Déclaration de M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, sur le rôle des Commissions départementales pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté (COPEC) pour lutter contre les discriminations, Bordeaux le 24 septembre 2005.

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Circonstance : Déplacement à Bordeaux (Gironde), le 24 septembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Député-Maire,
Monsieur le Préfet de Région,
Mesdames et Messieurs,
Mesdames et Messieurs, je suis heureux d'être parmi vous ce soir.
Nous sommes ici, parce que dans notre pays, patrie des droits de l'Homme et du citoyen, l'accès aux plus hautes fonctions, des femmes et des hommes issus de la diversité relève encore de l'exception ou du parcours impossible.
Il faut s'interroger, car la discrimination est absente de notre législation depuis bien plus de deux siècles.
Les hommes et les femmes concernées n'auraient-ils pas les qualités nécessaires pour accéder à ces forteresses imprenables ?
Ou est-ce que nous, responsables politiques et administratifs, n'avons pas su mettre en place des mécanismes de détection des talents, comme le sport de haut niveau sait le faire.
La promotion de l'égalité des chances relève de cette logique volontariste. Elle repose sur des leviers bien différents des problématiques d'intégration.
Il y a urgence à déplacer le curseur. Nous devons amener l'ascenseur social sur les lieux même de l'inégalité.
Le faire, ce n'est pas niveler par le bas, mais donner toute sa chance à l'excellence et la capacité à allier projets et efforts soutenus.
J'ai une ambition pour notre République.
Tout comme Roger FAUROUX, dans son rapport récemment remis à mon collègue, Ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, je parlerai, pour notre pays, d'"arsenal législatif impressionnant, de rapports excellents et d'institutions nombreuses".
Je ferai même mien son constat de "résultats d'une affligeante médiocrité", pour mieux stigmatiser l'absence de diversité et pour réclamer dans tout notre pays, l'institution de lieux de débats et la mise en place de synergies entre institutions. Je réclame aussi de l'audace et du courage.
Mes premiers mots seront pour vous Monsieur le Député-Maire.
J'ai examiné de près, le fonctionnement du Conseil des Communautés étrangères dont la création remonte à votre prédécesseur, Monsieur Alain JUPPE.
J'ai apprécié cette volonté de favoriser les relations entre votre ville et les communautés d'origine étrangère, qui sont aussi l'une des forces vives de ce territoire.
Ce parti pris du dialogue est indispensable.
Je sais Monsieur le Préfet, votre attachement à ces questions et je souhaite qu'il en soit de même pour l'Etat.
Les COPEC, ou Commissions départementales pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté, doivent avoir cette fonction.
Elles doivent d'abord, un observatoire des pratiques discriminatoires qui existeraient dans ce département.
Le monde associatif et les personnes qualifiées de votre territoire ont toutes compétences pour porter jusqu'à vous, toute logique de choix fondée sur la race, la religion, l'orientation sexuelle ou sur tout autre motif indigne de pays, comme l'a rappelé le Président de la République en juin dernier, en installant la Haute autorité de lutte contre les discrimination et pour l'égalité.
Je souhaite que chaque Service de l'Etat se mette en demeure de répondre de manière immédiate aux appels des victimes, car il y a urgence à agir.
La présence au sein de cette instance, du Procureur de la République ou de l'Inspecteur d'Académie, de même que celle des Chefs de service de l'Etat, doit donner écho particulier aux constats et aux capacités d'initiatives de la COPEC.
Les Services chargés du logement, l'ANPE et la Direction départementale du Travail sont autant d'acteurs que je souhaite voir mobilisés.
Vous avez le devoir de traquer les discriminations et vous avez la responsabilité de promouvoir de nouvelles chances, au nom et avec les moyens de l'Etat.
Je n'ignore pas votre détermination à appliquer la loi dans toute sa rigueur, Mesdames et Messieurs les représentants de l'autorité judiciaire.
Je souhaite cependant que la COPEC du département de la Gironde, que toutes les COPEC de notre pays, placent le recours aux pouvoirs de police des préfets et les dispositions du code pénal au centre de leurs actions de lutte contre les discriminations.
Les victimes de pratiques discriminatoires devront recevoir une aide effective et vous devrez veiller à ce que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et son délégué régional mettent tout leur pouvoir d'investigation aux services des personnes les plus insidieusement discriminées.
Ces cas sont une réalité, comme vient de le rappeler publiquement M. Louis SCHWEIZER, Président de la HALDE.
Je réclame également des liens très forts entre mon propre ministère et la COPEC et je m'appuierai de manière résolue sur l'action de chacune des commissions pour préparer notre pays à l'échéance de 2007, qui vient d'être déclarée "Année européenne de l'égalité des chances".
Mesdames et Messieurs, voilà plus de deux cent ans que notre pays s'honore des mots Liberté et Egalité, en proclamant avec la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Soixante ans plus tard, le 27 avril 1848, la puissante énergie de cette déclaration a conduit notre pays à décréter l'abolition de l'esclavage et je ne doute pas qu'en 2008, le 160ème anniversaire de cette date, sera célébré de manière particulière, ici, à BORDEAUX.
Une force nouvelle doit par contre être donnée à la seconde phrase de l'article 1er de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, qui prévoit que "Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune".
L'origine ethnique, la religion, le sexe, l'origine géographique, l'orientation sexuelle, voire même des caractéristiques peuvent marquer une distinction. Mais quelle est l'utilité sociale de toutes ces subtilités ?
Constatons que cette distinction ne sert en général qu'à exclure.
Nos écoles, publiques et privées, forment des millions de nouveaux citoyens. Mais à l'heure où ces jeunes sont en capacité d'accéder à l'emploi, au logement, aux loisirs ou à la culture, ils se voient brutalement rappeler qu'ils sont différents. Qu'ils ne sont toujours pas passés sous les fourches caudines de l'intégration.
Nos fonctions éminentes, nos assemblées, nos mandats électifs de premier rang, notre télévision, ne semblent pouvoir être confiées qu'à celles et ceux qui nous sont strictement semblables.
Je fais ouvertement appel à vos responsabilités d'élus, de hauts fonctionnaires et de décideurs pour lutter contre cette réalité.
Je fais appel à l'engagement des militants institutionnels que vous pouvez être, et s'agissant de vous, Mesdames et Messieurs les représentants des associations, je fais appel à la flamme des militants de terrain que vous savez être.
Je veux une action résolue.
Je me suis rendu seul, il y a peu à Paris, sur le lieu de cet incendie qui a causé la mort de 17 personnes d'origine africaine, dont 14 enfants.
Quasiment aucun de ces enfants n'était né, au moment où ces familles ont été logées là, par les pouvoirs publics de l'heure, de gauche ou de droite, peu importe.
Nous avons installé ces familles dans ces lieux à risques, en agissant de manière totalement déconnectée des réalités du temps.
Nous avons ignoré que ces groupes étaient des familles en germes et que des enfants naîtraient et grandiraient dans ces conditions sordides.
Je souhaite comme le Premier ministre l'a affirmé en installant le Conseil national de lutte contre l'exclusion et le fera de nouveau, avec le projet de loi portant engagement national pour le logement, que nous marquions davantage notre volonté de faire reculer ces souffrances et ces discriminations.
Le Plan de cohésion sociale ne retient pas d'autre cap et nous devons continuer d'agir en ce sens.
Il y a urgence à donner toute leur place à tous les talents de notre République.
En ne combattant pas la discrimination, nous nous privons de trésors d'aptitude et de fidélité à notre pays et faisons passer un handicap, d'un père à un fils, d'une mère à une fille et contaminons toute une génération, toute une société.
Cessons ce "grand gaspillage de potentiel humain" comme vient d'ailleurs de le rappeler la Banque mondiale dans son rapport 2006.
Il est temps d'ériger la lutte contre les discriminations en grande cause nationale et je compte sur votre engagement de militant institutionnel ou de militant associatif de notre République de l'égalité des chances.
Je vous remercie.Source http://www.egalitedeschances.gouv.fr, le 4 juillet 2006