Texte intégral
Je suis heureuse d'être, aujourd'hui, avec Günter Gloser, ici, à Rennes, en cette journée symbolique. C'est mon deuxième déplacement en Bretagne depuis que j'ai pris mes fonctions : je m'étais déjà rendue à Vannes le 24 juin 2005.
Aujourd'hui, le 6 juin, c'est une date importante, fortement symbolique, qui donne une dimension particulière à ce déplacement. Je crois que c'est l'occasion de mesurer tout le chemin qui a été parcouru, de voir combien nous avons pu progresser et de voir comme, aujourd'hui, tout nous rapproche alors qu'il y a encore une génération, tant de choses nous séparaient. Nous nous rendrons tout à l'heure au Mémorial de la résistance et de la déportation, pour une cérémonie d'hommage et je vous demande de bien vouloir mesurer ce que ce geste signifie.
L'Europe doit l'essentiel au courage et à la vision qu'ont eus avant nous, il y a plus de 50 ans, de grands hommes qui ont su proposer un projet qui réunissait les citoyens européens, qui leur faisait rechercher et donner la priorité sur ce qui les unissait au lieu de ce qui les divisait. C'est un effort de tous les instants, un effort de raison mais un effort couronné de succès et je conclurai mon bref propos introductif par cela. Aujourd'hui, c'est un moment qui nous permet de mesurer facilement d'où nous venons et ce que nous avons accompli.
Je n'ai de cesse de le répéter : avant toute chose, l'Europe a apporté la paix à des nations qui se déchiraient entre elle. Elle nous a apporté la démocratie sur le continent, là, où il y a encore quinze ans, il était coupé en deux. Elle nous a apporté un espace de développement économique et social. Nous nous en portons tous mieux. Qui pourrait imaginer que, dans le monde d'aujourd'hui, dans la compétition mondiale, dans le monde globalisé, nous puissions nous en sortir seuls dans notre coin alors même que l'union fait la force ? Nous avons besoin de nous unir ensemble pour peser sur les affaires du monde, pour défendre les intérêts de nos peuples. C'est ce que nous faisons. Tout ceci, nous avons réussi à le faire grâce à la construction européenne, elle reste à parfaire - tout oeuvre humaine est imparfaite - et nous avons encore beaucoup de travail. Mais l'Europe est l'avenir de nos nations, dans le respect de nos identités, dans le respect des sensibilités des peuples, c'est le meilleur moyen de leur permettre de construire un avenir profitable et durable. C'est ce que l'on disait tout à l'heure lors la table ronde : c'est un investissement dans l'avenir.
Je remercie notre partenaire allemand d'avoir su le faire avec nous et il est certain que nous sommes déterminés à continuer avec lui encore au moins pour 50 ou 60 ans comme nous l'avons fait depuis plus de 50 ans - et bien au-delà encore !
Q - Que pourraient faire la France et l'Allemagne pour faire progresser l'Europe ?
R - Je compléterais la réponse de Günter Gloser en quelques mots. Simplement pour dire que je souscris tout à fait à ce qu'il vient de vous répondre. Je nuancerais cependant un peu le jugement que vous-même avez porté sur la situation en Europe. Cela n'est pas totalement exact de dire que l'Europe est en panne. Il y a des moments où elle est allée mieux, évidemment, mais elle avance, elle prend les décisions, elle a pu faire un budget pour 2007-2013 l'an dernier avec 55 milliards d'euros de plus pour le budget précédent, ce qui n'était pas si simple. Elle a pu avoir aussi, sur la recherche et l'innovation, sur l'énergie, sur les bourses pour les étudiants, dans le domaine de l'immigration ou dans le domaine de la politique étrangère, sur l'Iran ou sur d'autres dossiers, une approche commune et une voix commune.
Et en tous cas, je suis convaincue, comme l'a dit Günter, que pour toutes ces avancées, il est indispensable que la France et l'Allemagne avancent main dans la main. Ensuite, il faut convaincre les autres, car nous ne sommes pas un directoire qui dicte à nos partenaires ce qu'il faut faire ou même ce qu'il faut penser, mais bien souvent nous leur montrons la voie. C'est cela le sens même du moteur franco-allemand. Et c'est ce qu'on a fait sur chacun des sujets, cela a été un travail franco-allemand qui a permis à l'Europe d'avancer.
Alors, encore une fois, il faudrait rêver à des ambitions collectives plus fortes mais ce n'est pas tout à fait exact d'avoir un jugement uniquement critique ou pessimiste, il y a aussi la réalité que nous vivons quotidiennement, c'est celle d'une Europe qui fait son travail et qui prend des décisions.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2006