Texte intégral
Quelle place pour la France dans le monde de demain ? Dans la classe politique et plus globalement au sein du système, plus personne ne se pose cette question. Et pour cause, plus personne ne croit encore que la France puisse avoir la moindre place dans l'avenir. Les tenants du système ne le disent pas, mais ils refusent d'envisager l'avenir et pour le présent, ils n'ont qu'un mot d'ordre : la France doit s'adapter. Elle doit s'adapter à tout ce qui survient : à la mondialisation, à l'européisation, à l'immigration, à l'islamisation. Bref, elle doit s'adapter à tout ce qui la fait disparaître. L'objet de ce colloque est de montrer que bien au contraire la France peut avoir une place stratégique majeure dans le monde de demain.
Et en effet, dans le nouveau contexte géopolitique, les marges de manoeuvre de la France sont paradoxalement plus grandes que dans la seconde moitié du XXe siècle. À l'époque tout était bloqué par la guerre froide, la coupure du monde en deux blocs, qui gelait tout et contraignait chaque nation à s'aligner peu ou prou sur l'un des deux camps. La disparition du monde bipolaire et l'émergence d'un monde multipolaire, ouvre donc de larges possibilités d'initiatives et d'actions à un pays comme la France.
Cette latitude nouvelle n'est cependant pas totale, loin de là. Car nous ne sommes plus au XIXe siècle, ni même au début du XXe siècle et à l'époque des grands pôles de puissance de dimension continentale et civilisationnelle, la France n'a plus seule la dimension suffisante pour agir et peser en toute autonomie. Elle ne peut le faire, dans bien des domaines, que par le truchement de l'Europe.
Aussi l'avenir de notre pays, et donc la stratégie qu'il doit mener, sont-ils plus difficile à concevoir et à expliciter que par le passé. La démarche que doit envisager notre pays est plus subtile que celle qu'il a pu adopter en d'autres temps. La France doit agir par elle-même, mais aussi en actionnant le levier de l'Europe. Elle doit donc s'affirmer non seulement comme un acteur, mais comme un initiateur et un catalyseur. Il faut en effet que son action puisse être démultipliée par l'Europe pour pouvoir peser de façon déterminante dans le monde. La France doit donc chercher à créer avec l'Europe un instrument, un moyen, un levier pour démultiplier les effets de son action.
Aussi la France doit-elle oeuvrer à l'émergence d'une nouvelle organisation de l'Europe qui soit, selon la formule du MNR, une Europe européenne, indépendante et puissante. Que l'Europe cesse de s'occuper de tout et de n'importe quoi, pour se consacrer à l'essentiel. Qu'elle rende aux États leur souveraineté pour tout ce qui concerne la vie quotidienne des citoyens et qu'elle s'attache à développer la puissance collective et l'indépendance stratégique du continent.
Dès lors, la France, et ce devrait être le premier axe de son action extérieure, devrait agir pour assurer la promotion de cette Europe nouvelle. Nous l'avons développé dans un colloque précédent, elle devrait se faire le champion de ce projet. Elle devrait le porter, l'expliquer et le promouvoir et chercher à le faire aboutir en multipliant les initiatives en ce sens.
Pour ce faire, l'idée est que la France constitue un noyau dur de quelques nations proches qui pourrait devenir le fédérateur de cette Europe, qui pourrait structurer politiquement notre continent, lui donner un axe, un projet et un but. Naturellement ce noyau dur pourrait être constitué des six pays fondateurs de l'Union, ou plus simplement des trois principaux, la France, l'Allemagne et l'Italie. Encore faudrait-il que ce trio s'engage dans une démarche d'indépendance et de puissance résolument différente du projet anglo-saxon qui ne voit dans l'Europe qu'une zone économique de libre-échange.
Pour entrainer derrière son projet un maximum de pays, la France devrait donc, parallèlement à la constitution de ce noyau dur, chercher à combler le fossé qui la sépare des pays périphériques et d'adhésion plus récente. Elle devrait dans cet esprit resserrer ses liens avec l'Europe de l'Est et choisir deux ou trois pays avec lesquels elle peut arguer de liens traditionnels et historiques. Ainsi pourrait-il en être de la Pologne, de la République tchèque et de la Serbie.
Aujourd'hui notre pays semble se désintéresser totalement de ces États nouvellement adhérents. Pis, il semble voir en eux une menace comme l'a montré l'affaire du plombier polonais lors de la campagne du référendum sur la constitution européenne. Il faudrait au contraire renouer des liens très forts avec ces trois pays. En incitant nos industriels à y investir prioritairement mais aussi en renforçant les liens culturels en adoptant une démarche d'alliance et le soutien réciproque.
Aujourd'hui la France est relativement isolée en Europe. En tout cas elle ne jouit plus du prestige qui devrait être le sien et son influencer est des plus réduite. La première initiative à prendre est donc de rendre à la France sa place centrale sur notre continent, celle d'une nation phare qui porte un modèle, qui ouvre une voie et qui entraîne derrière elle.
Au-delà de l'Union européenne la France devrait se faire le champion du rapprochement avec la Russie. Notre nation devrait se positionner comme l'artisan d'une alliance privilégiée entre l'Union européenne et la Fédération russe. Celle-ci est encore aujourd'hui une grande puissance. Malgré les amputations qu'a connues l'empire qu'elle s'était constituée du temps des Soviets, elle constitue l'un des pôles de puissance du monde de demain. Or, elle est de par sa population, sa culture et son histoire, très proche de l'Europe. Elle procède de la civilisation européenne ou occidentale. Plutôt que de voir en elle un ancien ennemi, un rival ou un mauvais élève du politiquement correct, il faudrait tout au contraire la considérer comme un partenaire privilégié.
Ainsi faudrait-il donc changer complètement d'optique et se désolidariser de toutes démarches hostiles à l'égard de la Russie. Cela implique de respecter son système politique intérieur et de cesser de lui faire la morale en toute circonstance. Cela exige aussi de reconnaître à la Russie une zone d'influence naturelle, à l'ouest sur la Biélorussie et l'Ukraine et au sud en direction du Caucase et de l'Asie centrale.
Cette démarche nouvelle doit par ailleurs conduire à un système d'alliance et de soutien réciproque. Tel a d'ailleurs été le cas lors de l'intervention militaire américaine en Irak. Mais une telle configuration devrait être plus systématique d'autant que les intérêts communs à l'Europe et à la Russie sont très nombreux face à l'islam, face aux Américains et face à la Chine. Les liens culturels peuvent être renforcés, une vraie complémentarité peut s'instaurer sur le plan économique et une coopération militaire peut-être instituée.
L'Europe à elle seule, forte de ses 450 millions d'habitants et de son PIB de 10 000 milliards d'euros est déjà potentiellement très puissante, mais une alliance souple et pragmatique avec la Russie ferait de cet ensemble européen de Brest à Vladivostok un double pôle de puissance capable de peser de façon déterminante dans le monde. Un double pôle tendu symboliquement entre la France à l'Ouest et la Russie à l'est illustrant le rôle catalyseur que notre pays peut jouer dans cette réorganisation du continent eurasiatique.
Est-ce à dire que notre pays ne devrait pas regarder au-delà de l'horizon européen ? Non, je ne le pense pas, même si la priorité va sans conteste à ce vaste projet stratégique. Notre nation subit en effet des influences et des migrations venant du Sud et elle ne peut pas continuer à les subir passivement et se contenter de vouloir les contrer défensivement. La France doit donc développer une nouvelle politique africaine et là encore s'efforcer d'entraîner derrière elle la puissance de l'Europe. Mais pour cela il faut que notre pays renouvelle complètement ses relations avec ses anciennes colonies et au-delà avec l'ensemble du continent africain.
Aujourd'hui, les relations entre la France et l'Afrique sont encore par trop marquée par le passé colonial. Il en résulte deux attitudes qui, même si elles sont contradictoires, sont particulièrement malsaines. Il y a, dominant tout, un sentiment absurde de culpabilité et de repentance de la part de la classe politique française. Une attitude honteuse qui conduit à commémorer l'esclavage et à refuser de voir dans la colonisation le moindre aspect positif. Une attitude qui conduit la France à tout accepter de ces pays, à se laisser humilier, sans répondre, comme le font actuellement MM. Chirac et Douste-Blazy à propos de l'Algérie.
Et puis il y a paradoxalement, bien que moins visible, une attitude très paternaliste, directement héritée du rôle de tuteur qui a été celui de la France dans le passé. Il en résulte des relations malsaines qui ne peuvent que conduire à des fiascos comme on le constate actuellement avec la Côte d'Ivoire.
Il est donc nécessaire de revoir totalement l'esprit de nos relations avec ces pays. Il faut maintenant les considérer comme des États réellement indépendants avec lesquels on doit traiter de façon équilibrée, chacun apportant et recevant à due proportion. Il faut donc continuer à aider au développement de ces pays mais cesser de le faire de façon unilatérale en considérant qu'eux ne peuvent apporter aucune aide à la France.
Car il est au moins deux points sur lesquels cette aide en retour peut être utile. Le soutien diplomatique sur la scène internationale d'abord : pourquoi continuer à aider des pays qui, comme l'Algérie, agressent verbalement la France en permanence ? D'autre part et plus concrètement, ces États sont tous des pays d'émigration. Ils peuvent donc aider notre nation en contenant ces mouvements de population et en accueillant leurs ressortissants de retour de France.
Et s'ils ne le font pas, pourquoi continuer à les aider comme on le fait avec des enfants turbulents ? Pourquoi soutenir économiquement des États qui se permettent de critiquer la réforme de nos lois sur l'immigration ? Qui protestent sur les conditions dans lesquelles on expulse leurs ressortissants ? Ou, plus grave encore, qui se font les complices de leurs propres citoyens entrés clandestinement sur notre sol comme c'est le cas lorsque les consuls de ces pays refusent de reconnaître leurs citoyens et empêchent ainsi leur expulsion ?
Tout cela doit cesser et la politique menée à l'égard de ces pays doit redevenir équilibrée. Il faut donc mener une politique d'aide au développement plus importante mais plus ciblée en exigeant en retour un soutien des pays bénéficiaires.
Sous cette réserve, le continent africain doit faire l'objet d'un intérêt particulier de la part de la France et de l'Europe. Chaque grand pôle de puissance situé sur l'hémisphère Nord a dû, dans le passé, exercer des responsabilités à l'égard de l'aire géographique se situant au sud de son territoire. L'Amérique du Sud pour les États-Unis, l'Asie centrale pour la Russie, l'Afrique pour l'Europe. Aujourd'hui l'Amérique du Sud, comme à un moindre degré l'Asie centrale, ont pris leur essor économique et de plus en plus leur indépendance politique. L'Afrique va demeurer de par le monde la zone la moins développée et la plus dépendante. Par voie de conséquence, elle restera la plus soumise aux influences et aux tutelles étrangères. Déjà, on le voit, les Américains, mais aussi les Chinois, cherchent à s'y implanter de façon de plus en plus pressante. Il est donc essentiel que l'Europe et la France n'abandonnent pas cette zone d'influence naturelle et y renouent une politique d'aide et d'amitié plus énergique et plus massive.
Cette politique de présence équilibrée en Afrique doit cependant être croisée avec celle qu'il convient de mener face à l'islam. Un islam très présent en Afrique mais dont l'implantation est mondiale et dépasse largement le continent africain. Un islam qui incarne à travers la nébuleuse des pays qui y adhèrent un pôle de puissance à lui seul. Un islam qui, par son dynamisme souvent agressif voir terroriste, mais aussi par son expansion migratoire et son développement au coeur même de l'Europe, constitue une menace pour notre identité, nos valeurs et notre mode de vie, pour notre sécurité et notre avenir.
Il convient donc de mener une politique étrangère pour contenir l'islam et se dégager de son emprise. Je ne parlerai pas ici des actions qui doivent être entreprises à l'intérieur de notre pays et au sein de l'Union européenne, nous avons déjà abordé cette question dans un autre colloque. Je voudrais aujourd'hui esquisser les axes de la politique à mener face au monde musulman. Une politique qui doit être ferme mais adaptée.
Il faut en effet combattre avec vigueur le terrorisme islamiste et donc lui faire la guerre avec tout ce que cela peut impliquer. Il ne faut pas hésiter à combattre militairement les États islamistes qui soutiendraient ce terrorisme et qui se livreraient eux-mêmes à des opérations agressives et conquérantes. C'est en ce sens que nous avions soutenu l'intervention américaine en Afghanistan contre les Talibans.
En revanche, ce serait une grave erreur de rejeter dans le même camp tous les pays musulmans. Il en est en effet qui ont entrepris de laïciser leur régime et qui ne se placent pas dans la logique de la Charia ni du Djiad. Ainsi en est-il par exemple de la Tunisie ou actuellement encore de l'Égypte. Ainsi en était-il de l'Irak de Saddam Hussein. Aussi l'intervention américaine a-t-elle été une erreur magistrale. L'Irak était un pays laïc, à bien des égards parmi les plus tolérants à l'égard des chrétiens vivants sur son sol et rien ne le prédisposait à devenir l'ennemi de l'Occident. Il était même un réel allié de la France.
Enfin il ne faut pas chercher, comme le font les États-Unis, à vouloir imposer par tous les moyens un système démocratique dans ces pays. Ce système n'est d'ailleurs pas compatible avec l'islam. Et si l'on cherche à l'imposer on fait généralement le lit de l'islamisme, comme cela s'est produit en Iran lorsque les États-Unis ont lâché le Shah et comme cela risque de se produire en Irak et en Afganistan. Il faut donc mener une grande politique pour contenir l'islam en s'opposant aux États islamistes agressifs et en soutenant les États laïcs occidentaux sans chercher à leur imposer nos institutions ni nos valeurs. Dans tous les cas il s'agit d'éviter de globaliser l'affrontement entre l'islam et l'Occident. Le choc des civilisations est une réalité, mais il faut éviter qu'il se transforme en un affrontement ouvert et violent.
À cet égard, la solidarité avec les États-Unis doit donc être, elle aussi, relativisée et limitée aux cas où elle se justifie. Ainsi l'était-elle au lendemain des attentats du 11 septembre face à l'Afghanistan mais elle ne l'était-elle pas face à l'Irak. La France doit là aussi changer d'orientation et mener une politique d'indépendance face aux États-Unis en cherchant à entrainer ses partenaires européens dans cette voie plus conforme à leurs intérêts.
Certes entre l'islam et l'Amérique notre préférence va aux États-Unis. Ce ne sont pas les Américains qui bouleversent la vie de nos compatriotes dans les cités et nous partageons avec eux le même fond de civilisation européenne qui nous rattache les uns et les autres à ce que l'on peut appeler l'Occident. Pour autant, il y a bien une civilisation européenne et une civilisation nord-américaine. Et si elles partagent le même héritage elles s'avèrent néanmoins bien différentes. De plus les États-Unis constituent le pôle de puissance de loin le plus important et développent une politique hégémonique à l'échelle de la planète. Ils encerclent la Russie par une présence en Asie centrale et un fort activisme en Ukraine et en Biélorussie. Ils combattent l'islamisme un peu partout dans le monde et commencent maintenant à contrer la Chine. Et ils cherchent également à maintenir l'Europe sous leur tutelle.
Cette volonté hégémonique des Américains et cette situation de subordination dans laquelle ils veulent maintenir notre continent est insupportable et la France devrait donc là aussi mener, par le truchement de l'Europe, une politique d'indépendance qui ne soit pas purement verbale.
Cette politique passe d'abord par la sortie de l'Otan et la création d'une alliance militaire européenne. L'Otan n'a en effet plus de raison d'être. Créée en 1949 pour faire face à l'armée rouge et contrer le bloc soviétique, elle a assuré la défense du monde libre pendant trois décennies. Par son intermédiaire les Américains, il faut le souligner, ont suppléé les carences des pays de la Communauté européenne, lesquels avaient failli à leurs responsabilités en renonçant à assurer eux-mêmes leur propre défense.
Aujourd'hui, cependant, l'URSS et le pacte de Varsovie ont disparu et l'Otan n'a plus de réelle fonction. La protection qu'assuraient les Américains en Europe n'est donc plus nécessaire, mais la tutelle qu'ils exerçaient sur elle demeure et chacun l'a compris, l'organisation ne subsiste plus que pour maintenir les pays européens sous la coupe des États-Unis. Cette domination, déjà humiliante au XXe siècle alors qu'elle avait une contrepartie, est devenue insupportable maintenant qu'elle n'a plus d'utilité.
Les pays européens doivent retrouver un peu de dignité et de courage et sortir de l'Otan pour créer leur propre organisation militaire. La France, une fois de plus, devrait être à l'origine de cette initiative et chercher à y entraîner les autres pays européens.
D'une façon plus générale, notre nation devrait incarner sur la scène mondiale une autre vision des relations internationales. Aujourd'hui en effet on nous impose la vision d'un nouvel ordre mondial. Un nouvel ordre qui prône la mondialisation de la planète, la dérégulation des échanges, l'abaissement des frontières, la dilution des nations et leur soumission à ce qu'on appelle maintenant la Communauté internationale. Une communauté aux contours flous, à la réalité impalpable qui est censée être la représentation de toutes les nations du monde mais qui en réalité est l'expression des nations politiquement correctes de l'Occident la plupart du temps sous la houlette des Américains.
À ce nouvel ordre, imposé par cette prétendue Communauté internationale, il convient d'opposer un nouveau concert des nations ou plutôt un nouveau concert des puissances qui entérinerait la réalité du monde multipolaire. Et surtout, cette idée d'un nouveau concert des nations et des puissances devrait véhiculer un nouveau discours sur l'organisation de la planète.
Alors que le nouvel ordre mondial prône la mondialisation sauvage, l'affaiblissement des nations par leur soumission à des organisations multilatérales et la dérégulation systématique de l'économie mondiale, le nouveau concert des puissances devrait reconnaître le fait national comme incontournable, rétablir le principe bénéfique des frontières et militer pour une régulation générale des échanges. Alors que l'un va dans le sens du nivellement et du brassage l'autre devrait préconiser le respect des différences et des identités.
Concrètement ce modèle oeuvrerait pour une régulation des mouvements de capitaux, des échanges commerciaux et des courants migratoires. Il s'agirait dans les trois cas de mettre un terme à une libéralisation excessive pouvant conduire à de graves distorsions sinon à des conflits majeurs. L'idée est d'instaurer des mécanismes pour contrôler ces différents courants d'échange de façon qu'ils ne se fassent pas contre la volonté d'une nation et qu'ils cessent de provoquer des déséquilibres humains ou sociaux.
Le contrôle des mouvements migratoires devrait prévoir une responsabilité des pays d'émigration, une coopération accrue entre les pays du Sud du Nord pour la limitation des flux de population et le retour chez eux des immigrés. S'agissant de la circulation des capitaux, la régulation instaurée viserait à atténuer les effets déstabilisateurs pour les économies de la circulation parfois erratique de masses financières colossales qui franchissent les frontières à la vitesse d'une transmission de données informatiques. Quant au domaine commercial, cette régulation pourrait se concrétiser par la mise en place de systèmes d'écluses aux frontières des grands ensembles économiques homogènes, procédé qui permettrait d'éviter la pratique d'une concurrence déloyale dans les pays développés mais aussi de mettre un terme à l'exploitation éhontée de la main d'oeuvre dans certains pays du tiers-monde.
Ce nouveau modèle des relations internationales devrait être porté par la France. Et celle-ci devrait s'efforcer de le faire prendre en compte par l'Europe. Ce faisant, par cet effet de levier, notre pays pourrait jouer un rôle majeur pour rééquilibrer le monde et oeuvrer à son harmonie.
Ce projet devrait cependant aller de pair avec une nouvelle réflexion sur l'évolution du capitalisme mondial. Aujourd'hui, la situation devient de plus en plus inquiétante pour les peuples et les nations. Nous sommes en effet confrontés à un pouvoir capitalistique de plus en plus puissant, de moins en moins bénéfique, et qui échappe toujours davantage au pouvoir des États. Or cette réalité est porteuse de graves menaces. Ceux qui affirme qu'il n'en est rien, qu'il faut l'accepter, qu'elle va dans le sens du progrès, qu'elle est la voie de l'avenir sont des irresponsables qui légitiment leur impuissance par leur aveuglement : '' je ne peux pas l'empêcher donc je dis que c'est bien ''.
Aujourd'hui le capitalisme mondial connaît en effet une triple dérive. Il y a d'abord le phénomène de concentration qui semble s'accélérer et qui paraît sans limites. En tout cas qui paraît n'avoir comme seule limite que le monopole ou l'oligopole. Déjà il n'y a plus que deux constructeurs aéronautiques et bientôt combien y aura-t-il de sociétés de télécommunications, combien de banques, de sociétés d'automobiles ou de compagnies d'assurance ? Si on laisse ce processus se développer jusqu'à son terme, il n'y aura bientôt plus de concurrence et ces groupes imposeront leur volonté aux peuples et aux États.
La seconde dérive largement initiée par les fonds de pension, conduit à substituer à la logique industrielle une logique purement financière. L'objectif n'est plus d'entreprendre et de mener à bien des grands projets, mais d'offrir aux actionnaires la rentabilité maximale de leur capital. Et pour cela tout est bon : on externalise la comptabilité, la paye, la communication et tout ce qui peut l'être, on brade les filiales qui n'ont pas le taux de profit requis, on ferme les usines qui bien que rentables ne dégagent pas suffisamment de bénéfice, on licencie et on sous traite. Cette démarche poussée à l'extrême conduirait à ne laisser dans les grands groupes qu'un petit état-major de dirigeants qui conçoivent et qui ensuite font fabriquer, vendre et gérer par des sous-traitants pour n'être plus, selon la formule consacrée, qu'un centre de profit.
À cela s'ajoute la troisième dérive, celle des délocalisations vers l'Asie. Un processus dont nous savons qu'il n'a pas non plus de limites puisque sont maintenant délocalisées non seulement les entreprises à fort main-d'oeuvre mais aussi celles qui font appel à la technologie de pointe. Or les entreprises occidentales qui se livrent à cette pratique se fourvoient dangereusement. En agissant ainsi elles considèrent en effet implicitement que les pays européens ont vocation a concevoir et à inventer alors que les pays asiatiques auraient pour seul rôle de fabriquer et d'exécuter. Cette attitude qui procède ailleurs d'un complexe de supériorité des plus suspects est particulièrement absurde. D'abord parce que notre pays, quel que soit son niveau d'évolution et d'éducation, ne peut pas compter que des cadres supérieurs. Agir ainsi c'est donc condamner la France au chômage. Par ailleurs il est faux de croire que les pays asiatiques peuvent être cantonnés dans le rôle de fabricants et d'exécutants. Le Japon nous a déjà montré qu'il n'en était rien. Et les Chinois, qui pillent actuellement notre technologie, vont nous en administrer prochainement la preuve. Déjà leurs voitures ont commencé à inonder le continent et demain, lorsqu'ils auront fabriqués suffisamment d'Airbus, ce sera le tour de leurs avions.
Les capitalistes occidentaux sont donc engagés aujourd'hui dans un processus suicidaire qui cause déjà, avec la précarité, beaucoup de troubles sociaux et qui à terme peut mettre en cause notre prospérité, la paix civile et notre existence même.
Il s'agit donc de mener à l'échelle de l'Europe, et la France devrait en être l'initiatrice, une réflexion d'envergure pour freiner, enrayer, contrôler, maîtriser et réorienter ces mécanismes mortifères. Il s'agit pour les politiques de reprendre le pouvoir sur les financiers, afin d'assurer de nouveau la prééminence de l'intérêt général sur les intérêts particuliers. Compte-tenu de la dimension internationale des intérêts particuliers, c'est aujourd'hui à l'échelle du monde qu'il faut donc revoir tous ces mécanismes et une fois de plus c'est à l'Europe et à travers elle à la France de jouer ce rôle.
Voilà, nous sommes à la croisée des chemins. Le monde change de visage et offre à notre nation de vastes perspectives en même temps qu'il fait peser sur elle de sombres menaces. Une fois encore l'avenir n'est pas écrit. Et le destin de la France sera celui que décideront les Français, ce sera celui pour lequel ils se battront, celui qu'ils se forgeront.
Notre pays paraît aujourd'hui en déclin. Démuni, soumis, impuissant, il semble partir à la dérive. Pourtant il possède encore tous les atouts pour se ressaisir et peser dans le monde.
En tout cas, je crois l'avoir montré, il y a pour la France une voie de renaissance, d'action et de grandeur.
À elle de la choisir.
À nous de faire en sorte qu'elle la choisisse.
Source http://www.m-n-r.net, le 21 juin 2006
Et en effet, dans le nouveau contexte géopolitique, les marges de manoeuvre de la France sont paradoxalement plus grandes que dans la seconde moitié du XXe siècle. À l'époque tout était bloqué par la guerre froide, la coupure du monde en deux blocs, qui gelait tout et contraignait chaque nation à s'aligner peu ou prou sur l'un des deux camps. La disparition du monde bipolaire et l'émergence d'un monde multipolaire, ouvre donc de larges possibilités d'initiatives et d'actions à un pays comme la France.
Cette latitude nouvelle n'est cependant pas totale, loin de là. Car nous ne sommes plus au XIXe siècle, ni même au début du XXe siècle et à l'époque des grands pôles de puissance de dimension continentale et civilisationnelle, la France n'a plus seule la dimension suffisante pour agir et peser en toute autonomie. Elle ne peut le faire, dans bien des domaines, que par le truchement de l'Europe.
Aussi l'avenir de notre pays, et donc la stratégie qu'il doit mener, sont-ils plus difficile à concevoir et à expliciter que par le passé. La démarche que doit envisager notre pays est plus subtile que celle qu'il a pu adopter en d'autres temps. La France doit agir par elle-même, mais aussi en actionnant le levier de l'Europe. Elle doit donc s'affirmer non seulement comme un acteur, mais comme un initiateur et un catalyseur. Il faut en effet que son action puisse être démultipliée par l'Europe pour pouvoir peser de façon déterminante dans le monde. La France doit donc chercher à créer avec l'Europe un instrument, un moyen, un levier pour démultiplier les effets de son action.
Aussi la France doit-elle oeuvrer à l'émergence d'une nouvelle organisation de l'Europe qui soit, selon la formule du MNR, une Europe européenne, indépendante et puissante. Que l'Europe cesse de s'occuper de tout et de n'importe quoi, pour se consacrer à l'essentiel. Qu'elle rende aux États leur souveraineté pour tout ce qui concerne la vie quotidienne des citoyens et qu'elle s'attache à développer la puissance collective et l'indépendance stratégique du continent.
Dès lors, la France, et ce devrait être le premier axe de son action extérieure, devrait agir pour assurer la promotion de cette Europe nouvelle. Nous l'avons développé dans un colloque précédent, elle devrait se faire le champion de ce projet. Elle devrait le porter, l'expliquer et le promouvoir et chercher à le faire aboutir en multipliant les initiatives en ce sens.
Pour ce faire, l'idée est que la France constitue un noyau dur de quelques nations proches qui pourrait devenir le fédérateur de cette Europe, qui pourrait structurer politiquement notre continent, lui donner un axe, un projet et un but. Naturellement ce noyau dur pourrait être constitué des six pays fondateurs de l'Union, ou plus simplement des trois principaux, la France, l'Allemagne et l'Italie. Encore faudrait-il que ce trio s'engage dans une démarche d'indépendance et de puissance résolument différente du projet anglo-saxon qui ne voit dans l'Europe qu'une zone économique de libre-échange.
Pour entrainer derrière son projet un maximum de pays, la France devrait donc, parallèlement à la constitution de ce noyau dur, chercher à combler le fossé qui la sépare des pays périphériques et d'adhésion plus récente. Elle devrait dans cet esprit resserrer ses liens avec l'Europe de l'Est et choisir deux ou trois pays avec lesquels elle peut arguer de liens traditionnels et historiques. Ainsi pourrait-il en être de la Pologne, de la République tchèque et de la Serbie.
Aujourd'hui notre pays semble se désintéresser totalement de ces États nouvellement adhérents. Pis, il semble voir en eux une menace comme l'a montré l'affaire du plombier polonais lors de la campagne du référendum sur la constitution européenne. Il faudrait au contraire renouer des liens très forts avec ces trois pays. En incitant nos industriels à y investir prioritairement mais aussi en renforçant les liens culturels en adoptant une démarche d'alliance et le soutien réciproque.
Aujourd'hui la France est relativement isolée en Europe. En tout cas elle ne jouit plus du prestige qui devrait être le sien et son influencer est des plus réduite. La première initiative à prendre est donc de rendre à la France sa place centrale sur notre continent, celle d'une nation phare qui porte un modèle, qui ouvre une voie et qui entraîne derrière elle.
Au-delà de l'Union européenne la France devrait se faire le champion du rapprochement avec la Russie. Notre nation devrait se positionner comme l'artisan d'une alliance privilégiée entre l'Union européenne et la Fédération russe. Celle-ci est encore aujourd'hui une grande puissance. Malgré les amputations qu'a connues l'empire qu'elle s'était constituée du temps des Soviets, elle constitue l'un des pôles de puissance du monde de demain. Or, elle est de par sa population, sa culture et son histoire, très proche de l'Europe. Elle procède de la civilisation européenne ou occidentale. Plutôt que de voir en elle un ancien ennemi, un rival ou un mauvais élève du politiquement correct, il faudrait tout au contraire la considérer comme un partenaire privilégié.
Ainsi faudrait-il donc changer complètement d'optique et se désolidariser de toutes démarches hostiles à l'égard de la Russie. Cela implique de respecter son système politique intérieur et de cesser de lui faire la morale en toute circonstance. Cela exige aussi de reconnaître à la Russie une zone d'influence naturelle, à l'ouest sur la Biélorussie et l'Ukraine et au sud en direction du Caucase et de l'Asie centrale.
Cette démarche nouvelle doit par ailleurs conduire à un système d'alliance et de soutien réciproque. Tel a d'ailleurs été le cas lors de l'intervention militaire américaine en Irak. Mais une telle configuration devrait être plus systématique d'autant que les intérêts communs à l'Europe et à la Russie sont très nombreux face à l'islam, face aux Américains et face à la Chine. Les liens culturels peuvent être renforcés, une vraie complémentarité peut s'instaurer sur le plan économique et une coopération militaire peut-être instituée.
L'Europe à elle seule, forte de ses 450 millions d'habitants et de son PIB de 10 000 milliards d'euros est déjà potentiellement très puissante, mais une alliance souple et pragmatique avec la Russie ferait de cet ensemble européen de Brest à Vladivostok un double pôle de puissance capable de peser de façon déterminante dans le monde. Un double pôle tendu symboliquement entre la France à l'Ouest et la Russie à l'est illustrant le rôle catalyseur que notre pays peut jouer dans cette réorganisation du continent eurasiatique.
Est-ce à dire que notre pays ne devrait pas regarder au-delà de l'horizon européen ? Non, je ne le pense pas, même si la priorité va sans conteste à ce vaste projet stratégique. Notre nation subit en effet des influences et des migrations venant du Sud et elle ne peut pas continuer à les subir passivement et se contenter de vouloir les contrer défensivement. La France doit donc développer une nouvelle politique africaine et là encore s'efforcer d'entraîner derrière elle la puissance de l'Europe. Mais pour cela il faut que notre pays renouvelle complètement ses relations avec ses anciennes colonies et au-delà avec l'ensemble du continent africain.
Aujourd'hui, les relations entre la France et l'Afrique sont encore par trop marquée par le passé colonial. Il en résulte deux attitudes qui, même si elles sont contradictoires, sont particulièrement malsaines. Il y a, dominant tout, un sentiment absurde de culpabilité et de repentance de la part de la classe politique française. Une attitude honteuse qui conduit à commémorer l'esclavage et à refuser de voir dans la colonisation le moindre aspect positif. Une attitude qui conduit la France à tout accepter de ces pays, à se laisser humilier, sans répondre, comme le font actuellement MM. Chirac et Douste-Blazy à propos de l'Algérie.
Et puis il y a paradoxalement, bien que moins visible, une attitude très paternaliste, directement héritée du rôle de tuteur qui a été celui de la France dans le passé. Il en résulte des relations malsaines qui ne peuvent que conduire à des fiascos comme on le constate actuellement avec la Côte d'Ivoire.
Il est donc nécessaire de revoir totalement l'esprit de nos relations avec ces pays. Il faut maintenant les considérer comme des États réellement indépendants avec lesquels on doit traiter de façon équilibrée, chacun apportant et recevant à due proportion. Il faut donc continuer à aider au développement de ces pays mais cesser de le faire de façon unilatérale en considérant qu'eux ne peuvent apporter aucune aide à la France.
Car il est au moins deux points sur lesquels cette aide en retour peut être utile. Le soutien diplomatique sur la scène internationale d'abord : pourquoi continuer à aider des pays qui, comme l'Algérie, agressent verbalement la France en permanence ? D'autre part et plus concrètement, ces États sont tous des pays d'émigration. Ils peuvent donc aider notre nation en contenant ces mouvements de population et en accueillant leurs ressortissants de retour de France.
Et s'ils ne le font pas, pourquoi continuer à les aider comme on le fait avec des enfants turbulents ? Pourquoi soutenir économiquement des États qui se permettent de critiquer la réforme de nos lois sur l'immigration ? Qui protestent sur les conditions dans lesquelles on expulse leurs ressortissants ? Ou, plus grave encore, qui se font les complices de leurs propres citoyens entrés clandestinement sur notre sol comme c'est le cas lorsque les consuls de ces pays refusent de reconnaître leurs citoyens et empêchent ainsi leur expulsion ?
Tout cela doit cesser et la politique menée à l'égard de ces pays doit redevenir équilibrée. Il faut donc mener une politique d'aide au développement plus importante mais plus ciblée en exigeant en retour un soutien des pays bénéficiaires.
Sous cette réserve, le continent africain doit faire l'objet d'un intérêt particulier de la part de la France et de l'Europe. Chaque grand pôle de puissance situé sur l'hémisphère Nord a dû, dans le passé, exercer des responsabilités à l'égard de l'aire géographique se situant au sud de son territoire. L'Amérique du Sud pour les États-Unis, l'Asie centrale pour la Russie, l'Afrique pour l'Europe. Aujourd'hui l'Amérique du Sud, comme à un moindre degré l'Asie centrale, ont pris leur essor économique et de plus en plus leur indépendance politique. L'Afrique va demeurer de par le monde la zone la moins développée et la plus dépendante. Par voie de conséquence, elle restera la plus soumise aux influences et aux tutelles étrangères. Déjà, on le voit, les Américains, mais aussi les Chinois, cherchent à s'y implanter de façon de plus en plus pressante. Il est donc essentiel que l'Europe et la France n'abandonnent pas cette zone d'influence naturelle et y renouent une politique d'aide et d'amitié plus énergique et plus massive.
Cette politique de présence équilibrée en Afrique doit cependant être croisée avec celle qu'il convient de mener face à l'islam. Un islam très présent en Afrique mais dont l'implantation est mondiale et dépasse largement le continent africain. Un islam qui incarne à travers la nébuleuse des pays qui y adhèrent un pôle de puissance à lui seul. Un islam qui, par son dynamisme souvent agressif voir terroriste, mais aussi par son expansion migratoire et son développement au coeur même de l'Europe, constitue une menace pour notre identité, nos valeurs et notre mode de vie, pour notre sécurité et notre avenir.
Il convient donc de mener une politique étrangère pour contenir l'islam et se dégager de son emprise. Je ne parlerai pas ici des actions qui doivent être entreprises à l'intérieur de notre pays et au sein de l'Union européenne, nous avons déjà abordé cette question dans un autre colloque. Je voudrais aujourd'hui esquisser les axes de la politique à mener face au monde musulman. Une politique qui doit être ferme mais adaptée.
Il faut en effet combattre avec vigueur le terrorisme islamiste et donc lui faire la guerre avec tout ce que cela peut impliquer. Il ne faut pas hésiter à combattre militairement les États islamistes qui soutiendraient ce terrorisme et qui se livreraient eux-mêmes à des opérations agressives et conquérantes. C'est en ce sens que nous avions soutenu l'intervention américaine en Afghanistan contre les Talibans.
En revanche, ce serait une grave erreur de rejeter dans le même camp tous les pays musulmans. Il en est en effet qui ont entrepris de laïciser leur régime et qui ne se placent pas dans la logique de la Charia ni du Djiad. Ainsi en est-il par exemple de la Tunisie ou actuellement encore de l'Égypte. Ainsi en était-il de l'Irak de Saddam Hussein. Aussi l'intervention américaine a-t-elle été une erreur magistrale. L'Irak était un pays laïc, à bien des égards parmi les plus tolérants à l'égard des chrétiens vivants sur son sol et rien ne le prédisposait à devenir l'ennemi de l'Occident. Il était même un réel allié de la France.
Enfin il ne faut pas chercher, comme le font les États-Unis, à vouloir imposer par tous les moyens un système démocratique dans ces pays. Ce système n'est d'ailleurs pas compatible avec l'islam. Et si l'on cherche à l'imposer on fait généralement le lit de l'islamisme, comme cela s'est produit en Iran lorsque les États-Unis ont lâché le Shah et comme cela risque de se produire en Irak et en Afganistan. Il faut donc mener une grande politique pour contenir l'islam en s'opposant aux États islamistes agressifs et en soutenant les États laïcs occidentaux sans chercher à leur imposer nos institutions ni nos valeurs. Dans tous les cas il s'agit d'éviter de globaliser l'affrontement entre l'islam et l'Occident. Le choc des civilisations est une réalité, mais il faut éviter qu'il se transforme en un affrontement ouvert et violent.
À cet égard, la solidarité avec les États-Unis doit donc être, elle aussi, relativisée et limitée aux cas où elle se justifie. Ainsi l'était-elle au lendemain des attentats du 11 septembre face à l'Afghanistan mais elle ne l'était-elle pas face à l'Irak. La France doit là aussi changer d'orientation et mener une politique d'indépendance face aux États-Unis en cherchant à entrainer ses partenaires européens dans cette voie plus conforme à leurs intérêts.
Certes entre l'islam et l'Amérique notre préférence va aux États-Unis. Ce ne sont pas les Américains qui bouleversent la vie de nos compatriotes dans les cités et nous partageons avec eux le même fond de civilisation européenne qui nous rattache les uns et les autres à ce que l'on peut appeler l'Occident. Pour autant, il y a bien une civilisation européenne et une civilisation nord-américaine. Et si elles partagent le même héritage elles s'avèrent néanmoins bien différentes. De plus les États-Unis constituent le pôle de puissance de loin le plus important et développent une politique hégémonique à l'échelle de la planète. Ils encerclent la Russie par une présence en Asie centrale et un fort activisme en Ukraine et en Biélorussie. Ils combattent l'islamisme un peu partout dans le monde et commencent maintenant à contrer la Chine. Et ils cherchent également à maintenir l'Europe sous leur tutelle.
Cette volonté hégémonique des Américains et cette situation de subordination dans laquelle ils veulent maintenir notre continent est insupportable et la France devrait donc là aussi mener, par le truchement de l'Europe, une politique d'indépendance qui ne soit pas purement verbale.
Cette politique passe d'abord par la sortie de l'Otan et la création d'une alliance militaire européenne. L'Otan n'a en effet plus de raison d'être. Créée en 1949 pour faire face à l'armée rouge et contrer le bloc soviétique, elle a assuré la défense du monde libre pendant trois décennies. Par son intermédiaire les Américains, il faut le souligner, ont suppléé les carences des pays de la Communauté européenne, lesquels avaient failli à leurs responsabilités en renonçant à assurer eux-mêmes leur propre défense.
Aujourd'hui, cependant, l'URSS et le pacte de Varsovie ont disparu et l'Otan n'a plus de réelle fonction. La protection qu'assuraient les Américains en Europe n'est donc plus nécessaire, mais la tutelle qu'ils exerçaient sur elle demeure et chacun l'a compris, l'organisation ne subsiste plus que pour maintenir les pays européens sous la coupe des États-Unis. Cette domination, déjà humiliante au XXe siècle alors qu'elle avait une contrepartie, est devenue insupportable maintenant qu'elle n'a plus d'utilité.
Les pays européens doivent retrouver un peu de dignité et de courage et sortir de l'Otan pour créer leur propre organisation militaire. La France, une fois de plus, devrait être à l'origine de cette initiative et chercher à y entraîner les autres pays européens.
D'une façon plus générale, notre nation devrait incarner sur la scène mondiale une autre vision des relations internationales. Aujourd'hui en effet on nous impose la vision d'un nouvel ordre mondial. Un nouvel ordre qui prône la mondialisation de la planète, la dérégulation des échanges, l'abaissement des frontières, la dilution des nations et leur soumission à ce qu'on appelle maintenant la Communauté internationale. Une communauté aux contours flous, à la réalité impalpable qui est censée être la représentation de toutes les nations du monde mais qui en réalité est l'expression des nations politiquement correctes de l'Occident la plupart du temps sous la houlette des Américains.
À ce nouvel ordre, imposé par cette prétendue Communauté internationale, il convient d'opposer un nouveau concert des nations ou plutôt un nouveau concert des puissances qui entérinerait la réalité du monde multipolaire. Et surtout, cette idée d'un nouveau concert des nations et des puissances devrait véhiculer un nouveau discours sur l'organisation de la planète.
Alors que le nouvel ordre mondial prône la mondialisation sauvage, l'affaiblissement des nations par leur soumission à des organisations multilatérales et la dérégulation systématique de l'économie mondiale, le nouveau concert des puissances devrait reconnaître le fait national comme incontournable, rétablir le principe bénéfique des frontières et militer pour une régulation générale des échanges. Alors que l'un va dans le sens du nivellement et du brassage l'autre devrait préconiser le respect des différences et des identités.
Concrètement ce modèle oeuvrerait pour une régulation des mouvements de capitaux, des échanges commerciaux et des courants migratoires. Il s'agirait dans les trois cas de mettre un terme à une libéralisation excessive pouvant conduire à de graves distorsions sinon à des conflits majeurs. L'idée est d'instaurer des mécanismes pour contrôler ces différents courants d'échange de façon qu'ils ne se fassent pas contre la volonté d'une nation et qu'ils cessent de provoquer des déséquilibres humains ou sociaux.
Le contrôle des mouvements migratoires devrait prévoir une responsabilité des pays d'émigration, une coopération accrue entre les pays du Sud du Nord pour la limitation des flux de population et le retour chez eux des immigrés. S'agissant de la circulation des capitaux, la régulation instaurée viserait à atténuer les effets déstabilisateurs pour les économies de la circulation parfois erratique de masses financières colossales qui franchissent les frontières à la vitesse d'une transmission de données informatiques. Quant au domaine commercial, cette régulation pourrait se concrétiser par la mise en place de systèmes d'écluses aux frontières des grands ensembles économiques homogènes, procédé qui permettrait d'éviter la pratique d'une concurrence déloyale dans les pays développés mais aussi de mettre un terme à l'exploitation éhontée de la main d'oeuvre dans certains pays du tiers-monde.
Ce nouveau modèle des relations internationales devrait être porté par la France. Et celle-ci devrait s'efforcer de le faire prendre en compte par l'Europe. Ce faisant, par cet effet de levier, notre pays pourrait jouer un rôle majeur pour rééquilibrer le monde et oeuvrer à son harmonie.
Ce projet devrait cependant aller de pair avec une nouvelle réflexion sur l'évolution du capitalisme mondial. Aujourd'hui, la situation devient de plus en plus inquiétante pour les peuples et les nations. Nous sommes en effet confrontés à un pouvoir capitalistique de plus en plus puissant, de moins en moins bénéfique, et qui échappe toujours davantage au pouvoir des États. Or cette réalité est porteuse de graves menaces. Ceux qui affirme qu'il n'en est rien, qu'il faut l'accepter, qu'elle va dans le sens du progrès, qu'elle est la voie de l'avenir sont des irresponsables qui légitiment leur impuissance par leur aveuglement : '' je ne peux pas l'empêcher donc je dis que c'est bien ''.
Aujourd'hui le capitalisme mondial connaît en effet une triple dérive. Il y a d'abord le phénomène de concentration qui semble s'accélérer et qui paraît sans limites. En tout cas qui paraît n'avoir comme seule limite que le monopole ou l'oligopole. Déjà il n'y a plus que deux constructeurs aéronautiques et bientôt combien y aura-t-il de sociétés de télécommunications, combien de banques, de sociétés d'automobiles ou de compagnies d'assurance ? Si on laisse ce processus se développer jusqu'à son terme, il n'y aura bientôt plus de concurrence et ces groupes imposeront leur volonté aux peuples et aux États.
La seconde dérive largement initiée par les fonds de pension, conduit à substituer à la logique industrielle une logique purement financière. L'objectif n'est plus d'entreprendre et de mener à bien des grands projets, mais d'offrir aux actionnaires la rentabilité maximale de leur capital. Et pour cela tout est bon : on externalise la comptabilité, la paye, la communication et tout ce qui peut l'être, on brade les filiales qui n'ont pas le taux de profit requis, on ferme les usines qui bien que rentables ne dégagent pas suffisamment de bénéfice, on licencie et on sous traite. Cette démarche poussée à l'extrême conduirait à ne laisser dans les grands groupes qu'un petit état-major de dirigeants qui conçoivent et qui ensuite font fabriquer, vendre et gérer par des sous-traitants pour n'être plus, selon la formule consacrée, qu'un centre de profit.
À cela s'ajoute la troisième dérive, celle des délocalisations vers l'Asie. Un processus dont nous savons qu'il n'a pas non plus de limites puisque sont maintenant délocalisées non seulement les entreprises à fort main-d'oeuvre mais aussi celles qui font appel à la technologie de pointe. Or les entreprises occidentales qui se livrent à cette pratique se fourvoient dangereusement. En agissant ainsi elles considèrent en effet implicitement que les pays européens ont vocation a concevoir et à inventer alors que les pays asiatiques auraient pour seul rôle de fabriquer et d'exécuter. Cette attitude qui procède ailleurs d'un complexe de supériorité des plus suspects est particulièrement absurde. D'abord parce que notre pays, quel que soit son niveau d'évolution et d'éducation, ne peut pas compter que des cadres supérieurs. Agir ainsi c'est donc condamner la France au chômage. Par ailleurs il est faux de croire que les pays asiatiques peuvent être cantonnés dans le rôle de fabricants et d'exécutants. Le Japon nous a déjà montré qu'il n'en était rien. Et les Chinois, qui pillent actuellement notre technologie, vont nous en administrer prochainement la preuve. Déjà leurs voitures ont commencé à inonder le continent et demain, lorsqu'ils auront fabriqués suffisamment d'Airbus, ce sera le tour de leurs avions.
Les capitalistes occidentaux sont donc engagés aujourd'hui dans un processus suicidaire qui cause déjà, avec la précarité, beaucoup de troubles sociaux et qui à terme peut mettre en cause notre prospérité, la paix civile et notre existence même.
Il s'agit donc de mener à l'échelle de l'Europe, et la France devrait en être l'initiatrice, une réflexion d'envergure pour freiner, enrayer, contrôler, maîtriser et réorienter ces mécanismes mortifères. Il s'agit pour les politiques de reprendre le pouvoir sur les financiers, afin d'assurer de nouveau la prééminence de l'intérêt général sur les intérêts particuliers. Compte-tenu de la dimension internationale des intérêts particuliers, c'est aujourd'hui à l'échelle du monde qu'il faut donc revoir tous ces mécanismes et une fois de plus c'est à l'Europe et à travers elle à la France de jouer ce rôle.
Voilà, nous sommes à la croisée des chemins. Le monde change de visage et offre à notre nation de vastes perspectives en même temps qu'il fait peser sur elle de sombres menaces. Une fois encore l'avenir n'est pas écrit. Et le destin de la France sera celui que décideront les Français, ce sera celui pour lequel ils se battront, celui qu'ils se forgeront.
Notre pays paraît aujourd'hui en déclin. Démuni, soumis, impuissant, il semble partir à la dérive. Pourtant il possède encore tous les atouts pour se ressaisir et peser dans le monde.
En tout cas, je crois l'avoir montré, il y a pour la France une voie de renaissance, d'action et de grandeur.
À elle de la choisir.
À nous de faire en sorte qu'elle la choisisse.
Source http://www.m-n-r.net, le 21 juin 2006