Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur les relations franco-tchadiennes, à N'djamena le 15 juin 2006.

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Circonstance : Déplacement au Tchad les 15 et 16 juin-réception en l'honneur de la communauté française du Tchad, à N'djamena le 15 juin 2006

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames, Messieurs,
Mes Chers Compatriotes,
C'est pour moi un réel plaisir de vous rencontrer ce soir dans les jardins de la Résidence de France, au terme de cette première journée de ma visite au Tchad. Pour être traditionnelle à l'occasion des déplacements à l'étranger des membres du gouvernement, cette rencontre avec votre communauté n'en revêt pas moins une acuité toute particulière, ce soir, un peu plus d'un mois après les épisodes de très forte tension que vous avez à nouveau dû subir. Vous avez été en effet en première ligne de l'attaque à laquelle N'djamena a dû faire face le 13 avril dernier, et vous vivez dans un contexte permanent d'insécurité qui rend votre présence au Tchad particulièrement éprouvante.
C'est donc en ayant à l'esprit ces contraintes particulières qui sont les vôtres que j'ai tenu à être présente ce soir parmi vous. L'occasion m'est ainsi donnée, à la fois de vous expliquer l'objectif de mon déplacement au Tchad, d'une part, et de rendre hommage à votre courage et à votre sang froid, d'autre part.
C'est à la demande expresse du président de la République que je suis aujourd'hui au Tchad. Vous connaissez son attachement sincère à l'Afrique, vous savez son intérêt personnel pour les questions africaines.
Au moment où le président Deby entame un nouveau mandat à la tête du Tchad, il a donc souhaité que la France lui rappelle avec force son attachement à la stabilité de son pays, mais aussi lui exprime ses attentes en termes de bonne gouvernance économique et d'ouverture politique. Tel est donc le sens de ma présence au Tchad : transmettre aux autorités de ce pays un message de soutien, et d'attente :
- soutien face aux tentatives de déstabilisation armée, qui font peser au-delà du Tchad un risque de crise pour l'ensemble de la région ;
- mais attente d'une ouverture effective du dialogue politique auquel le président Deby s'est lui-même engagé, et qui est la seule voie susceptible d'instaurer un véritable processus démocratique pour aboutir à la tenue d'élections législatives qui soient incontestables.
Ce sont ces messages que j'ai transmis au président Deby il y a quelques instants. Et c'est également un message de responsabilité que je délivrerai demain aux principaux responsables de l'opposition légale que je rencontrerai.
Au-delà de ce dialogue politique, c'est bien sûr un effort en matière de bonne gouvernance qui est attendu par la France et par l'Union européenne, comme par l'ensemble de la communauté internationale.
A cet égard, la perspective prochaine d'une véritable manne pétrolière pose un défi considérable au Tchad. S'il ne gère pas bien la croissance des revenus qui en résultera, s'il ne fait pas en sorte que sa population en bénéficie directement, le Tchad risque paradoxalement d'accroître sa fragilité et de perdre de réelles opportunités en matière de développement durable. Il importe donc de le doter des moyens d'assurer une réelle transparence, et je me réjouis à cet égard de l'accord intérimaire intervenu le 26 avril avec la Banque mondiale sur l'utilisation des ressources pétrolières, et qui garantit qu'une part significative des revenus issus du pétrole sera bien consacrée à la réduction de la pauvreté.
C'est dans ce contexte que la France entend accompagner le Tchad dans ces efforts en matière de développement, et c'est tout le sens du Document cadre de Partenariat (DCP) que je signerai demain. Ce document fixe en effet les orientations de notre politique de coopération pour les cinq prochaines années.
Au total, c'est un engagement financier d'environ 130 millions d'euros que la France entend ainsi consacrer au développement du Tchad au cours de la période 2006-2010. 80 % de cet engagement sera consacré aux trois grands secteurs prioritaires sur lesquels nous sommes convenus de concentrer notre effort. Ces trois priorités sont l'éducation de base, l'eau et l'assainissement, et enfin la santé et la lutte contre le sida.
Ce faisant, l'aide française se modernise, en répondant aux principaux objectifs recherchés dans le cadre de la réforme de notre politique de coopération :
- d'abord, le DCP apporte plus d'efficacité et de visibilité, en veillant à concentrer notre aide sur trois secteurs : en évitant le saupoudrage, il s'agit de rendre notre aide plus percutante, et donc plus efficace ;
- ensuite, une meilleure complémentarité des interventions de la France avec celles de ses autres partenaires est également recherchée, en privilégiant les cofinancements et les synergies susceptibles de démultiplier nos efforts conjoints ;
- enfin, le DCP privilégie le dialogue avec le pays bénéficiaire, en veillant à la prise en compte de sa stratégie nationale de réduction de la pauvreté, et en faisant en sorte que les secteurs prioritaires soient fixés en accord avec lui, dans le cadre d'un véritable partenariat.
Mais ma présence parmi vous ce soir est aussi l'occasion pour moi de rendre un hommage appuyé et solennel, au nom de l'ensemble du gouvernement, au sang-froid dont votre communauté a su faire preuve lors des derniers affrontements du mois d'avril.
Dans un contexte particulièrement tendu et que nous avons suivi heure par heure depuis Paris, votre comportement a été exemplaire. Que vous soyez du secteur privé ou du secteur public, civils ou militaires, c'est toute la communauté française qui a fait preuve de dignité, mais aussi de solidarité, en adoptant par ailleurs l'attitude de réserve qui sied lorsque l'on est ressortissant étranger.
Je tiens à saluer devant vous le professionnalisme de nos soldats des Eléments Français au Tchad (EFT), que j'aurai l'occasion d'aller féliciter demain sur leur base de N'djamena. Comme je l'ai indiqué à notre représentation nationale le 4 mai dernier, notre présence militaire au Tchad répond à trois exigences : assurer la sécurité de nos ressortissants, contribuer à la stabilité du pays qui conditionne celle de la région, et enfin appliquer l'accord de coopération militaire de 1976 qui nous lie à ce pays en matière d'assistance logistique et de renseignement.
C'est dans le cadre de ce seul mandat que les forces françaises ont agi, et continueront d'agir : durant les attaques de mars et d'avril, nos soldats n'ont à aucun moment participé aux opérations menées par l'armée nationale tchadienne. Le tir de semonce d'un mirage F1 le 12 avril n'a eu pour but que de faire savoir aux colonnes rebelles que la France ne resterait pas indifférente au sort de ses ressortissants et qu'elle saurait au besoin les protéger.
Nos soldats ont donc parfaitement accompli leur mission de protection, et notamment par la mise en place du dispositif d'alerte et de pré-positionnement prévu pour de telles crises.
Mais je sais aussi par expérience qu'il n'est de plan de sécurité qui ne fonctionne sans la pleine participation de tous. Or notre ambassadeur m'a dit à quel point chacun, dans la capitale mais aussi en province, a su faire preuve de discipline en restant à l'écoute et en respectant les consignes de l'Ambassade. C'est ainsi que l'établissement très sensible qu'est l'école Montaigne a pu être évacué de manière impromptue, dans l'ordre et la sérénité, et sans la moindre difficulté.
Ce comportement digne et responsable est, je crois, une réelle force pour votre communauté au Tchad. Votre vie quotidienne dans ce pays n'y est pas facile, mais chacun y est à sa place et y accomplit sa tâche au service de son développement.
Car la politique de coopération que nous menons au Tchad, c'est évidemment vous qui l'incarnez au quotidien, vous qui animez des entreprises ou des projets au service de nos deux pays.
Je voudrais d'ailleurs saluer tout particulièrement les assistants techniques, qui incarnent la solidarité de nos deux pays dans la voie du développement.
Je tiens également à souligner le rôle essentiel du secteur privé, acteur à part entière du développement par la création des emplois qu'il génère. Je sais aussi le rôle irremplaçable des représentants des ONG, associations et organisations laïques ou confessionnelles, qui font un travail de proximité pour appuyer le développement local et le renforcement des capacités de la société civile tchadienne. Je tiens enfin à saluer les humanitaires, qui interviennent dans des conditions toujours plus difficiles, et parfois même dangereuses, pour soutenir les réfugiés du Darfour installés dans les camps de l'Est. J'ai d'ailleurs pu mesurer moi-même cet après-midi l'ampleur et la complexité de leur tâche, en me rendant dans le camp de Gaga avec la représentante du HCR, à qui j'ai confirmé l'engagement financier de la France pour venir en aide à tous ces réfugiés.
A vous toutes et à vous tous qui me faites l'amitié d'avoir répondu ce soir à mon invitation, je souhaite donc exprimer ma reconnaissance, et mes encouragements : vous donnez corps à l'amitié franco-tchadienne et, au-delà, à la relation profonde et historique de la France et de l'Afrique. Sans vous, il n'y aurait pas de coopération française au Tchad. Pour votre action, votre engagement et votre dévouement, je tiens à vous adresser au nom du gouvernement mes remerciements les plus chaleureux.
Et pour conclure sur une tonalité plus personnelle, je veux vous dire aussi la joie sincère que j'éprouve à retrouver ce pays, et sa capitale où j'ai vécu pendant mon adolescence. J'en conserve quelques souvenirs forts, qui expliquent sans doute l'affection particulière que je porte à l'Afrique, cette Afrique qui reste d'ailleurs avant tout synonyme pour moi de paysages sahéliens... Et comme vous qui avez fait le choix de vous y installer, je sais qu'il faut d'abord connaître l'Afrique pour la comprendre et pour l'aimer.
Soyez donc sûrs de me trouver à vos côtés pour contribuer au renforcement de la coopération française en Afrique, et au Tchad en particulier.
Vive la République, vive la France !.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juin 2006