Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, à RTL le 13 juillet 2006, sur la stratégie électorale de l'UMP en vue des candidatures à l'élection présidentielle 2007.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Brice Hortefeux. "Le vrai coupable, c'est celui qui provoque" a dit, mercredi, Zinedine Zidane. Quelle réaction vous inspire cette phrase, Brice Hortefeux ?
R- Brice Hortefeux : J'ai eu la chance d'être au match, à Berlin, et comme 80% des spectateurs qui n'ont rien vu, j'ai hué copieusement l'arbitre qui avait expulsé le dieu du stade. Et bien, ce geste, plus les explications de Zidane démontrent, tout simplement, comme dans la Grèce antique, les dieux sont parfois des demi-dieux, c'est-à-dire qu'ils sont tout simplement humains. Cela ne doit pas faire oublier la réalité : les 31 buts marqués en équipe de France, les 106 sélections, son action en faveur de la lutte contre les maladies et des enfants. Bref, cela signifie, tout simplement, qu'il était sur un piédestal. Que ce piédestal a été un peu bousculé. Mais j'en suis convaincu, ce sera, demain, une légende.
Q- Bon ! Ce n'est pas si simple que cela ! "Le vrai coupable, c'est celui qui provoque" : c'est un peu un plaidoyer pour l'auto-défense ?
R- Vous savez quel est le principe, il est assez clair : c'est que, lorsqu'on est attaqué, la riposte doit être à la proportion et à la hauteur de l'attaque. Et, peut-être, y a-t-il eu déséquilibre.
Q- L'U.M.P a décidé que le congrès qui désignera son candidat, pour la prochaine élection présidentielle, se tiendrait les 13 et 14 janvier. Et, dimanche - vous, vous étiez à Berlin, mais Michèle Alliot-Marie faisait une émission de radio - Michèle Alliot-Marie a dit que c'était beaucoup trop tôt, les 13 et 14 janvier, d'autant que Jacques Chirac a dit qu'il se prononcerait, sur son éventuelle prochaine candidature, au premier trimestre. "Il faut décaler, a-t-elle dit, la date de ce congrès de désignation de candidat". Vous la décalerez, Brice Hortefeux ?
R- Il y a plusieurs choses : le mieux est de les clarifier, car la clarté dissipe les malentendus et les polémiques. Que s'est-il passé ? Il s'est passé, d'abord, un premier temps. Au mois de décembre, le bureau politique de l'U.M.P, c'est-à-dire l'instance dirigeante de notre famille politique, s'est réunie - en présence du Premier ministre, en présence de la ministre de la Défense - et a décidé, notamment, deux choses. La première, c'est que ce seront les militants - pour la première fois, dans l'histoire de nos anciennes familles politiques - qui choisiront le candidat que l'U.M.P soutiendra. Et il a décidé, ce bureau politique, une deuxième chose : c'est que nous tiendrions un congrès au mois de janvier.
Q- Et Michèle Alliot-Marie était présente ?
R- Elle était présente. C'est une décision qui a été prise à l'unanimité, et tellement publique que nous avons publié un communiqué à l'issue, et je vous l'ai d'ailleurs apporté, ce jeudi. Je vais vous le remettre pour compléter vos archives qui doivent être, déjà, très complètes. Il y a un deuxième temps : c'est la semaine dernière, mercredi 5 juillet, il y a une nouvelle réunion de la même instance, qui se réunit en présence de 16 ministres - donc, ils n'étaient pas égaillés à un ou deux - et qui décident que ce congrès aura lieu le 14 janvier. Cela signifie, tout simplement, que ce n'est pas une contradiction, que ce n'est pas une évolution, que c'est, tout simplement, une confirmation.
Q- Alors, pourquoi Michèle Alliot-Marie a changé d'avis ?
R- Une confirmation - si vous me le permettez - avec la précision d'une exactitude toute militaire, ce qui devrait donc réjouir Michèle Alliot-Marie.
Q- Vous allez désigner votre candidat à la mi-janvier. Il n'est pas question que vous décaliez votre congrès, maintenant ? Nous sommes d'accord ?
R- Non. Pas question parce que cela a été décidé, validé à l'unanimité : nous avons des instances démocratiques. Et puis, pour deux raisons, d'ailleurs, très simples. La première : c'est qui peut croire sérieusement que c'est trop tardif que cela se déroule au mois de janvier, alors que le Parti Socialiste aura désigné son candidat au mois de novembre ? Et puis, si on écoutait tous ceux qui voulaient décaler, éloigner, reporter le congrès, au rythme auquel ils vont, vraisemblablement, notre candidat serait choisi, soutenu, au lendemain de l'élection présidentielle, ce qui n'est pas forcément la meilleure chance pour la remporter.
Q- Donc, l'U.M.P désigne son candidat à la mi-janvier. Et si, début février, Jacques Chirac dit qu'il est candidat, comment faites-vous ?
R- D'abord, dans votre question, il y a une double interrogation. La première : le président de la République peut-il être candidat ? A l'évidence, oui. Sous la Vème république, chacun est libre d'être candidat, a fortiori, le président de la République, deux fois sortant. Mais, simplement, cela signifie aussi une chose simple : cela signifie que c'est une réflexion qui est personnelle. J'imagine qu'on appuie, et on fait reposer sa décision sur une réflexion, sur une appréciation, sur une envie, sur un projet et, aussi, sur la mesure, le diagnostic des attentes de l'opinion. C'est donc, tout simplement, la réflexion et la liberté qui doivent lui être, naturellement, reconnues.
Q- Alors, je repose ma question. Si vous désignez votre candidat mi-janvier, et si le président de la République dit, début février, qu'il est candidat. Comment faites-vous ?
R- Par définition, et par construction, je suis membre du gouvernement, et donc respectueux du président de la République. Mais il ne vous a pas échappé que j'étais engagé, totalement, aux côtés de Nicolas Sarkozy - ce qui prouve, d'ailleurs, en passant, que cela n'est pas incompatible. Maintenant, il y a des exégètes de la pensée présidentielle : je n'en suis pas, il y en a. La déclaration à laquelle vous faites allusion, et l'hypothèse sur laquelle vous vous fondez, reposent sur une déclaration du ministre des Relations avec le Parlement, Henri Cuq. Si vous lisez, d'ailleurs, la totalité de sa déclaration - parce que lui est un exégète, je vous le cite - Il a dit : "Dans ce cas, dans cette hypothèse, Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac gèreront cette situation entre eux". Et bien, s'il s'est ainsi exprimé, c'est qu'il était certainement habilité à le faire. Ce dont je suis certain, ce que je peux vous dire, c'est que, dans l'esprit de Nicolas Sarkozy, ce sera toujours le sens de l'intérêt général, le sens de l'intérêt national, le sens de l'intérêt collectif qui guideront sa décision.
Q- Donc, il pourrait s'effacer devant Jacques Chirac ?
R- J'ai été assez clair dans ce que je viens de vous dire. Je peux recommencer une deuxième fois, si vous voulez.
Q- Non, non. Moi aussi, j'ai été assez clair. J'ai lu qu'il y avait un dîner, la semaine dernière - c'est "Le Parisien" qui le rapporte - Jean-Louis Debré, Henri Cuq, puisque vous le citez, Pierre Mazeaud, président du conseil constitutionnel. "Des anti-sarkozystes acharnés" dit "Le Parisien", "le clan des irréductibles". Étiez-vous au courant de ce dîner ?
R- Je n'étais pas au courant de ce dîner, j'espère pour eux qu'il a été bon. Et je me limiterai à ce qu'a écrit Oscar Wilde : "après un bon dîner, on n'en veut plus à personne, pas même à sa famille". Ce sera donc ma contribution, ce jeudi, précisément à la paix de notre famille.
Q- Et la présence du président du conseil constitutionnel, dans un dîner anti-sarkozyste, vous inspire-t-elle un commentaire, Brice Hortefeux ?
R- Connaissant Pierre Mazeaud, je peux vous assurer qu'il n'est pas anti-sarkozyste.
Q- Mais un président du conseil constitutionnel est-il à sa place, dans ce qui apparaît comme une réunion politique très orientée ?
R- Je n'ai pas vu cet angle-là. J'ai vu que c'était un dîner amical. Simplement - au-delà, j'imagine, de la question que vous me posez - c'est la nature des relations entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac.
Q- Vous avez de très bonnes questions, Brice Hortefeux !
R- J'en étais sûr. Et comme vous avez l'article du "Parisien" sous les yeux, j'imagine votre question. A vrai dire, cela fait trois fois précisément que vous me posez cette question. Je vous ai répondu à chaque fois, en tout cas, pour les deux premières fois. Et c'est vrai que je ne m'en lasse pas, parce que j'observe, à titre personnel, des évolutions. La première fois, je vous avais répondu que les relations n'étaient pas aussi mauvaises qu'on ne le supposait, mais pas aussi parfaites qu'on le souhaitait. Il y a maintenant deux mois, à l'occasion d'un "Grand Jury", vous m'avez aussi posé la question, et je vous ai répondu que la confiance n'excluait pas la vigilance. Aujourd'hui, je vais un peu plus loin - parce que c'est comme cela que je le ressens - je pense que la franchise autorise l'avenir. C'est-à-dire que, tout simplement, la qualité du dialogue entre les deux hommes et, naturellement, dans le respect dû au président de la République, permet, et permettra de privilégier l'intérêt général.
Brice Hortefeux - ministre qui se pose d'excellentes questions - était l'invité de RTL, ce jeudi. Bonne journée !

Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 juillet 2006