement avoir remis les choses en ordre, là où il y avait une gigantesque improvisation, un gigantesque aléa, et beaucoup de stagiaires soumis à une absence de règles, qui finalement est dommageable, quand on a vingt ans, et qu'on entre dans la vie, qu'on découvre la vie professionnelle.
Mesdames, Messieurs,
Les débats qui vont avoir lieu dans les prochains mois constituent une chance pour nos universités, une chance que nous devons saisir si nous voulons leur redonner toute la place qui leur revient dans notre enseignement supérieur et dans notre société. C'est une responsabilité, c'est un devoir pour chacun d'entre nous. Les universités ont joué un rôle tout à fait essentiel dans la démocratisation de l'enseignement et des études supérieures. Il n'est pas question de revenir sur cette exigence démocratique, mais il est question de mieux l'asseoir, de mieux l'inscrire dans une réalité quotidienne. Aujourd'hui, les universités font face à une compétition internationale de plus en plus rude pour attirer les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs. Il faut donc leur donner les moyens de réussir. Aujourd'hui, un étudiant, il arbitre entre une proposition qui lui est faite à Doha, une proposition qui lui est faite à Londres ou qui lui est faite aux Etats-Unis. De plus en plus, le choix des étudiants, il se fera en toute simplicité, et pas forcément en s'inscrivant à l'université à côté de chez lui. Donc, si cette compétition, si les moyens mis au service des étudiants ne sont pas compétitifs, le risque c'est bien de voir y compris chez nous, une hémorragie de nos propres étudiants. Il s'agit non seulement de garder les nôtres, mais il s'agit d'attirer tous ceux qui souhaiteraient venir travailler en France, étudier en France, profiter non seulement d'une culture, d'un contexte, des bienfaits de notre pays, mais aussi d'un esprit qui est celui qui est si exigent et si fort au sein de notre université, c'est-à-dire une préparation large, ouverte, à la vie, une exigence humaniste qui est la marque de l'esprit de notre université.
Alors, la loi sur la recherche a permis de conforter le rôle des universités dans l'effort de recherche. Ma conviction, c'est que l'Université française doit rester fidèle à sa vocation d'excellence : la dualité universités/grandes Ecoles doit être une richesse et pas le fondement d'une éducation à deux vitesses. On doit pouvoir réussir dans chacun de ces systèmes et les passerelles et les échanges - c'est d'ailleurs le cas depuis un certain nombre d'années - doivent êtres multipliées.
Voilà ce que je voulais vous dire brièvement, avant de vous laisser commencer vos travaux dans chacun des trois ateliers organisés par madame la Rectrice en étroite relation avec les présidents d'université. Je souhaite que les débats se déroulent, ici comme sur tout le territoire, avec la plus grande franchise possible. Aucun sujet ne doit être écarté. C'est bien à cette condition que nous pourrons proposer, à l'issue des travaux de la Commission à l'automne, un nouveau pacte entre l'Université et les Français.
Je vous remercie, de chacun avoir à coeur de participer à ces débats. L'évidence, elle est marquée par votre présence, que l'on soit chef d'entreprise, que l'on soit professeur d'université, que l'on soit étudiant,chacun ici a une part de responsabilité dans le devenir de l'université. Et la place et le rôle de l'université dans notre société, elle est centrale. Nous avons fait le choix de la démocratie, c'est-à-dire de l'accès du plus grand nombre à l'université. Faisons en même temps le choix de la responsabilité, celui de l'avenir, qui est d'inscrire le plus possible l'université dans la vie. Pas uniquement la vie professionnelle mais aussi la vie tout court, c'est-à-dire les débats de la vie, les questions de la vie, les réalités de la vie. C'est-à-dire qu'il nous faut accepter de prendre à bras le corps les problèmes pour leur apporter des réponses.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 6 juin 2006