Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, avec la Radio suisse romande le 3 juillet 2006, sur les relations entre l'Union européenne et la Suisse.

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Circonstance : Déplacement en Suisse, le 3 juillet 2006

Média : Radio suisse romande

Texte intégral

Q - Madame Colonna, la Suisse a présenté la semaine dernière un rapport dans lequel elle continue à privilégier la voie bilatérale, l'adhésion n'est toujours pas pour demain, est-ce que vous êtes déçue ?
R - Non, pas du tout. Nous respectons toujours les choix de nos partenaires et, en particulier, depuis l'origine, le choix fait par la Suisse de progresser par un chemin bilatéral. Ce que nous voyons avec beaucoup de plaisir, c'est que ce rapport met en évidence les bénéfices de cette approche. Donc, peut-être qu'il y a aussi, à l'avenir, des réflexions à conduire pour renforcer nos relations avec, dans d'autres secteurs, des relations bilatérales approfondies et peut-être ensuite un accord-cadre, sans compter d'autres évolutions futures, mais là, je vois peut-être trop loin.

Q - Le prochain accord risque d'être un accord de libre-échange sur les produits agricoles. Est-ce que l'Union européenne est prête ?
Nous avons parlé de plusieurs sujets, l'agriculture en fait partie, mais nous avons aussi parlé d'énergie de façon détaillée avec Mme Calmy-Rey. Beaucoup de secteurs peuvent être identifiés comme des secteurs où l'Union européenne et la Suisse ont intérêt à trouver un cadre à leur relation. Tout simplement parce que nous partageons beaucoup de problèmes et donc les solutions, nous les trouverons mieux ensemble. Alors au travail ! Il y a un mandat pour progresser du côté du gouvernement helvétique. Il y maintenant pour les Européens, à la fois la Commission et les Etats membres, à regarder, dans le détail, ce qui peut être fait pour progresser dans la voie d'un accord, sujet par sujet. Je crois que cela reste une bonne démarche.

Q - Dans les choses qui fâchent, il y a notamment la concurrence fiscale entre les cantons, qui a été passablement critiquée par l'Union européenne mais aussi par la France. Est-ce que c'est quelque chose sur lequel vous allez agir ?
R - Ce sont des choses dont nous parlons toujours très ouvertement. D'une façon générale, ces questions d'harmonisation fiscale sont particulièrement complexes. Je sais de quoi je parle, puisque la question se pose aussi au sein de l'Union européenne. Nous espérons progresser, mais il nous faudra quelques années pour cela.

Q - Les Suisses vont voter dans quelques mois sur le milliard à apporter à la cohésion et pourraient refuser de contribuer à ce fonds de solidarité. Est-ce que cela risque de tendre les relations entre l'Union européenne et la Suisse ?
R - Ne comptez pas sur moi pour interférer d'une quelconque manière que ce soit dans les choix souverains faits par les Suisses ! Il est légitime que les citoyens débattent des grandes orientations de leur politique, la politique européenne n'échappant pas à cette bonne règle démocratique. Laissons les Suisses avoir ce débat. Du côté des Européens, nous constatons une réalité géographique, politique et humaine : la Suisse se situe au coeur du continent européen, bénéficie aussi des progrès de l'Union européenne et c'est aux Suisses de se déterminer.

Q - Sans interférer dans les affaires helvétiques, que diriez-vous aujourd'hui aux Suisses pour qu'ils aient un regard plus positif vis-à-vis de l'Union européenne ?
R - Que c'est une oeuvre sans précédent qui a été accomplie en 50 ans. Elle nous a apporté la paix sur un continent qui était ravagé par les guerres génération après génération, la démocratie alors que nous étions encore coupés en deux il y a une quinzaine d'années, le progrès économique et social, ou du moins un cadre pour le développement économique et social. C'est sans pareil et sans comparaison dans l'histoire. C'est une oeuvre de raison, une oeuvre qui rapproche les hommes, c'est un magnifique message, c'est une réussite.

Q - Etes-vous inquiète par exemple quand on voit à Genève qu'il y a des mouvements politiques qui utilisent la question des frontaliers pour des raisons électorales ?
R - Sur des sujets aussi sérieux, je ne souhaite pas, en effet, qu'il y ait des polémiques. Comme le disait Mme Calmy-Rey, ce sont près de 100.000 Français qui sont des travailleurs transfrontaliers, qui apportent aussi leurs compétences, leur savoir-faire à l'économie suisse et qui, bien souvent, occupent des emplois qui ne sont pas occupés localement. Donc, il n'y a pas de déstabilisation du marché, il y a un intérêt mutuel. Je crois qu'il faut rester dans une démarche de raison, une analyse économique et sans polémique.

Q - On a l'impression que la France et l'Allemagne n'expliquent plus comme avant la position de la Suisse à l'Union européenne. Pourquoi ?
R - Cette politique est tellement limpide qu'elle parle d'elle-même ! Je crois qu'il n'y a vraiment pas de réserve ou de malentendu entre l'Union européenne et la Suisse. Votre pays a fait un choix souverain en 1992, tout le monde le respecte. Nous recherchons depuis des modes de coopération différents. Ils fonctionnent, ils fonctionnent bien et je crois qu'ils sont appelés à se développer. Regardons plutôt cette perspective, cette dynamique.

Q - La France sera championne du monde de football ?
R - Nous avons un rendez-vous mercredi, on va faire une chose à la fois, mais si les joueurs français jouent aussi bien qu'ils ont joué samedi soir, on a une chance !

source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 juillet 2006