Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de me retrouver avec vous, pour la troisième fois, et de réunir ce matin le Conseil Supérieur de l'Education sur le sujet du socle commun, dont nous savons tous qu'il est essentiel.
Essentiel, en effet, parce qu'il concerne la substance même de l'éducation, c'est-à-dire son contenu.
La séance de ce jour est aussi marquée par la présence parmi nous de la nouvelle présidente de la fédération de parents d'élèves PEEP, nouvellement élue : Mme Anne Kerkhove.
Je lui souhaite, ainsi qu'aux nouveaux présidents de la FCPE et de l'UNAPEL qui n'ont pu être présents aujourd'hui, bonne chance dans leurs fonctions.
Nous aurons d'ailleurs l'occasion de nous retrouver prochainement, pour avancer sur le projet de décret relatif au rôle et à la place des parents à l'école.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir de vous présenter le projet de décret qui précise le contenu du socle commun.
Hier, j'étais à l'Assemblée nationale, pour présenter le projet à la Commission des affaires culturelles et sociales. Et je serai la semaine prochaine auditionné par la Commission des affaires culturelles du Sénat.
Vous le voyez, après une période de consultation, nous entrons maintenant dans une nouvelle phase qui aboutira à la prochaine publication du décret.
Pour l'heure, et avant d'entendre avec beaucoup d'intérêt vos avis, j'aimerais aborder le sujet du socle commun sous trois angles :
- d'abord en rappelant ses grandes caractéristiques ;
- ensuite en dissipant quelques malentendus à propos de ce socle ;
- et en vous présentant pour finir les moments et les acquis de la concertation, ainsi que les étapes à venir.
1. Les grandes caractéristiques du socle
a. Une idée ancienne
Commençons donc par les grandes caractéristiques du socle, et tout d'abord par l'idée même d'un socle commun.
A vrai dire, cette idée n'est pas neuve.
La loi d'orientation pour l'avenir de l'école, en instituant le socle commun, réalisait en fait une idée récurrente depuis des décennies.
Sans remonter au plan Langevin-Wallon, je rappelle que l'expression même d'un « socle commun de connaissances » apparaissait dans les textes de la réforme Haby qui a institué, il y a 30 ans, le collège pour tous.
En 1987, le rapport remis à René Monory par Jacques Lesourne s'interrogeait lui aussi sur « les contenus et la qualité des enseignements » qu'il fallait dispenser.
« Que doit-on apprendre » ? : cette question était posée dans ce rapport, et c'est bien la grande question directrice du socle.
En 1994, le Conseil national des programmes établissait le lien entre la notion de socle et celle de programme.
La définition des connaissances indispensables connaît enfin une avancée décisive avec les propositions du rapport de la commission Thélot, en octobre 2004.
En effet, tirant les conclusions du grand débat national sur l'avenir de l'école, ce rapport préconise d'instaurer un « socle commun des indispensables ».
Voilà quelles ont été les grandes étapes qui ont conduit à l'adoption de la loi du 23 avril 2005 instituant le socle.
Vous voyez que l'idée du socle commun est ancienne, et qu'elle a rassemblé des personnalités très diverses.
Aujourd'hui, avec la prochaine mise en oeuvre du socle, l'Education nationale réalise donc un projet qu'elle portait en elle depuis des années.
C'est donc pour elle, je le crois, un moment historique.
b. Un socle pour tous
Mais le socle n'est pas un instrument à usage interne. Il n'est pas fait pour les archives du ministère !
Il a vocation à être lu et connu par tous. C'est un socle pour tous.
J'entends par là naturellement les services du ministère et les corps d'inspection, qui vont devoir en tenir compte pour la rédaction des programmes, les éditeurs de manuels scolaires, qui devront s'y adapter,les chefs d'établissement, tous les membres des équipes éducatives, et bien sûr les parents et les enseignants.
Je veux en effet que tous les enseignants lisent et connaissent ce texte, qui doit être l'objectif premier de leur pratique pédagogique : ce sera l'une des missions des IUFM rénovés que de les y former.
Mais je veux que les parents aussi le connaissent, car il est essentiel qu'ils sachent ce que leurs enfants vont apprendre, afin de comprendre les finalités de l'éducation, et de mieux suivre la scolarité et les progrès de leurs enfants.
Le socle, c'est donc un socle pour tous. Il est pour tous aussi, parce qu'aucun élève ne doit en être privé : c'est une des exigences de l'égalité des chances.
Mais le socle implique aussi deux autres choses :
- l'engagement de l'Education nationale ;
- et l'évaluation des élèves.
c. Le socle : un engagement de l'Education nationale
Le socle, c'est en effet une façon pour l'Education nationale de fixer des ambitions, de communiquer des objectifs, et de s'engager sur des résultats.
Vous savez d'ailleurs que la loi d'orientation prévoit que le gouvernement présente tous les trois ans au Parlement un rapport sur la manière dont les programmes prennent en compte le socle commun, et sur la maîtrise par les élèves de ce socle.
Par ailleurs, dans son avis du 22 mai dernier, le Haut Conseil de l'Education a marqué sa volonté de veiller à la mise en oeuvre effective du socle.
d. L'évaluation des élèves
La définition du socle s'accompagnera aussi de dispositifs permettant l'évaluation des acquisitions des élèves.
En effet, le parcours des élèves vers la maîtrise du socle sera périodiquement évalué ; des paliers seront définis.
Sur ces questions, nous devons avancer ensemble, pour définir les modalités et les moments de cette évaluation.
e. Quatre grandes caractéristiques
Je voudrais, pour terminer sur ce point, attirer votre attention sur quatre caractéristiques du socle.
Le socle, c'est d'abord une innovation.
L'articulation entre les connaissances et les compétences reprend une idée d'un rapport du Conseil européen de 2001.
Mais nous sommes les premiers en Europe à avoir réalisé quelque chose d'aussi ambitieux et exhaustif que le socle !
Le socle, c'est ensuite un cadre moderne, par sa démarche fondée sur des compétences, et par l'importance qu'il accorde aux technologies de l'information et de la communication, ainsi qu'à l'apprentissage des langues étrangères.
Le socle est européen, car la culture humaniste qu'il définit participe à la construction d'une véritable identité européenne, notamment par la connaissance de ses oeuvres fondatrices.
Le socle, enfin, est un socle vraiment républicain, qui comprend les compétences sociales et civiques nécessaires à la construction de l'identité civique de tout individu.
En promouvant l'autonomie de la personne, il s'inscrit aussi dans les idéaux des Lumières.
En s'attachant à l'acquisition d'une culture humaniste, il s'inscrit enfin dans la grande tradition intellectuelle française.
2. La réponse aux malentendus
Voilà pour les grandes caractéristiques du socle.
Avant d'aborder les étapes et les acquis de la concertation, j'aimerais dissiper quelques malentendus à propos de ce socle.
J'en vois au moins trois.
Tout d'abord, je crois que c'est faire un faux procès à ce socle que de considérer qu'il va entraîner un enseignement minimal, ou comme je l'ai lu, « un minimum éducatif ».
Le texte est très clair : il dit bien que l' « enseignement obligatoire ne se réduit pas au socle commun ». La définition des connaissances et compétences de base n'implique donc pas qu'on doit s'en tenir là !
Tout au contraire, le texte que vous avez sous les yeux insiste sur l'idée que le socle est comme je le dis parfois un tremplin pour aller plus loin !
Le second malentendu concerne la notion de culture commune. Certains ont exprimé la crainte que cette culture commune définie par le socle n'aboutisse à un formatage des esprits.
Là encore, cette crainte est sans fondement.
En effet, l'acquisition d'une culture commune n'est pas contradictoire avec celle d'une culture personnelle.
Tout au contraire : c'est la maîtrise des repères fondamentaux qui permet, ensuite, de voyager dans le monde du savoir et de la culture selon son goût propre.
Et d'ailleurs, le texte du socle accorde une place importante à l'autonomie et l'initiative, voire à la « créativité ».
Cela veut bien dire que le but n'est pas du tout d'établir un carcan de normes, mais de donner aux élèves les moyens d'acquérir autonomie et capacité d'initiative.
J'aimerais d'ailleurs qu'on relise les passages consacrés à la maîtrise de la langue française.
C'est vrai, le socle insiste sur la dictée et sur les leçons de grammaire spécifiques, mais il n'en fait pas des fins en soi ! Ce ne sont que des outils en vue de l'acquisition de la maîtrise de la langue, et finalement de son usage autonome.
Enfin, je souligne que le socle, loin de viser l'uniformité, appelle à mettre en place des parcours plus personnalisés, à organiser des soutiens plus ciblés sur les élèves en difficultés, à l'image des « programmes personnalisés de réussite éducative ».
Vous le voyez, le socle n'est en rien un catalogue de normes rigides, destiné à brider les intelligences, sans considération pour les spécificités des élèves. C'est même tout le contraire !
Le troisième malentendu concerne la question des références culturelles.
Ce socle, il est vrai, défend l'idée de l'acquisition d'une culture humaniste, qui se fonde en particulier sur la connaissance des oeuvres patrimoniales françaises, européennes ou universelles.
C'est pourquoi, il mentionne bien les textes majeurs que sont l'Iliade, l'Odyssée, les récits de la fondation de Rome et la Bible.
Le socle précise également que les connaissances nécessaires à la culture humaniste doivent nous faire comprendre la « diversité des civilisations, des sociétés, des religions », et aussi « le fait religieux, en France, en Europe, et dans le monde ».
Je souhaite donc vivement que sur tous ces points, les malentendus se dissipent pour que la discussion progresse sur des bases sans équivoque.
3. Les étapes et les acquis de la concertation
Je voudrais maintenant vous rappeler brièvement où nous en sommes dans la procédure de validation du décret sur le socle.
a. Les étapes de la concertation
J'exposerai d'abord les grandes étapes de la concertation.
Je ne reviendrai pas sur la genèse du socle et la concertation au cours du Grand débat sur l'école.
Dès mon arrivée au ministère de l'Education nationale, en juin 2005, je me suis attelé au grand chantier que représentait la définition du socle.
J'ai chargé alors un groupe de travail, formé sous la responsabilité du directeur de l'enseignement scolaire, de rédiger un document préparatoire.
Ce document a été présenté au Haut Conseil de l'Education qui, après de nombreuses auditions et consultations, a formulé un certain nombre de recommandations, et notamment l'inscription de 7 compétences dans le socle.
Chacune d'entre elles est conçue comme une « combinaison de connaissances, de capacités et d'attitudes à mettre en oeuvre dans des situations concrètes ».
Suite à ce premier avis du HCE, les organisations représentatives des parents d'élèves et des personnels ont été consultées. Leur suggestions et propositions ont nourri la rédaction du projet.
Le 10 mai dernier, avant même la transmission du projet de décret au HCE, j'ai réuni les organisations syndicales et fédérations de parents afin de leur présenter le texte et de les inviter à l'amender, si elles le souhaitaient. C'était il y a un mois.
Le 22 mai, le projet de décret a obtenu un avis favorable à l'unanimité du HCE.
Le 31 mai, le projet a été présenté devant les commission spécialisées du CSE : il a fait l'objet d'observations pertinentes dont beaucoup ont été reprises dans les amendements qui vous ont été adressés par la direction générale de l'enseignement scolaire.
Vous le voyez, la concertation a été utile !
b. Les acquis de la concertation
J'en viens donc aux acquis de cette concertation.
Elle nous a vraiment permis d'avancer ensemble dans la rédaction du texte.
Je ne citerai pas toutes les modifications apportées. Je voudrais simplement souligner quelques-unes d'entre elles.
Plusieurs d'entre vous ont d'abord relevé la nécessité d'une meilleure articulation des connaissances, savoirs et attitudes.
Le texte de l'introduction a été augmenté et précisé en ce sens.
D'autres ont insisté sur la nécessité d'une mention de l'école maternelle, ce qui a été fait dans l'introduction, et dans la partie 6.
Lors des débats, beaucoup ont aussi relevé que le «corps » n'était peut-être pas assez présent dans le texte du socle, notamment à travers l'éducation physique et sportive, l'éducation sexuelle, et plus généralement l'éducation à la santé.
Nous avons tenu compte de cette remarque.
Plusieurs ont souligné la nécessité d'une prise en compte des pratiques culturelles et artistiques, et sur ce point aussi, le texte a été amendé.
De même, le principe de responsabilité a été ajouté dans les notions juridiques de base.
D'autres ont relevé qu'il était nécessaire de développer la créativité des élèves.
Vous verrez que le chapitre sur l'autonomie et l'initiative reprend cette idée.
Je m'arrêterai là, sans mentionner les très nombreuses modifications de rédaction qui ont été faites à la suite de vos remarques.
En somme, je crois que le texte que vous avez sous les yeux a bénéficié de votre contribution. Il s'est amélioré !
J'évoque enfin d'un mot les étapes suivantes.
Nous aurons, conformément aux recommandations du HCE, à déterminer les paliers de la maîtrise du socle, les moments et les modes de son évaluation. Nous y travaillerons dans la concertation.
Il conviendra aussi de retoucher les programmes d'enseignement pour les adapter aux exigences du socle commun.
Je n'oublie pas enfin les engagements pris pour que tous les jeunes accèdent à la maîtrise du socle, y compris donc les élèves en difficulté et quels que soient les parcours de formation choisis.
Mesdames et Messieurs,
Je crois que nous tous ici présents, nous partageons une commune ambition : faire en sorte de donner à nos enfants la meilleure éducation possible. Et je suis convaincu que le socle commun y contribuera.
Je souhaite que ce dessein commun nous permette d'avoir des échanges de vues fructueux, aujourd'hui comme à l'avenir.
Je vous remercie. source http://www.education.gouv.fr, le 9 juin 2006