Déclaration de M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, sur la discrimination raciale et sur la politique d'intégration menée par le gouvernement, Paris le 26 sepembre 2005

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Circonstance : Assises du FASILD (Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations) à Paris le 26 septembre 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs
Monsieur le Directeur Général,
30 ans ! Voilà 30 ans que ce mot, le mot discrimination est en moi, dans mon coeur et dans mon corps.
Il y est entré un jour de mes 18 ans à Lyon, alors qu'avec ma classe de Terminale du lycée, fiers d'avoir eu le bac, nous allions faire la fête dans une discothèque, le PARADISIO, et qu'à l'entrée, un homme qu'on appelle VIDEUR, a pointé du doigt toutes les gueules noires de notre groupe, en lâchant : JE CROIS QUE CA VA PAS ÊTRE POSSIBLE !
Ce jour-là, je suis devenu Noir.
Et tous les copains et copines de ma classe aussi. On est tous devenus Noir.
Depuis, ce mot discrimination est devenu le combat de ma vie, ma cible, ma hantise. C'est un virus, un poison, un incendie, un cheval de Troie dans les entrailles de notre Démocratie.
DISCRIMINATION ! Quelle sonorité !
DISCRIMINATION ! Quel mot plombé.
Il y a, dedans, le mot CRI, CRIME, MINE... et surtout le mot NATION. Comme s'il voulait dire : les discri minent la nation ! Et puis il y a Rime le mot rime avec Abo-mination, conta-mination.
30 ans ! Voilà 30 ans qu'une partie de la population française, la plus visible, celle qui connaît par coeur la chanson "je crois que ça va pas être possible", souffre de ces discriminations.
La France a perdu beaucoup de temps dans sa lutte contre ce cheval de troie anti-démocratique.
La République a perdu TROP de temps.
"Entre-temps", dans les territoires de relégation, les haines, les rancoeurs contre le mythe de la Société des Mérites ont rempli, gonflé et parfois fait exploser les coeurs.
Oui, "entre-temps", une partie des oubliés de l'égalité des chances, s'est barricadée derrière des communautarismes régressifs et sans issue.
Le temps de la cécité, le temps des incantations républicaines, le temps de l'inaction ont déjà coûté cher à notre cohésion nationale.
Nous n'avons plus le temps d'attendre.
Nous devons agir.
Nous devons agir VITE.
Il nous faut changer de mots. Alors ne me parlez plus d'intégration, cela concernait nos grands -parents migrants. Aujourd'hui, je vous parle d'Egalité des chances. Cela concerne nos enfants, tous nos enfants.
Je veux aller vite, aller fort, aller loin ! Les hautes fonctions, les mandats électifs de premier rang et les responsabilités dans le monde de l'audiovisuel sont encore trop souvent réservés à une seule et même catégorie de citoyens.
Il faut bouger !
Les administrations n'ont pas de plan d'action clair et précis pour la diversité, le service d'accueil téléphonique gratuit de lutte contre les discriminations créé par la loi du 16 novembre 2001, n'a pas véritablement vu le jour.
Il faut bouger !
Je souhaite donc une synergie musclée et opérationnelle entre la Halde, lesCOPEC, le FASILD avec ses 21 directions régionales, et bien sûr, mon propre ministère,
ON VA FAIRE BOUGER LA FRANCE QU'ON AIME !
J'ai indiqué dans le dernier numéro de la "Lettre du FASILD" les principes de mon action :
- Nettoyage au karcher de toutes les discriminations, car s'il y a quelque chose qu'il faut nettoyer au karcher, ce sont surtout les inégalités,
- Faire la diversité. Ne plus se contenter d'en parler. Mettre les mains dans le Melting Pot et TOUILLER, touiller, jusqu'à ce que la pâtre prenne.
L'action du FASILD, dont nous fêterons bientôt les 50 ans, est à plébisciter.
J'ai vu ses directions régionales mettre les mains dans le pot et touiller :
- dans le domaine de l'emploi et dans l'entreprise, pour faire avancer la France de l'égalité des chances,
- à l'école ou dans les médias, pour faire gagner la France de la tolérance et du mélange,
- en faveur de l'accession à des logements dignes, facteur élémentaire de la réussite à l'école.
Il faut également saluer l'action du FASILD avec des employeurs pour les sensibiliser aux enjeux de la lutte contre les discriminations, et sur la mémoire de peuples, aujourd'hui discriminés alors qu'ils ont écrits quelques-unes des pages les plus glorieuses de l'histoire de notre pays. Monsieur le Directeur général, comme vous le savez les années ont passé, les missions FASILD ont évolué avec elles.
Nées dans le contexte de la guerre d'Algérie, elles se sont forgées sur la vague des grands flux migratoires des années 1960, puis se sont tournées vers l'accueil des familles, avec des objectifs d'intégration.
Les années ont passé. Aujourd'hui, les enfants sont plus nombreux que les parents accueillis naguère, confrontés à une réalité économique plus dure, cruelle, plus discriminante.
Il nous faut une action. Il nous faut de l'Evaluation. Peut-être pourrait-on utiliser le mot EVALUACTION.
50 ans ! le FASILD, comme moi, s'est fait des cheveux blancs. Je souhaite déplacer le curseur de son intervention vers un véritable plan national de promotion de l'égalité des chances.
Dans cet esprit, se pose la question d'un redéploiement de vos moyens et je souhaiterais que nous puissions mettre ensemble les mains dans la boite à outil pour aller plus vite, plus fort, plus loin, dans les plus brefs délais.
J'ai commencé à agir avec vigueur :
* le 7 juillet dernier, j'ai installé la Copec de Paris en affirmant au Préfet de Police, au Procureur de la République et au Recteur, ma volonté de voir leurs personnels et leurs collaborateurs lutter quotidiennement contre les discriminations. Les magistrats, les policiers, les fonctionnaires des Service du logement et de l'ANPE en particulier, doivent faire de cette mission une de leur obsession professionnelle.
* le 24 août, devant les recteurs et les inspecteurs de l'académie réunis à Amiens, j'ai lancé l'opération "Un stage pour tous". Il y a des collégiens et lycéens pour qui c'est toujours "je crois que ça va pas être possible" à cause de leur faciès, de leur nom ou leur quartier lorsqu'ils se rapprochent d'une entreprise pour une formation en alternance.
C'est inacceptable.
Il y 2 jours, à Bordeaux, ancienne ville de la traite négrière, j'ai parlé d'audace et de courage pour lutter contre les discriminations. Mais c'est un comble que de parler de courage et d'audace pour lutter contre un délit pénal !
J'ai parlé de la Charte de la diversité dans l'entreprise et la fonction publique, à la télévision... chaque décideur se transforme en ambassadeur de la diversité.
C'est donc de mobilisation nationale dont je parle.
Enfin 2007, vient d'être déclarée "Année européenne de l'égalité". Une bonne année puisque je suis né en 1957, j'aurais 50 ans. J'y vois un bon SIGNE
Je souhaite que cette échéance soit un objectif pour le FASILD et j'ai une idée : Le FASILD pourrait confier un grand projet européen à un groupe de jeunes dont la diversité des profils ressemblerait à la France du 21ème siècle.
Chers amis, vous m'avez compris ! Je veux démolir les murs des déterminismes sociaux. Je veux ouvrir les portes à la diversité, je veux casser les cloisons, je veux défoncer les plafonds de verre, je veux respirer, enfin, dans une République à CIEL OUVERT.
Et demain, ensemble, chanter un nouvel air de France "Je crois que ça va être possible".
We shall overcome ! I have a dream.
Bonne chance à nous, bonne chance à la France.Source http://www.egalitedeschances.gouv.fr, le 4 juillet 2006