Ensemble des déclarations, conférences de presse et interviews de M. Lionel Jospin, Premier ministre sur les relations entre la France et le Canada, la France et le Québec, notamment les relations économiques, les nouvelles technologies, Montréal, Toronto, Ottawa et Québec du 16 au 19 décembre 1998.

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Circonstance : Voyage au Canada et au Québec de M. Lionel Jospin du 16 au 19 décembre 1998

Média : CBC Newsworld - Emission Les mardis de l'information - Radio-Canada - RDI

Texte intégral

Allocution à son arrivée à l'aéroport, le 16 décembre 1998
Monsieur le Premier ministre,
Permettez-moi de vous dire le plaisir qui est le mien d'arriver à Ottawa, répondant à l'invitation que vous m'aviez lancée en tant que Premier ministre en septembre dernier. Je ne doute pas que cette visite officielle, la première pour moi au Canada, permettra de renforcer encore le dialogue politique entre nos deux pays, que leur histoire apparente, et qu'une action partagée rapproche.
Je suis très heureux, comme les ministres du gouvernement, les parlementaires français et l'ensemble de la délégation qui m'accompagnent, de retrouver ici des amis. Certes, nous avons aussi dans ce pays des cousins, par la grâce de l'histoire. Mais le Canada et la France sont avant tous des amis et des alliés.
Nous avons été dans les grands conflits qui ont déchiré ce siècle. Nous avons célébré cette année le quatre-vingtième anniversaire de l'armistice de 1918. Les soldats canadiens venus combattre sur le sol français ont payé un lourd tribut à cette victoire. Nous leur en avons témoigné la gratitude du peuple français, en décorant, à Vimy et sur le territoire canadien, des survivants de ce conflit.
Nous sommes aujourd'hui encore alliés, par exemple dans le grand combat pour l'affirmation des droits de la personne humaine. Il y a quelques jours nous célébrions à Paris l'universalité des Droits de l'Homme. Nous avons associé au cinquantième anniversaire de la déclaration universelle de 1948 la veuve de M. John Humphrey, votre compatriote, qui collabora étroitement avec M. René Cassin. L'engagement de votre pays ne s'est pas démenti. Je pense bien sûr au très grand succès qu'a constitué, pour nous tous, mais en particulier pour votre pays, la signature du Traité d'Ottawa sur le bannissement des mines antipersonnel. Je pense enfin aux engagements internationaux de nos deux pays en faveur du maintien de la paix, qui voient nos forces se retrouver si souvent côte à côte, au service des Nations unies.
Monsieur le Premier ministre nous sommes alliés enfin dans notre souci commun de promouvoir la diversité des cultures et l'identité de chacun dans un monde qui tend à s'uniformiser. C'est un combat auquel je sais que vous-même et votre gouvernement portez la plus grande attention. C'est également un des aspects essentiels d'une francophonie élargie, au sein de laquelle la France et le Canada se retrouvent, grâce notamment au Québec. La francophonie nous garde heureusement, pour reprendre les mots du Secrétaire général des Nations unies, d'un "monde tristement homogène". En accueillant l'an prochain son sommet à Moncton - auquel se réjouit de participer le président de la République - le Canada sera le coeur battant de l'organisation francophone.
Nous partageons donc une communauté de valeurs qui inspire notre histoire commune. Elle irrigue naturellement aujourd'hui une coopération aux formes les plus diverses : institutionnelle entre nos administrations, nos établissements de recherche ou d'enseignement, directe entre nos enseignants, nos chercheurs, nos entreprises, nos jeunes... Elle s'illustre dans les domaines les plus variés, de la science à l'économie, en passant par la culture, l'éducation, l'audiovisuel, la coopération internationale, l'action multilatérale. Le programme d'action qui sera signé en notre présence demain matin, en application du "partenariat renforcé" adopté en 1997, reprend ces thèmes et témoigne de notre volonté de poursuivre et d'intensifier notre coopération.
Ce séjour au Canada nous permettra d'écrire ensemble une page nouvelle de cette relation franco-canadienne déjà si riche : je m'en réjouis très sincèrement.
Vive le Canada.
Vive la France.
Vive l'amitié franco-canadienne.
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Toast au diner offert par le Premier ministre du Canada, le 16 décembre 1998
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir eu l'heureuse idée de me convier, avec la délégation française, dans le cadre superbe du musée des Beaux Arts du canada. En ce lieu voué à la création, je souhaite souligner ce qui nous rapproche.

I. A la volonté française de promouvoir la diversité des cultures fait écho l'aventure multiculturelle du Canada. Mon gouvernement entend mener une politique volontariste, au service de la diversité culturelle. La culture est toujours une rencontre et elle est, à ce titre, constitutive de la démocratie. La création artistique est un acte libre, légitime jusque dans sa contestation du pouvoir. Elle participe au pluralisme d'une société autant qu'elle le renforce. De même, la culture donne à un peuple une épaisseur sensible, une profondeur historique, une identité collective. Telle est la vision qui nous inspire.

Sur le scène internationale, la France entend défendre le pluralisme des cultures. La négociation de l'Accord multilatéral sur l'investissement, mal engagée, dans un cadre inadapté, portait atteinte à la souveraineté des Etats, et, par exemple, aurait remis en cause les dispositifs nationaux d'aide à la production d'oeuvres culturelles. J'ai donc décidé de ne pas reprendre cette discussion à l'OCDE. C'est dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, dont les méthodes de travail et l'approche progressive ont prouvé l'efficacité, qu'une négociation sur l'investissement doit se tenir. Je sais que le Canada partage notre approche sur ce point.

Ces préoccupations sont en effet familières aux Canadiens : vous vous efforcez, depuis longtemps déjà, de bâtir une société multiculturelle. La richesse des collections de ce musée en atteste. Du groupe des Sept à Jean-Paul Lemieux, de l'art des "premières nations" à l'hyperréalisme, de David Milne à Jean-Paul Riopelle, chacune de ces oeuvres incarne authentiquement une facette de la culture canadienne. Celle-ci est l'héritage d'une histoire culturelle que vos engagements successifs ont su faire vivre dans la modernité.

D'abord fondé sur deux peuples, le Canada a vu reconnaître dès l'Acte de Québec de 1774 sa spécificité d'Etat biculturel. La double culture des deux peuples fondateurs fait sans doute l'originalité de ce pays unique. Mais en deux siècles de débats passionnés, vous avez su élargir ce dialogue déjà riche. Pays d'immigration, vous avez fait depuis bientôt trente ans du multiculturalisme une politique et un principe de vie en commun, et de l'accueil de l'étranger une responsabilité de chacun. Vous avez très tôt reconnu la contribution des Amérindiens à l'affirmation d'une culture canadienne. Je sais la complexité de ce travail continu sur l'identité, qui vise à l'édification d'une maison commune où chacun trouve sa place dans le respect de la personnalité de chaque groupe. Moi-même, en France, je m'attache à cette démarche dans le cadre de notre tradition républicaine. Vous avez quant à vous, hérité de votre histoire une culture de compromis. C'est là un bien précieux.

II. Sur ces bases, nous pouvons défendre ensemble une conception renouvelée du dialogue entre les cultures.

La mondialisation porte en elle un danger d'uniformisation. Nos sociétés ont fondé leur développement économique sur l'économie de marché. Cela ne doit pas nous conduire à accepter une société de marché, je refuse personnellement d'assimiler les oeuvres de l'esprit à des marchandises comme les autres. Je ne me résigne pas à ce que les lois du marché dictent leur loi dans un domaine essentiel de pluralisme, d'identité, de lien social, de démocratie, d'épanouissement personnel.

En même temps, la mondialisation offre au champ culturel un espace de développement économique. Une bataille de l'intelligence s'est engagée. La culture génère aussi une industrie croissante de produits culturels. Toute création a bien entendu besoin d'un public, qui trouve en elle le reflet ou l'expression de ses aspirations, de son état d'esprit et une matière à la réflexion. Mais nous savons que ce même public peut être aisément conditionné à consommer un "produit" et que le "marché" de ces produits peut être aisément monopolisé par un petit nombre d'acteurs. La défense difficile de nos cinémas nationaux face à l'action hégémonique de quelques groupes qui contrôlent la production et la distribution en fournit un exemple frappant.

Défendre ensemble la diversité des cultures, associer nos efforts dans la recherche d'un modèle de société assurant le respect des identités culturelles : tel peut être, je crois, notre projet commun.

Comment y parvenir ? Nos deux pays, fidèles à leur tradition propre, ont élaboré chacun ses outils, ses méthodes. Je souhaite que nos conversations de demain nous permettent d'en évaluer l'efficacité. Par ailleurs, il me paraîtrait utile que nous puissions, lors des prochaines négociations commerciales multilatérales, faire valoir à nos principaux partenaires la nécessité de prendre en compte l'objectif du développement des identités culturelles. Certes, chacun de nous devra tenir compte de tous ceux dont il est solidaire : je pense, pour la France, à nos partenaires de l'Union européenne, et pour le Canada, au Québec bien sûr mais aussi à vos partenaires de l'Alena.

Ce thème des identités culturelles pourrait cependant être, si vous en êtes d'accord, l'un des prochains points d'application du partenariat franco-canadien. Je sais que Mme Catherine Trautmann, la ministre de la Culture qui m'accompagne ici, a déjà entamé une étroite concertation avec Mme Sheila Copps. Ce dialogue devrait s'approfondir.

A l'issue de cette première journée de rencontre, je lève mon verre à l'amitié entre nos deux peuples. Au canada, à la France.
Conférence de presse conjointe le 17 décembre 1998
Q - (Sur la diversité culturelle, le poids des Etats-Unis et le contentieux canado-américain sur les magazines)
R - Nous comprenons le problème qui est posé. J'ai eu la chance de pouvoir en parler hier grâce à l'hospitalité de l'Ambassadeur de France avec plusieurs intellectuels, éditeurs, journalistes, romanciers, créateurs canadiens, qui étaient l'expression parfaite d'ailleurs du biculturalisme, ou du multiculturalisme, canadien. Ils m'ont sensibilisé au sujet du poids que fait peser cette présence américaine - cette puissance aussi, cette capacité créative qu'il faut savoir reconnaître - dans le domaine du cinéma, notamment sur le terrain des circuits de production ; le cinéma canadien est très créatif, mais il y a des problèmes de circuits de production, et ils m'ont parlé aussi de ce problème des revues. Naturellement, je ne veux pas faire d'ingérence dans la relation canado-américaine, vous vous en rendez bien compte. Dans ce contexte, c'est évidemment au gouvernement canadien et aux milieux économiques concernés de régler ces problèmes.
Mais nous-même, avec les Européens, grâce à l'intervention de la France autour des thèmes de l'exception culturelle (ou disons mieux de la diversité culturelle) sur le problème de la télévision, sur le problème du cinéma, sur le problème du livre, nous défendons aussi ce droit. Le droit autorisant non seulement des secteurs économiques, des champs de créativité, d'inventivité, d'être traités à la fois dans leurs dimensions économiques mais aussi dans leurs dimensions spécifiques de biens culturels : ce ne sont pas des marchandises comme les autres. Plus encore, plus profondément, plus près de notre identité, nous défendons le droit des créateurs de voir leurs créations arriver vers les publics dans des conditions qui soient des conditions équitables.
Q - (Convergences de vues entre le Canada et le France sur la crise de l'Iraq ?)
R - Je crois que presque en ce moment le président de la République française s'adresse au pays sur ce sujet. Je l'ai donc à l'esprit au moment où vous m'interrogez ; il y a une coïncidence que je n'ai pas souhaitée.
De toute façon, vous avez vu qu'il y a eu un communiqué du Quai d'Orsay hier qui marquait la position de la France. Nous en avions débattu il y a quelques jours déjà, pour être très précis, à l'issue du Conseil des ministres mercredi, autour du président de la République, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense et moi-même. La veille de mon départ, nous sentions bien la situation qui était en train de se créer, nous anticipions malheureusement sur ces frappes.
Ce que nous avons dit est bien une position commune. Les techniques de communication modernes nous ont permis de nous rejoindre hier soir. J'ai eu le ministre des Affaires étrangères ce matin, j'ai eu le président de la République - je le dis dans un ordre chronologique - et nous avons tout à fait confirmé que nous voyions les choses de la même manière. C'est le seul commentaire que je veux faire à cet égard parce que la France s'est exprimée, le président va s'exprimer lui-même ou s'exprime lui-même en ce moment.
Par rapport à la question que vous avez posée, parce que nous sommes ici au Canada et je ne peux l'écarter, j'ai un peu l'impression nous entrons dans le problème un peu de la même manière. J'ai parlé d'un engrenage - on cherchait en vain une traduction britannique qui ne soit pas simplement "gearing" ou quelque chose comme ça qui a un côté un peu mécanique : "chain of events" pourrait être une bonne traduction. Nous sommes donc entrés dans un engrenage : maintenant après y être entré un peu avec la même problématique, chacun choisit ses mots pour décrire une situation.
Q - (Sur la suite des événements en Iraq ?)
R - Vous posez la question juste : les frappes aériennes d'accord, mais après ? Nous en avons parlé avec le président de la République française ce matin, mais nous ne sommes qu'au début vraiment, nous ne sommes qu'à la première phase de l'opération. Nous devons y réfléchir et peut-être la France aura quelque choses de plus précis à énoncer, mais c'est peut-être un peu prématuré. En fait, il nous faut attendre.
Q - (Sur l'amiante ?)
R - Oui, je souscris tout à fait à ce que vient de dire le Premier ministre, pardonnez-moi, en précisant bien qu'il s'agit au fond moins maintenant d'un conflit bilatéral que d'une question posée à l'OMC, librement, par le Canada, par rapport à une décision qui, en fait, engage l'Union européenne. Nous étions seulement le huitième pays à soulever ces questions. Pour autant sur le fond - et les journalistes français qui sont ici le savent à propos de l'université de Jussieu à Paris que nous sommes en train de désamianter -, nous savons maintenant de façon certaine que ce sont 2 000 personnes par an qui meurent en France des conséquences de l'amiante. C'est donc un problème de santé publique majeur et nous le traitons d'abord sous l'angle de la santé publique. Je dirais même exclusivement sous l'angle publique.
Maintenant, des décisions prises sous l'angle de la santé publique peuvent avoir des conséquences économiques, elles doivent être examinées dans les cadres appropriés.
Q - (Convergence de vues entre M. Chrétien et vous sur les frappes aériennes ? Y avait-il "nécessité" ? )
R - Au nom du gouvernement français, je n'évoquerai pas les mots "nécessité de l'attaque", je n'ai pas utilisé ce terme-là, je veux être très précis à cet égard. Je n'ai pas utilisé ce terme et je n'ai pas l'intention de l'utiliser. En fait, nous avons tenté par deux fois, avec le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan, de trouver une issue diplomatique à cette crise. Cette fois-ci de toute évidence, cela n'a pas été possible. Il y a d'un côté la frustration américaine et de l'autre côté, l'irrationalité des Iraquiens. Leur côté irrationnel dans la gestion de ces problèmes. Alors depuis quelques jours, tout semblait inévitable : mais inévitable ne veut pas dire nécessaire, n'est-ce pas ?
Q - (Pouvez-vous éclaircir ? une intervention militaire française a-t-elle été envisagée ?)
R - Monsieur le président de la République s'exprime. J'ai dit que je ne tenais pas à aller au-delà de ce que j'ai dit hier, qui était au fond presque une paraphrase du communiqué dans lequel je me reconnais. J'ai dit que je ne voulais pas faire davantage de bruit sur ce sujet à ce stade. J'ai répondu à une question posée en anglais, parce qu'il me semblait qu'il y avait une nécessité de clarification en anglais. Je l'ai fait, mais il n'est pas utile que j'en dise davantage. Le président exprime à Paris notre opinion commune. Quant à des questions d'intervention de la part de la France, elles n'ont pas été sollicitées et elles ne sont en aucune façon envisagées.
Q - (Etes-vous déçu de l'action des Etats-Unis ?)
R - Je ne suis pas sûr que ce soit un concept, la déception, qui soit tout à fait à sa place dans cette situation. Je ne sais pas bien répondre à une question posée ainsi.
Q - (Pouvez-vous clarifier ?)
R - Nous avons dit très clairement que nous déplorions l'engrenage qui s'est créé, qui a conduit à ces frappes dont les conséquences humaines seront sévères. Je pourrais ajouter : dont on ne sait pas, en plus, quelles situations elles vont créer après et comment on va s'en saisir à nouveau. Enfin j'ajoute, ce que nous avons déjà dit, que nous regrettons que les dirigeants Iraquiens n'aient pas appliqué pleinement les engagements qui avaient été les leurs, et notamment ceux qui avaient été pris au nom de l'Iraq par le ministre des Affaires étrangères Tarek Aziz en présence du Secrétaire général des Nations unies. Ils auraient permis de déboucher sur des progrès, en posant la question d'un examen global du problème iraquien pour s'efforcer de déboucher sur une solution.
Je confirme l'attitude qui est la nôtre. Personnellement, nous nous sommes engagés pour essayer de trouver une solution diplomatique. Nous avons indiqué que l'Iraq devait remplir ses obligations et qu'en même temps on devait offrir à ce pays une perspective, pour rejoindre dans des conditions normales et supportables pour sa population la communauté internationale. A aucun moment, cette démarche-là n'a véritablement pu se développer. Alors c'est cela que nous regrettons : s'il y a une déception, pour employer vos termes, elle se situe à cet endroit.
Il reste que nous sommes dans une situation différente : il y a aujourd'hui des frappes, il y a à nouveau des frappes. Peut-être y en aura-t-il d'autres. En tant que membre de la communauté internationale, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, nous ferons certainement non seulement une analyse mais des propositions. Mais je pense que nous sommes dans une première phase où cela n'aurait pas l'écho et l'intérêt suffisants.
Donc nous voulons qu'à un moment, un bilan soit fait de cette situation que nous n'avons pas souhaitée et que nous n'avons pas approuvée ; ensuite nous essaierons de faire entendre notre position pour qu'on essaie de trouver des solutions à ce problème iraquien.
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Allocution devant les chefs d'entreprise canadiens - Réponses aux questions du public (le 17/12/98)
Q - Monsieur le Premier ministre, bienvenue au Canada. Je suis un ancien membre du Sénat canadien. Pourriez-vous nous dire, Monsieur le Premier ministre, si le gouvernement allemand a accepté de soutenir les autres partenaires de l'Union européenne sur la question de la monnaie unique?
R - Oui, cela ne fait aucun doute. La question devrait être : si et quand la Grande-Bretagne rejoindra l'euro (rires). Mais en ce qui concerne l'Allemagne, un choix a été fait. Le problème est résolu et donc, en janvier, elle participera à l'euro en ce qui concerne les institutions financières, parce que vous savez que ce sera deux ans plus tard que les devises pièces et les billets circuleront sur l'espace des 11 pays parmi les 15 qui ont choisi l'euro. Pour l'Allemagne, c'est certain ; de toute façon, le siège de la nouvelle banque centrale européenne est à Francfort, et ils doivent bien le savoir (rires).
En ce qui concerne la Grande-Bretagne, c'est une très bonne question. Je ne peux bien sûr pas m'exprimer pour le compte du gouvernement britannique, il s'agit d'une question très sensible. Je pense qu'ils sont face à ce choix, et qu'ils y réfléchissent. Je ne doute pas qu'ils nous rejoindront, mais ce sera leur propre choix.
Q - Pensez-vous que le niveau d'intégration actuel en Europe affectera le niveau de commerce et les relations externes entre la France et les petits pays comme le Canada ? (rires)
R - Les grands pays comme le Canada, grand à beaucoup d'égards, pas seulement dans la dimension géographique mais dans le modèle culturel qui se présente ici, et par la part très importante que le Canada prend dans la vie internationale. Nous nous trouvons côte à côte ; en Bosnie, nous nous sommes trouvés côte à côte, et nous nous trouvons côte à côte en Haiti. Le Premier ministre Chrétien et son gouvernement ont décidé, alors que nul ne les y obligeait, d'envoyer 50 personnes qui ne seront pas chargées de fonctions militaires dans la force d'extraction, dans la force de protection qui au Kossovo peut être amenée à protéger les vérificateurs de l'effort de paix au Kossovo. Je me réjouis d'ailleurs de savoir que le Canada est devenu pour deux ans membre du Conseil de sécurité. Cela facilitera encore notre coopération. Le Canada est un grand pays qui apporte beaucoup à la vie internationale. Pour répondre directement à votre question, je dirai que c'est vrai. Nous le constatons : la part la plus grande du commerce extérieur de chaque pays membre de l'Union européenne se fait avec d'autres pays de l'Union européenne. Néanmoins, comme je l'ai dit, plusieurs de ces pays, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et même l'Espagne, l'Italie ou des pays plus petits mais qui ont une tradition commerciale puissante comme les Pays-Bas par exemple, sont de grands exportateurs. Je pense que la puissance économique européenne ne conduira pas à un enfermement de l'Europe, mais qu'au contraire elle dégagera des forces productives vers les autres grands pôles économiques et notamment vers l'espace et la réalité économique américaines. J'en suis absolument convaincu. Je ne vois pas de phénomène de régression, je vois au contraire un phénomène de progression.
Q - Bonjour Monsieur le Premier ministre. Que pensez-vous des comparaisons entre Blair, Schroeder et vous-même ?
R - Vous savez, ce jeu international, ou au moins européen, qui consiste à savoir si Schroeder est un Blair allemand, si je suis un Schroeder français, ou si Blair est un Jospin britannique - ce que personne ne pense -, est un jeu inutile. C'est un jeu amusant mais inutile. Vous savez, avec Schroeder, nous nous sommes rencontrés après son élection. Nous en avons plaisanté. J'ai également dit à des journalistes un jour que Schroeder voulait être Schroeder en Allemagne, que Blair était à l'évidence Blair en Grande-Bretagne, et que j'essaie d'être Jospin en France. Il est donc idiot de penser que les dirigeants nationaux puissent se définir à travers le nom et la personnalité d'autres dirigeants. C'est le premier point : on peut pratiquer ce petit jeu, mais pas trop sérieusement.
Ensuite, il faut tenir compte des traditions de chaque pays ; il faut tenir compte de leurs développements historiques et récents. Le thatchérisme en Grande-Bretagne a changé les mentalités. Je n'ai pas le temps ici d'expliquer pourquoi, mais Tony Blair se trouvait dans un paysage différent avec une expérience récente très différente ; il agit donc en fonction de cette histoire récente. La Grande-Bretagne a toujours été ouverte sur le monde, elle a toujours été un pays de libre-échange, et la tradition de l'Etat en Grande-Bretagne n'est pas très importante. La France vient d'une autre tradition. Nous avons été un Etat unitaire, nous avons été pendant longtemps un Etat centralisé, même si nous ne le sommes plus - car lorsque les socialistes étaient au pouvoir en 1982, nous avons changé les lois et accompli une importante décentralisation - ; nous avons été un pays protectionniste et nous ne le sommes plus, parce que nous sommes dans le même espace commercial que les autres pays européens, et notre économie est complètement ouverte sur l'extérieur, mais nous venons de cette tradition. En Grande-Bretagne et dans d'autres pays sociaux démocrates, il y a des syndicats forts, généralement uniques ; en France, nous avons des syndicats faibles, nous avons plusieurs syndicats, il sont divisés, ils ont rarement une tradition de négociation collective ; dans les relations sociales, les Français sont prêts à accepter le fait que l'Etat doit donner son impulsion. Alors nous le faisons, car si nous ne le faisons pas, il n'y a pas de négociation en France. Je ne voudrais pas faire trop de sociologie, mais il tenir compte du fait que nous agissons avec des traditions différentes, dans un paysage politique différent. Par exemple, je suis à la tête d'un gouvernement de coalition de 5 partis, dont le Parti socialiste est le plus grand, je veux dire par le nombre de membres au Parlement - la presse française est ici, donc je dois faire attention à ce que je dis. C'est la composante principale de ce gouvernement de coalition. Tony Blair a remporté les élections avec le seul Parti travailliste - cela était suffisant -, et Schroeder a une coalition avec les Verts. Vous voyez, les situations sont différentes. Je pense qu'un observateur peut trouver que le gouvernement de gauche que je dirige est un gouvernement qui prend en compte tous ces éléments, ces traditions, le fait que les Français ne sont pas aisément réformistes, qu'ils sont parfois conservateurs et parfois révolutionnaires, qu'ils ne sont pas faciles à diriger - en fait ils n'aiment pas être dirigés - mais ils veulent être gouvernés, en tout cas j'essaie de le faire.
Vous devez tenir compte de cela. Avec la spécificité et l'originalité de la France, nous allons dans la direction de la modernisation. Nous agissons de manière pragmatique, pas exactement comme Tony Blair, mais de manière pragmatique. Nous le faisons lorsque nous restructurons par exemple les industries, lorsque nous acceptons les privatisations, pas parce que nous sommes idéologiquement favorables aux privatisations, mais parce que si c'est dans l'intérêt national de la France de regrouper deux entreprises, l'une publique, l'autre privée, pour créer une entreprise puis importante et plus puissante, nous ne faisons et , ... et il est temps de m'arrêter (rires et applaudissements).
Q - Monsieur le Premier ministre, vous avez indiqué que l'une des points essentiels pour introduire la stabilité économique est d'utiliser des contrôles financiers. Nous savons par les données statistiques qu'environ 3 millions de dollars se déplacent chaque jour par transactions électroniques. Je pense qu'il y a là un facteur que nous avons vu se développer en Asie et dans d'autres régions que cette sorte de capitaux qui ne sont pas destinés à des investissements ou à la consommation sont un facteur d'instabilité. Donc comment la nouvelle Union européenne attaquera-t-elle ce problème ?
R - Oui, il s'agit d'une question très difficile. Il est vrai que le montant des capitaux qui sont susceptibles de se déplacer d'un endroit à un autre en quelques secondes est énorme. Il est également vrai que le flux de capitaux est 100 supérieur à ce qui est nécessaire pour le commerce par exemple, même si c'est nécessaire pour des mouvements spécifiques et financiers, bien sûr, et non seulement en contrepartie d'échanges commerciaux. Nous avons eu cette crise, partie d'Asie pour des raisons financières, parce que trop d'opérateurs, trop de capitaux ont été prêtés à court terme pour des immobilisations à long terme, et c'est un peu ce qui a été l'élément technique essentiel de la crise en Asie.
Je crois aussi qu'il y avait des problèmes de "gouvernance", le choix d'un modèle de développement économique et social. Il y a le problème technique, mais il y a aussi le problème du modèle de développement que vous choisissez, et celui-là n'était pas juste. Nous avons eu la crise au Japon, avec cette question de créances douteuses. Il fallait prendre des décisions, et je crois que le gouvernement japonais était préparé à prendre ces décisions. Nous avons la crise en Russie, qui est une crise de transition, la transition du modèle précédent, d'économie centralisée et administrée, à un système économique de libre-échange et d'économie de marché, mais qui n'est pas complètement achevée, ou achevée dans les formes que nous connaissons. Il y a le problème du Brésil et d'autres ailleurs. Mais je ne suis pas si pessimiste, car même si nous supportons les conséquences de la crise - le Canada a été atteint avant nous et nous sommes également atteints en France maintenant -, je crois que les organismes internationaux et les différents pays ont une certaine capacité pour agir, pour réagir. En ce qui concerne l'Europe, la perspective de l'euro a été un facteur réel de stabilisation.
Q - Est-ce qu'il est possible que le renforcement de l'action de la semaine de 35 heures pourrait rendre plus chers les produits français ?
R - Nous disons aux chefs d'entreprises : anticipez sur la date de passage aux 35 heures, ouvrez dès maintenant des négociations avec les syndicats, ou avec les salariés dans votre entreprise s'il n'y a pas de syndicat, pour négocier avec eux les bases d'accords réalistes sur les 35 heures, c'est-à-dire un accord où chacun puisse trouver son intérêt, les salariés de l'entreprise parce qu'il travailleront moins pendant la semaine ou pendant des périodes de l'année, selon les choix qui seront faits parce que ce n'est pas forcément un seul choix - 35 heures par semaine ou un équivalent à 35 heures -, mais on peut jouer différemment sur le temps de travail au cours de la semaine, au cours de la journée, au cours du mois, au cours de l'année. Les salariés gagneront moins d'heures de travail, les chefs d'entreprises gagneront peut-être des formes nouvelles d'organisation de la production, avec plus de souplesse. Ils pourront retrouver en terme de productivité ce qu'il auront accordé en terme de temps de travail. La société toute entière y gagnera : un nombre de chômeurs moins grand, un nombre d'emplois supplémentaires. Donc si c'est négocié, si on cherche des solutions. Il y a des accords qui sont en train d'être signés partout en France actuellement, parfois à 35 heures, parfois en-dessous, parfois avec un contrôle, une modération salariale, avec le fait non pas de baisser les salaires -personne n'accepte de baisser les salaires, sauf peut-être pour des catégories plus favorisées- mais l'idée par exemple de repousser dans le temps des augmentations de salaires. Il a des tas de possibilités pour négocier, pour tenir compte des fluctuations dans la production, par exemple dans les secteurs où les fluctuations sont fortes. Cela peut être au contraire un vrai dossier social, une vraie occasion pour les syndicats et pour le patronat en France de discuter de l'organisation du travail, avec un objectif social, en prenant en compte des objectifs d'efficacité économique. Si les accords sont signés dans cet esprit, je ne pense pas que l'on ait un risque majeur de renchérissement, d'augmentation du coût du travail en France.
Q - Il y a eu un article récent qui indiquait comment le marché commun actuel de onze - avec potentiellement cinq, six ou sept pays - a encore des problèmes à résoudre : l'un est celui des langues multiples, des difficultés de traduction, non pas de traduction en soi, mais en terme de personnel, pour traduire du grec au français, du français au finlandais, etc. Apparemment, il y a plus de traducteurs à Bruxelles qu'aux Nations unies. Comment envisagez-vous l'évolution sur ce point?
R - Etes-vous en train de suggérer.. une seule langue? (rires) Le français peut-être ? Nous pourrions arriver à un compromis là-dessus.
Je crois que le principal problème pour l'Europe, pour l'Union européenne, face à la question de l'élargissement, n'est pas la question des langues. Je crois que le problème principal est celui du processus de décision. C'est comment pouvoir réagir rapidement, prendre des décisions dans de bonnes conditions, quand vous n'êtes pas seulement 15 pays, puis 18, puis 20, puis 23, puis 25. C'est pourquoi la France a dit : nous sommes pour l'élargissement, mais nous pensons qu'il sera absolument nécessaire de réformer les institutions européennes et surtout le processus de décision en Europe, si nous voulons accueillir les nouveaux venus dans des bonnes conditions. C'est là le problème principal.
Le second est d'ordre plus philosophique, il s'agit de savoir si l'Europe, si l'Union, n'est pas seulement une communauté de 8, 9, 10 puis 15 pays qui ont décidé d'unir leurs destinées, mais est d'une certaine manière la réalité continentale de l'Europe. Si nous faisons cela, serons-nous sûrs de garder un esprit de communauté, une civilisation, qui resteront suffisants pour l'Europe. C'est très important.
En ce qui concerne les préoccupations sur les langues - vous pourriez me dire, maintenant que vous avez répondu à la question que je ne vous avais pas posée, vous pourriez peut-être répondre à celle que je vous ai posée -, pour répondre à votre question, je pense que nous pourrions résoudre les problèmes techniques de traduction. Il est vrai que la question est posée : sera-t-il nécessaire dans le futur d'avoir seulement deux ou trois langues officielles en usage en Europe ? Mais cette question n'a pas été traitée ni évidemment résolue. De toute façon, nous pensons également qu'il serait utile que les jeunes Européens apprennent plusieurs langues à l'école, au collège et au lycée, la leur et deux autres langues. Et si nous pouvons aller vers une Union plus plurilingue et multiculturelle, nous ne ferons qu'imiter votre civilisation, ce qui me semble une bonne façon de conclure cette discussion. (rires et applaudissements)
Toast lors du déjeuner offert à la résidence de France en l'honneur du Premier ministre du Canada,
M. Jean Chrétien, le 17 décembre 1998
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous accueillir, avec les personnalités et amis canadiens ici présents, dans cette ambassade bâtie par des architectes français et canadiens de renom. Edifiée alors que, par le statut de Westminster, le Canada venait d'accéder à la vie internationale, elle porte sur ses murs la mémoire des temps forts de notre histoire commune.
Ma visite répond à celle que vous-même, Monsieur le Premier ministre, aviez effectuée en janvier 1997 à Paris, où les bases d'un partenariat renforcé avaient été définies. Je suis ici pour confirmer que sa mise en oeuvre répond à notre intérêt commun.
(1) - Le Canada et la France portent, me semble-t-il, un même regard sur le monde instable qui nous entoure.
(2) - Je souhaite que nous agissions plus souvent de concert dans les enceintes multilatérales.
1 - Ce monde est instable, tant sur le plan économique et financier que sur le plan politique. La crise financière actuelle notamment en Russie et en Asie du Sud-est, née, dans une large mesure, d'une liberté excessive laissée à certaines formes de mouvements financiers, et de l'incapacité des Etats à prendre les mesures nécessaires, a mis en évidence le besoin de nouveaux mécanismes de régulation. Dans le domaine politique, la fin de l'affrontement de deux grands blocs n'a pas fait disparaître les menaces à la stabilité et à la paix. Celles-ci prennent des formes nouvelles : trafic illicite de drogue, terrorisme, violations des Droits de l'Homme et prolifération des armes menacent notre société.
Sur cette situation, le Canada et la France portent des regards proches. A cet égard, c'est avec plaisir que j'ai relevé que si le Canada a été classé premier en 1998 par le programme des Nations unies pour le développement au titre du "développement humain", il est suivi de près par la France. Ce n'est pas le fait du hasard. Nous sommes également attachés aux valeurs démocratiques, au respect des Droits de l'Homme, au progrès de l'Etat de droit dans le monde. Vous y êtes particulièrement sensible, Monsieur le Premier ministre, vous qui avez en l982, pris part personnellement à l'élaboration de la Charte canadienne des droits et libertés. La sécurité est aussi un droit fondamental des citoyens j'en suis convaincu. C'est la même préoccupation qui vous anime, - et que je partage - lorsque vous appelez les Etats à se mobiliser pour défendre la "sécurité humaine " contre les dangers nouveaux qui la menacent.
Votre pays et le nôtre entendent ainsi être actifs sur le front du désarmement et de la non-prolifération. Vous avez été en première ligne lorsqu'il s'est agi d'interdire la production, l'emploi et l'exportation des mines antipersonnel, avec le plein soutien de mon gouvernement. Charles Josselin, qui m'accompagne aujourd'hui, est venu ici même signer au nom de la France la Convention d'Ottawa, qui marque un progrès considérable vers un monde plus sûr.
Nous travaillons également coude à coude à la Conférence du désarmement de Genève, dans la perspective du lancement prochain des négociations sur un Traité d'interdiction de la production de matières fissiles pour des armes nucléaires.
Nous avons aussi une approche comparable des relations internationales. Celle-ci doit rester fondée sur le principe de la souveraineté des Etats et le respect des identités culturelles. Les conflits internationaux ou régionaux doivent être réglés de façon pacifique, par la négociation. Les grandes organisations internationales à caractère universel ont, dans ce cadre, une responsabilité accrue. Il nous incombe de les renforcer et de leur donner les moyens de poursuivre leur action : les Nations unies en faveur du maintien de la paix, le FMI en vue d'assurer la stabilité monétaire et financière, l'Organisation mondiale du commerce pour stimuler et réguler les flux commerciaux.
2 - Forts de ces convergences, nos deux pays doivent agir plus étroitement ensemble.
Ensemble, nous affirmons une présence forte dans de nombreuses enceintes internationales, et au premier chef, les Nations unies. Je tiens à saluer votre entrée au Conseil de sécurité, pleinement méritée. Nous pourrons y mener une concertation suivie. Le Conseil de sécurité, garant de la paix et de la sécurité internationales, doit rester le lieu central de la décision de la communauté internationale en matière de maintien de la paix. La Charte lui en donne la légitimité et la réalité de ces dernières années a montré qu'il en avait acquis la capacité. Nous aurons l'occasion d'en reparler, entre Alliés, dans le cadre des discussions préparatoires au Sommet de l'OTAN à Washington.
Nous avons évoqué ensemble, ce matin, la nécessité de renforcer l'architecture financière internationale, pour assurer les conditions d'une croissance stable et durable. Le Fonds monétaire international doit en constituer la pierre angulaire.
Pour sa part, l'OMC, dont nous avons soutenu ensemble la création, voit croître son rôle d'élaboration des règles commerciales internationales. Le nombre des litiges qui sont portés devant elle témoigne de l'importance et de l'efficacité de son mécanisme de règlement des différends. Le G8, dont la France et le Canada sont également tous deux membres, est un des cadres où nous pouvons poursuivre notre concertation.
Enfin, nous attachons l'un et l'autre une importance particulière à la Francophonie. Le Canada accueillera à Moncton le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui sera consacré à la jeunesse. Je sais que vous préparez cette échéance avec beaucoup d'enthousiasme.
Ainsi le Canada et la France auront dans les moins à venir à coopérer dans de nombreux domaines. Des négociations commerciales doivent s'ouvrir à partir de l'an 2000 à l'OMC. Nous nous retrouverons sans doute dans les actions de maintien et de consolidation de la paix, où l'attitude du Canada est exemplaire. La rénovation du système monétaire et financier international pourrait nous réunir, si j'en crois les propositions faites récemment par votre ministre des Finances. Le soutien au développement, pour lequel notre dispositif de coopération rénové à beaucoup de points communs avec votre ACDI (Agence canadienne de développement international), l'affirmation du pluralisme et des identités culturelles que j'évoquais plus longuement hier soir, la lutte contre le terrorisme, fléau qui suppose que tous les pays renforcent leur législation interne : nous devrons être prêts à joindre nos efforts sur tous ces grands sujets.
De même, au sein de l'Alliance atlantique, nous pourrions utilement travailler ensemble à la préparation du Sommet du Cinquantenaire. Pour le président de la République et pour le gouvernement, il sera l'occasion de redéfinir les objectifs et les conditions de la sécurité en Europe. Une réflexion est en cours sur ce sujet entre pays européens. Je ne verrais que des avantages à ce que nous puissions poursuivre les échanges que nous avons eus ce matin sur l'avenir de la sécurité du Vieux Continent, à laquelle vous contribuez depuis le début de ce siècle.
Il y faudra des rencontres plus intenses entre nos représentants dans les organisations internationales, des échanges de vues plus fréquents entre les principaux responsables français et canadiens. Tel est bien l'objectif des textes que nous venons d'adopter, et tout particulièrement du programme d'action commun qui constituera le cadre rénové de cette coopération plus étroite.
Je lève mon verre au Canada, à la France, au partenariat et à l'amitié franco-canadienne.
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Allocution devant les chefs d'entreprise canadiens, le 17 décembre 1998
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de dialoguer avec la communauté d'affaires de Toronto, capitale financière du Canada. J'ai souhaité vous rencontrer ici pour souligner l'intérêt que nous portons au développement de nos relations économiques avec l'ensemble du Canada.
Après avoir évoqué le rôle que l'Europe, et en Europe, la France, veulent jouer dans l'économie mondiale, je soulignerai ce qui rapproche mon pays du vôtre. Je répondrai ensuite bien volontiers à vos questions.
(I) Pôle de stabilité et de croissance, l'Europe souhaite prendre part à l'élaboration d'une nouvelle régulation économique internationale.
(II) Puissance industrielle et terre d'accueil des investissements étrangers, la France entend conjuguer progrès social et croissance économique
(III) Forts de relations économiques étroites et d'approches politiques convergentes, la France et le Canada peuvent peser ensemble dans les négociations multilatérales.
I.- L'Europe est un pôle de stabilité et de croissance ; elle veut prendre part à l'élaboration d'une nouvelle régulation économique internationale.
L'avènement de l'euro, notre monnaie unique, en janvier prochain, a mis l'Europe à la une des médias nord-américains. Mais nombreuses sont les raisons qui justifient que l'Europe garde dans vos esprits sa place d'acteur essentiel sur la scène mondiale et de premier partenaire de l'Amérique du Nord.
Dans le contexte de la crise économique et financière internationale, l'Europe apparaît aujourd'hui comme un pôle de stabilité et de croissance.
Le PIB des quinze pays de l'Union européenne équivaut à celui des Etats-Unis et du Canada réunis. Première puissance commerciale du monde, l'Europe se compare aussi à l'Amérique du Nord quant à l'accueil des investissements étrangers.
Une trop faible croissance et un chômage très élevé ont été au cours des dernières années ses principales faiblesses. Si les progrès dans le domaine de l'emploi sont encore insuffisants, la conjoncture économique européenne est aujourd'hui plus favorable. A ce jour, les prévisions de croissance du PIB des pays de l'Union européenne sont de l'ordre de 2,8 % cette année, selon l'OCDE. Bien que légèrement inférieure en 1999, la croissance permettra l'an prochain de poursuivre la baisse du chômage. L'évolution politique de l'Europe nous permet d'envisager avec confiance les prochaines années dans ces deux domaines. Nos pays ont consacré beaucoup d'efforts à la réalisation de la monnaie unique et au redressement de leurs finances publiques. Ils entendent désormais développer des politiques économiques et sociales mieux coordonnées pour favoriser une croissance forte et créatrice d'emplois.
Assurée de sa stabilité, l'Europe veut prendre part à l'élaboration de nouvelles régulations économiques internationales. L'euro constituera rapidement, au côté du dollar américain une deuxième monnaie de transaction et de réserve. Son introduction favorisera l'émergence d'un système monétaire international plus stable, fondé sur une coopération étroite entre les principales zones économiques. Certes, nous ne mettrons pas fin aux fluctuations des changes, qui se produisent entre des ensembles dont les conjonctures diffèrent. Il nous faudra pourtant prévenir des mouvements excessifs et perturbateurs, et éviter les désalignements majeurs des monnaies par rapport aux fondamentaux économiques.
Les crises récentes ont démontré que la globalisation de l'activité économique et la mondialisation des marchés financiers requièrent, pour en récolter les fruits comme pour en maîtriser les excès, une globalisation parallèle des politiques. Il ne saurait y avoir d'économie mondiale sans régulation mondiale. Limiter les excès spéculatifs, renforcer les règles prudentielles, reconstruire autour du FMI un système monétaire international plus fort et plus légitime sont des objectifs nécessaires. A travers le monde, ce diagnostic paraît maintenant partagé. La France a fait des propositions pour avancer ensemble dans cette voie, en liaison avec ses partenaires européens. Ces propositions ont été approuvées, la semaine dernière, au Conseil européen de Vienne.
II.- Puissance industrielle et terre d'accueil des investissements étrangers, la France entend conjuguer progrès social et croissance économique.
Je voudrais que vous ayez une idée juste de la France : celle d'un pays prospère et dynamique, attractif et innovant, fort de ses atouts, conscient de ses faiblesses mais déterminé à y remédier.
La France maintien fermement sa position de quatrième puissance économique mondiale. Elle est le deuxième producteur de services. En Europe, elle se place au deuxième rang, derrière l'Allemagne mais sensiblement devant la Grande-Bretagne et l'Italie. Le niveau de vie de mes concitoyens, leur éducation et leur espérance de vie sont parmi les plus élevés du monde.
Nos performances technologiques vous sont connues dans les secteurs de l'aéronautique, des télécommunications, des transports, de l'énergie, des services aux collectivités locales, de même que la qualité des produits de consommation français. Mais, c'est aujourd'hui dans les nouvelles technologies de l'information que le rattrapage de la France est le plus spectaculaire. Mon gouvernement a pleinement engagé le pays dans la révolution d'Internet.
La France est une économie ouverte sur l'extérieur, quatrième exportateur mondial, deuxième pour les services de l'agro-alimentaire. Les entreprises françaises ont, au cours des deux dernières décennies, acquis des positions très fortes sur la scène internationale. En 1997, l'excédent de la balance des paiements courants de notre pays était d'environ 65 milliards de dollars canadiens, représentant 3,2 % du PIB. Les résultats seront également bons en 1998.
Cette capacité de mon pays est un facteur essentiel de l'attrait qu'il exerce pour les opérateurs économiques. Ce ne sont pas seulement les touristes qui le plébiscitent chaque année. La France est, en effet, la troisième destination mondiale des investissements directs. Les entreprises étrangères, au premier rang nord-américaines, mais aussi japonaises, font le choix de la France parce qu'elles savent qu'elle y bénéficient, au coeur du marché européen, d'infrastructures de transport et de télécommunications de qualité, de partenaires industriels de haut niveau technologique, de services publics performants, et surtout d'une main d'oeuvre efficace et très qualifiée.
Mon gouvernement entend mener de front modernisation économique et progrès social. Au cours de la dernière année, nous avons réduit le déficit public - moins vite que le Canada j'en conviens. Nous avons stabilisé le niveau des prélèvements obligatoires, et nous le baisserons dès que possible. Nous avons, je crois, rétabli la confiance. Avec elle est revenue une croissance économique plus forte (3,1 % en 1998), fondée sur la consommation intérieur et l'investissement, saine, et, je l'espère, durable. Nous avons réduit le chômage des jeunes, encouragé la réduction négociée du temps de travail, et bien engagé le retour à l'équilibre de nos comptes sociaux.
La création d'emplois est au coeur des préoccupations de mon gouvernement. Le chômage, malgré une baisse continue depuis un an, demeure encore trop élevé, à 11,6 %. L'objectif prioritaire de le réduire s'inscrit dans un projet politique d'ensemble : nous voulons une société moderne qui n'oppose pas efficacité économique et justice sociale, mais qui fonde l'une sur l'autre.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le passage aux 35 heures, auquel l'Etat a donné une impulsion. Il entraîne actuellement le développement d'une grande vague de négociations entre les partenaires sociaux, au sein même des entreprises, d'où ressortiront des créations d'emplois mais aussi plus de souplesse dans le fonctionnement de l'appareil de production. Car, contrairement à ce que je lis parfois, personne ne sera obligé de travailler exactement 35 heures. La durée légale du travail doit être distinguée de sa durée moyenne effective, dont j'observe qu'elle est quant à elle, de 34,6 heures aux Etats-Unis.
Les 35 heures sont en réalité un outil de modernisation qui conjuguera évolution de l'appareil productif et progrès social. Elles ne constituent pas une panacée, mais doivent être replacées dans le cadre d'un ensemble de mesures macro-économiques, monétaires et budgétaires, du choix de la priorité accordée au travail des jeunes, et d'une politique concertée centrée sur l'emploi au sein de l'Union européenne.
C'est dans une France moderne que nous souhaitons vivement vous accueillir, vous et vos entreprises, à l'instar d'autres entreprises internationales.
J'attache en effet beaucoup d'importance aux relations de la France avec votre pays.
III.- Forts de relations économiques étroites et d'approches politiques convergentes, la France et la Canada peuvent peser ensemble dans les négociations multilatérales.
Dans le domaine économique, vous savez que nos deux pays ont depuis toujours des échanges commerciaux significatifs. La France est le septième fournisseur du Canada. Au cours des dix dernières années, malgré le développement des échanges commerciaux du Canada avec son grand voisin, les Etats-Unis, la part de marché de la France dans votre pays n'a pas diminué. Plus que les échanges de marchandises, les investissements de nos entreprises au Canada, et de vos entreprises en France, inscrivent dans la durée des relations économiques fortes et équilibrées entre nos deux pays.
La France est le 5ème investisseur étranger au Canada. Ses entreprises y comptent plus de 300 filiales et emploient près de 60.000 Canadiens. Je souhaite qu'elles poursuivent leur développement, en particulier en Ontario et dans l'Ouest canadien. Malgré la réussite de grandes entreprises - Lafarge, Air Liquide, Pasteur-Mérieux ou AXA - elles n'y ont pas encore pris la place qui devrait être la leur.
La coopération franco-canadienne n'est naturellement pas limitée aux relations commerciales construites par les entreprises de nos deux pays.
Sur un plan plus politique, nos deux pays ont une approche largement comparable de l'état du monde et de l'organisation des relations internationales. Nous sommes également attachés aux valeurs démocratiques, au respect des Droits de l'Homme au progrès de l'Etat de droit. Nous veillons ensemble à ce que votre gouvernement appelle la "sécurité humaine". Nous travaillons côte à côte pour le maintien de la paix à travers le monde.
La contribution de nos deux pays aux principales organisations économiques internationales, qu'il s'agisse de l'Organisation mondiale du commerce, de l'OCDE, du FMI ou du G8, traduit une vision commune : celle d'un monde que nous voulons multipolaire et respectueux de la diversité des cultures. Nos deux gouvernements sont résolus - c'était ce matin un des thèmes de mon entretien avec M. Jean Chrétien - à développer encore notre coopération de ces enceintes, afin de promouvoir des principes et nos intérêts communs.
La France et le Canada peuvent peser ensemble dans le même sens dans les négociations multilatérales. L'enjeu pour les années à venir est considérable. La crise des pays émergeants nous invite à repenser l'architecture financière internationale et commerciale.
Nous reprendrons à partir de l'an 2000 des négociations commerciales multilatérales. La France les abordera, comme le Canada, avec un double objectif : d'abord, approfondir un mouvement multilatéral de libéralisation des échanges qui, au-delà des initiatives régionales, offre à nos entreprises un cadre homogène et prévisible pour le développement de leur activité commerciale et de leurs investissements ; ensuite, fixer des règles équitables pour tous.
L'Organisation mondiale du commerce est encore une jeune organisation. Elle n'en a pas moins fait la preuve de sa capacité à lutter contre les tentations du protectionnisme et les mesures commerciales unilatérales ou d'application extra-territoriale que nos deux pays dénoncent conjointement. Comme le Canada, la France est favorable à la mise en oeuvre d'un cadre multilatéral permettant le développement des investissements, dans le respect de la souveraineté des Etats. Les politiques culturelles nationales, garantes de la préservation de nos identités et de leur diversité, relèvent de cette souveraineté. L'OMC est l'enceinte adaptée à une telle négociation, la seule susceptible, par ses méthodes éprouvées, de prendre pleinement en compte les préoccupations de l'ensemble des participants y compris celles des pays en développement. Ce n'était pas le cas de la négociation de l'accord multilatéral sur l'investissement, l'AMI, à l'OCDE. C'est notamment pourquoi nous avons choisi, comme le Canada, d'y mettre fin.
La concertation entre nous est essentielle sur tous ces thèmes. L'Union européenne y est, je le sais, disposée. Je souhaite que la préparation de ces échéances commerciales multilatérales soit au coeur du Sommet euro-canadien qui s'ouvrira à Ottawa dans deux jours, comme elle l'est dans nos discussions avec les Etats-Unis.
Voilà, Mesdames et Messieurs, quelques-unes des idées à partir desquelles je voulais ouvrir notre dialogue. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
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Entretien avec la chaîne de télévision " CBS NEWSWORLD " le 17 décembre 1998
Q - (Sur la situation en Iraq)
R - Nous avons déclaré que nous déplorions l'engrenage qui a conduit aux frappes américaines, lesquelles auront certainement des conséquences humaines ; en même temps nous regrettons que les dirigeants iraquiens n'aient pas rempli leurs obligations et n'aient pas respecté l'accord qui avait été signé entre Tarek Aziz et le Secrétaire général des Nations unies. Le respect de cet engagement aurait conduit, éventuellement, à un examen global de la situation. Le problème, maintenant, est : que faisons-nous après les frappes ? Il nous faudra de toute façon trouver une solution au problème iraquien.
Q - Y a-t-il une solution du problème iraquien tant que Saddam Hussein est au pouvoir ?
R - Ecoutez, je ne saurais le dire. De toute façon nous aurons à résoudre ce problème : et le résoudre signifie clairement que les dirigeants iraquiens doivent respecter leurs engagements et leurs obligations vis-à-vis des Nations unies. Nous aurons ensuite à proposer, éventuellement, une solution pour l'avenir, une solution qui permette à l'Iraq de réintégrer la communauté internationale ; pour cela, il est clair que l'Iraq doit éliminer les risques qu'entraîne son arsenal.
Q - (Optimisme quant à un changement d'attitude de Saddam Hussein)
R - Je n'en suis pas sûr, non. Je ne saurais le dire actuellement. Mais je ne suis pas certain que les frappes résoudront la question. Et que faisons-nous, ensuite, une fois les frappes terminées ? C'est la question.
Q - (Coopération France/Grande-Bretagne en matière de défense, défense européenne : compatibilité avec les actions unilatérales des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne dans le cas de l'Iraq)
R - Je crois que les calendriers sont différents. Nous faisons face aujourd'hui à une crise. Les Britanniques agissent, ils ont leurs propres règles. Quant à nous, vous le savez, nous ne participons pas à ces frappes.
Les discussions de Saint-Malo portaient sur l'avenir et les possibilités offertes par le Traité d'Amsterdam. Nous avons un objectif de politique de défense et de sécurité commune, et nous travaillons dans ce sens. C'est donc un processus à long terme. Je ne vois pas, par conséquent, de contradiction entre le fait que deux Etats, deux Etats européens, puissent réagir aujourd'hui différemment à une crise ouverte, et le fait que les Européens dans leur ensemble s'efforcent d'édifier progressivement, dans le respect de l'Alliance atlantique et de sa réalité, une politique commune et une capacité d'action commune.
Q - Dans un tel cadre, les Britanniques ne pourraient se joindre aux Américains sans l'accord de tous les Européens ?
R - Non, non. Nous n'en sommes pas là. La prochaine étape, pour l'Europe, c'est l'euro. C'est-à-dire une étape économique et monétaire. Ce n'est pas une étape militaire. Le projet de défense commune porte sur l'avenir : mais dans l'immédiat, le présent de l'Europe, c'est la mise en oeuvre de l'euro, comme nous l'avons toujours dit, à la date prévue, le 1er janvier prochain. C'est cela, la réalité européenne. Le reste est encore en discussion, une discussion utile bien sûr, mais qui ne nécessité pas de décision aujourd'hui même.
Q - Auriez-vous préféré une résolution du Conseil de sécurité avant les frappes ?
R - Ecoutez, c'est pour nous une question de principe, puisqu'il s'agit de donner une légitimité à l'usage de la force... Il faut une décision des Nations unies, car c'est cette institution qui dit le droit international, c'est elle qui représente la communauté internationale des nations. Ceci est pour nous d'une grande importance. Il faut, c'est une réalité, une résolution du Conseil de sécurité pour agir.
Pour leur part, les Etats-Unis estiment en l'occurrence s'être fondés sur une résolution : mais il n'en reste pas moins que la question de principe est très importante pour nous.
Q - (L'arrangement de novembre dernier était donc insuffisant pour la France qui souhaitait une autre résolution)
R - Pardonnez-moi, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'entrer à ce niveau de détail maintenant, pour notre discussion.
Q - France/Canada : la France considère le Canada économiquement comme "un" : l'est-il aussi politiquement ?
R - Ecoutez, si vous parlez économie, je vous répondrai économie. Il y a de nombreuses entreprises - de grandes entreprises - et des PME qui investissent aujourd'hui au Canada. Il est vrai que bien souvent elles commencent par intervenir au Québec, mais il arrive aussi qu'elles opèrent à plus grande échelle et c'est un point très important.
Le fait que je me rende à Toronto cet après-midi pour prendre la parole devant les milieux d'affaires est également un symbole de notre capacité à être présents et actifs sur le marché canadien.
En même temps, la France étant, je vous le rappelle, la troisième destination d'investissements étrangers au monde, nous sommes ouverts aux sociétés canadiennes qui souhaitent s'installer en France. Certaines le font d'ailleurs très bien.
Par conséquent si nous parlons économie, je vous suis tout à fait ; si vous souhaitez parler politique, n'attendez de moi aucune espèce d'ingérence.
Q - (Sur l'éventuelle reconnaissance d'un Québec indépendant par la France puis la Francophonie)
R - En diplomatie, vous le savez, il est déjà difficile de commenter les événements en cours : commenter des événements qui ne se sont pas encore produits relève de l'impossible.
Q - (L'attitude de la France en cas de nouveau référendum serait donc la même : non-indifférence mais non-ingérence)
R - La question du référendum appartient aux Québécois et aux Canadiens : elle ne se pose pas à la France. En conséquence nous observerons les évolutions de la vie politique canadienne, l'attitude des différents protagonistes, puis la France aura à se déterminer, si tant est qu'elle doive le faire.
Q - (Sur la cohabitation - les intentions du Premier ministre pour l'élection présidentielle)
R - Ma seule intention est de diriger le gouvernement et de conduire les affaires du pays, dans le cadre de mes responsabilités, qui sont celles du chef du gouvernement. Vous savez, mes parents m'ont toujours dit que ce que j'avais de mieux à faire était de faire mon travail, celui que j'avais à faire. Mon travail est d'être Premier ministre, je suis entièrement et uniquement un Premier ministre.
Q - (Relation avec le président de la République, bons rapports)
Vous savez, je crois que Jacques Chirac et moi-même sommes des gens tout à fait normaux, nos rapports en tant qu'individus sont cordiaux, et simples. S'agissant de diplomatie et de politique étrangère, le président de la République a un rôle éminent, et le gouvernement et le président de la République préparent et prennent les décisions en commun. En conséquence la France parle d'une seule voix. C'est ce que vous pouvez observer depuis dix-huit mois en matière européenne et internationale. Il n'y a jamais de désaccord entre le gouvernement et le président. En ce qui concerne nos affaires intérieures - économie, questions sociales, environnement, restructurations industrielles, culture, agriculture - eh bien, elles sont de la responsabilité du gouvernement. C'est notre entière responsabilité et nous agissons.
Allocution lors du lancement de la banque de programmes et de services, le 18 décembre 1998
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres
Chers amis,
Je trouve que c'est une bonne chose et comme un symbole que nous fêtions à la fois le trentième anniversaire de l'Office franco-québécois pour la jeunesse et que nous mettions en place cet instrument nouveau grâce à l'action de Robert Normand (président de Télé-Québec - NDLR) et de Jérôme Clément. Cela marque que la culture n'est pas l'exercice de la nostalgie, c'est la capacité au contraire à projeter dans l'avenir des valeurs, des créations, des identités, de façon à ce qu'elles restent vivantes.
Quand je suis arrivé aux responsabilités, je me suis rendu compte que la France, malgré le rôle pionnier qu'elle avait pu jouer dans le domaine des nouvelles technologies, notamment avec le développement du minitel, était peut-être en train de rater la révolution internet. Quelques mois après, effectivement, à Hourtin, dans le sud-ouest de la France, j'ai lancé un programme d'action gouvernementale pour l'entrée de la France dans la société de l'information.
A la suite de cela, l'ensemble des administrations françaises, grâce à la mobilisation des ministres, le ministre de l'Education nationale tout particulièrement, mais bien sûr aussi grâce aux entreprises publiques et privées, se sont engagées dans cette révolution internet, et la France est en train de rattraper son retard à une vitesse considérable, d'autant que, par ailleurs, les micro-ordinateurs se développent comme produits de consommation évolués dans la population française. Je pense donc que de ce point de vue la relation franco-québécoise est à l'unisson. Elle n'est pas simplement tournée vers le passé, elle intègre ce passé, mais elle ne le cultive pas et elle ne s'y enferme pas. Je crois au contraire que la modernité du Québec est ce qui nous frappe tous, et la capacité de la France aussi à être moderne est quelque chose que je me suis efforcé de valoriser pendant ces quelques jours que nous avons passés ici.
Je suis frappé de voir que sur les 400 sites que nous avions prévus en France au titre de la banque de programmes, dix neuf sont, au bout du compte, situés au Québec, ce qui n'est pas exactement en France, j'en conviens.
Nous avions prévu 3000 programmes audiovisuels, ils sont plus de 5000 et un cinquième provient de Télé Québec. Je veux donc vraiment vous féliciter pour la capacité que vous avez eu à mener ce projet novateur.
Naturellement tout cela ne peut vivre que s'il y a non seulement des moyens techniques performants mais aussi des hommes, des femmes, des éducateurs, des enseignants, des gens qui créent et maîtrisent le savoir pour servir ces techniques, ou plus exactement pour mettre ces techniques à leur service et au service des utilisateurs qui, en l'espèce, sont les jeunes dans les écoles.
Nous sommes en train de constater que ces moyens techniques ne tuent pas l'information et la culture mais au contraire permettent de la valoriser extraordinairement en allant la rechercher partout où elle paraissait enfouie et oubliée. Nous constatons aussi que potentiellement l'image ne tue pas le texte, mais au contraire permet de réhabiliter le texte, et donc nous sommes en train de sortir d'un certain nombre de blocages, de tabous et de préjugés, et nous ne pouvons le faire que parce qu'il y a des hommes et des femmes comme vous, Madame, qui portez cela de façon vivante notamment dans les classes mais plus largement dans la population.
En conclusion, je suis très heureux de me trouver dans ce cybercafé pour participer à ce lancement au côté de Lucien Bouchard que j'ai retrouvé, vous le savez, au Québec, avec grand plaisir.
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Allocution devant la communauté française, le 18 décembre 1998.
Mes chers compatriotes,
Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de vous rencontrer, à Montréal, deuxième ville francophone du monde. Vous êtes nombreux à avoir répondu à notre invitation : j'adresse un salut particulier à ceux qui, pour être présents aujourd'hui, n'ont pas hésité à traverser ce vaste pays. Je voudrais également remercier vos représentants au Conseil supérieur des Français de l'étranger, qui jouent un rôle irremplaçable en relayant vos préoccupations et en explorant les pistes pour y répondre.
L'ample délégation venue avec moi à votre rencontre - membres du gouvernement, parlementaires, chefs d'entreprises - témoigne de l'intérêt que vous suscitez et de l'attention que vous méritez.
I - Comptant plus de 150.000 personnes, la communauté française au Canada est l'une des plus importantes collectivités expatriées de notre pays. Son enracinement, en particulier sur les deux rives du Saint Laurent, est ancien et important. Il doit bien entendu beaucoup aux liens que l'histoire a tissés entre la France et le Canada : les Français ne sont-ils pas l'un des deux peuples fondateurs de ce pays ? Les Canadiens, pour leur part, n'ont jamais compté leur aide à la France à l'heure des épreuves : la célébration du quatre-vingtième anniversaire de l'Armistice de 1918 vient de nous rappeler le lourd tribut qu'ils ont payé à nos côtés pour notre de la liberté.
Par-delà les fondements historiques, l'intimité entre nos deux peuples se nourrit aujourd'hui de l'attrait exercé par le Canada moderne, et naturellement par le Québec, sur nos compatriotes. Ce sont là, bien sûr, des terres traditionnelles d'accueil puisqu'on y dénombre près de 80 communautés d'origine étrangère. Mais les Français qui viennent s'établir ici, y travailler, voire y faire souche, répondent surtout à l'appel d'un pays moderne, créatif et accueillant, qui construit avec ténacité une société ouverte et pluraliste, animée par l'esprit d'entreprise, et une économie dynamique à la pointe des nouvelles technologies.
Je suis fière de noter la présence parmi nous de nouveaux compatriotes devenus récemment Français par déclaration. Qu'ils soient remerciés d'avoir choisi la France et convaincus de la joie particulière que nous ressentons à les accueillir dans la communauté nationale. Ils sont un témoignage vivant de l'attrait que continue d'exercer notre pays.
Le dynamisme de votre communauté a peut-être contribué à leur choix. Depuis trois jours, à Ottawa, à Toronto comme ici à Montréal, je perçois une communauté française active, engagée dans le développement de nos échanges économiques, technologiques et financiers. Cette rencontre d'aujourd'hui me donne l'occasion de constater une fois encore votre vitalité. Français de Montréal ou d'ailleurs, vous démontrez par votre présence et votre activité dans tous les secteurs (petites et moyennes entreprises, enseignement et universités, milieux des arts et de la culture, commerce) votre capacité à assurer, ici, le rayonnement de la France et à participer depuis l'étranger à son développement économique et social.
Je m'en réjouis, et je tiens à vous témoigner l'importance que mon gouvernement attache au maintien de liens étroits avec tous les Français établis à l'étranger. Nous continuerons, avec le concours de notre représentation diplomatique et consulaire et de vos représentants, à rechercher des solutions à vos préoccupations. Celles-ci ont été récemment évoquées à l'occasion de la réunion consulaire en présence des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) résidant au Canada.
II - Le gouvernement entend vous aider par des mesures concrètes à rester un lien précieux entre la France et le Canada.
J'ai eu le plaisir, en septembre dernier, de dialoguer avec les sénateurs représentants les Français de l'étranger et avec l'ensemble des délégués du CSFE, en suivant à Paris les travaux de leur 51ème assemblée plénière. Je les ai écoutés, longuement, et j'ai avancé, en concertation avec Hubert Védrine, le ministre des Affaires étrangères, plusieurs propositions et initiatives qui visent à répondre à vos attentes.
Concernant l'aide et la protection sociales tout d'abord, un effort très substantiel sera consenti dans le budget de 1999 : près de 7 millions de francs sont programmés en mesures nouvelles pour l'action sociale sous ses différentes formes dans le projet de loi de finances, en augmentation de plus de 10 % par rapport aux crédits du budget 1998.
Dans le cadre de la loi sur la lutte contre l'exclusion, votée par le Parlement français en juin dernier, la représentation nationale avait demandé qu'un rapport sur la situation matérielle des Français de l'étranger confrontés à l'exclusion lui soit présenté. Car l'image idyllique du Français vivant à l'étranger ne correspond pas toujours, loin s'en faut, à la réalité de la situation de certains de nos compatriotes. Aussi ai-je décidé de charger l'une de vos représentantes, Madame la Sénatrice Monique Cerisier-Ben Guiga, de me remettre dans les mois prochains un rapport sur ce sujet.
Mon gouvernement a entendu également la demande de protection sociale de nos compatriotes de l'étranger : celle-ci a été prise en compte dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie. Madame la Ministre de l'Emploi et de la Solidarité a confié à l'Inspection générale des Affaires sociales une mission sur la réforme du régime volontaire d'assurance maladie géré par la Caisse des Français de l'étranger, à laquelle je vous sais très attachés. D'ores et déjà, l'effort qui sera consenti par le gouvernement en 1999 à une aide directe aux Français de l'étranger en difficulté s'élèvera à plus de 330 millions de francs : 109 millions de francs au titre de l'effort d'assistance dans le projet de loi de finances de 1999 ; plus de 7 millions de francs au titre de l'emploi et de la formation professionnelle à l'étranger, soit 20 % de plus par rapport à 1998 ; 217 millions de francs pour les bourses scolaires en 1999, soit 10 % d'augmentation par rapport à 1998.
La scolarité des enfants de nos compatriotes à l'étranger constitue, légitimement, l'une des préoccupations principales des communautés expatriées. Au-delà de la question fondamentale du financement des bourses scolaires que je viens d'évoquer, je sais que vous êtes attachés à la qualité de notre enseignement à l'étranger et favorables à une implication plus grande du ministère de l'Education nationale. Claude Allègre y est prêt, et un dialogue actif est engagé avec le ministre des Affaires étrangères pour déterminer les modalités de cet engagement renforcé.
Par ailleurs, un effort significatif a été fait pour mieux informer les Français et, plus largement, l'ensemble des usagers de nos services consulaires. Alors que se développe l'usage des technologies de l'information - domaine dans lequel votre pays d'accueil excelle tout particulièrement -, l'amélioration des conditions d'information des Français de l'étranger est devenue à la fois plus nécessaire et plus réalisable. La modernisation de l'Etat, qui constitue l'une des orientations essentielles de mon gouvernement, doit se faire au bénéfice de tous les Français, y compris de ceux qui, comme vous, ont choisi de s'installer hors de nos frontières. Le développement des sites Internet dans les Consulats de France participe de cet effort de modernisation, en permettant l'accès immédiat et direct des communautés françaises expatriées à des informations détaillées et régulièrement mises à jour. Aujourd'hui, cinq des six implantations que nous avons au Canada ont développé leur site propre.
Vous savez par ailleurs que la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a supprimé l'obligation du service national, qui est devenu volontaire. Le recensement des jeunes nés après le 31 décembre 1978 reste cependant obligatoire. Les ministères de la Défense et des Affaires étrangères étudient actuellement, en étroite concertation avec vos représentants, les modalités de l'application, à l'étranger, de l'appel de préparation à la défense en vigueur depuis octobre en France.
Enfin, nous nous préoccupons naturellement de la recherche d'emploi de nos compatriotes nouvellement arrivés, notamment sur Montréal : ils sont assurés d'un accueil adapté, tant par les services de l'Office des migrations internationales, que par ceux de l'Agence montréalaise pour l'emploi.
Mesdames et Messieurs,
Votre communauté constitue un lien précieux entre la France et le Canada. L'an prochain se tiendra à Moncton, non loin d'ici, le Sommet de la Francophonie auquel le président de la République participera. Je me réjouis que notre rencontre m'ait permis de vous apporter à tous, Français du Canada, du Québec et de Montréal, le salut fraternel et amical de la France et de son gouvernement.
Joyeux Noël et meilleurs voeux à tous.
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Allocution lors d'un déjeuner-conférence avec les hommes d'affaires, le 18 décembre 1998.
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents de Chambre de Commerce.
Mesdames, Messieurs,
Première métropole francophone hors de France, Montréal offre le visage du dynamisme et de la modernité du Québec. Je suis donc très heureux de pouvoir évoquer devant les représentants d'entreprises québécoises l'avenir des relations entre la France et le Québec.
Longtemps, le volet économique de ces relations resta décevant. Celles-ci, renouées après de longues années d'oubli, furent d'abord centrées sur l'éducation et la culture. Le Québec était en pleine renaissance, bâtissant son nouveau système éducatif, assurant la promotion de sa langue, s'employant à répondre aux attentes d'une jeunesse avide de découvrir le monde et d'assurer son identité.
Aujourd'hui, parce que la France et le Québec ont des économies modernes et performantes, parce qu'ils sont intégrés dans les deux plus grands marchés du monde, parce que la volonté de leurs gouvernements est d'accompagner et de stimuler leurs échanges, ils s'engagent dans un partenariat renouvelé.
I. La France et le Québec ont su faire preuve de modernité et de compétitivité.
La France, quatrième puissance économique du monde, avec un produit intérieur brut de 2.200 milliards de dollars canadiens, enregistre cette année une croissance de 3,1 %. C'est une des plus fortes de l'OCDE. Portée par la reprise de la consommation et par la vigueur de l'investissement, l'économie française aura créé 300 000 emplois en 1998.
La France est une terre d'accueil pour les investissements étrangers : la troisième du monde pour le flux des investissements directs, après les Etats-Unis et la Chine. Pleinement intégré à l'économie mondiale, dont il est le quatrième exportateur et le quatrième importateur, notre pays a su s'adapter à la compétition internationale. L'excédent de sa balance des paiements courants, près de 65 milliards de dollars canadiens en 1997, en témoigne. La France offre en outre aux entreprises un environnement favorable. Qualité exceptionnelle de ses infrastructures, dynamisme de son marché financier, haut niveau de sa technologie, appuyée sur un potentiel de 300.000 chercheurs et attestée par les réussites du TGV, que vous aurez, je l'espère, l'occasion d'emprunter un jour au Canada, les succès d'Ariane, d'Airbus ou de la carte à puce : les investisseurs connaissent ces atouts, comme ils apprécient l'excellente qualification de notre main d'oeuvre.
Mon.pays s'est maintenant engagé avec force, dans le développement des nouvelles technologies de l'information. Mon gouvernement a élaboré un plan, ambitieux et cohérent, de promotion des inforoutes et des technologies qui s'y attachent. Les entreprises, bien sûr, mais aussi le système éducatif ont amorcé la révolution d'Internet.
Les succès du Québec ne sont pas moins remarquables : une véritable mutation s'est accomplie dans votre économie en moins de quarante ans. Riches d'un vaste territoire aux ressources considérables mais encore peu exploitées, vous l'avez mis au service de votre développement. Vos réalisations sont parfois spectaculaires, comme celles de la Baie James. Vous vous êtes tournés résolument vers les nouvelles technologies : Montréal est devenue une capitale de l'aéronautique. Bombardier, qui est désormais l'un des premiers avionneurs civils du monde, en est l'emblème. Les biotechnologies y sont présentes, comme les nouvelles technologies de l'information, qui représentent aujourd'hui, je crois, plus de 3.400 entreprises et 80.000 emplois.
Ces mutations aussi rapides que profondes auraient pu mettre à mal le tissu de la société québécoise. Vous êtes parvenus cependant à préserver les valeurs de concertation et de solidarité, y compris dans le domaine économique. Je pense notamment au Mouvement des Caisses Desjardins, réseau coopératif bâti par trois générations de Québécois mais aussi à la qualité et à l'originalité du dialogue entre vos partenaires sociaux.
L'organisation en France, l'an prochain, d'une "Saison du Québec" illustrera la diversité des créations de la culture québécoise, tout en offrant une vitrine à vos savoir-faire.
II. La France et le Québec s'ouvrent en effet l'un à l'autre les portes d'un grand marché.
En s'installant au Québec, nos entreprises peuvent certes bénéficier de coûts de production compétitifs et d'une main d'oeuvre de qualité. C'est aussi l'accès au grand marché nord-américain, vaste zone de libre échange, qui leur est offert. Les initiatives prises par le Canada en direction de l'Amérique latine et par le Québec vers la grande région du nord-est des États-Unis élargissent les possibilités qui sont ouvertes à nos acteurs économiques.
Le mouvement est déjà ancien. Depuis longtemps des entreprises françaises sont familières du Québec, où Air Liquide vint en pionnier s'installer dès le début du siècle. La première vague d'implantations, marquée en particulier par l'arrivée de Bouygues et d'Alsthom, correspond à l'ouverture des immenses marchés liés à votre développement énergétique.
Aujourd'hui, plus de 250 filiales de sociétés françaises sont présentes au Québec. Elles réalisent un chiffre d'affaires de 11 milliards de dollars canadiens et emploient 40 000 personnes. Banques et assurances, avec AXA, la BNP et la Société générale, énergie, avec Gaz de France, aéronautique, avec Aérospatiale, et nombre d'autres secteurs sont concernés - citons Lafarge, Vivendi, l'Oréal, Danone et Sodexho. Certains de leurs dirigeants sont aujourd'hui parmi nous. Parmi ces entreprises françaises, on compte plus de cent PME, souvent à la pointe de l'innovation. Une quinzaine de nouvelles filiales s'implantent chaque année au Québec.
La France accueille aussi en grand nombre les entreprises du Québec.
On y recense aujourd'hui près d'une centaine de filiales. Elles comptent souvent parmi les principaux acteurs de leur secteur, comme Quebecor, devenu le premier imprimeur d'Europe, Cascades, aujourd'hui premier cartonnier de France, ou Bombardier. C'est que notre pays est au coeur du plus grand marché du monde, qui se dotera dans les prochains cours d'une monnaie unique.
Nos échanges commerciaux progressent aussi de façon remarquable : 70 % en cinq ans. Le Québec représente la moitié du commerce bilatéral franco-canadien. C'est dire qu'il est véritablement le centre de gravité de la présence française au Canada. Les industriels du mouvement des entrepreneurs de France, dont M. Périgot, président de Medef-international, conduit aujourd'hui une mission au Québec, m'ont fait part de la multiplication des accords de partenariat entre les entreprises françaises et québécoises. Ces accords soulignent, plus encore que les implantations d'entreprises, la convergence de nos démarches.
Travailler ensemble nous est devenu-naturel. C'est je crois, pour une part, le fruit d'un volontarisme partagé de nos gouvernements.
III. Nous voulons pour cela accompagner et favoriser les échanges dans les secteurs d'avenir.
S'il est un domaine particulièrement significatif de l'évolution de notre partenariat, c'est celui des technologies de l'information. Un courant d'échanges très important s'est établi dans ce domaine entre la France et le Québec. Nos entreprises sont intéressées par l'expertise acquise par les sociétés québécoises et par le positionnement du Québec en Amérique du Nord. De la même façon, les entreprises québécoises se tournent spontanément vers le marché français pour élargir les débouchés de leurs produits en langue française et pour nouer des alliances favorables à leur développement international.
Aussi observe-t-on les prémices d'un phénomène qui mérite qu'on s'y attache : l'émergence d'une industrie franco-québécoise du multimédia, faite de partenariats et d'implantations des deux côtés de l'Atlantique.
Assurer le succès et la pérennité de ce mouvement industriel est important. Parce que l'avenir de nos économies en dépend pour une part. Parce que l'affirmation de nos identités culturelles et linguistiques y trouvera des moyens d'expression plus amples. Parce qu'enfin ce peut être un modèle à suivre pour d'autres technologies de pointe. L'an dernier, nous sommes convenus, avec M. Lucien Bouchard, de tenir des rencontres technologiques, associant chercheurs et entreprises, pour amorcer de nouvelles coopérations. Elles se sont effectivement tenues depuis dans les domaines des énergies renouvelables, de la télémédecine et du traitement des déchets d'élevage. Plusieurs projets de coopération, dont certains sont bien avancés, témoignent de la fécondité de cette approche.
Mesdames et Messieurs, trente années d'une coopération qui n'a cessé de se diversifier et de s'approfondir ont créé, entre la France et le Québec, un partenariat sans équivalent, si l'on songe à la taille respective des deux ensembles concernés, à leur éloignement géographique et à leur originalité culturelle. La détermination des pionniers, le volontarisme de gouvernements ont beaucoup contribué à ce résultat. Aujourd'hui, le relais est pris spontanément par les forces vives de nos deux sociétés, que vous représentez.
C'est dire que nos relations ont atteint une certaine maturité. Elles ont trouvé leur rythme propre. Elles doivent s'inscrire dans la longue durée. Quant aux pouvoirs publics, ils doivent y trouver la source d'une nouvelle ambition celle d'ajuster sans cesse les formes de notre coopération aux demandes nouvelles qui émanent de nos deux sociétés. Moderniser le cadre de notre coopération, poursuivre notre recherche d'un modèle conciliant croissance économique et progrès social, c'est avancer plus loin sur le chemin de l'amitié entre la France et le Québec.
Allocution lors du diner offert au Premier ministre du Québec, le 18 décembre 1998.
Monsieur le Premier Ministre,
Madame,
Mesdames, Messieurs,
Pour le Français que je suis, voyager au Québec est un raccourci perpétuel, un jeu entre le proche et le lointain, qui force en permanence à accommoder le regard à ces changements de perspective. Car tout ici est à la fois, semblable, et si différent. Les noms de lieux, à la consonance familière, côtoient ceux du patrimoine des premières nations. Chicoutimi suit Port-Cartier. Au Saguenay, nous nous sentons en France, en Gaspésie, un peu moins, à Témiscamingue, on est ailleurs.
Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre de m'avoir donné l'occasion de faire ce voyage, en nous recevant ici au lendemain d'une échéance politique importante pour tous les Québécois. Ce musée de la civilisation, dont je viens de parcourir quelques salles, explore les multiples aspects de l'histoire québécoise. C'est donc à la mémoire que je m'adresserai quelques instants, pour mieux envisager l'avenir
I. La relation entre la France et le Québec a porté longtemps la marque d'un drame fondateur, vieux de plus de deux siècles mais dont le souvenir s'est perpétué dans les esprits.
Trop d'indifférence à cette rupture, une certaine condescendance française, mais aussi, de l'autre côté, une attente toujours renouvelée, ont longtemps nourri du ressentiment. Des mots apocryphes, "prêtés" généreusement par la rumeur publique, et longtemps répétés par les manuels d'histoire et de littérature, en témoignent. Ils portaient, il faut le reconnaître, une part de vérité.
Mais, après le départ, vint le temps de l'influence de la France, d'abord culturelle et religieuse. Vos historiens ont assez dit le rôle que jouèrent, dans la perpétuation de la culture française, les prêtres émigrés fuyant la Révolution française, puis ceux de nos compatriotes qui s'établirent en Amérique pour échapper aux turbulences de l'histoire française du XIXème siècle.
L'influence des milieux intellectuels français leur fut parfois reprochée car de l'influence à l'ingérence, la frontière est parfois mince.
La relation entre le Québec et la France fut également complexe parce que le peuple québécois luttait pour affirmer son identité. Je ne reviendrai pas sur les soubresauts, les drames parfois, qui ont scandé une histoire dense et riche. Longtemps avant les Français, dés 1867, vous avez compris toute la nécessité et toute la difficulté de la recherche du compromis. Et la première guerre mondiale que nous venons de commémorer fut aussi, chez vous, cause de déchirements. Enfin vint le temps où vous avez affirmé, dans l'épanouissement d'une "Révolution tranquille", la volonté d'un changement paisiblement assumé.
Aujourd'hui le tableau de la relation franco-québécoise permet de renouveler le regard porté sur l'identité du Québec.
Renouveler ce regard, c'est enfin souligner que la frontière entre ce que vos intellectuels ont appelé la "grande noirceur" et la "modernité" a ses enclaves, ses zones franches, mais aussi ses passages. Avant 1945, les intellectuels québécois ont souvent moins subi l'influence des milieux intellectuels français qu'ils ne leur ont délibérément emprunté. Les relations officielles étaient alors minces entre la France et le Québec. Les échanges personnels restaient cependant bien vivants. Depuis une trentaine d'années ce qui me frappe, c'est la force de l'influence qu'exercent les intellectuels, les créateurs et les artistes québécois dans la vie culturelle.
De ce détour par notre histoire commune, je retire le sentiment à la fois de nos différences, de notre parenté, et de la richesse du dialogue qu'elles nourrissent. Le temps est passé, naturellement, de la condescendance, et de l'ingérence que j'évoquais. Pour autant, nous sommes tout sauf indifférents au Québec.
II. Aujourd'hui, la permanence de nos valeurs communes et l'ampleur des défis auxquels nous devons faire face, nous invitent à joindre nos forces dans un monde qui tend à s'uniformiser.
La démocratie, la langue, une conception commune de la culture, des valeurs de solidarité et une même vision du rôle de l'Etat régulateur, rapprochent la France et le Québec.
La démocratie parlementaire au Québec et la République en France sont nées ensemble à la fin du XVIIIème siècle. Cet enracinement dans la démocratie s'est consolidé avec notre combat commun pour les droits de la personne humaine et l'affirmation de modèles sociaux refusant l'exclusion.
La langue française est bien sûr un autre lien solide. La défense, mais surtout l'illustration de cette langue, étaient en France une tradition. Elles sont devenues, pour nous comme pour vous, une nécessité. Votre Charte de la langue française "fait du français la langue de l'"Etat et de la Loi " .
Une même approche des questions culturelles nous réunit. Votre ministre des Relations internationales, mon amie, Mme Louise Beaudoin, souligne volontiers que "l'Etat ne crée pas le talent", mais l'aide à s'épanouir, que l'autonomie de la création et la liberté d'expression sont des valeurs essentielles de toute société, et que l'éducation comme la culture est un droit des citoyens. Le maintien de crédits significatifs - un pour cent du budget du Québec - en est un autre indice.
Sur tous ces points, notre démarche est semblable : nous croyons aussi que le développement culturel ne se décrète pas ; que la création est un acte libre que l'Etat doit accompagner et respecter, même quand elle est contestation des pouvoirs établis ; que l'éducation et la culture relèvent des droits fondamentaux de la personne. La culture est le ciment d'une collectivité, l'expression de ce "vouloir-vivre ensemble" qui donne sa cohésion à une société. Nous sommes aussi déterminés que vous l'êtes à lui assurer les ressources dont elle a besoin.
Qui pourrait être, plus que le Québec, le partenaire de la France pour promouvoir à travers le monde l'indispensable diversité des cultures ?
La société québécoise a su traduire en un langage moderne et original la permanence de valeurs communes. Fidèles à vos origines européennes, enrichies par des apports successifs, vous vous affirmez aujourd'hui au sein du monde nord-américain comme une collectivité profondément originale. Oui, disons-le, il existe un "modèle québécois", qui peut être pour nous source d'inspiration.
Dans un monde où est à l'oeuvre un vaste mouvement de globalisation, avec les risques d'uniformisation dont il est porteur, notre relation directe et privilégiée prend une valeur nouvelle.
Il nous faut resserrer encore nos liens, afin, comme le disaient les pionniers de l'amitié franco-québécoise, de "permettre à Marianne de rencontrer Jean Baptiste". Nous avons célébré ce matin le trentième anniversaire de l'Office franco-québécois de la Jeunesse : voilà une institution qui peut se flatter d'avoir permis la rencontre et une meilleure compréhension entre des milliers de jeunes français et québécois. Avec d'autres organisations, il entretient, d'une rive à l'autre de l'Atlantique, un flux régulier de coopérants, d'étudiants, d'enseignants, de chercheurs et aujourd'hui d'expatrier puisque près de 3000 français viennent en effet, chaque année s'établir au Québec.
Désormais, l'Office s'adapte au nouvel état des besoins de nos sociétés et de nos jeunesses, qui portent en priorité sur la formation et l'entrée dans la vie professionnelle. Il est porteur d'une formidable modernité.
Sur le plan économique, dont je voudrais dire un mot maintenant, l'internationalisation des marchés est une donnée de notre environnement.
En Amérique du Nord comme en Europe, un processus d'intégration économique est engagé. Dans ce mouvement, la France et le Québec sont devenus l'un pour l'autre des partenaires privilégiés au sein des deux grands marchés qui se constituent. Le commerce bilatéral, entre la France et le Québec, qui a progressé de 70 % en 5 ans, enregistre chaque année de nouveaux records. Les investissements directs et les partenariats d'entreprises tissent un réseau dense de solidarités croisées et disent éloquemment la confiance des investisseurs français en l'avenir d'un Québec au coeur de la modernité. J'ai souligné ce matin devant les représentants d'entreprises réunis à Montréal, toute la force de ces liens. Je souhaite que davantage encore d'entreprises québécoises se lancent maintenant à la découverte de mon pays.
La mondialisation se traduit aussi par le développement des réseaux de communication. Le Québec, chacun le sait, s'est signalé par un exceptionnel dynamisme dans ce domaine, en contribuant de façon créative à la production de "contenus" en français sur la Toile, en favorisant l'équipement de sa population en ordinateurs multimédia et en diffusant le modèle de société qui s'y attache. La France a longtemps connu un certain retard dans ce domaine. C'est pourquoi mon gouvernement a adopté, il y a un an, un plan systématique et cohérent de développement des nouvelles technologies de l'information et des communications et les effets ne se sont pas fait attendre. Les réseaux constituent avant tout des instruments, des moyens nouveaux qui peuvent multiplier la diffusion et accroître le rayonnement de notre culture et de nos valeurs.
C'est dire qu'ils sont une chance pour nos collectivités et que nous devons accueillir cette évolution sans nostalgie.
Nous vivons dans un monde instable, comme le montre nombre de crises à travers le monde. En même temps, nous ne pouvons que nous réjouir des progrès, lents et constants, de la démocratie et de l'Etat de droit. Je pense par exemple, à la création d'une Cour pénale internationale, qui marque une étape capitale dans l'émergence d'une conscience universelle. La célébration à New York et à Paris, il y a quelques jours, du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, a permis d'en mesurer l'importance et de tracer de nouvelles perspectives pour tous ceux qui consacrent leur vie à la défense de la liberté et du droit face à l'oppression et à l'intolérance.
La France et l'Europe veulent être au coeur de l'effort pour ordonner les relations internationales autour de principes et de règles respectueux de la volonté de tous et des droits de chacun. Le Québec prend une part active à cet effort : son avis importe, son action compte.
Avec notamment l'ensemble de nos partenaires du mouvement de la Francophonie, nous, Français et Québécois, devons poursuivre ensemble ce patient travail pour redéfinir et faire vivre des rapports entre les peuples fondés sur le dialogue et la diversité des cultures. C'est dans cette perspective que la France entend se concerter de manière étroite avec le Quebec au cours de la préparation du prochain Sommet de la Francophonie à Moncton.
Monsieur le Premier Ministre,
Le cours de l'histoire nous rapproche à nouveau.
Comment pourrions-nous rester indifférents au sort de la plus importante communauté francophone hors d'Europe ?
Mais comment pourrions-nous prétendre nous ingérer, alors que vous réclamez précisément le droit de définir votre avenir sans intervention extérieure ?
Comme vous le savez, la France a donné à cette politique, respectueuse de la démocratie québécoise, une formulation positive : elle est disponible pour vous accompagner sur votre chemin.
Au soir de la première journée de ma visite officielle au Québec, je veux vous dire la joie personnelle et l'honneur que je ressens à la perspective de vous accueillir à Paris en mars prochain, à l'occasion du lancement en France de la "Saison du Québec" qui promet déjà d'être une occasion exceptionnelle de renouveler le regard toujours attentif, curieux et amical que le Québec et la France portent l'un sur l'autre.
Je lève mon verre au partenariat renouvelé et prometteur entre la France et le Québec.
Vive le Québec. Vive la France. Vive l'amitié franco-québécoise.
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Allocution à l'occasion de la cérémonie de remise de l'Ordre National du Québec, le 18/12/1998.
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Conseil de l'Ordre national du Québec,
Mesdames, Messieurs,
L'Ordre national du Québec qui vient de m'être décerné est un honneur que je reçois avec émotion, fierté et gratitude.
Avec émotion, car je n'oublie pas que cette haute distinction reste attachée au souvenir de M. René Lévesque, qui en proposa l'institution, voici bientôt quinze ans, à votre Assemblée nationale. Celle-ci la décida par un vote unanime. En se dotant de cet ordre national, dans l'unité de ses forces vives, le Québec exprimait avec force sa volonté d'honorer les artisans de son renouveau et de son rayonnement. La devise de cet ordre, "Honneur au peuple du Québec", rend hommage à tous ceux qui l'ont porté vers cette modernité qui nous frappe aujourd'hui.
Aussi est-ce avec beaucoup de fierté que j'accueille la distinction qui m'est décernée. Je n'ignore pas, en effet, que peu de non-Québécois l'ont reçue. En lisant la liste des personnalités étrangères que vous avez jusqu'à ce jour décorées, j'ai relevé un grand nombre de mes compatriotes. Leur liste dit à sa façon que l'Ordre national du Québec est un des liens qui nous rattachent à vous. Un lien tissé par l'amitié et l'estime dont vous voulez bien me donner aujourd'hui une marque personnelle.
Je veux vous dire enfin la gratitude que votre geste m'inspire. Entre la France et le Québec, la force des souvenirs partagés a jeté les fondations d'une relation sans équivalent. A l'époque de votre "révolution tranquille", beaucoup d'enseignants, de coopérants, de techniciens sont venus ici apporter leur concours à votre entreprise de modernisation. Cette relation a connu un profond renouvellement. Les formes de notre coopération ont évolué. Ses instruments ont été adaptés. L'esprit qui l'anime est resté le même : respect mutuel, souci de comprendre l'autre dans sa différence, tant il est vrai que votre culture, quoique très proche et subtilement familière, garde toujours pour nous sa force et son irréductible identité.
Un héritage commun, aussi précieux soit-il, n'est rien si l'on se contente d'en faire l'inventaire. Il peut être en revanche une fondation. Pour le faire fructifier, dans tous les domaines, économique, culturel, scientifique et technique, nous devons inventer constamment de nouveaux projets.
Je tiens à vous remercier de tout coeur de reconnaître ces efforts, et d'apporter ainsi publiquement un témoignage des liens d'amitié entre la France et le Québec.
Entretien avec le Réseau de L'information (RDI) de radio Canada, le 19 décembre 1998.
Q - Monsieur le Premier ministre, bonjour. Etes-vous satisfait de votre première visite officielle au Québec ?
R - Oui, au sens où je l'ai personnellement goûtée, au sens où intellectuellement elle m'a comblé, à la fois par l'échange et aussi par les expériences que j'ai pu faire en quelques jours. Quant à savoir si ce voyage a été utile, je le laisse aux observateurs. M. Lucien Bouchard en tout cas a l'impression nette qu'il en était ainsi.
Q - Pensez-vous, compte tenu des relations particulières du Québec avec la France, que les résultats de votre visite sont satisfaisants ?
R - Oui, je crois. D'abord, par le fait que nous nous retrouvions, Lucien Bouchard et moi. Je l'avais reçu à Paris l'année dernière, aujourd'hui je suis ici, ça permet d'approfondir les relations entre des responsables politiques, et je crois que c'est important. Ensuite, ces rencontres sont souvent l'occasion de faire mûrir plus vite des projets, de faire le bilan de ce que nous nous étions engagés à faire dans le précédent relevé de conclusions, - et ce matin nous avons constaté que les choses avaient bien avancé -, de donner un élan à des nouveaux projets. Je crois donc que cette visite a été utile, d'autant que le contact ne s'est pas limité aux Premiers ministres, mais aux ministres, qu'il y avait aussi des chefs d'entreprises qui se sont rencontrés, des parlementaires qui ont pu se parler, et je pense qu'ensemble on a bien fait vivre la relation.
Q - Mais la France se retrouve presque toujours sur un terrain miné et donne l'impression de marcher sur des oeufs parce qu'on retombe toujours dans le fameux débat national sur le Québec...
R - J'ai trouvé que ce débat était peut-être moins présent, sans doute parce qu'on s'est efforcé de donner à notre relation à la fois son côté naturel, son côté évident. En même temps, il y avait cette partie du voyage à Ottawa où j'ai rencontré les autorités canadiennes. Je crois aussi qu'on a essayé d'inscrire cette relation dans un champ de modernité, en ne répétant pas des souvenirs du passé, mais plutôt en essayant de voir que la relation franco-québécoise se vivait au plan économique, et de plus en plus sur le terrain des technologies, des techniques de la communication, où le Québec est en avance, et qui sera décisif pour l'avenir de nos communautés et de nos industries, et enfin qu'elle se vivait très bien au plan culturel. Gràce aux échanges que j'ai pu avoir avec les jeunes dans le cadre du cybercafé de Montréal, j'ai senti que les choses sont vivantes, et qu'on n'est pas obligé de revenir sur la problématique que vous évoquez. Elle appartient aux Québécois, elle appartient aux Canadiens, et donc je n'ai pas à m'y inscrire, je ne le fais pas.
Q - Oui mais vous savez que le Québec compte sur l'appui de la France dans ses démarches. M. Bouchard disait hier qu'il y a deux menaces quand on parle de la sécurité identitaire ou linguistique du Québec. La mondialisation en est une. L'autre aussi c'est le fait que le reste du Canada est incapable de reconnaître le Québec comme peuple, comme nation, comme celui qui peut parler par exemple de sa culture, qui peut porter ce message. Est-ce que vous êtes favorable à cette position-là du Québec, à cette faiblesse qu'essaie de corriger le Québec ?
R - J'ai de la sympathie pour le Québec. J'ai un sentiment d'amitié pour le Québec qui d'ailleurs est ancien. J'ai été honoré de recevoir cet distinction hier, parce que je l'ai ressenti comme un privilège. Mais Lucien Bouchard, comme Premier ministre, comme responsable politique, s'exprime en pleine responsabilité, choisit ses mots et ses termes. Quant à moi, je n'ai pas à commenter les déclarations que peut faire à cet égard le Premier ministre du Québec. Mais, proches du Québec, nous le sommes profondément.
Q - Mais est-ce que vous percevez le Québec comme une société distincte dans le Canada ? Ce que le Québec essaie d'obtenir comme reconnaissance, est-ce que la France le perçoit ?
R - Elle le perçoit bien. Elle sait tout ce qui est exprimé, d'identité, d'affirmation. Ce qui me frappe quand je suis ici, c'est que je suis dans un lieu où des hommes et des femmes sont assurés de leur identité, de leur être. La culture et la langue naturellement contribuent à cela. En même temps, ce qui m'intéresse c'est qu'ils se définissent à la fois comme Québécois et comme Nord-Américains tout en appartenant à la vaste entité canadienne. Mais je considère que c'est à eux de poser ces problèmes. J'accompagne le Québec dans la relation privilégiée et directe que nous avons avec lui, et je n'ai pas à me prononcer sur ces questions.
Q - Donc, j'essaie de vous interpréter un petit peu... La France ne perçoit pas vraiment le Québec comme étant une société distincte sinon par la langue...
R - Vous êtes libre d'interpréter... A partir du moment où j'ai répondu à cette question comme j'entendais y répondre, de façon très claire, l'interprétation est la vôtre mais elle ne pourrait en rien représenter ma pensée.
Q - D'accord. Mais je vous pose une question pour voir jusqu'où on peut interpréter votre position. Par exemple, est-ce que vous appuyez le Québec quand il cherche à être représenté dans le fameux réseau des ministres de la culture sur la question de la diversité culturelle ? Est-ce que vous appuyez cette démarche-là, est-ce que vous voyez le Québec comme devant avoir cette présence dans le réseau des ministres de la Culture ?
R - Pour moi c'est un réseau, ce n'est pas une organisation internationale. C'est un réseau dans lequel les responsables politiques peuvent s'exprimer pour défendre les idées de la diversité et de l'identité. C'est un réseau dans lequel des associations et des entreprises peuvent être présentes. Pour moi c'est simplement un réseau et c'est à cela que nous entendons participer. Quant au Québec, qui est présent avec force par exemple dans la Francophonie, il affirme ce qu'il a à affirmer. Il faut que vous compreniez que me renvoyer constamment à cette question n'a pas véritablement d'intérêt pour moi.
Q - Mais c'est parce que pour les Québécois cela en a beaucoup, parce que les Québécois essaient de voir comment ils sont perçus par les Français.
R - Mais vous savez très bien comment vous êtes perçus. Non pas seulement comme une communauté francophone qui appartient à un passé commun, mais aussi comme une communauté au sens large qui aspire sans doute à un destin. Ce destin, que vous définirez vous-mêmes, sera accompagné par la France, à la fois dans sa vie et dans son futur. Mais vous ne me ferez pas déterminer les choses à votre place.
Q - Oui, mais je sens l'impatience et la lassitude des Français à l'égard de cette question...
R - Non, vous ne pouvez pas poser cette question plusieurs fois et en plus vouloir dire que je suis las ou impatient, ce que je ne suis pas du tout. Je comprends cette problématique, je la respecte. Je sais que pour aborder des responsables politiques québécois et bien les comprendre, il faut comprendre ça. Mais en même temps je ne m'inscris pas dans cette problématique, je viens pour parler de culture, de développement économique, de destin commun. Mais ça c'est votre problème, vous le vivez. Il ne m'impatiente pas et je ne m'y enferme pas.
Q - Est-ce qu'il en a été question dans vos entretiens avec M. Bouchard ?
R - Bien sûr, parce qu'on se parle comme des amis.
Q - Est-ce qu'il a la même insistance que les journalistes québécois ?
R - Non, moins que vous.
Q - M. Jospin, parlons un peu du modèle québécois. Vous avez rencontré les syndicats et on en a parlé à plusieurs reprises depuis. Qu'est-ce qui vous intéresse dans ce modèle québécois ?
R - C'est d'abord que le fait syndical soit puissamment reconnu alors qu'il ne l'est pas assez en France. Pas dans le principe bien sûr, mais dans la réalité des entreprises, notamment des petites et moyennes entreprises. C'est ensuite le fait que, au fond, les Québécois considèrent, y compris semble-t-il les chefs d'entreprises, que l'on peut avoir à la fois un fait syndical puissant, avoir une prise en compte de la réalité sociale et faire des compromis sociaux, tout en restant efficace économiquement. Et c'est le message que j'essayais par malice de faire passer auprès de certains chefs d'entreprises français hier à Montréal. Naturellement, il y a autre chose qui m'intéresse, et là c'est vers les syndicats français que j'ai envie de faire passer le message, c'est ce sens du compromis, cette idée qu'un syndicat est non seulement fait pour représenter les intérêts matériels et intellectuels des salariés, mais aussi pour négocier et aboutir à des compromis profitables à tous. C'est une forme de dialogue.
Q - S'il y avait concertation en France, l'instauration des 35 heures serait plus facile ?
R - Oui, sûrement. Si j'avais eu en face de moi un patronat disponible pour négocier directement cette question sans interférence de l'Etat avec les syndicats, la démarche aurait pu être autre. Mais il y avait nécessité d'une impulsion de l'Etat par le législateur. En même temps il faut que vous sachiez que nous irons vers la loi par de multiples négociations qui ont commencé dans les entreprises, par des accords qui ont été conclus. J'espère donc que la démarche des 35 heures va donner un élan à la négociation sociale en France qui cherche souvent des éléments et qui en a là un superbe.
Q - Dernière question Monsieur le Premier ministre. En partant, qu'est-ce que vous retiendrez surtout de cette première visite officielle au Québec ?
R - A la fois l'impression d'une puissance potentielle du Canada et du Québec, l'idée que cette immensité de l'espace auquel vous êtes référés pose les problèmes de l'organisation de la vie de façon un tout petit peu différente, l'idée que vous vous affirmez pleinement comme des Québécois, des hommes et des femmes qui parlent le français, et comme des Nords-Américains. C'est extrêmement important. Je garderai également l'idée qu'il y a là une communauté francophone, la plus grande d'Amérique du Nord, et que dans cet espace nous devons être présents, l'idée que la relation entre la France et le Québec vit bien, parce qu'elle a dépassé la répétition du passé pour s'inscrire dans l'avenir. Et l'idée que, à propos de ces questions, puisque vous vouliez les poser à nouveau, je fais confiance à votre fameux sens du compromis.
Conférence conjointe avec le Premier ministre du Québec, le 19 décembre 1998,
Propos de M. Lionel JOSPIN.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,
J'étais déjà venu au Québec, je n'étais jamais venu à Québec. Et je pense que pour comprendre cet air et ce pays, il faut aussi être dans sa capitale historique. En outre, tous ceux qui m'ont accompagné - ministres, parlementaires, chefs d'entreprises, journalistes en leur travail indépendant d'examen de ce que nous faisons - ont été naturellement frappés par la beauté de cette ville.
C'est en même temps ma première visite officielle au Québec dans le cadre de la relation franco-québécoise telle qu'elle s'est construite, mais aussi dans le cadre de la relance des visites alternées entre les Premiers ministres québécois et français. Cela m'a donné l'occasion de prolonger la relation politique et personnelle que j'ai commencé à nouer avec Lucien Bouchard, et d'y trouver à nouveau le plaisir de l'échange intellectuel au-delà de ce que nous avons à débattre ensemble sur le plan politique. Lucien Bouchard est à mes yeux à la fois un homme de convictions, de passion et de raison, c'est un homme politique moderne dans la mesure où il est à la fois pragmatique dans ces démarches et en même temps en rien passif devant un certain nombre de tendances lourdes lorsqu'elles lui apparaissent négatives. Cela a donc été pour moi, au-delà du caractère passionnant de ces visites et chaleureux de nos échanges, une expérience personnelle et politique importante.
Les rapports franco-québécois sont véritablement exceptionnels. Il n'y a qu'avec le Québec que nous travaillions ainsi. Nos rapports sont directs et privilégiés, qu'ils s'inscrivent dans les rapports de gouvernement à gouvernement, de jeune à jeune (nous évoquions le trentième anniversaire de l'Office franco-québécois pour la jeunesse) d'entreprise à entreprise, et nous avons vu à Montréal à quel point la vitalité de nos échanges commerciaux pourrait mener à de nouveaux prolongements, non seulement au Québec, mais on peut dire dans l'espace économique nord-américain. Nous avons à la fois une communauté d'histoire, de culture, et nous avons même peut-être des sensibilités communes en ce qui concerne ce que je pourrais appeler notre modèle social à chacun .
Nous avons beaucoup à faire ensemble, nous avons aussi à apprendre les uns des autres et dans une vraie réciprocité. Dans le domaine économique, vous avez vu la progression de nos échanges, mais il y a une nouvelle perspective à se fixer dans le champ technologique où la société québécoise est en avance. Nous avons fait vivre les rencontres technologiques et nous allons avancer ensemble dans la société de l'information. Sur le plan social, j'ai parlé un peu de ce modèle québécois. Il ne s'agit pas de transposer, mais l'esprit de dialogue et de responsabilité me frappe et m'intéresse. Sur le plan culturel, nous avons à promouvoir nos identités à la fois communes et particulières, et travailler aussi à la diversité culturelle dans ce monde globalisé.
A cet égard, le printemps du Québec, que nous inaugurerons ensemble, Monsieur le Premier ministre - vous l'avez souhaité, j'aurai plaisir à le faire - sera à Paris et en France une grande manifestation. Vous avez lancé une invitation en voulant bien vous inspirer de l'exemple français des saisons : vous avez exprimé le souhait que la première saison au Québec d'un pays étranger pourrait être celle de la France. J'en ai accepté le principe, et nous aurons naturellement à travailler ensemble sur les problèmes de calendrier et sur le concept. Nous avons indiscutablement des messages à porter ensemble dans le monde. En particulier, nous devrons préparer ensemble le sommet de la Francophonie à Moncton.
Je terminerai en disant, au-delà des textes que nous avons adoptés et dont le Premier ministre Bouchard a donné l'essentiel en revenant sur le relevé de conclusions, que la relation franco-québécoise est moderne, et puisqu'elle est moderne elle est porteuse. C'est d'ailleurs ce thème d'un partenariat renouvelé qui a dominé ma visite. Il n'est pas d'usage qu'un invité se congratule publiquement pour dire que sa visite est un succès. Je me contenterai de me réjouir que Lucien Bouchard ait trouvé qu'il en avait été ainsi.
Q - (Première question en français, sur la diversité culturelle)
R - Je l'ai dit, le monde se globalise sur le plan économique, mais il se globalise aussi sur le plan des techniques et des moyens de communication. Il est évident que les techniques et les moyens de communication n'ont de sens que s'ils portent des contenus. Et s'ils portent des contenus, ils touchent à la culture - ils peuvent parfois aussi toucher à l'idéologie, ce qui est tout à fait différent - ils concernent donc les identités culturelles. Ces identités culturelles peuvent parfois épouser des cadres nationaux, elles peuvent exister aussi dans des cadres plus complexes. C'est ainsi que nous nous battons pour cela à la fois au sein de l'Union européenne et avec l'Union européenne dans la réalité mondiale. Nous le faisons aussi avec des partenaires qui sont des partenaires étatiques lorsqu'ils partagent des convictions proches - c'est le cas je crois du Canada sur un certain nombre de points - , et nous le faisons avec d'autres partenaires, dans la mesure où nous partageons une culture, une langue, qu'en même temps nous faisons vivre de façon spécifique et particulière, ce qui est à la fois l'élément de communauté qui nous est propre et l'élément de diversité qui nourrit un dialogue - parce que si nous étions fusionnels, nous ne pourrions pas dialoguer. Il est clair que le Québec prend toute sa place dans ce combat pour la diversité. Les modalités, ensuite, nous savons toujours les trouver, et la Francophonie en est une.
Q - (Deuxième question en français inaudible)
R - Pour moi cette expression était synonyme de diversité culturelle, de pluralisme culturel. Elle n'était en rien connotée par un débat qui pouvait exister ici. Et donc si certains voulaient la connoter, il faudrait que je la connote de façon différente. Parce que, pour moi, cela ne s'inscrivait pas dans un débat historique ou dans un concept particulier auquel les uns ou les autres donneraient un sens. Pour moi, le seul sens de ce mot, que j'utilise en France, que j'utilise dans d'autres voyages parce que j'y suis profondément attaché, est celui d'évoquer la diversité culturelle, le pluralisme culturel. Il a ce seul sens, et vouloir lui en donner un autre aboutit à ce qu'il soit clair que ce n'est justement pas se sens-là qu'il faut lui donner.
Q - (Première question en anglais : Pouvez-vous nous dire ce que vous avez appris à propos du sens du mot multiculturalisme ?)
R - Ne croyez-vous pas que ma réponse en français était excellente ?
Q - (Pourriez-vous la répéter pour les anglophones qui ne comprennent pas le français ? Est-ce que vous pourriez nous donner votre définition ?)
R - Voilà une bonne raison pour les anglophones d'apprendre le français. J'ai utilisé le mot multiculturalisme pour signifier le pluralisme culturel, ou la diversité culturelle. Cela n'avait aucun rapport, aucun sens spécifique. J'utilise ce mot en France ou dans mes déplacements à l'étranger lorsqu'il y a discussion en matière de culture. Si certains veulent attribuer un sens spécifique à ce mot, qui se rapporte au débat canado-québécois, ils se trompent.
Q - (Deuxième question en anglais : Monsieur Jospin, vous avez passé beaucoup de temps à faire une tournée dans l'est du Canada. Il y a eu beaucoup de gens qui ont fait du lobbying autour de vous. Qu'est-ce que vous retirez de cette expérience ?
R - J'ai en fait beaucoup aimé cette visite. Au cours de toutes les réunions et discussions que j'ai pu avoir avec mes interlocuteurs, et plus spécifiquement avec Lucien Bouchard, et en ce qui concerne cette problématique de la signification d'un mot, je l'accepte et je dois donc en tenir compte et être nuancé dans mon propos. Cela ne me dérange pas : je n'ai pas à m'inscrire dans cette problématique parce que ce n'est pas la mienne. Etre confronté à ces problèmes fait partie d'un apprentissage de la réalité qui existe ici, et si on nie cette réalité on n'arrive pas à bien comprendre les personnalités qu'on a devant soi.
Q - (Ne croyez-vous pas qu'on a essayé de vous entraîner dans ce débat ?)
R - Beaucoup moins que par le passé.
Q - (Troisième question en anglais : Pouvez-vous décrire l'état de la culture francophone au Québec et au Canada ?)
R - Je ne vis pas au Canada. Je ne suis donc pas le meilleur observateur de cette réalité. La langue française est protégée ici par le fait qu'il existe une communauté québécoise qui lutte pour la préserver et qui possède une identité dans l'absolu. Votre question soulève beaucoup de points. Je ne crois pas qu'il y ait une question d'identité qui y soit impliquée. Je suis optimiste en ce qui concerne l'avenir du français. Le problème c'est que l'anglais est devenu un outil de communication planétaire et cela n'est pas nécessairement positif pour les autres langues. Il est donc nécessaire d'utiliser d'autres langues, qui devront s'assurer de conserver leur authenticité. Je lance un appel aux Américains pour utiliser le français et, ce faisant, ils retourneront à certaines de leurs racines.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 décembre 2001)