Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur le développement économique de l'Afrique et l'aide au développement, à Paris le 7 juin 2006.

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Intervenant(s) : 
  • Brigitte Girardin - Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Circonstance : Clôture du 6ème Forum international sur les perspectives africaines organisé conjointement par la Banque africaine de développement et le Centre de développement de l'OCDE, à Paris le 7 juin 2006.

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Madame la Directrice du Centre de développement,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très heureuse de l'occasion qui m'est offerte de clôturer, pour la seconde année consécutive, ce colloque consacré aux perspectives économiques de l'Afrique, et de saluer le rapport annuel conjoint établi par l'OCDE et la Banque africaine de développement.
Le continent africain, vous le savez, est une priorité pour la France, dont le président de la République se fait l'ardent défenseur sur la scène internationale.
Avec vous, je souhaite donc me réjouir du constat établi par votre rapport d'une croissance de l'activité économique qui devrait atteindre 5,8 % cette année, puis 5,5 % l'année prochaine. Après les bons résultats de 2005, l'Afrique affiche ainsi une performance économique supérieure à la moyenne mondiale, en assurant une progression de son revenu par habitant. Dans le même temps, l'inflation reste contenue, malgré la flambée des prix de l'énergie.
Pour autant, ces résultats ne constituent qu'une étape et ne peuvent être considérés comme parfaitement satisfaisants. En effet, je voudrais en souligner trois limites :
Tout d'abord, pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement, la croissance des économies devrait se situer à des niveaux sensiblement plus élevés, de l'ordre de 7 à 8 %.
Ensuite, d'importantes disparités doivent être relevées : le taux de 5,8 % qui devrait être atteint cette année, ne constitue qu'une moyenne entre pays producteurs de pétrole ou de gaz ou encore de produits miniers, dont les prix ont fortement augmenté, et pays importateurs d'énergie dont la croissance est plus faible. Les pays où règne l'instabilité politique sont également pénalisés, ce qui montre à nouveau à quel point l'engagement pour la démocratie constitue l'une des clés du développement.
Enfin, cette croissance économique reste fragile, notamment si les prix des matières premières devaient se maintenir à un niveau élevé.
Il n'en demeure pas moins, comme je l'exprimais déjà l'an dernier, que l'accélération de la croissance en Afrique n'est pas uniquement liée à la hausse du prix des matières premières. Le rôle joué par les Africains dans l'amélioration de la gestion de leurs pays tient une part importante à ces chiffres prometteurs.
C'est d'ailleurs ce qui nous encourage, au niveau de la communauté internationale, à agir en faveur de l'Afrique. De ce point de vue, je voudrais insister aujourd'hui devant vous sur deux points fondamentaux : le financement du développement et les infrastructures.
Le financement du développement, tout d'abord. Au rythme actuel que connaît la croissance économique en Afrique, et en dépit de son accélération récente, la réalisation d'une part importante des Objectifs du Millénaire pour le Développement reste encore hors de portée, comme le souligne votre rapport. L'effort d'aide doit donc être accentué.
Nous progressons en la matière : le G8 s'est engagé l'année dernière à fournir, à horizon 2010, 50 milliards d'APD supplémentaires, dont la moitié au moins pour l'Afrique. Il s'agit là de chiffres importants, mais placé à l'échelle du monde, ils ne représentent que 0,1 % des richesses produites chaque année. La France prend plus que sa part à cet effort, en consacrant 0,47 % de son revenu national brut à l'aide publique au développement en 2005, contre 0,32 % en 2001. Elle ainsi est en bonne voie pour réaliser les objectifs qu'elle s'est fixée, de 0,5 % en 2007 et 0,7 % en 2012.
J'observe également que selon les chiffres du Comité de l'aide au développement, la part de l'Afrique est passée de 36 % à 46 % entre 1999 et 2004. La France entend pour sa part continuer à lui consacrer au moins les deux tiers de son aide bilatérale.
Mais parce que ces différents engagements restent insuffisants, l'effort international doit s'accompagner d'un recours accru à des mécanismes innovants de financements. Des progrès ont aussi été réalisés dans ce domaine : la France, suivie par plusieurs autres pays, a instauré une contribution de solidarité sur les billets d'avion qui sera effective au 1er juillet prochain. Ses ressources permettront la création d'une Facilité Internationale d'Achat de Médicaments, baptisée UNITAID, qui permettra, en assurant la stabilité des ressources levées, d'apporter des traitements dans la durée à des malades du sida. Nous soutenons également, conjointement avec nos amis britanniques et plusieurs autres partenaires, la mise en place d'une Facilité financière internationale dans le domaine des vaccins, baptisée IFFIm.
Plus généralement, sous l'impulsion de la France, la question des financements innovants du développement continue de figurer à l'ordre du jour des discussions internationales. Après la conférence ministérielle de Paris des 28 février et 1er mars, il a notamment été convenu de tenir en 2007 un "Forum sur les sources innovantes de financement". Parallèlement, l'OCDE et le G8 continuent également d'y porter une attention particulière.
Je voudrais enfin mettre en avant le rôle croissant des pays émergents pour le financement du développement. Les succès remportés pour la création de nouvelles sources de financement reposent en effet en grande partie sur le soutien de certaines de ces nouvelles puissances économiques, et en particulier du Brésil, qui a su se mobiliser fortement pour convaincre d'autres pays de nous rejoindre.
Je me réjouis de cette opportunité d'accroissement de l'aide mondiale, conforme à ce que recommandait déjà, début 2005, le rapport que Jeffrey Sachs remettait au Secrétaire général des Nations unies pour préparer l'année du développement.
Naturellement, il nous faut rester très attentif à ce que les efforts que la communauté internationale déploie pour améliorer l'efficacité de l'aide, en particulier depuis la Conférence de Paris de février 2005, ne soient mis à mal par de nouvelles pratiques contestables.
Le second point que je voudrais aborder a trait aux infrastructures, en particulier dans les transports, thème retenu cette année par votre rapport.
Partout, la croissance économique et le développement sont en effet tributaires d'infrastructures de transports fonctionnant efficacement. Mais la situation est particulièrement difficile en Afrique, dont la géographie constitue un handicap incontournable. Le manque d'accès à la mer et l'éloignement des marchés mondiaux sont une réalité pour de nombreux pays africains. C'est pourquoi l'analyse que développe votre rapport me paraît non seulement juste, mais également opportune.

Je salue tout particulièrement l'accent nouveau que la communauté des bailleurs met sur les infrastructures. La France a plaidé de longue date en ce sens. Pendant longtemps, deux obstacles interdisaient d'aller clairement dans cette direction :

  • Certains craignaient de se détourner de l'objectif premier de réduction de la pauvreté. Ces craintes sont désormais levées, chacun comprenant bien qu'il existe une parfaite identité d'objectifs entre la construction d'infrastructures et la lutte contre la misère. Pour ne prendre qu'un exemple, les populations pauvres, souvent éloignées des transports ruraux, sont parmi les premières touchées par cette situation et perdent un temps considérable pour leurs déplacements quotidiens.
  • Second obstacle, l'insuffisante intégration régionale, qui est indispensable à la réalisation d'infrastructures transfrontalières, notamment dans le secteur des transports. Avec le NEPAD, l'Afrique a commencé depuis plusieurs années à s'organiser en la matière. Cette approche rejoint parfaitement la vision française, qui a toujours encouragé le développement d'ensembles économiques régionaux en Afrique.

Ainsi, après une période qui a été marquée par un certain déclin des investissements dans les infrastructures, les bailleurs de fonds ont repris conscience des synergies qui lient la réduction de la pauvreté, la croissance et les infrastructures.
La Banque mondiale prévoit ainsi de porter en trois ans ses interventions dans le domaine des infrastructures à près de 3 milliards de dollars par an. L'Union européenne, qui consacrait déjà aux transports près de 600 millions d'euros sur les 3,5 milliards d'euros de décaissements du FED en 2005, vient de mettre en place, avec la Banque européenne d'investissement, un Partenariat avec l'Afrique pour les infrastructures.
Ces initiatives multiples sont bienvenues, et il convient de veiller à leur bonne coordination. Le consortium pour les investissements créé à l'issu de la réunion du Forum pour l'Afrique en octobre dernier à Londres et placé auprès de la Banque africaine de développement, s'inscrit dans cette logique. La France a décidé de l'appuyer avec un assistant technique. De même, l'Unité de soutien au "Forum du Partenariat élargi du NEPAD", placée auprès de l'OCDE, devrait favoriser une harmonisation des plans pour l'Afrique du NEPAD et des donneurs. La France a prévu de la financer à hauteur de 400 000 euros par an.
Mais mon pays mobilise également sa coopération bilatérale : les concours annuels de l'Agence française de développement au secteur des infrastructures se sont élevés à 250 millions d'euros en 2005, en forte progression depuis trois ans, l'Afrique sub-saharienne représentant plus de la moitié des projets.
Il est d'ailleurs intéressant de relever que c'est désormais souvent une logique de partenariat public-privé qui prévaut pour tout ce qui concerne les services et la maintenance des infrastructures pour les transports collectifs urbains, les ports et les aéroports, les transports ferroviaires.
Pour conclure, la France se réjouit des chiffres encourageants de l'économie africaine que révèle votre rapport annuel. C'est donc conforté dans son engagement en faveur du développement économique de l'Afrique, que mon pays entend poursuivre ses efforts sur la scène internationale.
Avec force, je veux réaffirmer devant vous ma conviction que l'Afrique possède un potentiel économique considérable, tant par la richesse de ses ressources naturelles, que grâce au travail de ses femmes et de ses hommes. Il ne tient en définitive qu'à une mobilisation somme toute raisonnable de la communauté internationale d'accélérer ce "décollage" que votre rapport commence à déceler dans sa croissance économique. C'est en tout état de cause ce que la France appelle de ses voeux.
Je vous remercie.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2006