Texte intégral
Nous voulions faire le point sur cette opération UNITAID qui est menée aujourd'hui par un certain nombre de pays.
Comme vous le savez, je dirais que parmi les grandes menaces qui pèsent sur la planète aujourd'hui, on voit bien le problème de la prolifération nucléaire et en particulier en Iran ou en Corée du Nord. On voit les problèmes bien sûr de l'intégrisme religieux ici ou là, qui se développent. On voit les problèmes du "post pétrole", du "post gaz", de l'énergie en général, le risque de voir les choses s'emballer à un moment donné sur ces sujets-là.
Et puis on parle beaucoup moins de l'arme de destruction massive, réelle en fait, qui est sur la planète aujourd'hui et qui fonctionne tous les jours, la grande pauvreté. Cette grande pauvreté, avec la mondialisation, aboutit à l'humiliation de différents peuples. Cette grande pauvreté s'installe dans les pays du Sud. Et le fossé se creuse entre les pays riches qui deviennent de plus en plus riches et les pays pauvres qui stagnent.
La première des conséquences de la pauvreté, ce sont les problèmes de santé publique et en particulier les trois pandémies qui aujourd'hui déciment les pays du Sud, la tuberculose, le paludisme et le sida. La tuberculose est une maladie que l'on croyait à jamais vaincue, puisque c'est une maladie bactérienne. Les antibiotiques pour la traiter ont été découverts en 1954, la Rifampicine et le BCG pour la vaccination. On croyait que cette maladie serait à jamais vaincue.
Eh bien non, elle revient avec 22 millions de personnes infectées par la tuberculose au moment où je parle, et deux millions de morts par an.
Si je prends comme exemple le paludisme, deux millions de personnes meurent par an, dont la moitié pourrait être évitée par un traitement par médicaments. Si l'on prend l'exemple du sida, c'est 40 millions de personnes contaminées aujourd'hui dans le monde et il y a une contamination toutes les six secondes. Le pronostic a totalement changé grâce aux antirétroviraux.
Or, que ce soit pour la tuberculose, le sida ou le paludisme, les médicaments n'arrivent pas à bon port dans les pays du Sud. Sur 6 millions de gens qui ont besoin d'un médicament pour ne pas mourir dans les trois mois, 5 millions n'auront pas de médicament et 1 million les auront. Ce n'est pas un sujet humanitaire, ce n'est pas uniquement un sujet moral et éthique, c'est un sujet politique, au plus haut niveau.
C'est en réalité dans cette maison, au Quai d'Orsay, au Foreign Office, au Département d'Etat américain, dans tous les ministères des Affaires étrangères qu'il faut parler de cela. La diplomatie doit aussi servir à régler de tels problèmes, car si on ne les règle pas, vous aurez deux sujets majeurs : vous aurez, d'une part, une immigration massive des pays du Sud vers les pays du Nord, ne serait-ce que par instinct de conservation. Quand vous savez que votre fils ou votre fille a la tuberculose, qu'il va mourir et que la Rifampicine est disponible de l'autre côté de la frontière, vous faites les kilomètres nécessaires pour y aller.
Vous aurez, d'autre part, dans la bande sahélienne, dans le sud Sahara, des foyers de gens désespérés, qui peuvent nourrir le terrorisme. Ce sont des sujets éminemment politiques. C'est la raison pour laquelle, il n'y a pas tout à fait deux ans, en septembre 2004 à Genève, avec le président Lula et Kofi Annan, le président Chirac a lancé un appel afin de trouver de nouveaux financements pour lutter contre la pauvreté. On a demandé à Jean-Pierre Landau, qui est un fonctionnaire français, de faire un rapport qu'il a rendu il y a à peu près un an.
Ce rapport propose un certain nombre de financements innovants, au nombre desquels la contribution sur les billets d'avion. Et on fait une expérience, une expérimentation actuellement à quelques pays pour parler de cette contribution de solidarité. Ce n'est pas une taxe, c'est une contribution de solidarité internationale. Et prendre un produit représentatif de la mondialisation comme le billet d'avion pour réguler une mondialisation qui aboutit à un fossé de plus en plus important entre les pays riches et les pays pauvres, c'est un sujet intéressant. J'ajoute, et la loi a été votée au Parlement en décembre dernier, qu'on ne parle que d'un euro. Ce n'est rien un euro, un euro par billet d'avion, ce n'est rien pour celui qui prend l'avion. C'est beaucoup pour celui qui a deux euros par jour pour vivre, dans les pays du Sud, mais pour celui qui prend l'avion - un euro pour aller en France, un euro pour aller dans l'Union européenne, y compris d'ailleurs au Liechtenstein et en Norvège, 4 euros pour faire de grands voyages internationaux - quand on connaît le prix des billets d'avion, on s'aperçoit que ce n'est strictement rien.
La question, c'est que les gens veulent bien donner, à condition qu'ils sachent pour quoi. Car on a vu un certain nombre de problèmes de corruption, de mauvaise organisation se produire dans le passé. Alors nous avons créé au niveau mondial une sorte de pharmacie mondiale, une caisse mondiale, une caisse financière mondiale pour acheter des médicaments. Un certain nombre d'industries pharmaceutiques ont accepté de casser les prix uniquement pour vendre dans les pays du Sud. Ainsi, prenons les médicaments de première génération, pour le sida par exemple. Un traitement contre le sida en Europe ou en Amérique du Nord coûte 13 000 dollars par malade et par an. Après avoir cassé les prix de ces médicaments, on a les mêmes médicaments de première génération pour 150 dollars par malade et par an. Notre contribution de solidarité va rapporter 200 millions d'euros par an en France, ce qui équivaut donc à 300 millions de dollars.
Nous avons maintenant la certitude que le Brésil nous rejoigne - la loi sera votée par son Parlement très bientôt. Nous avons le Chili, qui soumet actuellement cette contribution de solidarité à son Parlement. Nous avons la Norvège, qui est décidée à le faire. Nous avons la Corée du Sud, qui soumettra en juillet à son Parlement cette décision. Le Qatar, dans les pays du Golfe, a décidé de le faire ; le Luxembourg, le Royaume-Uni qui, avec l'IFFIM, qui est comme vous le savez la grande idée de Gordon Brown et de Tony Blair sur la vaccination des enfants dans le sud, va également s'associer à nous ; l'Espagne a trouvé une une idée intéressante, elle dit qu'en tant que grand pays touristique, il est difficile pour elle de mettre en place cette contribution, vis-à-vis de l'opposition, du Parlement, mais que si cette taxe existait en Espagne, elle disposerait d'un budget annuel qu'elle a donc décidé de nous donner, pendant cinq ans.
Parce que l'avantage de la contribution de solidarité, c'est qu'elle est pérenne, durable, qu'elle n'est pas remise en cause par un ministre du Budget ou par une alternance politique. Je pourrais parler aussi de pays du Sud, Madagascar, la Côte d'Ivoire, le Congo, Maurice, etc.. Bref, au début nous étions trois, puis quatre, puis cinq, puis 14, à la Conférence de Paris. Maintenant nous sommes à 43 pays et cela continue à augmenter. En tout je pense que nous pourrions déjà penser à environ un milliard de dollars par an.
Pour ne pas créer une nouvelle bureaucratie, une nouvelle technocratie, pour que cet argent n'aille pas aux fonctionnaires, nous avons demandé à l'ONU et en particulier à l'Organisation mondiale de la Santé de gérer ce fonds. Nous sommes en discussion finale actuellement avec eux, tout se passe très bien. Nous souhaitons bien sûr rester indépendants pour acheter nos médicaments. Cette idée m'a été donnée par Bill Clinton, dans une discussion avec lui en juillet dernier, il y a un an. Lui-même a basé sa Fondation Clinton sur cette idée.
Nous avons demandé à quelques médias et à quelques organisations mondiales, comme la FIFA, de nous aider. Je ne sais pas si vous avez vu le match hier, qui a commencé par cet échange qui est systématique, de ballons entre les capitaines des équipes avec un ballon UNITAID. Nous avons appelé cela UNITAID parce que nous sommes tous unis pour aider. Je réponds à vos questions si vous le souhaitez.
Q - Y a-t-il une contribution de solidarité pour des médicaments qu'on appelle chez nous des médecines ancestrales africaines, quand on sait que 80% des populations africaines se soignent grâce à cette médecine ?
R - Nous allons concentrer nos achats de médicaments sur les trois maladies qui sont la tuberculose, le sida et le paludisme, et je peux vous assurer que contre la tuberculose il n'y a rien de mieux que les antibiotiques, et contre le sida rien de mieux que des antirétroviraux.
Je ne veux pas évidemment minimiser toutes les médecines qui peuvent exister par ailleurs, en particulier dans votre continent où il y a des gens qui connaissent très bien ce genre de sujet que nous connaissons mal. Je voudrais profiter de votre question pour vous dire qu'évidemment 500 tonnes de Rifampicine sur le tarmac de l'aéroport de Kinshasa ne suffiront pas. Il faudra ensuite les enlever, les transporter, les amener aux dispensaires, les faire distribuer par les infirmières, il faudra qu'il y ait des médecins de brousse, et un système de santé publique minimal avec des laboratoires.
Quand je dis qu'UNITAID est une centrale d'achat de médicaments, c'est aussi évidemment avant tout un système de santé publique minimal qu'il faut mettre en place dans le cadre d'une politique de santé publique. Je me permets de rappeler aussi les éléments de calendrier, des échéances proches. En juillet : finalisation de la convention OMS/Etats contributeurs, et accords de partenariat également avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et l'UNICEF. Car l'UNICEF va nous aider à distribuer les médicaments.
En septembre, présentation à l'Assemblée générale des Nations unies à New York. En octobre, mise en place de la structure opérationnelle UNITAID, première réunion de son conseil d'administration. A partir d'octobre, également, démarrage effectif des actions d'UNITAID, achat de médicaments, etc... Sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la contribution avec nos partenaires, je voudrais dire également que le Gabon a instauré la contribution. Aux côtés du Chili, de la Norvège, du Brésil, du Royaume-Uni, de la Corée du Sud, de Madagascar, du Luxembourg et de Maurice, sont aussi présents la Jordanie, le Cambodge, Chypre et le Nicaragua.
Q - J'ai trois questions brèves. Premièrement, pouvez-vous me donner un chiffre pour les engagements totaux de tous les pays qui s'alignent sur cette initiative du président Chirac ?
Deuxièmement, je parle au ministre et au médecin, vous savez très bien que la santé publique passe aussi par un régime alimentaire suffisant et sain, et qu'en Afrique, c'est le désastre actuellement. Au Niger, en Somalie, etc... nous avons des problèmes très graves. Quel est le point de vue du gouvernement français sur ce qu'il faut faire en Afrique actuellement au niveau alimentaire pour les crises actuelles ?
Et troisièmement, au niveau de la gestion de ce fonds, avez-vous une idée de combien, quel pourcentage il faudrait déduire du fonds collecté pour la gestion ?
R - Sur la première question, la contribution de chaque pays, il y a trois possibilités. La première, c'est que ce soit en effet un geste le plus significatif possible. Si un pays veut donner quatre dollars par billet, qu'il le fasse. Un dollar me paraît être bien. Mais si l'on va en Chine, et si la Chine accepte un dollar par billet, vous vous rendez compte de ce que cela représente par la suite ? C'est à chaque pays à dire ce qu'il pense faire, ne serait-ce que consacrer 50 cents. Ce n'est pas trop le sujet, ce qui est important c'est la démarche révolutionnaire. C'est une démarche citoyenne mondiale. Combien de fois a-t-on parlé d'une taxe ? Combien de fois s'est-on cassé les dents ? Pour la première fois, un citoyen du monde va aider un autre citoyen du monde. Ce n'est pas un Espagnol, un Français, un Allemand, un Anglais qui va aider, demain, un Togolais ou un Congolais ou un Mozambicain. Non, c'est un citoyen du monde, M. X, qui va aider Mme Y, un autre citoyen du monde. Ca, c'est révolutionnaire.
Pour terminer, il y a une troisième étape dans la réponse. Nous avons décidé, nous, que la contribution serait obligatoire. Mais on peut très bien penser que dans certains pays ce soit volontaire. Si quelqu'un veut avoir un billet rouge, comme Bono par exemple a fait avec sa carte American Express rouge, qui montre que vous pensez aux autres, votre voyagiste peut très bien dire : "Avec 50 cents de plus, voulez-vous penser aux pays du Sud, ou si vous ne le voulez pas, avoir un comportement égoïste ? Qu'est-ce que vous préférez ?" Je pense que donner le choix n'est pas une mauvaise idée.
Pour les Etats-Unis, la contribution de solidarité obligatoire pose un problème. L'esprit libéral fait que cela peut choquer de mettre en place une contribution obligatoire. Il faut donner la possibilité. Il y a des gens qui ont l'impression d'habiter une planète, de ne pas habiter uniquement un Etat, il y a des gens qui pensent qu'en dehors de leur Etat, il y a autre chose. Quand c'est autre chose, ce n'est pas uniquement pour gagner un match de foot. C'est aussi peut-être pour aider. Et je crois que c'est important comme approche, en particulier aux Etats-Unis ou dans certains pays anglo-saxons.
Deuxième question, l'aide alimentaire. Vous avez tout à fait raison, tout cela ne forme qu'un. J'ai eu une discussion hier à midi avec un homme que je respecte énormément, que j'ai invité au Quai d'Orsay, que je réinviterai régulièrement, qui est un grand sage, le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ce monsieur, président du CICR, représente par son organisation les valeurs de neutralité, d'indépendance de la Suisse. Nous discutions avec lui de la réforme des Nations unies en terme de clusters. Comme vous le savez, l'UNICEF va s'occuper de la nutrition et de l'eau, le PAM va s'occuper uniquement de l'alimentation, l'OMS va s'occuper de ceci, de cela. Je crois beaucoup à ce système.
Je crois que les grandes institutions internationales auront intérêt demain, non seulement à se spécialiser encore plus sur des sujets donnés, mais encore à bien veiller à ce que des grandes institutions ne fassent pas la même chose, et à l'inverse, qu'il n'y ait pas de pans entiers de l'aide qui ne soient pas couverts. Quand vous regardez aujourd'hui certains pays de certains continents, on s'aperçoit qu'il peut y avoir une très belle action par exemple sur le médicament, et pas sur l'alimentation ; vous avez complètement raison. Il ne sert à rien de donner des antibiotiques à des enfants dénutris de 800 grammes. Il faut d'abord les faire manger ou les faire boire. UNITAID n'a pas vocation à cela mais doit rester dans sa cible.
En parlant de cible, je vous donne un but très particulier d'UNITAID. Par exemple les formulations pédiatriques. Parce que nous n'avons pas d'enfants dans les pays riches, occidentaux, infectés en grand nombre, les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas fait de médicaments pour les enfants. Mais vous avez 2.000 enfants contaminés par jour en Afrique du sida. Et comment soigne-t-on, s'il n'y a pas de médicaments ? Je vais vous dire comment on fait tous ici : on envoie des médicaments pour adultes. Et on essaye de les couper en deux, en trois. Mais donner un médicament pour adultes à des enfants, cela donne des effets secondaires néfastes, terribles. Premièrement, nous allons demander à nos industries pharmaceutiques de créer des médicaments pédiatriques. Deuxièmement, mettre en place la prévention de la transmission mère/enfant du virus du sida. Des médicaments anti-paludéens ne sont pas suffisamment produits. Egalement, il faut penser au financement des programmes de pré-qualification de l'OMS.
Troisièmement, combien coûte la gestion ? Très peu, nous allons confier notre gestion à l'OMS.
Q - Plusieurs ONG se sont inquiétées de la lourdeur des procédures. Elles ont estimé qu'il pourrait y avoir des lourdeurs de procédures. Je voulais savoir si la lourdeur des procédures pour l'accès à la facilité a été réglée et quelle place la Facilité va-t-elle faire aux ONG ? Pourraient-elles envisager d'entrer dans le Conseil d'administration ?
Deuxième question : samedi s'ouvre à Banjul le sommet de l'Union africaine. Quel message la France adresse-t-elle ? Est-il envisageable par exemple de sensibiliser les pays africains sur la Facilité et son objectif ?
R - Sur le Sommet de l'Union africaine, oui, bien sûr. J'ai demandé à Nathalie Delapalme de s'y rendre et j'aurai des contacts avec de nombreux responsables africains au moment de l'Assemblée générale de New York. Il est très important que nous puissions voir avec eux comment nous pouvons travailler ensemble. A ce sujet je leur dirai que notre souhait, c'est de créer des unités de production dans le sud et de ne pas avoir simplement un mouvement nord/sud. Comme vous le savez, par exemple en Afrique du Sud, il y a de grandes unités d'industries pharmaceutiques, en particulier françaises.
Deuxièmement, oui, les ONG seront présentes au Conseil d'administration, je le souhaite, à la fois du Sud et du Nord comme certaines fondations privées d'ailleurs. Est-ce que la Facilité va plutôt faciliter les choses ? Lors de la Conférence de Paris, une dame a demandé si cela n'allait pas créer au contraire une difficulté de plus. Parce que les acteurs sont écoeurés, énervés par la difficulté administrative au sein de nos institutions. Quand vous savez qu'il y a une personne qui meurt toutes les trois secondes en Afrique parce qu'il n'y a pas de médicaments, je pense que vous facilitez obligatoirement les choses lorsque vous amenez des médicaments. Encore faut-il que ce soit bien dispensé, bien distribué, qu'il y ait des médecins de brousse, des infirmières.
Nous avons aujourd'hui une mobilisation nationale importante. Les maires des grandes villes de France ont accepté de se mobiliser : Lyon, Paris, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Lille et beaucoup d'autres, avec des logos UNITAID.
Nous avons même demandé aux Français de faire une pétition nationale par SMS, en tapant leur prénom, leur nom, et en les envoyant au numéro 3 33 33. A notre grand étonnement, nous avons maintenant 130.000 ou 135.000 citoyens UNITAID. C'est une pétition gratuite, on ne demande rien à personne. C'est l'association "SMS +", qui regroupe les trois principaux opérateurs de téléphonie mobile, Bouygtel, SFR et Orange qui, pour la première fois, a décidé de faire cela gratuitement. Ensuite il y a les petits bracelets en effet, comme vous le voyez. Et puis, il y a une chose qui me paraît aussi importante : dans les aéroports, vous allez aussi voir UNITAID. Les voyagistes en parlent aussi. Les ministères des Transports, de la Santé. Il y a là un engouement.
Deuxièmement, pour vos pays, je voudrais d'abord vous dire que je suis à votre disposition, les uns et les autres, pour faire une tribune dans vos journaux. Vous pouvez le proposer à votre rédacteur en chef. Je suis prêt, ça peut être maintenant, en août, en septembre, quand vous le voulez, à faire une tribune pour expliquer cette aventure, pour expliquer pourquoi nous le faisons. Et vous-mêmes, je vous serais très reconnaissant mais c'est à vous, en votre âme et conscience de journaliste, de tout faire pour que les pays qui n'ont pas encore décidé de faire cela, puissent au moins se poser la question en terme d'opinion publique. C'est bien d'en parler, de dire : "il y a quelques pays qui ont décidé de faire quelque chose de multilatéral, d'anonyme." Ce n'est pas pour son propre pays.
Et enfin, les compagnies aériennes, rassurez-les ! Parce que les compagnies aériennes y sont très défavorables. Mais en réalité, il n'y a aucune distorsion de concurrence, puisque dans un pays donné comme la France par exemple, toute personne qui prendra un billet d'avion n'importe où, voyagiste, aéroport, par Internet, pour n'importe quelle compagnie, low cost ou non, américaine, anglaise, allemande, italienne, espagnole, française ou belge, paiera un euro. Tout le monde est logé à la même enseigne. C'est d'ailleurs pour cela que les critiques se sont très vite arrêtées.
Q - L'actualité brûlante, internationale, nous amène à vous poser quelques questions sur ce qui se passe au Moyen-Orient, Gaza en particulier. Avez-vous quelque chose à nous dire sur ce qui se passe là-bas ?
R - Nous sommes en contact d'un côté avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et d'autre part avec mon homologue israélienne que j'ai eu à plusieurs reprises au téléphone. Il y a deux éléments : le premier élément, c'est que nous savons que ce soldat israélien qui a été enlevé près de la bande de Gaza dimanche matin est de père français, de nationalité à la fois israélienne et française, inscrit sur les registres du consulat d'Haïfa. L'ensemble des services du Quai d'Orsay, des consulats, de l'ambassade de France à Tel-Aviv sont très mobilisés. Nous pensons bien sûr avant tout à lui, à sa famille. Nous avons dit aux deux parties prenantes que nous exigions sa libération.
Deuxièmement nous condamnons tout regain de violence des deux côtés. Nous estimons que la seule solution, pour régler le problème du conflit israélo-palestinien, c'est le dialogue politique. Le processus politique doit reprendre le plus vite possible, ce n'est pas par l'armée, par la violence, que nous réglerons quoi que ce soit là-bas.
Troisièmement, nous avons pris note avec intérêt de la signature par les principaux partis palestiniens représentés au Conseil législatif palestinien (CLP) d'un document d'entente nationale. Plusieurs dispositions de ce texte semblent marquer la volonté pour ses signataires notamment pour le Hamas de s'engager dans une voie menant à la reconnaissance de l'Etat d'Israël et à l'intégration dans un processus de négociation. Si ces éléments devaient se confirmer, ce serait une avancée significative vers le respect effectif des principes énoncés par le Quartet.
Nous espérons dès lors que la signature de ce document permettra de faciliter la reprise des discussions israélo-palestiniennes dont je vous parlais à l'instant, comme le principe en avait été acté lors de la rencontre récente entre le président de la République Jacques Chirac et le Premier ministre Ehud Olmert, ici même, à Paris. Nous manifestons d'autre part le souhait que la signature de ce document permette un apaisement des tensions dans la région, susceptible de conduire à l'arrêt des violences et donc nous réitérons dans ce contexte à la fois l'appel au dialogue politique et à la libération de ce soldat.
Q - On a parlé des billets d'avion, je veux parler d'avion, c'est à dire, il y a bien une séquence politique dans les relations franco-allemandes en ce moment dans la crise de EADS/Airbus. C'est un grand projet européen qui aujourd'hui semble mis en discussion.
R - Alors je peux d'autant mieux vous répondre que je suis président de l'agglomération du Grand Toulouse. .... Je connais un peu ce sujet. D'abord, ce n'est pas un projet, pardon, c'est une des plus grandes entreprises du monde. C'est un succès mondial exceptionnel, ce qui prouve que l'Europe, lorsqu'elle se met ensemble, est plus forte que les autres, puisque comme vous le savez, aujourd'hui, on vend à peu près six à sept Airbus pour trois à quatre Boeing pour les avions de plus de cent places.
Je crois que, pour répondre à votre question, bien entendu il va falloir régler le problème technique qui a été à l'origine des retards dans la livraison de l'A380. Je vous rappelle néanmoins que l'A380 a déjà plus de 400 heures de vol et qu'une première livraison aura lieu cette année. La régie d'Airbus est un enjeu majeur pour la France, pour l'Allemagne et pour l'Europe en général.
Par ailleurs, le gouvernement français, notamment le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Thierry Breton, pour ce qui concerne l'actionnaire français, nos partenaires allemands et les autres actionnaires sont actuellement en train de discuter pour envisager les remèdes à apporter à la gestion d'ensemble de EADS.
S'agissant du deuxième dossier dont vous avez parlé, je peux vous assurer que les relations franco-allemandes sont bonnes. Je suis bien placé pour voir que nos relations sont au beau fixe, par exemple lors de nos sommets informels, comme récemment à Heidelberg, soit lors de rencontres plus formelles, comme les rencontres de Blasheim ou lors des Conseils des ministres franco-allemands, l'ambiance entre la chancelière et le président, entre les ministres des Affaires étrangères est excellente.
Q - Monsieur le Ministre une question sur la crise ivoirienne : la médiation sud-africaine estime aujourd'hui que compte tenu de l'importance du travail qui reste à faire, les choses ne pourront pas se faire dans quatre mois et que les élections ne pourront pas se tenir à l'échéance du 31 octobre. Est-ce que la France partage ce diagnostic ? Est-ce que vous pensez que l'on pourrait envisager un report de l'échéance du 31 octobre ?
R - Pour nous, il est excessivement important de tenir le calendrier. Il est important, et d'ailleurs nous l'avons dit à chaque fois, au Groupe de travail à Abidjan, il est important que nous puissions continuer à tenir ce calendrier. Je sais qu'il y a des retards, en particulier dans le désarmement des milices, mais il est souhaitable de garder à l'esprit les dates qui ont été retenues et je dirais que les Nations unies sont les garantes de ce calendrier qui doit être respecté.
Q - C'est au sujet de la Colombie : les FARC ont indiqué qu'elles seraient prêtes maintenant à négocier avec le gouvernement colombien un accord sur l'échange des otages. Est-ce que la France a été en contact avec le gouvernement Uribe depuis lors, et y a-t-il eu des contacts de nouveau avec la guérilla ?
R - Je pars du principe que chaque fois que des gens se parlent, c'est positif. Et donc, nous pensons que la seule solution pour résoudre le problème à terme en Colombie, c'est qu'il puisse y avoir un accord humanitaire. Nous l'appelons de nos voeux, nous l'avons toujours appelé de nos voeux. C'est important et d'ailleurs, je crois que c'est nécessaire en général pour la paix dans ce pays.
Q - Monsieur le Ministre, après l'enlèvement et la mort des collaborateurs de l'ambassade russe à Bagdad, la Russie essaie d'initier les mesures internationales de protection du corps diplomatique dans le pays. Vous croyez vraiment que c'est réalisable dans la situation actuelle ?
R - Je crois qu'il faut à tout prix augmenter la sécurité du corps diplomatique en général, je voudrais d'ailleurs à ce sujet saluer le courage des diplomates qui sont en poste là-bas. Vous comprendrez que je cite tout particulièrement M. Bajolet, l'Ambassadeur de France en Irak. Je profite de cette occasion pour vous dire que nous sommes très inquiets de l'augmentation de la communautarisation en Irak. Nous avons bien vu que M. Al Maliki venait de former un gouvernement qui était plus inclusif que le précédent.
Nous pensons que la souveraineté territoriale de l'Irak, que la souveraineté politique de l'Irak doit primer. Nous pensons que quelle que soit l'appartenance ethnique ou religieuse d'un citoyen irakien, il doit pouvoir participer à la vie politique.
Nous avons vu qu'il y avait un ajournement de la conférence régionale qui devait avoir lieu sous les auspices de la Ligue arabe. Nous voyons avec plaisir qu'elle est toutefois réinscrite à l'ordre du jour. Nous pensons que les trois grands défis de ce gouvernement maintenant, c'est à la fois le retour à la sécurité, le déploiement des services publics dans tout le territoire et la lutte contre la corruption.
J'ai reçu le vice-président irakien il y a 24 heures, ici à Paris, au Quai d'Orsay. J'ai vu, en effet, dans son attitude et dans ce qu'il m'a dit une volonté également de faire de l'Irak un pays où il y aura une inclusion progressive des forces politiques.
Q - Monsieur le Ministre, je voudrais retourner un peu au Proche-Orient. En attendant un retour au processus politique, qu'est ce que vous avez l'intention de faire pour arrêter le déluge de feu auquel sont soumis les citoyens de Gaza, à part condamner la reprise de la violence, concrètement ?
R - Je crois que dans certains moments, dans la vie, nous sommes obligés de dire les choses très clairement. Nous l'avons dit à M. Sharon lorsqu'il est venu en juillet dernier, nous l'avons dit à M. Ehud Olmert lorsqu'il est venu il y a quelques jours à Paris, nous lui avons dit que la seule solution était de voir M. Mahmoud Abbas et de commencer une négociation.
Je vois aussi, également, l'accord qui peut intervenir entre les Palestiniens, les différentes parties palestiniennes dont j'ai parlé tout à l'heure, avec à la clef une reconnaissance explicite ou implicite de l'Etat d'Israël, sans laquelle il n'y a pas, évidemment, de possibilité de processus politique. Car s'il y a processus politique, c'est qu'il y a respect de l'autre. Vous ne pouvez pas rentrer dans un processus politique sans, évidemment, envisager que l'autre existe, par définition. Donc, j'ai envie de vous dire, pour répondre à votre question très directement, que notre volonté aujourd'hui c'est de faire en sorte qu'il puisse y avoir de la part des parties palestiniennes, de toutes les parties palestiniennes, comme nous l'avons toujours dit - et c'est le Premier ministre Dominique de Villepin qui a été le premier à le dire - un renoncement à la violence, une reconnaissance de l'Etat d'Israël et une reconnaissance des accords OLP/Israël. C'est un élément majeur et c'est la seule solution, le reste est condamné par l'affrontement.
Q - Vous avez fourni une série de demandes à l'égard des Palestiniens, mais à l'égard d'Israël, il y a aussi des résolutions internationales que l'Etat israélien ne respecte pas.
R - Nous avons toujours été très clairs à ce sujet. Je viens de vous dire que je condamne, que nous condamnons la violence. Nous condamnons la violence des deux côtés. Je ne peux pas dire mieux. Nous estimons que la seule solution, c'est un processus politique, je l'ai dit aux deux parties.
Q - Sur le même sujet, la France a toujours pris une position équitable dans ce problème, en condamnant la violence d'où qu'elle vienne. Mais en même temps, l'Union européenne est le plus grand bailleur de fonds des Palestiniens et l'infrastructure qui est aujourd'hui en train d'être détruite par les avions israéliens est payée par nous, les impôts des citoyens européens. Donc, il faut quand même voir cela dans le contexte: à chaque fois qu'il y a un problème, c'est l'infrastructure payée par les Européens qui est détruite. Donc, est-ce qu'il n'y a pas un moyen pour que l'Union européenne prenne une position avec un peu plus de force vis-à-vis de ces raids qui ont lieu dans un territoire qui n'est plus sous contrôle israélien ?
R - Nous l'avons déjà dit, donc nous ne sommes pas gênés par cette question. La question qui est posée pour nous est de savoir s'il est encore possible ou pas de sauver une négociation entre les deux parties. Ma réponse est "oui". Je reste persuadé qu'il est possible, après des élections israéliennes, et après des élections palestiniennes, de sortir des problèmes intérieurs de chaque partie pour commencer un processus politique entre elles. J'en suis persuadé. Il est évident que tous les jours qui passent et qui montrent leur cortège de violence ne sont pas des jours positifs. Vous avez tout à fait raison.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez répondu sur le Proche-Orient, j'ai donc une question de la part d'un confrère polonais qui n'a pas pu se rendre ce matin à ce petit déjeuner : concernant votre dernière visite en Pologne, quel est selon vous l'état des relations franco-polonaises à la veille du Sommet de Weimar et avec les changements qui sont survenus dans le gouvernement polonais ?
R - Je peux vous parler de ce que je connais, c'est à dire de mon homologue, le ministre des Affaires étrangères de Pologne qui est une femme avec laquelle nous avons des relations de travail amicales très poussées. Nous partageons la même vision de l'Union européenne. Je suis très heureux de pouvoir travailler avec elle. J'ai beaucoup travaillé avec Stefan Meller qui est un homme que je respecte aussi beaucoup. Il a été ambassadeur de Pologne en France, il a démissionné et je travaille beaucoup avec sa successeure.
Pourquoi ? D'abord parce que nous sommes dans les tout premiers investisseurs, sinon le premier investisseur en Pologne. Nous sommes troisième dans les accords commerciaux. Nous avons énormément d'amitié pour les Polonais, énormément de respect pour eux et nos pays sont très liés et très amis. Et donc nous développons aujourd'hui énormément de relations avec eux et c'est très heureux.
Q - C'est une question concernant la Corée du Nord : Nous avons le problème de missiles et c'est une menace importante. Quelle est la position française ?
R - Elle n'a pas bougé, la position française. Elle reste toujours la même. La France est persuadée qu'il faut continuer avec le Groupe des Six, de suivre cela avec attention, de ne pas accepter la prolifération nucléaire, en Corée du Nord comme ailleurs. Nous estimons que les avancées qu'il y avait eues, d'ailleurs, avec les pays voisins en particulier, étaient des avancées très positives, y compris avec les Américains.
Q - Dans le cas du pire, irez-vous aux côtés des Etats-Unis ?
R - Nous n'en sommes pas là pour l'instant, alors attendons le moment où la question se posera. Pour l'instant, aujourd'hui nous faisons tout pour faire en sorte qu'il n'y ait pas cette menace.
Q - A propos de la contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion, certains pays ne s'engagent pas, comme le Japon. Vous avez l'intention d'effectuer une visite pour les convaincre de l'importance de cette initiative ?
R - Oui. Il faut vraiment que j'aille voir, en effet, les Japonais, comme les Italiens. Je suis persuadé qu'il faut faire campagne. Vous avez tout à fait raison. Je vois mes homologues italien et japonais très bientôt. Je me rends à Moscou tout à l'heure et j'y verrai mon homologue japonais pour lui parler de cela.
Q - C'est à dire, vous allez au Japon ?
R - J'espère m'y rendre.
(...)
Q - Sur les élections au Koweït : pour la première fois, il y a des femmes qui votent, qui sont candidates pour les élections parlementaires au Koweït.
R - C'est une bonne nouvelle pour la démocratie, c'est une bonne nouvelle pour le rapport entre les hommes et les femmes, c'est donc une bonne nouvelle tout court.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juin 2006
Comme vous le savez, je dirais que parmi les grandes menaces qui pèsent sur la planète aujourd'hui, on voit bien le problème de la prolifération nucléaire et en particulier en Iran ou en Corée du Nord. On voit les problèmes bien sûr de l'intégrisme religieux ici ou là, qui se développent. On voit les problèmes du "post pétrole", du "post gaz", de l'énergie en général, le risque de voir les choses s'emballer à un moment donné sur ces sujets-là.
Et puis on parle beaucoup moins de l'arme de destruction massive, réelle en fait, qui est sur la planète aujourd'hui et qui fonctionne tous les jours, la grande pauvreté. Cette grande pauvreté, avec la mondialisation, aboutit à l'humiliation de différents peuples. Cette grande pauvreté s'installe dans les pays du Sud. Et le fossé se creuse entre les pays riches qui deviennent de plus en plus riches et les pays pauvres qui stagnent.
La première des conséquences de la pauvreté, ce sont les problèmes de santé publique et en particulier les trois pandémies qui aujourd'hui déciment les pays du Sud, la tuberculose, le paludisme et le sida. La tuberculose est une maladie que l'on croyait à jamais vaincue, puisque c'est une maladie bactérienne. Les antibiotiques pour la traiter ont été découverts en 1954, la Rifampicine et le BCG pour la vaccination. On croyait que cette maladie serait à jamais vaincue.
Eh bien non, elle revient avec 22 millions de personnes infectées par la tuberculose au moment où je parle, et deux millions de morts par an.
Si je prends comme exemple le paludisme, deux millions de personnes meurent par an, dont la moitié pourrait être évitée par un traitement par médicaments. Si l'on prend l'exemple du sida, c'est 40 millions de personnes contaminées aujourd'hui dans le monde et il y a une contamination toutes les six secondes. Le pronostic a totalement changé grâce aux antirétroviraux.
Or, que ce soit pour la tuberculose, le sida ou le paludisme, les médicaments n'arrivent pas à bon port dans les pays du Sud. Sur 6 millions de gens qui ont besoin d'un médicament pour ne pas mourir dans les trois mois, 5 millions n'auront pas de médicament et 1 million les auront. Ce n'est pas un sujet humanitaire, ce n'est pas uniquement un sujet moral et éthique, c'est un sujet politique, au plus haut niveau.
C'est en réalité dans cette maison, au Quai d'Orsay, au Foreign Office, au Département d'Etat américain, dans tous les ministères des Affaires étrangères qu'il faut parler de cela. La diplomatie doit aussi servir à régler de tels problèmes, car si on ne les règle pas, vous aurez deux sujets majeurs : vous aurez, d'une part, une immigration massive des pays du Sud vers les pays du Nord, ne serait-ce que par instinct de conservation. Quand vous savez que votre fils ou votre fille a la tuberculose, qu'il va mourir et que la Rifampicine est disponible de l'autre côté de la frontière, vous faites les kilomètres nécessaires pour y aller.
Vous aurez, d'autre part, dans la bande sahélienne, dans le sud Sahara, des foyers de gens désespérés, qui peuvent nourrir le terrorisme. Ce sont des sujets éminemment politiques. C'est la raison pour laquelle, il n'y a pas tout à fait deux ans, en septembre 2004 à Genève, avec le président Lula et Kofi Annan, le président Chirac a lancé un appel afin de trouver de nouveaux financements pour lutter contre la pauvreté. On a demandé à Jean-Pierre Landau, qui est un fonctionnaire français, de faire un rapport qu'il a rendu il y a à peu près un an.
Ce rapport propose un certain nombre de financements innovants, au nombre desquels la contribution sur les billets d'avion. Et on fait une expérience, une expérimentation actuellement à quelques pays pour parler de cette contribution de solidarité. Ce n'est pas une taxe, c'est une contribution de solidarité internationale. Et prendre un produit représentatif de la mondialisation comme le billet d'avion pour réguler une mondialisation qui aboutit à un fossé de plus en plus important entre les pays riches et les pays pauvres, c'est un sujet intéressant. J'ajoute, et la loi a été votée au Parlement en décembre dernier, qu'on ne parle que d'un euro. Ce n'est rien un euro, un euro par billet d'avion, ce n'est rien pour celui qui prend l'avion. C'est beaucoup pour celui qui a deux euros par jour pour vivre, dans les pays du Sud, mais pour celui qui prend l'avion - un euro pour aller en France, un euro pour aller dans l'Union européenne, y compris d'ailleurs au Liechtenstein et en Norvège, 4 euros pour faire de grands voyages internationaux - quand on connaît le prix des billets d'avion, on s'aperçoit que ce n'est strictement rien.
La question, c'est que les gens veulent bien donner, à condition qu'ils sachent pour quoi. Car on a vu un certain nombre de problèmes de corruption, de mauvaise organisation se produire dans le passé. Alors nous avons créé au niveau mondial une sorte de pharmacie mondiale, une caisse mondiale, une caisse financière mondiale pour acheter des médicaments. Un certain nombre d'industries pharmaceutiques ont accepté de casser les prix uniquement pour vendre dans les pays du Sud. Ainsi, prenons les médicaments de première génération, pour le sida par exemple. Un traitement contre le sida en Europe ou en Amérique du Nord coûte 13 000 dollars par malade et par an. Après avoir cassé les prix de ces médicaments, on a les mêmes médicaments de première génération pour 150 dollars par malade et par an. Notre contribution de solidarité va rapporter 200 millions d'euros par an en France, ce qui équivaut donc à 300 millions de dollars.
Nous avons maintenant la certitude que le Brésil nous rejoigne - la loi sera votée par son Parlement très bientôt. Nous avons le Chili, qui soumet actuellement cette contribution de solidarité à son Parlement. Nous avons la Norvège, qui est décidée à le faire. Nous avons la Corée du Sud, qui soumettra en juillet à son Parlement cette décision. Le Qatar, dans les pays du Golfe, a décidé de le faire ; le Luxembourg, le Royaume-Uni qui, avec l'IFFIM, qui est comme vous le savez la grande idée de Gordon Brown et de Tony Blair sur la vaccination des enfants dans le sud, va également s'associer à nous ; l'Espagne a trouvé une une idée intéressante, elle dit qu'en tant que grand pays touristique, il est difficile pour elle de mettre en place cette contribution, vis-à-vis de l'opposition, du Parlement, mais que si cette taxe existait en Espagne, elle disposerait d'un budget annuel qu'elle a donc décidé de nous donner, pendant cinq ans.
Parce que l'avantage de la contribution de solidarité, c'est qu'elle est pérenne, durable, qu'elle n'est pas remise en cause par un ministre du Budget ou par une alternance politique. Je pourrais parler aussi de pays du Sud, Madagascar, la Côte d'Ivoire, le Congo, Maurice, etc.. Bref, au début nous étions trois, puis quatre, puis cinq, puis 14, à la Conférence de Paris. Maintenant nous sommes à 43 pays et cela continue à augmenter. En tout je pense que nous pourrions déjà penser à environ un milliard de dollars par an.
Pour ne pas créer une nouvelle bureaucratie, une nouvelle technocratie, pour que cet argent n'aille pas aux fonctionnaires, nous avons demandé à l'ONU et en particulier à l'Organisation mondiale de la Santé de gérer ce fonds. Nous sommes en discussion finale actuellement avec eux, tout se passe très bien. Nous souhaitons bien sûr rester indépendants pour acheter nos médicaments. Cette idée m'a été donnée par Bill Clinton, dans une discussion avec lui en juillet dernier, il y a un an. Lui-même a basé sa Fondation Clinton sur cette idée.
Nous avons demandé à quelques médias et à quelques organisations mondiales, comme la FIFA, de nous aider. Je ne sais pas si vous avez vu le match hier, qui a commencé par cet échange qui est systématique, de ballons entre les capitaines des équipes avec un ballon UNITAID. Nous avons appelé cela UNITAID parce que nous sommes tous unis pour aider. Je réponds à vos questions si vous le souhaitez.
Q - Y a-t-il une contribution de solidarité pour des médicaments qu'on appelle chez nous des médecines ancestrales africaines, quand on sait que 80% des populations africaines se soignent grâce à cette médecine ?
R - Nous allons concentrer nos achats de médicaments sur les trois maladies qui sont la tuberculose, le sida et le paludisme, et je peux vous assurer que contre la tuberculose il n'y a rien de mieux que les antibiotiques, et contre le sida rien de mieux que des antirétroviraux.
Je ne veux pas évidemment minimiser toutes les médecines qui peuvent exister par ailleurs, en particulier dans votre continent où il y a des gens qui connaissent très bien ce genre de sujet que nous connaissons mal. Je voudrais profiter de votre question pour vous dire qu'évidemment 500 tonnes de Rifampicine sur le tarmac de l'aéroport de Kinshasa ne suffiront pas. Il faudra ensuite les enlever, les transporter, les amener aux dispensaires, les faire distribuer par les infirmières, il faudra qu'il y ait des médecins de brousse, et un système de santé publique minimal avec des laboratoires.
Quand je dis qu'UNITAID est une centrale d'achat de médicaments, c'est aussi évidemment avant tout un système de santé publique minimal qu'il faut mettre en place dans le cadre d'une politique de santé publique. Je me permets de rappeler aussi les éléments de calendrier, des échéances proches. En juillet : finalisation de la convention OMS/Etats contributeurs, et accords de partenariat également avec le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et l'UNICEF. Car l'UNICEF va nous aider à distribuer les médicaments.
En septembre, présentation à l'Assemblée générale des Nations unies à New York. En octobre, mise en place de la structure opérationnelle UNITAID, première réunion de son conseil d'administration. A partir d'octobre, également, démarrage effectif des actions d'UNITAID, achat de médicaments, etc... Sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre de la contribution avec nos partenaires, je voudrais dire également que le Gabon a instauré la contribution. Aux côtés du Chili, de la Norvège, du Brésil, du Royaume-Uni, de la Corée du Sud, de Madagascar, du Luxembourg et de Maurice, sont aussi présents la Jordanie, le Cambodge, Chypre et le Nicaragua.
Q - J'ai trois questions brèves. Premièrement, pouvez-vous me donner un chiffre pour les engagements totaux de tous les pays qui s'alignent sur cette initiative du président Chirac ?
Deuxièmement, je parle au ministre et au médecin, vous savez très bien que la santé publique passe aussi par un régime alimentaire suffisant et sain, et qu'en Afrique, c'est le désastre actuellement. Au Niger, en Somalie, etc... nous avons des problèmes très graves. Quel est le point de vue du gouvernement français sur ce qu'il faut faire en Afrique actuellement au niveau alimentaire pour les crises actuelles ?
Et troisièmement, au niveau de la gestion de ce fonds, avez-vous une idée de combien, quel pourcentage il faudrait déduire du fonds collecté pour la gestion ?
R - Sur la première question, la contribution de chaque pays, il y a trois possibilités. La première, c'est que ce soit en effet un geste le plus significatif possible. Si un pays veut donner quatre dollars par billet, qu'il le fasse. Un dollar me paraît être bien. Mais si l'on va en Chine, et si la Chine accepte un dollar par billet, vous vous rendez compte de ce que cela représente par la suite ? C'est à chaque pays à dire ce qu'il pense faire, ne serait-ce que consacrer 50 cents. Ce n'est pas trop le sujet, ce qui est important c'est la démarche révolutionnaire. C'est une démarche citoyenne mondiale. Combien de fois a-t-on parlé d'une taxe ? Combien de fois s'est-on cassé les dents ? Pour la première fois, un citoyen du monde va aider un autre citoyen du monde. Ce n'est pas un Espagnol, un Français, un Allemand, un Anglais qui va aider, demain, un Togolais ou un Congolais ou un Mozambicain. Non, c'est un citoyen du monde, M. X, qui va aider Mme Y, un autre citoyen du monde. Ca, c'est révolutionnaire.
Pour terminer, il y a une troisième étape dans la réponse. Nous avons décidé, nous, que la contribution serait obligatoire. Mais on peut très bien penser que dans certains pays ce soit volontaire. Si quelqu'un veut avoir un billet rouge, comme Bono par exemple a fait avec sa carte American Express rouge, qui montre que vous pensez aux autres, votre voyagiste peut très bien dire : "Avec 50 cents de plus, voulez-vous penser aux pays du Sud, ou si vous ne le voulez pas, avoir un comportement égoïste ? Qu'est-ce que vous préférez ?" Je pense que donner le choix n'est pas une mauvaise idée.
Pour les Etats-Unis, la contribution de solidarité obligatoire pose un problème. L'esprit libéral fait que cela peut choquer de mettre en place une contribution obligatoire. Il faut donner la possibilité. Il y a des gens qui ont l'impression d'habiter une planète, de ne pas habiter uniquement un Etat, il y a des gens qui pensent qu'en dehors de leur Etat, il y a autre chose. Quand c'est autre chose, ce n'est pas uniquement pour gagner un match de foot. C'est aussi peut-être pour aider. Et je crois que c'est important comme approche, en particulier aux Etats-Unis ou dans certains pays anglo-saxons.
Deuxième question, l'aide alimentaire. Vous avez tout à fait raison, tout cela ne forme qu'un. J'ai eu une discussion hier à midi avec un homme que je respecte énormément, que j'ai invité au Quai d'Orsay, que je réinviterai régulièrement, qui est un grand sage, le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Ce monsieur, président du CICR, représente par son organisation les valeurs de neutralité, d'indépendance de la Suisse. Nous discutions avec lui de la réforme des Nations unies en terme de clusters. Comme vous le savez, l'UNICEF va s'occuper de la nutrition et de l'eau, le PAM va s'occuper uniquement de l'alimentation, l'OMS va s'occuper de ceci, de cela. Je crois beaucoup à ce système.
Je crois que les grandes institutions internationales auront intérêt demain, non seulement à se spécialiser encore plus sur des sujets donnés, mais encore à bien veiller à ce que des grandes institutions ne fassent pas la même chose, et à l'inverse, qu'il n'y ait pas de pans entiers de l'aide qui ne soient pas couverts. Quand vous regardez aujourd'hui certains pays de certains continents, on s'aperçoit qu'il peut y avoir une très belle action par exemple sur le médicament, et pas sur l'alimentation ; vous avez complètement raison. Il ne sert à rien de donner des antibiotiques à des enfants dénutris de 800 grammes. Il faut d'abord les faire manger ou les faire boire. UNITAID n'a pas vocation à cela mais doit rester dans sa cible.
En parlant de cible, je vous donne un but très particulier d'UNITAID. Par exemple les formulations pédiatriques. Parce que nous n'avons pas d'enfants dans les pays riches, occidentaux, infectés en grand nombre, les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas fait de médicaments pour les enfants. Mais vous avez 2.000 enfants contaminés par jour en Afrique du sida. Et comment soigne-t-on, s'il n'y a pas de médicaments ? Je vais vous dire comment on fait tous ici : on envoie des médicaments pour adultes. Et on essaye de les couper en deux, en trois. Mais donner un médicament pour adultes à des enfants, cela donne des effets secondaires néfastes, terribles. Premièrement, nous allons demander à nos industries pharmaceutiques de créer des médicaments pédiatriques. Deuxièmement, mettre en place la prévention de la transmission mère/enfant du virus du sida. Des médicaments anti-paludéens ne sont pas suffisamment produits. Egalement, il faut penser au financement des programmes de pré-qualification de l'OMS.
Troisièmement, combien coûte la gestion ? Très peu, nous allons confier notre gestion à l'OMS.
Q - Plusieurs ONG se sont inquiétées de la lourdeur des procédures. Elles ont estimé qu'il pourrait y avoir des lourdeurs de procédures. Je voulais savoir si la lourdeur des procédures pour l'accès à la facilité a été réglée et quelle place la Facilité va-t-elle faire aux ONG ? Pourraient-elles envisager d'entrer dans le Conseil d'administration ?
Deuxième question : samedi s'ouvre à Banjul le sommet de l'Union africaine. Quel message la France adresse-t-elle ? Est-il envisageable par exemple de sensibiliser les pays africains sur la Facilité et son objectif ?
R - Sur le Sommet de l'Union africaine, oui, bien sûr. J'ai demandé à Nathalie Delapalme de s'y rendre et j'aurai des contacts avec de nombreux responsables africains au moment de l'Assemblée générale de New York. Il est très important que nous puissions voir avec eux comment nous pouvons travailler ensemble. A ce sujet je leur dirai que notre souhait, c'est de créer des unités de production dans le sud et de ne pas avoir simplement un mouvement nord/sud. Comme vous le savez, par exemple en Afrique du Sud, il y a de grandes unités d'industries pharmaceutiques, en particulier françaises.
Deuxièmement, oui, les ONG seront présentes au Conseil d'administration, je le souhaite, à la fois du Sud et du Nord comme certaines fondations privées d'ailleurs. Est-ce que la Facilité va plutôt faciliter les choses ? Lors de la Conférence de Paris, une dame a demandé si cela n'allait pas créer au contraire une difficulté de plus. Parce que les acteurs sont écoeurés, énervés par la difficulté administrative au sein de nos institutions. Quand vous savez qu'il y a une personne qui meurt toutes les trois secondes en Afrique parce qu'il n'y a pas de médicaments, je pense que vous facilitez obligatoirement les choses lorsque vous amenez des médicaments. Encore faut-il que ce soit bien dispensé, bien distribué, qu'il y ait des médecins de brousse, des infirmières.
Nous avons aujourd'hui une mobilisation nationale importante. Les maires des grandes villes de France ont accepté de se mobiliser : Lyon, Paris, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Lille et beaucoup d'autres, avec des logos UNITAID.
Nous avons même demandé aux Français de faire une pétition nationale par SMS, en tapant leur prénom, leur nom, et en les envoyant au numéro 3 33 33. A notre grand étonnement, nous avons maintenant 130.000 ou 135.000 citoyens UNITAID. C'est une pétition gratuite, on ne demande rien à personne. C'est l'association "SMS +", qui regroupe les trois principaux opérateurs de téléphonie mobile, Bouygtel, SFR et Orange qui, pour la première fois, a décidé de faire cela gratuitement. Ensuite il y a les petits bracelets en effet, comme vous le voyez. Et puis, il y a une chose qui me paraît aussi importante : dans les aéroports, vous allez aussi voir UNITAID. Les voyagistes en parlent aussi. Les ministères des Transports, de la Santé. Il y a là un engouement.
Deuxièmement, pour vos pays, je voudrais d'abord vous dire que je suis à votre disposition, les uns et les autres, pour faire une tribune dans vos journaux. Vous pouvez le proposer à votre rédacteur en chef. Je suis prêt, ça peut être maintenant, en août, en septembre, quand vous le voulez, à faire une tribune pour expliquer cette aventure, pour expliquer pourquoi nous le faisons. Et vous-mêmes, je vous serais très reconnaissant mais c'est à vous, en votre âme et conscience de journaliste, de tout faire pour que les pays qui n'ont pas encore décidé de faire cela, puissent au moins se poser la question en terme d'opinion publique. C'est bien d'en parler, de dire : "il y a quelques pays qui ont décidé de faire quelque chose de multilatéral, d'anonyme." Ce n'est pas pour son propre pays.
Et enfin, les compagnies aériennes, rassurez-les ! Parce que les compagnies aériennes y sont très défavorables. Mais en réalité, il n'y a aucune distorsion de concurrence, puisque dans un pays donné comme la France par exemple, toute personne qui prendra un billet d'avion n'importe où, voyagiste, aéroport, par Internet, pour n'importe quelle compagnie, low cost ou non, américaine, anglaise, allemande, italienne, espagnole, française ou belge, paiera un euro. Tout le monde est logé à la même enseigne. C'est d'ailleurs pour cela que les critiques se sont très vite arrêtées.
Q - L'actualité brûlante, internationale, nous amène à vous poser quelques questions sur ce qui se passe au Moyen-Orient, Gaza en particulier. Avez-vous quelque chose à nous dire sur ce qui se passe là-bas ?
R - Nous sommes en contact d'un côté avec le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et d'autre part avec mon homologue israélienne que j'ai eu à plusieurs reprises au téléphone. Il y a deux éléments : le premier élément, c'est que nous savons que ce soldat israélien qui a été enlevé près de la bande de Gaza dimanche matin est de père français, de nationalité à la fois israélienne et française, inscrit sur les registres du consulat d'Haïfa. L'ensemble des services du Quai d'Orsay, des consulats, de l'ambassade de France à Tel-Aviv sont très mobilisés. Nous pensons bien sûr avant tout à lui, à sa famille. Nous avons dit aux deux parties prenantes que nous exigions sa libération.
Deuxièmement nous condamnons tout regain de violence des deux côtés. Nous estimons que la seule solution, pour régler le problème du conflit israélo-palestinien, c'est le dialogue politique. Le processus politique doit reprendre le plus vite possible, ce n'est pas par l'armée, par la violence, que nous réglerons quoi que ce soit là-bas.
Troisièmement, nous avons pris note avec intérêt de la signature par les principaux partis palestiniens représentés au Conseil législatif palestinien (CLP) d'un document d'entente nationale. Plusieurs dispositions de ce texte semblent marquer la volonté pour ses signataires notamment pour le Hamas de s'engager dans une voie menant à la reconnaissance de l'Etat d'Israël et à l'intégration dans un processus de négociation. Si ces éléments devaient se confirmer, ce serait une avancée significative vers le respect effectif des principes énoncés par le Quartet.
Nous espérons dès lors que la signature de ce document permettra de faciliter la reprise des discussions israélo-palestiniennes dont je vous parlais à l'instant, comme le principe en avait été acté lors de la rencontre récente entre le président de la République Jacques Chirac et le Premier ministre Ehud Olmert, ici même, à Paris. Nous manifestons d'autre part le souhait que la signature de ce document permette un apaisement des tensions dans la région, susceptible de conduire à l'arrêt des violences et donc nous réitérons dans ce contexte à la fois l'appel au dialogue politique et à la libération de ce soldat.
Q - On a parlé des billets d'avion, je veux parler d'avion, c'est à dire, il y a bien une séquence politique dans les relations franco-allemandes en ce moment dans la crise de EADS/Airbus. C'est un grand projet européen qui aujourd'hui semble mis en discussion.
R - Alors je peux d'autant mieux vous répondre que je suis président de l'agglomération du Grand Toulouse. .... Je connais un peu ce sujet. D'abord, ce n'est pas un projet, pardon, c'est une des plus grandes entreprises du monde. C'est un succès mondial exceptionnel, ce qui prouve que l'Europe, lorsqu'elle se met ensemble, est plus forte que les autres, puisque comme vous le savez, aujourd'hui, on vend à peu près six à sept Airbus pour trois à quatre Boeing pour les avions de plus de cent places.
Je crois que, pour répondre à votre question, bien entendu il va falloir régler le problème technique qui a été à l'origine des retards dans la livraison de l'A380. Je vous rappelle néanmoins que l'A380 a déjà plus de 400 heures de vol et qu'une première livraison aura lieu cette année. La régie d'Airbus est un enjeu majeur pour la France, pour l'Allemagne et pour l'Europe en général.
Par ailleurs, le gouvernement français, notamment le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Thierry Breton, pour ce qui concerne l'actionnaire français, nos partenaires allemands et les autres actionnaires sont actuellement en train de discuter pour envisager les remèdes à apporter à la gestion d'ensemble de EADS.
S'agissant du deuxième dossier dont vous avez parlé, je peux vous assurer que les relations franco-allemandes sont bonnes. Je suis bien placé pour voir que nos relations sont au beau fixe, par exemple lors de nos sommets informels, comme récemment à Heidelberg, soit lors de rencontres plus formelles, comme les rencontres de Blasheim ou lors des Conseils des ministres franco-allemands, l'ambiance entre la chancelière et le président, entre les ministres des Affaires étrangères est excellente.
Q - Monsieur le Ministre une question sur la crise ivoirienne : la médiation sud-africaine estime aujourd'hui que compte tenu de l'importance du travail qui reste à faire, les choses ne pourront pas se faire dans quatre mois et que les élections ne pourront pas se tenir à l'échéance du 31 octobre. Est-ce que la France partage ce diagnostic ? Est-ce que vous pensez que l'on pourrait envisager un report de l'échéance du 31 octobre ?
R - Pour nous, il est excessivement important de tenir le calendrier. Il est important, et d'ailleurs nous l'avons dit à chaque fois, au Groupe de travail à Abidjan, il est important que nous puissions continuer à tenir ce calendrier. Je sais qu'il y a des retards, en particulier dans le désarmement des milices, mais il est souhaitable de garder à l'esprit les dates qui ont été retenues et je dirais que les Nations unies sont les garantes de ce calendrier qui doit être respecté.
Q - C'est au sujet de la Colombie : les FARC ont indiqué qu'elles seraient prêtes maintenant à négocier avec le gouvernement colombien un accord sur l'échange des otages. Est-ce que la France a été en contact avec le gouvernement Uribe depuis lors, et y a-t-il eu des contacts de nouveau avec la guérilla ?
R - Je pars du principe que chaque fois que des gens se parlent, c'est positif. Et donc, nous pensons que la seule solution pour résoudre le problème à terme en Colombie, c'est qu'il puisse y avoir un accord humanitaire. Nous l'appelons de nos voeux, nous l'avons toujours appelé de nos voeux. C'est important et d'ailleurs, je crois que c'est nécessaire en général pour la paix dans ce pays.
Q - Monsieur le Ministre, après l'enlèvement et la mort des collaborateurs de l'ambassade russe à Bagdad, la Russie essaie d'initier les mesures internationales de protection du corps diplomatique dans le pays. Vous croyez vraiment que c'est réalisable dans la situation actuelle ?
R - Je crois qu'il faut à tout prix augmenter la sécurité du corps diplomatique en général, je voudrais d'ailleurs à ce sujet saluer le courage des diplomates qui sont en poste là-bas. Vous comprendrez que je cite tout particulièrement M. Bajolet, l'Ambassadeur de France en Irak. Je profite de cette occasion pour vous dire que nous sommes très inquiets de l'augmentation de la communautarisation en Irak. Nous avons bien vu que M. Al Maliki venait de former un gouvernement qui était plus inclusif que le précédent.
Nous pensons que la souveraineté territoriale de l'Irak, que la souveraineté politique de l'Irak doit primer. Nous pensons que quelle que soit l'appartenance ethnique ou religieuse d'un citoyen irakien, il doit pouvoir participer à la vie politique.
Nous avons vu qu'il y avait un ajournement de la conférence régionale qui devait avoir lieu sous les auspices de la Ligue arabe. Nous voyons avec plaisir qu'elle est toutefois réinscrite à l'ordre du jour. Nous pensons que les trois grands défis de ce gouvernement maintenant, c'est à la fois le retour à la sécurité, le déploiement des services publics dans tout le territoire et la lutte contre la corruption.
J'ai reçu le vice-président irakien il y a 24 heures, ici à Paris, au Quai d'Orsay. J'ai vu, en effet, dans son attitude et dans ce qu'il m'a dit une volonté également de faire de l'Irak un pays où il y aura une inclusion progressive des forces politiques.
Q - Monsieur le Ministre, je voudrais retourner un peu au Proche-Orient. En attendant un retour au processus politique, qu'est ce que vous avez l'intention de faire pour arrêter le déluge de feu auquel sont soumis les citoyens de Gaza, à part condamner la reprise de la violence, concrètement ?
R - Je crois que dans certains moments, dans la vie, nous sommes obligés de dire les choses très clairement. Nous l'avons dit à M. Sharon lorsqu'il est venu en juillet dernier, nous l'avons dit à M. Ehud Olmert lorsqu'il est venu il y a quelques jours à Paris, nous lui avons dit que la seule solution était de voir M. Mahmoud Abbas et de commencer une négociation.
Je vois aussi, également, l'accord qui peut intervenir entre les Palestiniens, les différentes parties palestiniennes dont j'ai parlé tout à l'heure, avec à la clef une reconnaissance explicite ou implicite de l'Etat d'Israël, sans laquelle il n'y a pas, évidemment, de possibilité de processus politique. Car s'il y a processus politique, c'est qu'il y a respect de l'autre. Vous ne pouvez pas rentrer dans un processus politique sans, évidemment, envisager que l'autre existe, par définition. Donc, j'ai envie de vous dire, pour répondre à votre question très directement, que notre volonté aujourd'hui c'est de faire en sorte qu'il puisse y avoir de la part des parties palestiniennes, de toutes les parties palestiniennes, comme nous l'avons toujours dit - et c'est le Premier ministre Dominique de Villepin qui a été le premier à le dire - un renoncement à la violence, une reconnaissance de l'Etat d'Israël et une reconnaissance des accords OLP/Israël. C'est un élément majeur et c'est la seule solution, le reste est condamné par l'affrontement.
Q - Vous avez fourni une série de demandes à l'égard des Palestiniens, mais à l'égard d'Israël, il y a aussi des résolutions internationales que l'Etat israélien ne respecte pas.
R - Nous avons toujours été très clairs à ce sujet. Je viens de vous dire que je condamne, que nous condamnons la violence. Nous condamnons la violence des deux côtés. Je ne peux pas dire mieux. Nous estimons que la seule solution, c'est un processus politique, je l'ai dit aux deux parties.
Q - Sur le même sujet, la France a toujours pris une position équitable dans ce problème, en condamnant la violence d'où qu'elle vienne. Mais en même temps, l'Union européenne est le plus grand bailleur de fonds des Palestiniens et l'infrastructure qui est aujourd'hui en train d'être détruite par les avions israéliens est payée par nous, les impôts des citoyens européens. Donc, il faut quand même voir cela dans le contexte: à chaque fois qu'il y a un problème, c'est l'infrastructure payée par les Européens qui est détruite. Donc, est-ce qu'il n'y a pas un moyen pour que l'Union européenne prenne une position avec un peu plus de force vis-à-vis de ces raids qui ont lieu dans un territoire qui n'est plus sous contrôle israélien ?
R - Nous l'avons déjà dit, donc nous ne sommes pas gênés par cette question. La question qui est posée pour nous est de savoir s'il est encore possible ou pas de sauver une négociation entre les deux parties. Ma réponse est "oui". Je reste persuadé qu'il est possible, après des élections israéliennes, et après des élections palestiniennes, de sortir des problèmes intérieurs de chaque partie pour commencer un processus politique entre elles. J'en suis persuadé. Il est évident que tous les jours qui passent et qui montrent leur cortège de violence ne sont pas des jours positifs. Vous avez tout à fait raison.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez répondu sur le Proche-Orient, j'ai donc une question de la part d'un confrère polonais qui n'a pas pu se rendre ce matin à ce petit déjeuner : concernant votre dernière visite en Pologne, quel est selon vous l'état des relations franco-polonaises à la veille du Sommet de Weimar et avec les changements qui sont survenus dans le gouvernement polonais ?
R - Je peux vous parler de ce que je connais, c'est à dire de mon homologue, le ministre des Affaires étrangères de Pologne qui est une femme avec laquelle nous avons des relations de travail amicales très poussées. Nous partageons la même vision de l'Union européenne. Je suis très heureux de pouvoir travailler avec elle. J'ai beaucoup travaillé avec Stefan Meller qui est un homme que je respecte aussi beaucoup. Il a été ambassadeur de Pologne en France, il a démissionné et je travaille beaucoup avec sa successeure.
Pourquoi ? D'abord parce que nous sommes dans les tout premiers investisseurs, sinon le premier investisseur en Pologne. Nous sommes troisième dans les accords commerciaux. Nous avons énormément d'amitié pour les Polonais, énormément de respect pour eux et nos pays sont très liés et très amis. Et donc nous développons aujourd'hui énormément de relations avec eux et c'est très heureux.
Q - C'est une question concernant la Corée du Nord : Nous avons le problème de missiles et c'est une menace importante. Quelle est la position française ?
R - Elle n'a pas bougé, la position française. Elle reste toujours la même. La France est persuadée qu'il faut continuer avec le Groupe des Six, de suivre cela avec attention, de ne pas accepter la prolifération nucléaire, en Corée du Nord comme ailleurs. Nous estimons que les avancées qu'il y avait eues, d'ailleurs, avec les pays voisins en particulier, étaient des avancées très positives, y compris avec les Américains.
Q - Dans le cas du pire, irez-vous aux côtés des Etats-Unis ?
R - Nous n'en sommes pas là pour l'instant, alors attendons le moment où la question se posera. Pour l'instant, aujourd'hui nous faisons tout pour faire en sorte qu'il n'y ait pas cette menace.
Q - A propos de la contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion, certains pays ne s'engagent pas, comme le Japon. Vous avez l'intention d'effectuer une visite pour les convaincre de l'importance de cette initiative ?
R - Oui. Il faut vraiment que j'aille voir, en effet, les Japonais, comme les Italiens. Je suis persuadé qu'il faut faire campagne. Vous avez tout à fait raison. Je vois mes homologues italien et japonais très bientôt. Je me rends à Moscou tout à l'heure et j'y verrai mon homologue japonais pour lui parler de cela.
Q - C'est à dire, vous allez au Japon ?
R - J'espère m'y rendre.
(...)
Q - Sur les élections au Koweït : pour la première fois, il y a des femmes qui votent, qui sont candidates pour les élections parlementaires au Koweït.
R - C'est une bonne nouvelle pour la démocratie, c'est une bonne nouvelle pour le rapport entre les hommes et les femmes, c'est donc une bonne nouvelle tout court.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 juin 2006