Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les 50 ans de la coopération internationale destinée à aider les pays en développement et plus particulièrement les plus pauvres et sur les défis à relever au 21ème siècle, Paris le 14 juin 2006.

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Circonstance : 50e anniversaire du Club de Paris à Paris, le 14 juin 2006

Texte intégral

Madame et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les Gouverneurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie pour le 50 e anniversaire du Club de Paris, et vous remercie tout particulièrement d'avoir répondu nombreux à notre invitation.
Je tiens à saluer tout spécialement les hautes personnalités ici présentes qui, malgré un agenda chargé, nous font l'honneur de participer à nos débats et de partager avec nous leurs vues sur notre Club.
Permettez-moi un remerciement spécial pour les personnalités qui viennent de loin pour être aujourd'hui parmi nous.
Depuis que le Club de Paris s'est réuni pour la première fois en 1956 au ministère des Finances afin de trouver une solution coordonnée aux difficultés de l'Argentine, nous avons écrit tous ensemble 50 ans d'histoire de la mondialisation ; 50 ans d'une coopération internationale destinée à atténuer les chocs de la mondialisation pour les pays qui y prennent part.
Pendant ces 50 ans, le monde a connu des transformations considérables, qu'il s'agisse de l'accession de nombreux pays en développement à l'indépendance ; de la libéralisation des mouvements de capitaux ; du passage des changes fixes aux changes flottants ; de l'augmentation massive des flux de capitaux privés Nord Sud ; de la montée en puissance des grands pays émergents ; de la progression sans précédent dans notre histoire de la population mondiale, qui ne se stabilisera qu'après 2050.
Au moment de tourner la 50 e page de ce livre d'histoire d'une enceinte de coopération, de gestion de risques et de dialogue, il est important à la fois de se tourner vers le passé, pour mesurer le chemin parcouru, mais aussi de regarder devant nous, pour préparer l'avenir et relever les défis du 21 e siècle.
Le Club de Paris, ce sont d'abord ces rééchelonnements qui ont contribué au rétablissement de la capacité des pays à honorer leurs obligations financières extérieures lorsqu'ils rencontrent des problèmes de balance des paiements, et ce aux côtés du Fonds Monétaire International et des autres créanciers.
Mais après la crise de la dette des années 80, le Club de Paris, ce sont aussi les annulations de dette. Prenant peu à peu conscience de l'existence d'un problème de soutenabilité de la dette de certains pays en développement très endettés, la communauté internationale s'est mobilisée.
Sous l'impulsion donnée par le Président de la République en 1996, lors du Sommet du G 7 de Lyon, l'initiative PPTE en faveur des pays pauvres très endettés a été mise en place.
Je souhaiterais rendre hommage à l'ensemble des acteurs qui ont contribué à cette action : les présidents qui se sont succédé à la tête du Club de Paris, les Directeurs Généraux du FMI, l'ensemble des pays créanciers membres du Club de Paris, les autres bailleurs et l'ensemble de la communauté financière internationale.
C'est une oeuvre collective, fondée sur la confiance, le respect mutuel et sur l'équité.
Ce regard rétrospectif nous conduit à mesurer aujourd'hui les progrès spectaculaires des grands pays émergents, dont la situation financière a été assainie, par l'action courageuse et persévérante de leurs dirigeants.
Il conduit à l'optimisme parce que le continent africain connaît une croissance très robuste, et qu'il apparaît enfin aux yeux de tous pour ce qu'il est : un acteur de l'économie mondiale, maître de son avenir, de plus en plus reconnu par les opérateurs privés comme un continent qui réussit et qui offre de nombreuses opportunités.
Il conduit à l'optimisme parce que la croissance mondiale semble plus robuste aujourd'hui qu'elle ne l'a été depuis des décennies, cette croissance qui est indispensable à la réalisation des objectifs de développement du millénaire.
Cette oeuvre est naturellement incomplète et imparfaite.
Elle ne nous fait pas oublier la situation encore très difficile de nombreux pays en développement, notamment parmi les plus pauvres.
Elle nous rappelle en particulier que la poursuite du développement exige une cohérence étroite entre les différentes politiques publiques, et en particulier la politique commerciale, l'aide publique au développement et le traitement de la dette, afin de diriger notre effort en priorité vers les pays les plus pauvres.
Surtout, elle nous invite à regarder l'avenir, à identifier les défis pour les générations futures et à préparer ensemble les solutions à y apporter.
Nous fêtons les 50 ans du Club de Paris. Je suis convaincu que cet anniversaire ne marque pas la fin d'une période mais le début d'une ère nouvelle. Les méthodes du Club de Paris, son fonctionnement et son esprit le qualifient tout particulièrement pour servir de support et de pilier financier à l'examen des grandes questions qui touchent à l'avenir du processus de mondialisation et de développement.
J'en vois pour ma part trois, qui sont indissociables.
La première grande question est la réalisation des objectifs de développement du millénaire. Elle exige avant tout la poursuite et l'accélération de la croissance mondiale. Elle requiert une vision nouvelle, différente, du monde en développement et notamment de l'Afrique. Une vision qui ne se fonde pas d'abord sur la compassion et l'assistanat, mais sur la confiance et sur le partenariat économique. Elle requiert aussi de réexaminer certaines options prises dans nos politiques d'aide publique au développement. Je pense en particulier au désengagement du financement des infrastructures.
Le corollaire, c'est le renforcement constant de l'efficacité de l'aide et la poursuite de la lutte contre la corruption.
La seconde grande question, c'est la gestion des ressources rares de la planète : l'alimentation, l'eau, l'air, la biodiversité, les ressources énergétiques et minérales. Ce défi s'impose à tous, pays développés comme pays en développement. Il appelle au Nord comme au Sud un constat lucide et identique : la solution passe par la coopération internationale, pas par le repli sur soi.
La réalisation des investissements nécessaires à la gestion de ces ressources dans un monde qui atteindra 9 milliards d'habitants au milieu du siècle renvoie implicitement à des questions qui intéressent au premier plan les ministres des finances, les institutions financières internationales et le Club de Paris en particulier ; je ne doute pas que ce point sera abordé lors de la seconde table ronde : les prêts demeurent-ils un instrument pertinent par rapport aux dons dans les politiques d'aide publique au développement ? Quelle est la bonne politique de financement des Etats, notamment de ceux qui viennent d'être désendettés ?
Les participants aux travaux du Club de Paris le savent bien : pour faire progresser la coopération internationale, il faut trouver des points d'équilibre entre des pays qui pourraient chacun avoir la tentation de laisser les autres faire mouvement pour améliorer leur position relative, mais qui considèrent au total qu'il est de leur intérêt bien compris ou de leur intérêt supérieur de coopérer et de respecter des disciplines collectives.
Qui peut aujourd'hui se croire à l'abri d'une difficulté, d'un accident de parcours, d'un choc économique et financier ? Qui peut par avance renoncer à un jeu coopératif avec ses partenaires dans un monde où les situations se modifient de plus en plus vite, où les avantages comparatifs évoluent aussi rapidement ?
Il me paraît essentiel de préparer nos opinions publiques à un constat politique simple : nous avons besoin des autres pour la gestion du bien commun de la planète ; nous avons besoin des autres pour la gestion collective de risques que nous ne pourrions surmonter en agissant seuls. C'est non seulement conforme à nos valeurs, mais déterminé par nos intérêts.
La troisième grande question, liée aux deux précédentes, est celle de la gouvernance internationale.
Jamais le besoin de développer une société internationale plus efficace et plus réactive n'a été ressenti de façon aussi pressante. Dans le même temps, jamais le temps nécessaire pour faire évoluer les institutions internationales existantes n'est apparu aussi long.
Cette situation constitue un vrai défi : une société internationale dont le rythme d'adaptation et d'action ne serait pas en rapport avec celui du monde dans lequel nous vivons et de ses acteurs économiques serait condamnée à l'impuissance et au désintérêt des opinions publiques.
Le Club de Paris prend sa part à cet effort de rénovation.
Au-delà de ses membres, le Club de Paris accueille déjà des pays observateurs, avec lesquels un dialogue très fructueux a été noué au cours des ans.
Je souhaite que nous allions plus loin, ensemble. Je souhaite que la maison s'agrandisse. Je souhaite qu'elle soit pleinement le reflet de la société internationale en ce 21 e siècle naissant.
J'invite donc tous les pays dont les responsabilités internationales les destinent à jouer un rôle éminent dans l'économie mondiale et dans le développement des plus pauvres à nous rejoindre.
Ce faisant, je compte sur eux pour maintenir l'esprit pionnier et la solidarité qui sont indispensables à la maîtrise collective des risques économiques et financiers liés à la poursuite de la mondialisation.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite plein succès pour vos travaux. Source http://www.minefi.gouv.fr, le 21 juin 2006