Texte intégral
Q - Monsieur Douste-Blazy, bonjour. Al Hayat, le journal égyptien édité à Londres, explique ce matin que les Palestiniens étudierait une proposition consistant à remettre, soit à l'Egypte, soit à la France, le caporal Gilad Shalit, enlevé le 25 juin dernier par un commando du Hamas. Etes-vous au courant de ce scénario ? Le cas échéant, la France pourrait-elle jouer le médiateur ?
R - Pour beaucoup de raisons que vous comprendrez, la confidentialité est de règle dans ce type de démarche. De plus, sachez une chose, c'est que la France est totalement mobilisée pour la libération de ce soldat israélien également de nationalité française, puisque son père est français. Par ailleurs, nous avons demandé, nous avons exigé sa libération sans condition. En réalité, ce que nous vivons aujourd'hui, c'est une spirale de la violence, il faut que la diplomatie prenne la place de la violence, en effet, la France est prête, avec l'Union européenne d'ailleurs, à assumer ce rôle.
Q - Lorsque vous dites qu'il faut que la diplomatie prenne la place de la spirale de la violence, ne constatez-vous pas qu'il y a une formidable disproportion entre cette prise d'otage et la riposte israélienne notamment, bombardements de Gaza, bouclage de cette même ville mais aussi destruction du bureau du Premier ministre et prise d'otages ou plutôt faits prisonniers 6 ministres et 20 élus palestiniens.
R - Nous avons condamné cela et surtout, nous avons appelé les deux parties à...
Q - Je vous arrête une seconde, demandez-vous à Israël davantage de retenue, comme vous l'avez déjà fait, ou bien condamnez-vous ?
R - Je vais vous répondre, nous condamnons cette spirale de la violence car seul le processus politique est possible pour régler le conflit israélo-palestinien.
Q - N'avez-vous pas l'impression qu'Israël pratique un terrorisme d'Etat ?
R - Lorsque l'on bombarde comme vous le dites...
Q - Est-ce du terrorisme d'Etat ?
R - Non, c'est une guerre. Or, dans une guerre comme celle-là, la seule solution pour s'en sortir est le processus politique. Je réponds donc à vos questions, vous m'en avez posées trois.
Concernant le bombardement des infrastructures, cela donne une impression de punition collective pour les Palestiniens.
Concernant l'attaque du siège du Premier ministre, c'est évidemment montrer une sorte d'impuissance quelque part. Lorsque l'on voit des élus du Parlement ou de gouvernement palestiniens qui sont arrêtés au petit matin, nous l'avons condamné et nous demandons également qu'ils puissent être libérés.
La question qui est posée, c'est qu'il y a 15 jours, on a vu deux parties palestiniennes commencer à parler entre le Hamas d'un côté et l'Autorité palestinienne de l'autre. Nous pensons que Mahmoud Abbas peut parvenir à faire gagner la voie modérée, mais je crains que tout cela n'aboutisse qu'à une chose, à la radicalisation de la population palestinienne et, ensuite, malheureusement, à la partie la plus dure et donc à la non-reconnaissance d'Israël par les Palestiniens. C'est la pire chose qui puisse arriver.
Q - Je sais que c'est toujours difficile pour un diplomate de répondre à ce type de questions, mais soupçonnez-vous le gouvernement israélien de prendre prétexte, au fond, de cette prise d'otage pour détruire le gouvernement et le Hamas qui provient des dernières élections ?
R - Dernières élections qui se sont passées avec une forte participation et en toute transparence. C'est bien de la démocratie.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons en effet dans une situation où la France mais aussi l'Union européenne condamnent tout unilatéralisme. L'unilatéralisme n'aboutira pas dans le Processus de paix. J'ai une idée, je l'impose à l'autre, même s'il n'est pas d'accord : d'un côté comme de l'autre, ce n'est pas possible. Je sais que des deux côtés, certains prêchent cette solution, c'est une mauvaise solution.
Q - Un autre dossier dont vous avez la charge : nos rapports avec l'Iran et la volonté de ce pays de se doter à la fois de la puissance nucléaire mais peut-être aussi de l'arme nucléaire. Théoriquement, le gouvernement iranien, et notamment le négociateur des Affaires nucléaires, doit apporter une réponse aux Européens, si je ne me trompe demain. Croyez-vous vraiment que les Iraniens vont vous répondre demain, ou bien, comme ils le laissent entendre, ils diffèreront encore leur réponse qui est de savoir s'ils acceptent les conditions des Européens pour suspendre l'enrichissement de l'uranium ?
R - J'espère que les Iraniens répondront demain de manière positive. En effet, le 1er juin, il y a eu un événement très important : les Russes, les Chinois, les Américains et les Européens se sont mis ensemble afin de créer une proposition positive à l'Iran. La veille, les Américains changent radicalement de position par rapport à 1980 en disant qu'ils sont prêts à parler, à dialoguer, via les Européens vers les Iraniens, à une condition, c'est qu'ils suspendent toute activité nucléaire sensible.
Le 6 juin, Javier Solana, au nom de la communauté internationale et pas uniquement au nom de l'Union européenne, ce qui est d'ailleurs intéressant pour l'Union européenne, vient présenter à Téhéran, au négociateur iranien, ce paquet positif. Demain, le négociateur iranien vient à Bruxelles pour donner sa réponse. Pour moi, c'est fondamental, il faut que l'Iran réponde positivement. En effet, sinon, elle s'isole de la communauté internationale. Nous avons fait des propositions en reconnaissant à l'Iran le droit au nucléaire civil, pacifique, à une grande industrie électronucléaire civile avec des accords commerciaux. Je ne vois pas comment l'Iran peut tourner le dos à cela, ce serait une erreur, ce serait un mauvais choix.
Q - Mais, précisément, l'Iran ne souhaite-t-il pas tourner le dos à ce choix que vous jugez opportun, tout simplement parce qu'il sait qu'au-delà de la discussion, vous n'avez aucun moyen de rétorsion ?
R - Je ne suis pas d'accord avec vous. Lorsque nous nous sommes rencontrés le 1er juin à Vienne, nous avons défini des propositions positives que nous pouvons faire à l'Iran et que nous avons faites mais, également, nous avons défini notre solution si l'Iran venait à dire "non". Nous demandons en fait la double suspension. La suspension de toute activité nucléaire sensible, en particulier l'enrichissement de l'uranium, et la suspension, de notre côté, de la démarche vers le Conseil de sécurité des Nations unies. S'ils ne suspendent pas les activités nucléaires sensibles, il y aura une reprise du processus au Conseil de sécurité des Nations unies.
Je me permets simplement de dire que ce qui est important, c'est l'unité de la communauté internationale, en particulier avec les Russes, les Chinois et les Américains, avec les Européens ensemble.
Q - Une dernière question, si vous me le permettez, c'est un dossier qui vous est cher, celui de la taxe de solidarité sur les billets d'avions afin d'aider les pays du Tiers-monde, notamment concernant l'acquisition de médicaments. C'est une initiative française, je crois qu'il y a une quinzaine de pays qui sont prêts à suivre la France, mais 15 pays, c'est à la fois beaucoup et ce n'est pas beaucoup.
R - La dynamique est totalement présente : le président Chirac, le président Lula étaient bien seuls en septembre 2004 à Genève avec Kofi Annan ; aujourd'hui, il y a le Chili, la Norvège, le Royaume-Uni, mais également des pays du Sud : Madagascar, Maurice, la Côte d'Ivoire. Bref, la boule de neige commence à se faire. Ce n'est plus 14 mais 42 pays maintenant.
Je me trouvais l'autre jour avec le ministre des Affaires étrangères de Corée du Sud, les Sud-Coréens vont faire adopter cette initiative par leur Parlement en juillet ; il y a le Qatar et d'autres pays.
Et l'on voit bien aujourd'hui que l'affaire de la pauvreté dans le monde n'est plus uniquement un problème humanitaire ou sanitaire. C'est un problème de politique internationale. Le président Bush ne s'y est d'ailleurs pas trompé, mais il fait cette opération de manière bilatérale, alors que nous pensons que c'est multilatéral, en associant les citoyens du monde pour aider d'autres citoyens du monde, par l'intermédiaire d'un billet d'avion, avec 1 euro ou 5 euros selon les destinations.
Q - Entre 2 et 40 euros, selon les trajectoires !
R - 40 euros, c'est pour la classe première, pour aller à New York, je crois que cela coûte 6 000 euros, une personne qui peut payer son billet à ce prix peut facilement en dépenser 40, me semble-t-il...
Pour ceux qui nous écoutent, pour ceux qui prennent l'avion en général, c'est 1 euro pour la France et pour l'Europe, et 4 euros lorsque l'on prend un vol long courrier.
L'idée est qu'aujourd'hui dans le monde, il y a beaucoup de risques d'instabilité, la prolifération nucléaire dont nous venons de parler, l'intégrisme religieux, on en a parlé également, et il y a la grande pauvreté avec ce désespoir des personnes que la communauté internationale a laissé tomber. Ce sont les Droits de l'Homme qui sont en jeu et c'est en effet la France et le Brésil qui relèvent le gant.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 juillet 2006
R - Pour beaucoup de raisons que vous comprendrez, la confidentialité est de règle dans ce type de démarche. De plus, sachez une chose, c'est que la France est totalement mobilisée pour la libération de ce soldat israélien également de nationalité française, puisque son père est français. Par ailleurs, nous avons demandé, nous avons exigé sa libération sans condition. En réalité, ce que nous vivons aujourd'hui, c'est une spirale de la violence, il faut que la diplomatie prenne la place de la violence, en effet, la France est prête, avec l'Union européenne d'ailleurs, à assumer ce rôle.
Q - Lorsque vous dites qu'il faut que la diplomatie prenne la place de la spirale de la violence, ne constatez-vous pas qu'il y a une formidable disproportion entre cette prise d'otage et la riposte israélienne notamment, bombardements de Gaza, bouclage de cette même ville mais aussi destruction du bureau du Premier ministre et prise d'otages ou plutôt faits prisonniers 6 ministres et 20 élus palestiniens.
R - Nous avons condamné cela et surtout, nous avons appelé les deux parties à...
Q - Je vous arrête une seconde, demandez-vous à Israël davantage de retenue, comme vous l'avez déjà fait, ou bien condamnez-vous ?
R - Je vais vous répondre, nous condamnons cette spirale de la violence car seul le processus politique est possible pour régler le conflit israélo-palestinien.
Q - N'avez-vous pas l'impression qu'Israël pratique un terrorisme d'Etat ?
R - Lorsque l'on bombarde comme vous le dites...
Q - Est-ce du terrorisme d'Etat ?
R - Non, c'est une guerre. Or, dans une guerre comme celle-là, la seule solution pour s'en sortir est le processus politique. Je réponds donc à vos questions, vous m'en avez posées trois.
Concernant le bombardement des infrastructures, cela donne une impression de punition collective pour les Palestiniens.
Concernant l'attaque du siège du Premier ministre, c'est évidemment montrer une sorte d'impuissance quelque part. Lorsque l'on voit des élus du Parlement ou de gouvernement palestiniens qui sont arrêtés au petit matin, nous l'avons condamné et nous demandons également qu'ils puissent être libérés.
La question qui est posée, c'est qu'il y a 15 jours, on a vu deux parties palestiniennes commencer à parler entre le Hamas d'un côté et l'Autorité palestinienne de l'autre. Nous pensons que Mahmoud Abbas peut parvenir à faire gagner la voie modérée, mais je crains que tout cela n'aboutisse qu'à une chose, à la radicalisation de la population palestinienne et, ensuite, malheureusement, à la partie la plus dure et donc à la non-reconnaissance d'Israël par les Palestiniens. C'est la pire chose qui puisse arriver.
Q - Je sais que c'est toujours difficile pour un diplomate de répondre à ce type de questions, mais soupçonnez-vous le gouvernement israélien de prendre prétexte, au fond, de cette prise d'otage pour détruire le gouvernement et le Hamas qui provient des dernières élections ?
R - Dernières élections qui se sont passées avec une forte participation et en toute transparence. C'est bien de la démocratie.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons en effet dans une situation où la France mais aussi l'Union européenne condamnent tout unilatéralisme. L'unilatéralisme n'aboutira pas dans le Processus de paix. J'ai une idée, je l'impose à l'autre, même s'il n'est pas d'accord : d'un côté comme de l'autre, ce n'est pas possible. Je sais que des deux côtés, certains prêchent cette solution, c'est une mauvaise solution.
Q - Un autre dossier dont vous avez la charge : nos rapports avec l'Iran et la volonté de ce pays de se doter à la fois de la puissance nucléaire mais peut-être aussi de l'arme nucléaire. Théoriquement, le gouvernement iranien, et notamment le négociateur des Affaires nucléaires, doit apporter une réponse aux Européens, si je ne me trompe demain. Croyez-vous vraiment que les Iraniens vont vous répondre demain, ou bien, comme ils le laissent entendre, ils diffèreront encore leur réponse qui est de savoir s'ils acceptent les conditions des Européens pour suspendre l'enrichissement de l'uranium ?
R - J'espère que les Iraniens répondront demain de manière positive. En effet, le 1er juin, il y a eu un événement très important : les Russes, les Chinois, les Américains et les Européens se sont mis ensemble afin de créer une proposition positive à l'Iran. La veille, les Américains changent radicalement de position par rapport à 1980 en disant qu'ils sont prêts à parler, à dialoguer, via les Européens vers les Iraniens, à une condition, c'est qu'ils suspendent toute activité nucléaire sensible.
Le 6 juin, Javier Solana, au nom de la communauté internationale et pas uniquement au nom de l'Union européenne, ce qui est d'ailleurs intéressant pour l'Union européenne, vient présenter à Téhéran, au négociateur iranien, ce paquet positif. Demain, le négociateur iranien vient à Bruxelles pour donner sa réponse. Pour moi, c'est fondamental, il faut que l'Iran réponde positivement. En effet, sinon, elle s'isole de la communauté internationale. Nous avons fait des propositions en reconnaissant à l'Iran le droit au nucléaire civil, pacifique, à une grande industrie électronucléaire civile avec des accords commerciaux. Je ne vois pas comment l'Iran peut tourner le dos à cela, ce serait une erreur, ce serait un mauvais choix.
Q - Mais, précisément, l'Iran ne souhaite-t-il pas tourner le dos à ce choix que vous jugez opportun, tout simplement parce qu'il sait qu'au-delà de la discussion, vous n'avez aucun moyen de rétorsion ?
R - Je ne suis pas d'accord avec vous. Lorsque nous nous sommes rencontrés le 1er juin à Vienne, nous avons défini des propositions positives que nous pouvons faire à l'Iran et que nous avons faites mais, également, nous avons défini notre solution si l'Iran venait à dire "non". Nous demandons en fait la double suspension. La suspension de toute activité nucléaire sensible, en particulier l'enrichissement de l'uranium, et la suspension, de notre côté, de la démarche vers le Conseil de sécurité des Nations unies. S'ils ne suspendent pas les activités nucléaires sensibles, il y aura une reprise du processus au Conseil de sécurité des Nations unies.
Je me permets simplement de dire que ce qui est important, c'est l'unité de la communauté internationale, en particulier avec les Russes, les Chinois et les Américains, avec les Européens ensemble.
Q - Une dernière question, si vous me le permettez, c'est un dossier qui vous est cher, celui de la taxe de solidarité sur les billets d'avions afin d'aider les pays du Tiers-monde, notamment concernant l'acquisition de médicaments. C'est une initiative française, je crois qu'il y a une quinzaine de pays qui sont prêts à suivre la France, mais 15 pays, c'est à la fois beaucoup et ce n'est pas beaucoup.
R - La dynamique est totalement présente : le président Chirac, le président Lula étaient bien seuls en septembre 2004 à Genève avec Kofi Annan ; aujourd'hui, il y a le Chili, la Norvège, le Royaume-Uni, mais également des pays du Sud : Madagascar, Maurice, la Côte d'Ivoire. Bref, la boule de neige commence à se faire. Ce n'est plus 14 mais 42 pays maintenant.
Je me trouvais l'autre jour avec le ministre des Affaires étrangères de Corée du Sud, les Sud-Coréens vont faire adopter cette initiative par leur Parlement en juillet ; il y a le Qatar et d'autres pays.
Et l'on voit bien aujourd'hui que l'affaire de la pauvreté dans le monde n'est plus uniquement un problème humanitaire ou sanitaire. C'est un problème de politique internationale. Le président Bush ne s'y est d'ailleurs pas trompé, mais il fait cette opération de manière bilatérale, alors que nous pensons que c'est multilatéral, en associant les citoyens du monde pour aider d'autres citoyens du monde, par l'intermédiaire d'un billet d'avion, avec 1 euro ou 5 euros selon les destinations.
Q - Entre 2 et 40 euros, selon les trajectoires !
R - 40 euros, c'est pour la classe première, pour aller à New York, je crois que cela coûte 6 000 euros, une personne qui peut payer son billet à ce prix peut facilement en dépenser 40, me semble-t-il...
Pour ceux qui nous écoutent, pour ceux qui prennent l'avion en général, c'est 1 euro pour la France et pour l'Europe, et 4 euros lorsque l'on prend un vol long courrier.
L'idée est qu'aujourd'hui dans le monde, il y a beaucoup de risques d'instabilité, la prolifération nucléaire dont nous venons de parler, l'intégrisme religieux, on en a parlé également, et il y a la grande pauvreté avec ce désespoir des personnes que la communauté internationale a laissé tomber. Ce sont les Droits de l'Homme qui sont en jeu et c'est en effet la France et le Brésil qui relèvent le gant.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 juillet 2006