Déclaration de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, sur un premier bilan du programme de réussite éducative lancé dans le cadre du Plan de cohésion sociale et sur ses objectifs, Paris le 29 juin 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Premières rencontres nationales de la réussite éducative, à Paris le 29 juin 2006

Texte intégral

Je tenais beaucoup à ce que soient organisées ces premières rencontres sur la réussite éducative. Je sais que la période est difficile pour certains d'entre vous. Certains maires, préfets ou sous-préfets sont absents non par manque d'intérêt mais par contrainte de délais, du fait de la préparation des contrats urbains de cohésion sociale. La fin de l'année scolaire nous prive également de la présence d'un nombre important de représentants de l'Education nationale.
Néanmoins, il était essentiel pour moi de tenir cette journée avant l'été, afin que les enseignements que vous pourrez en tirer vous aident dans la reprise du dispositif à la rentrée.
Il s'agit aujourd'hui, un an après le lancement du programme de réussite éducative, de faire un bilan d'étape de sa mise en oeuvre et de permettre aux acteurs de terrains que vous êtes de procéder aux premiers échanges d'expériences.
Cela s'imposait d'autant plus que ce programme est un dispositif essentiel de la politique du Gouvernement en matière de cohésion sociale :
- essentiel parce que, dans certains quartiers, les enfants et les adolescents sont confrontés à des difficultés qui compromettent gravement leur réussite scolaire et leur avenir ;
- essentiel parce que l'école est au fondement du pacte républicain, qui vise à garantir à chacun la possibilité d'une promotion sociale.
Ce programme est donc un des leviers majeurs du rétablissement de l'égalité des chances en faveur des habitants des quartiers en difficulté.
Il représente, avec la rénovation urbaine et nos actions fortes en faveur de l'accès à l'emploi, l'une des priorités du Gouvernement en matière de politique de la ville.
Les données du problème éclairent bien la hauteur de l'enjeu et les réponses que nous devons apporter.
Dans les zones urbaines sensibles, le retard scolaire est de plus de 10 points supérieurs à la moyenne nationale dès le CE2, et cet écart important perdure dans les mêmes proportions jusqu'à la 3ème.
Ce retard renvoie d'ailleurs à une difficulté plus générale, celle de l'ascenseur social, qui s'est grippé dans notre pays :
- trois fois moins d'élèves d'origine modeste accèdent aux grandes écoles qu'il y a dix ans ;
- et, à plus de 80 %, la trajectoire scolaire et professionnelle des enfants issus de milieux ouvrier ou employé reste identique à celle de leurs parents.
Nous le savons tous : les chances de Samira, lycéenne à la Courneuve, ou de Lucas, lycéen à Henri IV, d'intégrer Polytechnique ou l'une des meilleures écoles de commerce ne sont manifestement pas les mêmes aujourd'hui dans notre pays.
Au pays de Jules Ferry, ce blocage des possibles est inacceptable. Cette situation remet en cause le fondement même de la France moderne, selon lequel que le mérite doit désormais l'emporter sur la naissance. Trop d'enfants et d'adolescents rencontrent des difficultés dans leur parcours du fait d'un environnement dégradé : un taux de chômage plus élevé que la moyenne, des familles touchées par des difficultés sociales, des problèmes d'intégration, des conditions de logement difficiles... Ces difficultés se traduisent par le décrochage et l'absentéisme scolaires, le repli sur soi et des attitudes agressives de la part des jeunes.
Pour y répondre, il fallait un nouveau souffle, une nouvelle ambition.
Tel est le sens des équipes de réussite éducative lancées par le Gouvernement, sous l'impulsion de Jean-Louis BORLOO, dans le cadre du Plan de cohésion sociale.
Notre objectif sur cinq ans est d'accompagner, de l'école maternelle jusqu'au terme de la scolarité obligatoire, 200 000 enfants et adolescents vivant sur les territoires en ZUS ou scolarisés en ZEP.
* La logique de ces équipes de réussite éducative est double :
- Elles visent d'abord à concentrer l'intervention sur les enfants et les jeunes les plus en difficulté, afin de toucher ceux qui ont véritablement besoin d'un soutien. En effet, la plupart des actions menées jusqu'à présent dans le volet éducatif des contrats de ville avaient un objectif assez large : il s'agissait de compenser le déficit social, économique et culturel des enfants et adolescents, et de leur apporter un environnement plus favorable à leur intégration.
Dans la suite de la veille éducative, il s'agit maintenant, avec les ERE, de compléter cette approche collective et territoriale par une approche centrée sur des publics prioritaires, identifiés en fonction de leurs difficultés.
- Ensuite, ces équipes visent à intégrer aux actions de soutien scolaire toutes celles qui traitent de problèmes qui influencent très directement la réussite à l'école. La réussite scolaire passe, en effet, par la réussite éducative !
L'école sait suivre les enfants - c'est le rôle des réseaux d'aides aux élèves en difficulté (RASED) -, mais n'a pas les moyens de le faire de façon intensive, personnalisée et pérenne, et les parents n'y sont pas forcément associés. La médecine scolaire, par exemple, constate les carences, préconise, mais ne va pas au delà.
Une intervention éducative, culturelle, sociale, sanitaire est donc nécessaire afin d'aider la famille à parfaire la construction de la personnalité de l'enfant. Tout ce qui contribue à son équilibre doit être pris en compte et mis en oeuvre.
* La méthode innove ainsi sur trois points, qui doivent être précisément suivis :
- L'action ne porte plus sur des groupes mais est centrée sur les enfants et adolescents en fragilité ; chacun est suivi individuellement, en lien avec sa famille.
- Le suivi est élargi au social et au sanitaire ; les problèmes de l'enfant sont ainsi envisagés dans leur globalité : environnement familial difficile, problèmes de santé, troubles du langage, etc.
- Enfin, nous faisons travailler de façon conjointe et coordonnée l'ensemble des professionnels des champs éducatifs, sociaux, sanitaires, culturels et sportifs.
Il s'agit de traiter non seulement les cas les plus difficiles mais aussi de mettre en oeuvre une prévention précoce dès le plus jeune âge.
* Le programme de réussite éducative est décliné selon deux modalités distinctes : les équipes de réussite éducative et les internats de réussite éducative.
* Le recours à une structure juridique spécifique pour la mise en oeuvre des équipes de réussite éducative doit permettre de formaliser le partenariat entre les différents acteurs de la chaîne éducative. Les synergies et les complémentarités entre les différents partenaires sont ainsi renforcées.
Les actions conduites doivent se dérouler essentiellement hors temps scolaire et n'ont pas vocation à se substituer à l'action de l'Ecole, ni aux dispositifs existants dont elles sont complémentaires.
La programmation peut cependant intégrer certaines actions existantes, à condition qu'elles concourent aux objectifs du programme. Mais elle doit encore proposer de nouvelles interventions qui permettent d'apporter une aide personnalisée aux enfants ou adolescents.
* Le programme de réussite éducative permet aussi de soutenir des projets d'internat de réussite éducative émanant d'établissements d'enseignement publics ou privés ou d'autres structures juridiques telles qu'un groupement d'intérêt public ou une caisse des écoles.
Pour être éligibles, les projets doivent proposer un cadre de vie et de travail stable à des enfants et adolescents connaissant des difficultés familiales ou environnementales qui compromettent leurs chances de réussite. Les conditions d'encadrement et de soutien éducatif, psychologique et culturel doivent y être optimales.
Les premiers éléments de bilan sont satisfaisants mais ils montrent que ce programme doit être mieux accompagné.
* En 2005, 226 projets de réussite éducative et 10 projets liés à un internat de réussite éducative ont été labellisés.
En 2006, outre la reconduction des projets retenus en 2005, 40 nouveaux projets ont été labellisés et 66 sont en cours d'instruction.
* L'audit effectué en mai de cette année sur un tiers des projets permet déjà de tirer quelques enseignements.
* Dans la grande majorité des sites, la structure retenue a été celle de la caisse des écoles parce qu'elle est un cadre de travail traditionnel entre la commune et l'Education nationale.
* Ce sont plutôt les élèves du primaire qui sont ciblés aujourd'hui par le dispositif, en mettant l'accent sur les apprentissages fondamentaux et la prévention précoce.
* Mais ce premier bilan, qui vous sera présenté de manière plus détaillé tout à l'heure, montre aussi la difficulté qu'éprouvent les acteurs à mettre en oeuvre un dispositif qui implique une nouvelle manière de travailler.
La coordination de l'ensemble des acteurs, la mise en place d'un vrai suivi individuel des enfants repérés, l'association des parents... sont autant de difficultés rencontrées.
Est également déterminante la coordination des équipes de réussite éducative avec les autres dispositifs relevant notamment du volet éducatif du contrat de ville. Il s'agit, en effet, de s'appuyer sur les ressources existantes sur le territoire, quitte à revisiter certaines actions des contrats de ville pour leur permettre de mieux prendre en charge les enfants repérés dans le cadre de ce dispositif.
Les contrats urbains de cohésion sociale que vous allez élaborer dans les prochains mois devront être le cadre de cette mise en cohérence.
Une circulaire sera adressée d'ici la rentrée afin donner un mode d'emploi pour l'élaboration du volet éducatif de ces contrats. Elle remettra en perspective les nombreux dispositifs existants, dans une optique de simplification.
Conclusion
J'attends de cette journée :
- que vous dressiez un premier bilan de la démarche
- que vous partagiez vos expériences afin de pouvoir accélérer la mise en place du dispositif et d'optimiser son fonctionnement.
J'attends aussi qu'il soit répondu à l'ensemble des questions des acteurs. Je vous informe, à ce propos, que nous avons demandé à la DIV d'élaborer, dans la suite de cette rencontre, un cadre méthodologique pour mieux accompagner les acteurs locaux dans l'élaboration et la mise en oeuvre de leurs projets.
Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 30 juin 2006