Déclaration de M. Jean-François Roubaud, président de la CGPME, sur la création d'emploi, les contrats de travail, notamment la mise en place du CNE et l'échec du CPE.

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Texte intégral

PLANETE PME 2006
DISCOURS DE JEAN-FRANCOIS ROUBAUD
AVANT L'INTERVENTION DU PREMIER MINISTRE
13 juin 2006
Monsieur le Premier Ministre,
Nous avons eu l'honneur de vous accueillir ici même, à cette tribune, voici un an, alors que vous veniez de prendre vos fonctions.
C'est avec plaisir que nous vous retrouvons, fidèle à la journée nationale de la CGPME, présent à ce grand rendez-vous des patrons de PME.
Ce soir, 16 000 visiteurs, dont plus de 12 000 patrons de TPE et de PME, auront parcouru les 20 000 m² de cette PLANETE PME. Ils auront participé aux ateliers et conférences, échangé entre eux et avec les partenaires économiques, les unions territoriales, les branches professionnelles de la CGPME.
Ces patrons de TPE et de PME entendent être considérés pour ce qu'ils sont : la première force économique du pays, la première source de création de richesses, le vecteur principal de création d'emploi.
Mais ils entendent aussi qu'on cesse de les dénigrer systématiquement. Les patrons de PME savent n'avoir rien à se reprocher, nous n'avons pas mérité la déferlante anti-entreprises de ces derniers mois !
Celle-ci resurgit maintenant au travers de programmes électoraux qui semblent n'avoir d'autre solution à proposer que de faire payer les entreprises...grandes ou petites : Prévoir une diminution généralisée du temps de travail, prétendre fixer arbitrairement le salaire minimum, renationaliser EDF. Le repli plutôt que l'ouverture. Est-ce cela que nous voulons pour nos enfants ?
Qu'on le veuille ou non, le monde a changé. L'économie accélère au grès des mutations technologiques et des glissements démographiques. Les pays en voie de développement sont devenus émergents. La Chine et l'Inde sont en passe de nous rattraper. Il en résulte, - c'est cela la vérité-, une formidable croissance pour l'économie mondiale. Pour nos entreprises, il y a là une vraie opportunité.
Les PME sont réactives. Elles en font tous les jours la preuve . Mais notre environnement aussi doit évoluer. Arrêtons de nous tourner vers le passé ! Vouloir ressusciter des vieilles recettes qui ont fait la preuve de leur inefficacité en considérant l'entreprise comme une vache à lait n'est pas la solution !
Nos revenus sont le fruit de nos efforts et les risques que nous prenons sur nos biens propres sont bien souvent sans commune mesure avec le bénéfice que nous en retirons ! Nous n'embauchons pas pour le plaisir de licencier ensuite ! Nous ne sommes pas des exploiteurs aux salaires mirobolants ! Nos intérêts sont directement liés à ceux de nos salariés et il n'y a pas un quelconque fond de pension qui vient nous dicter notre conduite !
Je sais bien que les médias sont la plupart du temps porteurs de nouvelles négatives ou choquantes : licenciements, plans sociaux, restructurations, salaires mirobolants des grands patrons, stock options et retraites parachutes.
Je sais aussi que la France a besoin de champions mondiaux forts et puissants, résistant aux grands vents de la concurrence internationale.
Mais de grâce, que l'on cesse de faire des amalgames ! Nos résultats, nous, nous les faisons en France...et c'est en France que nous créons des emplois !
Nous n'acceptons pas, et nous n'accepterons jamais, que l'image de l'entreprise, et des PME en particulier, soit salie par la confusion avec des pratiques ou des excès récents qui ne font pas honneur à l'entrepreneuriat. Les Pme n'ont rien à y voir !!! Ce n'est pas cela le patronat réel que défend la CGPME !
Nous ne pratiquons pas non plus une sorte de discrimination rampante à l'égard des salariés que nous recrutons. A ceux qui le pensent, je réponds : venez voir dans nos PME, vous constaterez que nous ne fonctionnons pas de cette manière.
Chez nous le mérite prime sur le reste. Il n'a pas de couleur, de sexe ou de religion !
Et des embauches nous en faisons !!!
Tous les chiffres concordent : près d'un patron de Pme sur deux envisage dans les 6 mois qui viennent d'investir, de développer ses marchés et de créer des emplois.
Alors, oui, par-delà les mauvaises nouvelles, sans méconnaître les changements qui s'imposent, malgré un droit du travail qui freine l'embauche, malgré des charges sociales sans cesse plus lourdes, malgré une globalisation qui remet en cause les schémas économiques traditionnels, nos PME tiennent bon.
Le pays tout entier peut légitimement être fier de nous.
Dans cette enceinte, en juin 2005, nous vous avions présenté 45 mesures pour améliorer l'environnement de nos PME ; près de 15 d'entre elles, ont été mises en oeuvre.
Les moyens consacrés à l'innovation ont été renforcés. La fiscalité des plus-values mobilières a été alignée sur celle des plus-values immobilières des particuliers. La réforme de la taxe professionnelle encourage l'investissement sans pénaliser pour autant les secteurs à fort potentiel d'emploi comme le commerce et les services.
J'avais également plaidé pour plus de souplesse dans les contrats de travail et approuvé la mise en place du CNE.
Les faits nous ont donné raison : le CNE crée des emplois qui ne se substituent pas aux contrats existant avant lui !
Alors je vous le dis sans ambiguïté, la CGPME ne le laissera pas mettre en cause sans réagir. S'il le faut, nous sommes capables de le montrer, les syndicats n'ont pas le monopole de la rue !!!
Cette souplesse vous avez voulu la mettre en oeuvre en faveur des jeunes. Vous vous êtes heurté au conservatisme syndical et à l'incompréhension d'une partie de la jeunesse. Nous l'avons publiquement regretté. Le CPE n'est plus mais le problème demeure. Preuve que ce n'était pas le CPE qui créait la précarité mais la précarité qui justifiait et justifie encore aujourd'hui une véritable mobilisation nationale en faveur de l'emploi des jeunes.
C'est d'ailleurs pourquoi la CGPME, acteur majeur de la formation professionnelle, notamment au travers de l'AGEFOS PME, milite avec force pour le développement des contrats de professionnalisation.
Intégrer la professionnalisation tout au long du parcours éducatif est l'une des clés d'une insertion professionnelle réussie de la jeunesse. L'orientation doit résulter d'un choix fait en connaissance de cause. Pour cela, la réalité de la PME avec les formidables possibilités d'évolution qu'elle offre à un jeune, doit être connue de tous.
Vous avez également su, Monsieur le Premier Ministre, entendre les PME lorsque, de la France entière, elles vous ont fait remonter, par l'intermédiaire de la CGPME, le risque que présentait pour elles le nouveau mode de calcul de la taxe sur les véhicules de sociétés (TVS).
Oserais-je glisser ici une de nos suggestions, issue du benchmarking réalisé en Europe, consistant à réaliser, avant chaque nouvelle mesure, une étude d'impact sur les PME ? On éviterait ainsi bien des déconvenues !
Nos propositions pour faire avancer les PME sont aujourd'hui au nombre de 55 . Elles figurent dans le document « Cap France PME » que je vous remets aujourd'hui . Elles contribueront à alimenter le grand débat présidentiel de 2007.
A travers ces propositions, je revendique le droit de faire entendre la voix de celles et ceux qui, jusqu'à présent, ne manifestent pas, ne bloquent pas, ne cassent pas, la voix de ces entrepreneurs qui se dévouent quotidiennement au service des autres.
La voix de ceux qui pensent que la vie professionnelle est un facteur essentiel d'épanouissement personnel. Une civilisation uniquement tournée vers les loisirs court à sa perte. Le rappeler est notre responsabilité ; c'est également celle de l'Education Nationale !
Mais comment voulez-vous enseigner l'entreprise lorsque vous en ignorez à peu près tout ?
Le système éducatif français vit encore beaucoup trop à l'écart des réalités économiques d'aujourd'hui, de l'entreprise, des filières de formation, des métiers. En Europe, l'entrepreneuriat est dans de nombreux pays, enseigné tout au long du cursus scolaire. En ce domaine, la France est en retard.
Il est temps de dépasser les barrières, les clichés, les préjugés anti-économiques dans l'éducation.
Assumons la promotion de l'entreprise à l'école, en commençant par éliminer définitivement le discours anti-patronal des manuels scolaires.
Il est temps d'arrêter le gâchis de tant de jeunes s'engageant dans les filières ne débouchant pas sur l'emploi.
Ne soyons pas lâches.
Ayons le courage de limiter le nombre des jeunes ayant accès à ces filières.
Ayons le courage de dire à la jeunesse qu'un diplôme, c'est bien, mais que la dignité et l'autonomie s'acquièrent par le travail et donc par un métier.
Il faut enseigner l'entreprise, il faut aussi mieux l'expliquer, la promouvoir, la faire aimer.
Je ne parle pas des PME. Tous les sondages, année après année, le confirment. Les Français aiment leurs PME à plus de 75 %. Ils apprécient les patrons de PME et placent même, -je ne vois pas pourquoi je me priverai de le dire-, la CGPME en tête de la popularité des partenaires sociaux.
Je parle de l'entreprise en général. Je parle de la relation au travail.
Je parle de l'entrepreneuriat comme modèle de vie, de la prise de risque, de l'initiative, de l'effort, du mérite. Nous en avons assez que la réussite soit suspecte et que l'échec soit pardonnable à tout le monde, sauf à un patron.
La crise du CPE a révélé, notamment chez certains jeunes, une méfiance à l'égard de l'entreprise.
Mais pourquoi passer sous silence la grande majorité qui étudie pour apprendre un métier et refuse que l'on bloque sa fac pour des raisons politiques ? Une minorité agissante a-t-elle le droit de contraindre une majorité silencieuse ?
Nous avons confiance en la jeunesse française, celle que nous côtoyons dans nos entreprises, les jeunes en apprentissage, les salariés qui débutent ... Ils ont leur place dans les PME. Ils incarnent le dynamisme de la jeunesse.
Nous avons besoin d'eux comme ils ont besoin de nous !
En disant cela nous n'exprimons pas de revendications catégorielles mais un vrai souci de préparer l'avenir.
Cet avenir nous le voyons européen...à condition que l'on s'en donne les moyens. La France a bien des atouts à faire valoir dans la compétition européenne mais nos entreprises ne doivent pas se battre avec des pieds lestés de plomb pendant que les autres sont équipés de baskets.
Est-il normal que dans un même espace économique, l'impôt sur les sociétés aille de 0 à 33 % en fonction des pays ?
A l'échelle européenne, nous réclamons une harmonisation fiscale et sociale. Nous avons plus besoin de cela que d'aide, directe ou indirecte, de quelque nature que ce soit !
Au niveau national, notre priorité est la baisse des charges sociales qui pèsent sur le coût du travail et donc sur l'embauche.
Aujourd'hui, plus vous embauchez, plus vous êtes taxés. Il nous faut poser la question : est-il normal de financer la protection sociale essentiellement avec les revenus du travail, cela pourra-t il durer dans une société vieillissante ? Le bâton qu'est la fiscalité ne peut-il se transformer en levier ?
Deux exemples simples :
* Exonérez, Monsieur le Premier ministre, de cotisations patronales de Sécurité Sociale, la rémunération correspondant aux 4 premières heures supplémentaires. Donnez corps à cette grande attente permettant à ceux qui y sont prêts de travailler plus pour gagner plus.
* De même, à l'heure où tous s'accordent sur la nécessité de revaloriser le travail manuel, nous proposons, pour ces métiers, que l'on exonère de tout ou partie des cotisations patronales de Sécurité Sociale l'employeur, s'il verse directement l'équivalent au salarié.
C'est, me semble-t-il, la bonne manière d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés tout en facilitant l'embauche dans les secteurs sous tension.
Va-t-on tolérer plus longtemps que près de 300 000 offres d'emploi restent à pourvoir alors que plus de deux millions de Français sont au chômage ? N'y a-t-il pas là matière à s'interroger sur un système social qui incite certains de nos concitoyens à privilégier les revenus de l'assistance plutôt que ceux du travail ?
Loyal vis-à-vis du gouvernement, vous me permettrez donc d'être franc et direct.
Dans nos entreprises, nous gérons de manière raisonnable et rigoureuse en maîtrisant nos dépenses de fonctionnement. Nous ne vivons pas à crédit en tirant des traites sur les générations futures.
Nous attendons la même chose de l'Etat.
La diminution des effectifs de la fonction publique, en profitant de cette période historique de départs massifs à la retraite, permettrait sans aucun doute de dégager des moyens pour réduire la dette tout en abaissant le coût du travail. Ne laissons pas passer cette opportunité !
Nous sommes également convaincus de la nécessité de voir rapidement adopter, en France et à l'échelle européenne, un statut unique de la PME. Ce statut ne vise pas à nous réfugier derrière un rempart sécurisant. Il consiste à nous donner davantage de visibilité et de stabilité juridique. Ce statut doit nous donner les moyens de compenser notre fragilité en rendant plus facile l'accès au financement, l'accès aux marchés publics, garantir des relations commerciales équilibrées quelle que soit la taille des différents partenaires...Nos PME n'ont pas à assurer la trésorerie de l'Etat ou des collectivités locales !!!
Ce statut doit aussi permettre la signature d'accords d'entreprise avec les représentants élus du personnel, là où il n'y a pas de délégués syndicaux.
Vous savez, Monsieur le Premier Ministre, combien les effets de seuils, les réglementations et les coûts supplémentaires qu'ils engendrent bloquent le développement des entreprises. S'il n'y a en France que 5 000 entreprises de plus de 250 salariés, ce n'est pas le fait du hasard !
Si nous voulons plus d'entreprises moyennes, il faut leur donner plus d'élan, plus de force, diminuer les contraintes et lever les blocages.
Nous avons listé 1367 autorisations administratives qu'un patron de PME peut être amené à solliciter. Quel fouillis ! Sur les simplifications administratives aussi, Monsieur le Premier ministre, il y a urgence à agir !
Vous l'avez compris, nous sommes acteurs du développement économique et de la création d'emploi, nous voulons construire, nous avons des idées et des propositions.
Notre force, nous la tirons de ces millions de TPE et de PME qui croient en nos valeurs communes de liberté, d'efforts, d'initiatives et de partage.
Nous souhaitons que cette force inspire l'action publique dans les années à venir, en gardant toujours à l'esprit qu'il ne peut y avoir de politique sociale sans création de richesse.
Nous pourrons ainsi balayer le pessimisme ambiant, être un rempart contre le déclin, donner ou redonner confiance à ceux qui doutent d'eux-mêmes ou de leur pays.
Nous ne baisserons pas les bras. Alors comme on dit au foot :
Allez les PME !
Allez la France !
Source http://www.cgpme.fr, le 14 juin 2006