Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur les relations politiques, culturelles, économiques et diplomatiques entre la France et l'Iran et sur leurs échanges de vues relatifs à la situation en Irak et au Kosovo, Paris le 3 février 1999.

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Circonstance : Entretien de M. Védrine avec M. Kamal Kharazi, ministre iranien des affaires étrangères, à Paris le 3 février 1999

Texte intégral

Bonjour,
La visite du ministre iranien des Affaires étrangères, M. Kharazi, marque une nouvelle étape dans le développement et dans la consolidation de nos relations bilatérales qui avaient été entamées en août dernier à Téhéran. Cette visite sinscrit dautre part dans la perspective de la préparation de la visite du président Khatami en France dont il sera question cet après-midi quand le président de la République française recevra le ministre iranien. Voilà le contexte.
Nous avons débuté nos entretiens hier soir et ce matin, avant de nous revoir dans la deuxième partie de laprès-midi. Nos discussions qui ont été sérieuses, globales et utiles, je le répète, ne sont pas terminées. Nous avons fait le bilan de nos relations bilatérales dans lensemble de ses composantes : politique, culturelle, consulaire et économique.
Sur le plan culturel, nous nous inscrivons dans le cadre de ce que le président iranien appelle le « dialogue des civilisations », qui est un concept qui nous plaît ; nous avons une volonté commune dapprofondir nos relations sur le plan culturel et nous avons dailleurs abouti à plusieurs progrès très concrets sur ce plan après la visite très récente à Téhéran de notre directeur général de la Coopération internationale et du développement M. Nicoullaud. Nous nous sommes mis daccord sur un certain nombre de points dont nous allons vous parler dans un instant.
En matière consulaire, cest-à-dire en ce qui concerne les statuts des personnes, la circulation, les questions de visas, beaucoup de problèmes sont à résoudre de part et dautre. Une délégation iranienne se rendra en France dici la fin du mois de février pour tenir des consultations bilatérales à ce sujet.
Les questions économiques ont été abordées avec moi-même mais aussi avec le ministre de lEconomie, des Finances et de lIndustrie : les champs de coopération potentielle sont nombreux et très prometteurs. Il existe un désir commun de les développer, un certain nombre de projets sont en discussion et devraient être concrétisés très rapidement.
Quant à nos discussions plus générales, politiques, portant sur tous les grands problèmes du moment, sur les crises régionales, et sur les sujets pour lesquels nous pouvons avoir des différences ou des divergences dapproche, ils font naturellement partie de nos conversations qui portent sur tout, comme quand nous avions parlé à Téhéran de tous les sujets. Nous continueront à le faire cet après-midi.
Voilà une synthèse de nos travaux à ce stade. Je me réserve de revenir tout à lheure plus précisément après avoir laissé la parole à M. le Ministre, sur les points précis des arrangements culturels qui ont été conclus, récemment à Téhéran, et que nous avons confirmés, car il y a là un certain nombre de dispositions précises qui sans nul doute vous intéresseront et qui définissent le cadre à lintérieur duquel notre coopération culturelle est appelée à connaître un vigoureux développement.
Q - Monsieur Védrine, sur la situation régionale et en particulier sur lIraq, est-ce que les points de vues sont concordants ?
R - Nous avons en effet reparlé des idées françaises présentées pour sortir de limpasse sur la question iraquienne. Le ministre iranien ma fait part de son grand intérêt pour nos idées. Il a fait de son côté un certain nombre dobservations et de suggestions qui viennent enrichir le débat qui était lancé par nos idées et qui se développent au Conseil de sécurité à partir de nos idées et à partir dautres suggestions, dautres contributions dautres pays, notamment celles des Russes. Cest un débat que nous souhaitons voir se poursuivre parce que nous sommes loin encore davoir trouvé une solution, mais nos propositions sont là, bien là et cette discussion doit se poursuivre.
Q - Peut-on parler dun début de discussion sur la nécessité du Conseil au Moyen-Orient pour résoudre les problèmes en Iran, au Kossovo, en Afghanistan et en Libye en collaboration avec la France ?
R - Je voudrais confirmer à ce sujet le grand intérêt pour nous de cette discussion entre la France et lIran sur toute une série de problèmes comme en effet la situation en Afghanistan, la situation dans la région de la mer Caspienne et ses environs, le Caucase, la question de lIraq, bien sûr, qui se pose à tout le monde, et en réalité toutes les questions de lAsie centrale, du Moyen-Orient, du Golfe, du Proche-Orient. Ce nest pas la première fois que nous en parlons et dailleurs, nous navons eu le temps de traiter que trois de ces sujets. Mais, cest vraiment intéressant parce que naturellement nos pays sont très différents : ils ont une position, une histoire, une responsabilité qui ne sont pas du tout les mêmes. Pour ces raisons, le dialogue est très enrichissant et nous avons lintention de le poursuivre. Déjà la première fois que nous avons eu cette discussion, nous nous sommes rendus compte que les positions étaient souvent moins éloignées que lon pourrait le penser, et même sur certains cas, quant aux principes généraux de règlement, des choses de ce type, assez convergentes. Il y a là matière à un travail diplomatique méthodique quil faut poursuivre et qui devrait porter ses fruits dans la durée. Je confirme que nous avons parlé également du Kossovo, compte tenu des responsabilités de lIran au sein de lOrganisation de la conférence islamique et nous navons pas oublié le rôle qua joué à un moment donné cette organisation par rapport à la question de la Bosnie.
Q - Votre gouvernement et notamment le président Khatami parlent de dialogue avec les peuples , de dialogue de civilisations et dans le même temps on apprend que le directeur du Centre de recherche français à Téhéran a des difficultés pour avoir son visa, que des chercheurs français attendent depuis très longtemps leur visa. Ny a-t-il pas une contradiction entre ces deux faits et les choses ont-elles évolué sur ce dossier ?
R - Si vous le permettez, Monsieur, je vais répondre en premier lieu parce que la question dont vous parlez, qui était un problème pendant, précisément fait partie de ce qui a été débattu à Téhéran et qui a fait lobjet dun arrangement le 31 janvier sur lequel des éléments plus concrets vont vous être donnés. Jai dit que M. Nicoullaud sétait rendu à Téhéran, avait rencontré son homologue et que nous avions abouti à un accord sur beaucoup de points qui concernent le Centre culturel iranien à Paris et dautre part, lInstitut français de recherches à Téhéran, avec une volonté de part et dautre de faciliter leurs activités avec tout ce que cela suppose sur le plan pratique. Il a été retenu douvrir dans un délai denviron six mois un centre denseignement du français à Téhéran. Nous nous sommes mis daccord sur un développement des activités scientifiques du Centre culturel iranien et sur louverture dun centre autonome denseignement du Persan. A partir de cet arrangement qui navait pas été trouvé jusquici en ce qui concerne précisément lInstitut français de recherches à Téhéran dont vous parliez et le Centre culturel iranien à Paris, nous avons envisagé le développement de notre coopération dans beaucoup de domaines, comme par exemple - pour rester dans le domaine culturel - des échanges et de coopération entre musées, dorganisation dans chaque pays de manifestations et dexpositions culturelles - de semaines culturelles par exemple -, mais il y a dautres projets, dans dautres secteurs que le secteur culturel.
La situation à laquelle vous faites allusion nous a préoccupés pendant longtemps mais nous avons trouvé des solutions, nous allons maintenant avancer. Je rappelle ce que je disais au début dans mon compte rendu : nous allons organiser dici la fin du mois de février une réunion sur les questions consulaires, sur justement le statut des personnes, des chercheurs, des gens qui auront à circuler entre les deux pays pour le plus grand bien de cette relation bilatérale. Nous ne sommes plus, et cest lun des actifs de nos travaux très importants à nos yeux, dans cette situation de difficulté.
Q - Est-ce que les deux pays, lIran et la France sont pour ou contre le plan américain de changer le régime iraquien et pourquoi ?
R - Notre position est sur ce problème est parfaitement connue. Elle est exprimée par les idées que nous avons déposées devant le Conseil de sécurité pour traiter ce problème. Nous avons notre façon à nous de traiter ce problème. Donc, vous comparez et vous concluez.
Q - Le domaine nucléaire fait-il partie de laccord envisagé ou envisageable entre les deux pays et la France nest-elle pas inquiète du projet nucléaire de lIran ?
R - Sur le premier point, nous navons pas évoqué cette question dans le cadre de nos perspectives de coopération. Sur le second point, cette question sadresse à M. le Ministre.
Je voudrais ajouter un mot là-dessus. Vous mavez demandé si cétait dans le champ de la coopération dont on avait parlé, je vous ai répondu non. On na pas parlé de cela comme ça mais la question de la prolifération fait systématiquement partie de sujets abordés dans nos discussions. Bien sûr, on peut avoir des points de vues convergents ou non. Cela fait partie des sujets éventuellement plus complexes. Je vous lai dit au début. Je vous le répète, on parle de tout.
Q - Est-il concevable que des pays islamiques puissent coopérer avec des pays comme la France, la Russie pour régler le problème iraquien ?
R - Je ne pense quil y ait une position réservée, ou critique, ou hostile de lIran sur le processus de paix, que quiconque empêche en quoi que ce soit lIran qui est de toute façon un grand pays de la région de donner son avis, de faire des propositions et de contribuer au dialogue international sur la solution des crises de la région au sens encore plus large du thème.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr)