Déclaration de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement des transports et du logement, sur le développement de l'aéroport d'Orly et la complémentarité entre Orly et Roissy, Paris le 14 décembre 1998.

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Circonstance : Table ronde pour le développement d'Orly, à Paris le 14 décembre 1998

Texte intégral

Mesdames, messieurs,
Depuis un an, comme vous le savez, j'ai engagé une profonde concertation à propos de l'avenir de l'aéroport d'Orly lequel concerne évidemment directement celui des communes environnantes et des départements de l'Essonne et du Val de Marne. Une telle réflexion doit prendre en compte aussi, les ambitions que l'on peut légitimement nourrir, quant au développement complémentaire de l'ensemble aéroportuaire de l'Ile-de-France constitué par les deux aéroports de Roissy et d'Orly. Rencontres bilatérales, tables rondes avec les élus, les syndicats, les associations, les acteurs économiques, ont marqué les étapes de cette consultation. Ces discussions ont eu lieu soit directement avec moi, soit avec mon cabinet, ou encore avec la direction générale de l'aviation civile.
A l'issue de tous ces entretiens et à ce moment de notre réflexion commune, je voudrais vous faire part de deux convictions :
- les dernières années ont vu s'enclencher à partir de 1993-1994 , un processus de déclin d'Orly,
- en conséquence, si nous voulons contrecarrer cette logique, il nous faut bâtir ensemble un véritable plan de développement pour l'ensemble de ce secteur, véritable poumon économique des deux départements qui l'accueillent.
La première partie du dossier que nous vous avons distribué met en évidence les pertes d'emplois depuis plusieurs années. Dans une période où le chômage s'accroissait, on peut les chiffrer aux alentours de 3 000 jusqu'en 1997. Le secteur aérien y a aussi contribué.
En effet le développement prévu à Roissy a convaincu de nombreuses compagnies de quitter Orly. Heureusement, et contrairement à ce qui a été souvent dit, tel n'a pas été le cas d'Air France. En effet, alors que la compagnie perdait globalement 9 000 emplois dans cette période, elle n'en a supprimé que 200 à Orly, nous dit-elle ?
Mais c'est déjà 200 de trop et de plus la logique qui était engagée (fret, AFI...) faisait peser de graves menaces.
Cela s'est traduit par les premières pertes de taxe professionnelle pour les communes et les départements.
Dans le même temps, aucune mesure n'était prise pour conforter les atouts d'Orly en matière de dessertes terrestres, qu'elles soient routières, ferroviaires ou plus généralement en transport collectif.
C'est pourquoi, je retire de tous ces contacts et discussions, la nécessité d'un plan global, afin de redonner à Orly toutes ses chances de développement au sein de l'Ile de France et de son système aéroportuaire. Je vais, en introduction à la discussion vous en décrire les grandes lignes.
Mon premier souci c'est naturellement le développement économique et l'emploi.
AIR France et Aéroports de Paris ont déjà annoncé leur volonté, de maintenir au moins leurs effectifs actuels. Leurs dirigeants ici présents pourront répondre eux-mêmes de ces engagements. De même la DGAC va continuer à conforter son implantation à ATHIS-MONS avec la création de près de 100 emplois d'ici 2001.
Mais l'emploi à Orly ce n'est pas seulement le secteur public. C'est pourquoi je pense qu'il faut créer une Agence de développement où pourront se retrouver les deux départements de l'Essonne et du Val de Marne, les communes riveraines et les grands acteurs économiques publics (Air France, ADP, MIN de Rungis, SEMMARIS, SOGARIS...). Sa vocation serait la promotion d'Orly et de ses environs (Nord comme Sud) car il y a là de vraies capacités de développement et des chances à saisir dans cette période où notre pays connaît un regain de croissance. Je propose donc également la création d'un Groupement d'Intérêt Public pour l'emploi, afin de mieux valoriser les emplois de la plate-forme auprès des populations environnantes. Pour suivre toutes ces évolutions, je propose également la mise en place d'un Observatoire pour l'emploi.
Concernant le transport aérien, il était évident pour tout le monde qu'il fallait réfléchir à la complémentarité entre Roissy et Orly, à partir du moment où Roissy allait croître fortement. Je dois dire que sur ce sujet, je n'ai guère trouvé de dossiers à mon arrivée au ministère.
Je veux rappeler quelques données pour une approche réfléchie de cette complémentarité des deux aéroports de l'Ile de France.
Pour des raisons de lutte justifiée contre les nuisances sonores, Orly est limité à 250 000 créneaux et ce ne sont pas les associations de riverains qui se sont battues durant des années qui me contrediront : il ne peut y avoir de développement que par le nécessaire équilibre entre les mesures de défense de l'environnement et l'essor du transport aérien.
Il n'est donc nullement à l'ordre du jour de remettre gravement en question l'équilibre actuel. Pour trouver la meilleure complémentarité, il faut d'abord rechercher ce qui capte le plus de développement possible du transport aérien. De nombreuses demandes sont enregistrées sur Orly qui ne pourront être satisfaites. Pour la majeure partie d'entre elles, elles ne se porteront pas sur Roissy.
Je pense en effet qu'il nous faut d'abord rechercher les conditions pour faire grossir le gâteau, et ensuite il sera plus facile d'en maîtriser la juste répartition.
C'est pourquoi j'ai proposé cette mesure de limitation à 5000 Kms du rayon d'action de vols à partir ou à destination d'Orly.
Ainsi pourrions-nous répondre à des demandes jusqu'ici insatisfaites vers l'Europe, ou au titre de l'aménagement du territoire ou des obligations de service public pour la Corse, par exemple, ainsi que pour la desserte de plusieurs villes de France.
Dans le même temps, AIR France envisage le transfert à ORLY de ces vols en gros porteur à destination des DOM. Cela permettrait de renforcer le trafic passagers mais aussi celui du fret.
Tout cela doit se faire dans le cadre d'une maîtrise toujours améliorée des nuisances sonores. C'est pourquoi je suis décidé à plafonner les mouvements des avions dits "du chapitre 2" qui fort heureusement ont déjà quelque peu diminué les années passées et sont appelés à disparaître en 2002. De même il faut contrôler le respect des procédures d'atterrissage et de décollage et sanctionner les infractions. Je suis prêt aussi à favoriser la mise en place d'un code de bonne conduite et d'une charte de qualité de l'environnement sonore.
Je l'ai déjà dit mais il nous faut aussi favoriser l'aménagement urbain, en tenant compte de cet environnement sonore. Nous pourrions donc réviser le PEB de 75, sur la base de l'indice psophique 84. Il faut aussi à ce titre améliorer l'aide aux riverains ce que permet un décret récent du 29 novembre dernier. Modifier le PGS sera donc nécessaire mais il faudra laisser le temps à ceux qui le souhaitent de déposer un dossier d'aide pour les zones appelées à sortir du PGS.
Enfin , il faut améliorer les dessertes terrestres d'Orly. Une meilleure accessibilité à cette zone d'emploi en transport collectif est tout à fait nécessaire.
Le contrat de plan pourrait, si la région en est d'accord, prendre en compte des opérations comme l'extension du Tram-Val de Marne vers l'Ouest, une première tranche à partir du Sud vers le Nord du tramway Juvisy-Villejuif. Enfin nous pourrions prévoir de connecter le RER C avec Orly Val à hauteur de la gare de Rungis-La Fraternelle.
Améliorer les capacités ferroviaires du barreau Massy-Valenton, engager la réalisation de la déviation de Villeneuve Saint-Georges, sont autant d'actions d'amélioration tant pour les transports de personnes que de marchandises qui m'apparaissent prioritaires.
Enfin, il nous faut réfléchir à une meilleure répartition des retombées fiscales. Quelques mesures de compensation pour les communes de l'Essonne sont prévues par le Gouvernement dans le collectif en cours de débat au Parlement. Elles sont bienvenues mais seulement transitoires.
C'est pourquoi, je vous confirme mon engagement à travailler en 1999 (et nous avons commencé) sur la possibilité de créer pour le PLF 2000 un système de fonds de péréquation. Cette réflexion concerne aussi Roissy. Les orientations sont simples : il faut que les compagnies aériennes y participent. Il faut aussi trouver le moyen de mieux répartir les ressources nouvelles de taxe professionnelle en faveur des secteurs en développement.
Voilà les éléments du plan global de développement d'Orly que je vous propose. Il n'est pas à prendre ou à laisser. Il est encore certainement à enrichir, à discuter et c'est le but de cette table ronde.
Naturellement des intérêts contradictoires peuvent exister. Sur tel ou tel point, certains d'entre vous seront peut-être en désaccord. Mon souci permanent a été et sera d'aller jusqu'au bout du débat.
Je suis persuadé qu'à cette étape importante de notre réflexion commune, la prise en compte de l'intérêt général doit prévaloir - qu'il s'agisse de l'emploi, de l'environnement ou de l'avenir du trafic aérien - qui ont d'ailleurs partie liée. Nous devrions avoir la capacité de nous entendre, de nous comprendre, et finalement d'ouvrir une nouvelle page de l'avenir d'Orly, en tournant celle du passé, qui était celle de son déclin annoncé. C'est ce pari de confiance que je voudrais, en définitive, réussir à construire avec vous.

(source http://ufcna.com, le 16 octobre 2001)