Interview de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, à RTL le 15 juin 2006, sur le CNE, la situation de l'emploi et le plan en faveur des seniors.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral



Q- Jean-Michel Aphatie : Bonjour Gérard Larcher. Un mot du traitement fait à François Bayrou. Le C.S.A a dit que, puisqu'il a voté la motion de censure, considérez-le maintenant dans l'opposition. Qu'en pensez-vous, Gérard Larcher ?
R- Gérard Larcher : Que ce qui définit une majorité et une opposition, au Parlement, c'est le vote du budget, et d'éventuelles censures du gouvernement. Donc, il y a des logiques en démocratie : elles s'appliquent. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire.
Q- Donc, François Bayrou est bien dans l'opposition.
R- Dont acte !
Q- La Direction des Statistiques, qui dépend de votre ministère, Gérard Larcher, et l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale nous ont appris, mercredi, que le contrat nouvelle embauche, réservé aux entreprises de moins de 20 salariés, avait créé très peu d'emplois. Le gouvernement disait que le C.N.E en créait beaucoup et, d'après ces organismes, sur, environ, 400.000 C.N.E. signés, seulement 10% sont des créations d'emplois.
R- 44.000 emplois, dans un segment qui comprend 4 millions de salariés. Des emplois qui n'auraient jamais été créés sans le contrat nouvelle embauche, et c'est le minimum du socle estimé par cette direction des statistiques. Je crois qu'il faut qu'on arrête, dans ce pays, de considérer qu'il se passerait des miracles.
Q- Mais c'est vous qui nous disiez !
R- Le contrat nouvelle embauche a crée des emplois - 40.000 - qui n'auraient pas été créés. Et, si on le projette sur l'ensemble de la population de salariés, cela correspond à la création de plus de 200.000 emplois nouveaux qui n'auraient pas été créés. Depuis 2000, jamais autant d'emplois, ramenés à l'année, n'auront été créés. C'est un indice, qui sera d'ailleurs conforté, dans les heures qui viennent, par ce que nous racontera l'U.N.E.D.I.C.
Q- C'est bien, Gérard Larcher. Bravo ! Mais Dominique de Villepin, ou Jean-Louis Borloo, me disait que le C.N.E - sur la totalité des C.N.E signés - c'est au moins un tiers de nouvelles embauches. C'est vous qui nous avez fait croire que l'on créait de nouveaux emplois avec le C.N.E !
R- Regardez avec attention l'étude de la D.A.R.E.S, elle est en ligne. Il y a 10% d'emplois certainement créés, et 20%, sans doute, d'emplois qui ont été anticipés. Cela s'appelle 132.000 emplois, et ce n'est pas rien, quand on veut se battre pour l'emploi et contre le chômage. C'est aussi, en une année, plus de 208.000 chômeurs en moins. Voilà les réalités, voilà les chiffres et arrêtons de nous flageller. Aujourd'hui, la bataille pour l'emploi porte ses fruits. Le plan de cohésion sociale porte ses fruits, et vous verrez que, dans les mois qui viennent, la décrue du chômage continuera à s'accélérer.
Q- Vous savez bien, Gérard Larcher, qu'avec de telles statistiques ce sont les syndicats qui vont remettre une pression, et dire qu'il vaut mieux en finir avec ce C.N.E. Vous le savez, Gérard Larcher. Cela ne va pas vous faciliter la vie.
R- Ce que je veux, c'est en finir avec le chômage structurel.
Q- On a tous envie de ça ! Que dites-vous aux syndicats, ce jeudi ?
R- C'est qu'il faut qu'on soit ensemble, chacun avec notre rôle, dans la bataille pour l'emploi. On le voit sur le front de SOGERMA, on le voit sur le front de DIM. Quand on a des difficultés, on travaille ensemble. Alors, si l'on travaillait ensemble pour l'emploi dans ce pays, je crois qu'on aurait avancé.
Q- Que pensez-vous des députés U.M.P qui, décidément, ne veulent pas du projet Gaz de France ? Ils ne veulent pas travailler avec vous, Gérard Larcher.
R- Quand les députés ne disent rien, on les appelle "godillots". Quand ils débattent pour savoir s'il y a un vrai projet industriel, si c'est vital, pour une entreprise comme Gaz de France : on dit que c'est un drame à l'intérieur de la majorité. Aujourd'hui, il y a un débat au Sénat. Le Premier ministre a dit qu'il écouterait, qu'il entendrait et qu'il dialoguerait avec le parlement dans une démocratie parlementaire. Entendre le parlement, l'écouter, rechercher les formules nécessaires qui permettront à notre pays d'avoir un projet industriel, une stratégie autour de l'énergie et la préservation de l'entreprise, qui représente les intérêts de notre pays et les intérêts de l'Europe. Voilà des objectifs sur lesquels nous devrions pouvoir avancer.
Q- Le projet de loi est-il maintenu ou pas ?
R- Le Premier ministre va tirer les conclusions du débat parlementaire. Le conseil des ministres sera, éventuellement, saisi d'un projet de loi, dans les semaines qui viennent.
Q- Éventuellement, tout cela va encore affaiblir Dominique de Villepin et entretenir une campagne autour de son départ. Qu'en pensez-vous, Gérard Larcher ?
R- Ce que je pense, c'est que le gouvernement travaille. Il y a dix jours, nous présentions le "plan senior". A quoi vise-t-il ?
Q- Non ! Vous n'allez pas me parler du plan senior ! Je vous parle de Dominique de Villepin !
R- Mais si ! Je vous parle de ce que fait le gouvernement.
Q- Je vous parle de Dominique de Villepin ! Ce n'est pas un senior !
R- Jean-Michel Aphatie, je vous parle de ce que fait le gouvernement. Jamais, on n'a eu autant de résultats en matière, notamment, de construction de logements. Aujourd'hui, nous nous battons autour de projets de développement économique. Le gouvernement travaille. Il appartient au président de la République de savoir si, oui ou non, le gouvernement doit être modifié. C'est ainsi dans le système de la Vème république.
Q- Mais la question se pose ?
R- La question ne se pose pas pour moi. J'ai un objectif, les yeux rivés : moins de chômeurs, plus d'activité, plus d'emplois.
Q- Mais la question se pose même tellement que l'on cite, très souvent, votre ministre de tutelle, Jean-Louis Borloo, pour aller à Matignon.
R- Avec Jean-Louis Borloo, autour de l'emploi, autour du logement, de la rénovation des quartiers, on bosse ensemble, et on bosse très bien ensemble.
Q- Ce sera un bon Premier ministre !
R- C'est un excellent ministre de tutelle pour le ministre délégué que je suis.
Q- Que pensez-vous de la proposition de Laurence Parisot, qui veut fusionner les cotisations patronales et salariales, et les faire figurer sur la fiche de paie pour que, dit-elle, "les salariés prennent conscience du coût de la protection sociale".
R- Je ne sais pas si c'est une prise de conscience. En tous les cas, le financement de la protection sociale est un vrai sujet. C'est un vrai sujet, d'ailleurs, dans une société où le nombre d'actifs et le nombre d'inactifs est en train de balancer en faveur du nombre d'inactifs. Le président de la République a posé, au début de l'année, un débat sur la valeur ajoutée. C'est un sujet complexe sur lequel nous travaillons. La proposition de Laurence Parisot fait partie des contributions.
Q- Elle ne vous choque pas ?
R- Il y en a d'autres, de la part des organisations de salariés, de la part d'économistes. Le conseil d'orientation pour l'emploi, le conseil stratégique y travaillent et nous verrons les conclusions à en tirer. En tout cas, la question du financement de la protection sociale, de notre modèle social, est une question grave qui est posée. Le M.E.D.E.F y contribue : regardons l'ensemble des contributions.
Q- La proposition de Laurence Parisot ne vous choque pas, dans le débat ?
R- Rien ne me choque, à partir du moment où l'on essaie de résoudre le problème du financement d'un modèle social auquel je suis attaché.
Q- Gérard Larcher, ministre de l'emploi - que rien ne choque - était l'invité de RTL, ce jeudi. Bonne journée !
R- Si je devais être choqué, Jean-Michel Aphatie, ce serait uniquement par la précarité.


Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 juin 2006