Texte intégral
Je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui au Palais des Congrès pour ces Journées consacrées à la coopération internationale et au développement. Les deux tables rondes ministérielles de cet après-midi sont consacrées à la culture, ainsi qu'à l'éducation, la science et la recherche. Ce sont, à mon sens, les deux faces essentielles de notre action, comme de l'attractivité et du rayonnement de la France.
2006 est une très grande année pour la vitalité culturelle de notre pays, avec l'ouverture ou la réouverture de nouveaux lieux de culture qui renforcent la place de la France dans le monde. Le Grand Palais a retrouvé sa vocation initiale de lieu phare du rayonnement de la création française, avec notamment la grande exposition " La Force de l'art " qui s'est déroulée au printemps dernier. Les nouveaux espaces disponibles du Palais de Tokyo seront aménagés pour renforcer l'exposition internationale de la scène française. Le nouvel auditorium à Paris enrichira le paysage symphonique français et international, à l'horizon 2011, après la réouverture de la salle Pleyel, en septembre, et celle de l'auditorium de la Maison de Radio France à l'automne 2009. Les Nymphéas du musée de l'Orangerie ont retrouvé toutes leurs couleurs, illuminées par leur nouveau plafond de verre. En septembre, nous pourrons enfin inaugurer la Cité de l'architecture et du patrimoine qui s'installe dans les murs du Palais de Chaillot, après le transfert de la Cinémathèque à Bercy dans l'ancien centre culturel américain construit par Frank Gehry. L'année 2006, enfin, est surtout marquée par l'ouverture du Musée du Quai Branly, institution culturelle d'un type totalement nouveau, qui redonne leur juste place aux arts et aux civilisations non-européennes.
Vous êtes les avocats, les programmateurs et les serviteurs de cette vitalité exceptionnelle, qui est un atout essentiel dans le monde d'aujourd'hui.
Par votre engagement au service de notre rayonnement culturel, vous êtes les acteurs essentiels d'une stratégie politique. Et vous serez, de plus en plus, en première ligne des enjeux politiques, économiques et sociaux considérables que représente le secteur de la culture, au sens large. Un bon ambassadeur (vous pourrez le dire à votre retour de ma part à votre chef de poste) est un ambassadeur qui sait tirer parti de l'extraordinaire image culturelle de la France.
Voilà pourquoi j'ai choisi cette année de parler avec vous de la culture comme atout pour l'attractivité de notre pays et du mécénat culturel qui doit devenir l'un des axes de notre action.
1. Vous le savez, je défends l'idée que le rayonnement culturel est l'un des attributs de la puissance, au même titre que des attributs plus classiques, militaires ou économiques. Je relève que dans son interview télévisée, à l'occasion de la fête nationale du 14 juillet, le Président de la République a cité la puissance culturelle de la France comme l'un de ses atouts essentiels
Si j'inscris ma mission dans la continuité de celle des ministres de la culture depuis André Malraux, quel que soit leur engagement politique, je tiens à dépasser le vieux débat consistant à opposer la culture et l'entreprise. Notre société comprend de mieux en mieux ce que le monde de la culture et le monde de l'entreprise peuvent s'apporter mutuellement. L'activité culturelle apporte un contribution essentielle à la croissance et à l'emploi.
L'emploi culturel représente en France près de 470 000 actifs, soit 2 % des emplois totaux. Comparaison bien sûr n'est pas raison, mais c'est une part équivalente à celle du commerce de l'automobile et qui représente deux fois la part du secteur des assurances.
Dans ces 470 000 actifs, plus de la moitié (250 000) travaillent dans les industries culturelles.
Encore cette estimation ne tient-elle pas compte des emplois indirects du secteur du tourisme et de l'hôtellerie, ni des industries du luxe, dont certains métiers sont éminemment artistiques.
Cette importance de l'emploi culturel est normale pour un pays riche. Dans l'Union européenne à 25, on recense 4,2 millions d'actifs dans la culture, dont la moitié dans les industries culturelles.
L'industrie du cinéma est pour notre pays une industrie aussi ancienne, aussi enracinée dans notre modèle économique et social que l'aéronautique ou l'automobile : c'est en France que le cinéma est né.
L'emploi culturel en France a progressé deux fois plus vite que le reste de l'emploi depuis 1990. C'est particulièrement frappant en ce qui concerne les industries culturelles. Le crédit d'impôt cinéma, dans sa version adoptée en 2005, a non seulement permis de renforcer le financement de la production en France, puisque 117 films en ont bénéficié en 2005, mais il a également eu des effets très importants sur l'emploi, puisque plus de 2 000 emplois ont été créés. Aux Etats-Unis comme en France, certains secteurs comme celui des jeux vidéo font appel à des talents particulièrement créatifs, tant sur le plan artistique que technologique.
Aujourd'hui, le monde entier vient visiter Versailles ; j'espère que les images du Marie-Antoinette de Sofia Coppola, qui ont été regardées par 700 000 spectateurs, dès les deux premières semaines qui ont suivi sa sortie, feront le tour du monde !
C'est dans le même esprit et parce que je suis convaincu que le cinéma est une industrie stratégique, que j'ai décidé d'ouvrir les monuments historiques de l'Etat au tournage de films étrangers. Le tournage du Da Vinci Code dans l'enceinte du Louvre n'a pas seulement suscité des recettes supplémentaires. Le film, qui a été vu en France par près de 3,5 millions de spectateurs, connaît également un succès mondial. Il a constitué aussi une formidable publicité pour la France.
Je suis profondément convaincu que la culture est un puissant facteur d'attractivité. Je veille attentivement à ce que la France continue d'accueillir de nouveaux talents artistiques, des mécènes, des spectacles et des collections, puisque c'est la promesse de notre rayonnement de demain. Mais, au-delà, je déploie tous mes efforts pour que la culture soit reconnue par les acteurs économiques et dans la société française comme un avantage absolu dans la compétition internationale. J'ai organisé à l'Institut National d'Histoire de l'Art, le 14 juin dernier, un séminaire sur l'attractivité qui a réuni des acteurs de la culture et de l'entreprise. Dans le rapport de synthèse qu'il a présenté à cette occasion, intitulé La mobilisation culturelle de la France, Xavier Greffe a souligné combien " dans une compétitivité globale qui, pour les pays européens, est au moins autant une compétitivité en termes de qualité que de coûts, l'utilisation des ressources artistiques devient un puissant levier de développement. "
Quels sont les enjeux ? Attirer, tout d'abord, des investissements et des activités économiques. Nous savons bien que la qualité de vie est l'un des critères de décisions pour l'implantation d'une entreprise dans un pays plutôt que dans un autre, et qu'un cadre dirigeant préfère une capitale culturelle à un " désert " culturel.
Autre enjeu fondamental de l'attractivité culturelle, l'extraordinaire développement du tourisme international, qui représente 700 millions de voyageurs aujourd'hui et qui a doublé en dix ans. La circulation des personnes à cette échelle est un fait historique sans précédent. Elle est pour nous une chance unique de mieux faire connaître et aimer la France.
La France est encore la première destination touristique dans le monde, avec 75 millions de touristes en 2003, une recette de 30,7 milliards d'euros et un secteur qui occupe 5 % des salariés de notre pays.
Toutefois, aucune position n'est définitivement acquise. J'observe pour ma part que dans les enquêtes, 15 % des touristes étrangers citent la culture comme motivation principale de leur venue en France et 50 % citent la culture parmi les motifs de visite. Les artistes et les professionnels de la culture que j'ai l'honneur de représenter revendiquent donc le bénéfice moral d'une part située entre 15 % et 50 % de la recette ! Beaucoup plus que le seul budget du ministère de la Culture et de la Communication !
Lors de mes déplacements à l'étranger, j'ai fait également l'expérience de la contribution de la culture à la promotion de nos échanges économiques. L'image de la France à l'étranger est d'abord une image culturelle, qu'on le veuille ou non. Plutôt que de craindre pour notre crédibilité technologique et industrielle, nous devons assumer fièrement et simplement cette image.
Nous avons la chance d'avoir une image d'excellence qui associe nos métiers du luxe à la beauté de notre patrimoine historique et à l'intelligence de nos créateurs. C'est une magnifique lettre d'introduction pour nos entreprises. Bien sûr, nous ne devons pas réduire la vie de l'art et de l'esprit à un objectif marchand. Mais nous devons prendre en compte dans notre action le fait que la culture est un véritable enjeu de la compétition internationale.
3. Le rôle même de la culture dans l'attractivité permet d'élargir les perspectives d'appel au mécénat qui constitue pour vous un nouveau type de mission. Qu'il s'agisse du mécénat des entreprises françaises contribuant depuis leur siège à une opération culturelle à l'étranger (par exemple un grand musée français qui expose en Chine), qu'il s'agisse du mécénat de ressortissants étrangers prêts à donner pour la France, comme l'ont fait les Rockefeller à Versailles sur plusieurs générations, ou qu'il s'agisse de filiales françaises à l'étranger ou d'entreprises dans votre pays de résidence prêtes à concourir à l'action de votre poste, comme ce fut le cas à la Nouvelle-Orléans après l'ouragan Katrina ou en Europe, lors de la circulation de l'exposition " Ombres et Lumières " en Hongrie, en Pologne et en Roumanie.
Avec la loi du 1er août 2003, la France s'est dotée d'un ensemble de dispositions juridiques et fiscales très attractif, qui figure parmi les législations les plus avantageuses dans ce domaine.
Le paysage du mécénat est en train de changer de façon spectaculaire. Au début des années 2000, 15 % seulement des foyers français déclaraient faire des dons, et le mécénat des entreprises représentait seulement 0,09 % du PIB contre 2,1 % aux Etats-Unis. La relance du mécénat et des fondations était l'une des priorités de 2002 en matière culturelle. Elle a été tenue et je m'applique à la mettre en oeuvre.
La loi de 2003 introduit des mesures fiscales très incitatives : pour les particuliers, une réduction de 66 % du montant du don plafonnée à 20 % du revenu imposable ; pour les entreprises, une réduction de 60 % plafonnée à 0,5 % du chiffre d'affaires, avec la possibilité, en cas de dépassement de ce seuil, d'un étalement sur les cinq exercices suivants, ce qui représente, notons-le, par rapport au régime antérieur, un quasi-doublement de l'aide fiscale.
S'y ajoute, pour le mécénat d'entreprise en faveur de la culture, des dispositions particulières :
- pour l'acquisition, par les entreprises, d'oeuvres d'art contemporain, mais aussi d'instruments de musique destinés à être prêtés à des artistes interprètes professionnels, ou à des étudiants des conservatoires nationaux ;
- enfin et surtout, pour l'acquisition de trésors nationaux et d'oeuvres reconnues d'intérêt patrimonial majeur : dans ce cas, la réduction sur l'impôt sur les sociétés est de 90 % du don, plafonnée à 50 % de l'impôt dû, si l'entreprise acquiert un tel bien culturel pour une collection publique. Cette réduction est de 40 % si l'entreprise acquiert ce bien pour elle-même. Comparez le coût réel d'achat d'un trésor national pour une entreprise et un budget de communication pour arriver au même résultat en terme d'image, et vous verrez que le mécénat est vraiment une bonne affaire !
Les contreparties au mécénat sont encore sous-estimées par les entreprises. Si le mécénat, dans son principe, demeure un acte désintéressé, le législateur a fait preuve de réalisme économique, en autorisant les entreprises à associer leur nom aux causes qu'elles soutiennent. Ainsi, le mécénat ouvre droit pour les entreprises à des contreparties en communication, dans la limite d'un montant équivalent à 25 % du don.
Cette nouvelle législation connaît un succès croissant. Le nombre des fondations d'entreprises a doublé entre 2001 et 2006. Je vous invite à lire le petit recueil que vient de publier le ministère de la Culture et de la Communication avec l'appui du Crédit agricole, L'essor du mécénat culturel en France. Témoignages et pratiques. Il décrit une quarantaine d'expériences fructueuses, très diverses, d'envergure internationale ou très ancrées localement, qui montrent combien une entreprise gagne à s'associer à un projet culturel, et réciproquement.
L'éventail des possibilités offertes par le mécénat est très large. La loi du 1er août 2003 a introduit un changement majeur dans les mentalités. Beaucoup d'entreprises ont compris qu'elles pouvaient communiquer à peu de frais grâce au mécénat, qu'elles pouvaient tirer d'une action de mécénat un puissant motif de fierté et d'identité pour leurs salariés (je pense au financement du Trois-Mâts Belem par le groupe des Caisses d'Epargne). J'observe aussi qu'aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les analystes financiers examinent dans les rapports annuels les engagements sociétaux pris par les entreprises, notamment au titre du mécénat.
Je voudrais enfin souligner la générosité de nos amis étrangers. Je pense au mécénat japonais qui a apporté d'importantes contributions au Louvre. Le mécénat américain, depuis Rockefeller, fait partie de l'histoire de l'amitié franco-américaine, à Versailles, mais aussi dans de nombreux autres établissements culturels. Vous me trouverez toujours disponible pour remercier et honorer les mécènes étrangers.
Je vous demande de prendre régulièrement contact avec la mission chargée du mécénat au ministère de la Culture et de la Communication, et avec les responsables du mécénat des grands établissements publics culturels afin de connaître leurs projets.
La recherche de donateurs étrangers doit devenir un réflexe dans l'action des postes. Vous devez être les conseillers en mécénat de vos ambassadeurs.
Je sais d'ailleurs toute l'énergie que vous déployez pour financer avec la contribution de mécènes locaux des événements de culture française. Je pense à des événements qui ont acquis une renommée internationale, tels que le French May à Hong Kong, dont le financement est à près de 90 % assuré par des ressources propres.
Je sais bien que pour la plupart d'entre vous, vous oeuvrez dans des pays en difficultés économiques qui n'offrent pas nécessairement de ressources locales de mécénat.
Mais je vous demande cependant d'examiner toutes les pistes, par exemple celles des entreprises françaises. Je vous demande de définir, dans votre poste, sous l'autorité de votre ambassadeur, une stratégie pour mettre en relation notre image culturelle, qui est, je le répète, notre marque, notre identité, et la recherche de nouvelles ressources financières au service de notre rayonnement.
Cette question stratégique se pose également à notre nouvelle agence d'action artistique extérieure, CulturesFrance, dont je salue la naissance. Mon collègue Philippe Douste-Blazy et moi avons voulu, à travers cette réforme, élargir la palette d'interventions d'un opérateur historique du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture et de la Communication. Je souhaite que la nouvelle agence puisse recevoir à terme le statut d'établissement public afin de fonctionner avec toute l'efficacité dont sont capables son personnel enthousiaste et son directeur expérimenté qu'est Olivier Poivre d'Arvor. L'une des innovations que j'attends de CultureFrances, c'est précisément d'être capable de prendre en compte ce rôle, délicat à définir, d'ingéniérie culturelle et de mise en valeur de notre image culturelle au service d'un projet de stratégie d'influence. Cela suppose de savoir travailler avec des acteurs non-culturels comme les entreprises ou comme les universités.
Je compte sur votre mobilisation, sur votre enthousiasme, sur votre énergie, à la hauteur des enjeux internationaux auxquels nous sommes confrontés. Car vous portez aujourd'hui la voix de la France, vous êtes, vous le savez, les dépositaires de son image, de son identité et de son rayonnement dans le monde.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 20 juillet 2006
2006 est une très grande année pour la vitalité culturelle de notre pays, avec l'ouverture ou la réouverture de nouveaux lieux de culture qui renforcent la place de la France dans le monde. Le Grand Palais a retrouvé sa vocation initiale de lieu phare du rayonnement de la création française, avec notamment la grande exposition " La Force de l'art " qui s'est déroulée au printemps dernier. Les nouveaux espaces disponibles du Palais de Tokyo seront aménagés pour renforcer l'exposition internationale de la scène française. Le nouvel auditorium à Paris enrichira le paysage symphonique français et international, à l'horizon 2011, après la réouverture de la salle Pleyel, en septembre, et celle de l'auditorium de la Maison de Radio France à l'automne 2009. Les Nymphéas du musée de l'Orangerie ont retrouvé toutes leurs couleurs, illuminées par leur nouveau plafond de verre. En septembre, nous pourrons enfin inaugurer la Cité de l'architecture et du patrimoine qui s'installe dans les murs du Palais de Chaillot, après le transfert de la Cinémathèque à Bercy dans l'ancien centre culturel américain construit par Frank Gehry. L'année 2006, enfin, est surtout marquée par l'ouverture du Musée du Quai Branly, institution culturelle d'un type totalement nouveau, qui redonne leur juste place aux arts et aux civilisations non-européennes.
Vous êtes les avocats, les programmateurs et les serviteurs de cette vitalité exceptionnelle, qui est un atout essentiel dans le monde d'aujourd'hui.
Par votre engagement au service de notre rayonnement culturel, vous êtes les acteurs essentiels d'une stratégie politique. Et vous serez, de plus en plus, en première ligne des enjeux politiques, économiques et sociaux considérables que représente le secteur de la culture, au sens large. Un bon ambassadeur (vous pourrez le dire à votre retour de ma part à votre chef de poste) est un ambassadeur qui sait tirer parti de l'extraordinaire image culturelle de la France.
Voilà pourquoi j'ai choisi cette année de parler avec vous de la culture comme atout pour l'attractivité de notre pays et du mécénat culturel qui doit devenir l'un des axes de notre action.
1. Vous le savez, je défends l'idée que le rayonnement culturel est l'un des attributs de la puissance, au même titre que des attributs plus classiques, militaires ou économiques. Je relève que dans son interview télévisée, à l'occasion de la fête nationale du 14 juillet, le Président de la République a cité la puissance culturelle de la France comme l'un de ses atouts essentiels
Si j'inscris ma mission dans la continuité de celle des ministres de la culture depuis André Malraux, quel que soit leur engagement politique, je tiens à dépasser le vieux débat consistant à opposer la culture et l'entreprise. Notre société comprend de mieux en mieux ce que le monde de la culture et le monde de l'entreprise peuvent s'apporter mutuellement. L'activité culturelle apporte un contribution essentielle à la croissance et à l'emploi.
L'emploi culturel représente en France près de 470 000 actifs, soit 2 % des emplois totaux. Comparaison bien sûr n'est pas raison, mais c'est une part équivalente à celle du commerce de l'automobile et qui représente deux fois la part du secteur des assurances.
Dans ces 470 000 actifs, plus de la moitié (250 000) travaillent dans les industries culturelles.
Encore cette estimation ne tient-elle pas compte des emplois indirects du secteur du tourisme et de l'hôtellerie, ni des industries du luxe, dont certains métiers sont éminemment artistiques.
Cette importance de l'emploi culturel est normale pour un pays riche. Dans l'Union européenne à 25, on recense 4,2 millions d'actifs dans la culture, dont la moitié dans les industries culturelles.
L'industrie du cinéma est pour notre pays une industrie aussi ancienne, aussi enracinée dans notre modèle économique et social que l'aéronautique ou l'automobile : c'est en France que le cinéma est né.
L'emploi culturel en France a progressé deux fois plus vite que le reste de l'emploi depuis 1990. C'est particulièrement frappant en ce qui concerne les industries culturelles. Le crédit d'impôt cinéma, dans sa version adoptée en 2005, a non seulement permis de renforcer le financement de la production en France, puisque 117 films en ont bénéficié en 2005, mais il a également eu des effets très importants sur l'emploi, puisque plus de 2 000 emplois ont été créés. Aux Etats-Unis comme en France, certains secteurs comme celui des jeux vidéo font appel à des talents particulièrement créatifs, tant sur le plan artistique que technologique.
Aujourd'hui, le monde entier vient visiter Versailles ; j'espère que les images du Marie-Antoinette de Sofia Coppola, qui ont été regardées par 700 000 spectateurs, dès les deux premières semaines qui ont suivi sa sortie, feront le tour du monde !
C'est dans le même esprit et parce que je suis convaincu que le cinéma est une industrie stratégique, que j'ai décidé d'ouvrir les monuments historiques de l'Etat au tournage de films étrangers. Le tournage du Da Vinci Code dans l'enceinte du Louvre n'a pas seulement suscité des recettes supplémentaires. Le film, qui a été vu en France par près de 3,5 millions de spectateurs, connaît également un succès mondial. Il a constitué aussi une formidable publicité pour la France.
Je suis profondément convaincu que la culture est un puissant facteur d'attractivité. Je veille attentivement à ce que la France continue d'accueillir de nouveaux talents artistiques, des mécènes, des spectacles et des collections, puisque c'est la promesse de notre rayonnement de demain. Mais, au-delà, je déploie tous mes efforts pour que la culture soit reconnue par les acteurs économiques et dans la société française comme un avantage absolu dans la compétition internationale. J'ai organisé à l'Institut National d'Histoire de l'Art, le 14 juin dernier, un séminaire sur l'attractivité qui a réuni des acteurs de la culture et de l'entreprise. Dans le rapport de synthèse qu'il a présenté à cette occasion, intitulé La mobilisation culturelle de la France, Xavier Greffe a souligné combien " dans une compétitivité globale qui, pour les pays européens, est au moins autant une compétitivité en termes de qualité que de coûts, l'utilisation des ressources artistiques devient un puissant levier de développement. "
Quels sont les enjeux ? Attirer, tout d'abord, des investissements et des activités économiques. Nous savons bien que la qualité de vie est l'un des critères de décisions pour l'implantation d'une entreprise dans un pays plutôt que dans un autre, et qu'un cadre dirigeant préfère une capitale culturelle à un " désert " culturel.
Autre enjeu fondamental de l'attractivité culturelle, l'extraordinaire développement du tourisme international, qui représente 700 millions de voyageurs aujourd'hui et qui a doublé en dix ans. La circulation des personnes à cette échelle est un fait historique sans précédent. Elle est pour nous une chance unique de mieux faire connaître et aimer la France.
La France est encore la première destination touristique dans le monde, avec 75 millions de touristes en 2003, une recette de 30,7 milliards d'euros et un secteur qui occupe 5 % des salariés de notre pays.
Toutefois, aucune position n'est définitivement acquise. J'observe pour ma part que dans les enquêtes, 15 % des touristes étrangers citent la culture comme motivation principale de leur venue en France et 50 % citent la culture parmi les motifs de visite. Les artistes et les professionnels de la culture que j'ai l'honneur de représenter revendiquent donc le bénéfice moral d'une part située entre 15 % et 50 % de la recette ! Beaucoup plus que le seul budget du ministère de la Culture et de la Communication !
Lors de mes déplacements à l'étranger, j'ai fait également l'expérience de la contribution de la culture à la promotion de nos échanges économiques. L'image de la France à l'étranger est d'abord une image culturelle, qu'on le veuille ou non. Plutôt que de craindre pour notre crédibilité technologique et industrielle, nous devons assumer fièrement et simplement cette image.
Nous avons la chance d'avoir une image d'excellence qui associe nos métiers du luxe à la beauté de notre patrimoine historique et à l'intelligence de nos créateurs. C'est une magnifique lettre d'introduction pour nos entreprises. Bien sûr, nous ne devons pas réduire la vie de l'art et de l'esprit à un objectif marchand. Mais nous devons prendre en compte dans notre action le fait que la culture est un véritable enjeu de la compétition internationale.
3. Le rôle même de la culture dans l'attractivité permet d'élargir les perspectives d'appel au mécénat qui constitue pour vous un nouveau type de mission. Qu'il s'agisse du mécénat des entreprises françaises contribuant depuis leur siège à une opération culturelle à l'étranger (par exemple un grand musée français qui expose en Chine), qu'il s'agisse du mécénat de ressortissants étrangers prêts à donner pour la France, comme l'ont fait les Rockefeller à Versailles sur plusieurs générations, ou qu'il s'agisse de filiales françaises à l'étranger ou d'entreprises dans votre pays de résidence prêtes à concourir à l'action de votre poste, comme ce fut le cas à la Nouvelle-Orléans après l'ouragan Katrina ou en Europe, lors de la circulation de l'exposition " Ombres et Lumières " en Hongrie, en Pologne et en Roumanie.
Avec la loi du 1er août 2003, la France s'est dotée d'un ensemble de dispositions juridiques et fiscales très attractif, qui figure parmi les législations les plus avantageuses dans ce domaine.
Le paysage du mécénat est en train de changer de façon spectaculaire. Au début des années 2000, 15 % seulement des foyers français déclaraient faire des dons, et le mécénat des entreprises représentait seulement 0,09 % du PIB contre 2,1 % aux Etats-Unis. La relance du mécénat et des fondations était l'une des priorités de 2002 en matière culturelle. Elle a été tenue et je m'applique à la mettre en oeuvre.
La loi de 2003 introduit des mesures fiscales très incitatives : pour les particuliers, une réduction de 66 % du montant du don plafonnée à 20 % du revenu imposable ; pour les entreprises, une réduction de 60 % plafonnée à 0,5 % du chiffre d'affaires, avec la possibilité, en cas de dépassement de ce seuil, d'un étalement sur les cinq exercices suivants, ce qui représente, notons-le, par rapport au régime antérieur, un quasi-doublement de l'aide fiscale.
S'y ajoute, pour le mécénat d'entreprise en faveur de la culture, des dispositions particulières :
- pour l'acquisition, par les entreprises, d'oeuvres d'art contemporain, mais aussi d'instruments de musique destinés à être prêtés à des artistes interprètes professionnels, ou à des étudiants des conservatoires nationaux ;
- enfin et surtout, pour l'acquisition de trésors nationaux et d'oeuvres reconnues d'intérêt patrimonial majeur : dans ce cas, la réduction sur l'impôt sur les sociétés est de 90 % du don, plafonnée à 50 % de l'impôt dû, si l'entreprise acquiert un tel bien culturel pour une collection publique. Cette réduction est de 40 % si l'entreprise acquiert ce bien pour elle-même. Comparez le coût réel d'achat d'un trésor national pour une entreprise et un budget de communication pour arriver au même résultat en terme d'image, et vous verrez que le mécénat est vraiment une bonne affaire !
Les contreparties au mécénat sont encore sous-estimées par les entreprises. Si le mécénat, dans son principe, demeure un acte désintéressé, le législateur a fait preuve de réalisme économique, en autorisant les entreprises à associer leur nom aux causes qu'elles soutiennent. Ainsi, le mécénat ouvre droit pour les entreprises à des contreparties en communication, dans la limite d'un montant équivalent à 25 % du don.
Cette nouvelle législation connaît un succès croissant. Le nombre des fondations d'entreprises a doublé entre 2001 et 2006. Je vous invite à lire le petit recueil que vient de publier le ministère de la Culture et de la Communication avec l'appui du Crédit agricole, L'essor du mécénat culturel en France. Témoignages et pratiques. Il décrit une quarantaine d'expériences fructueuses, très diverses, d'envergure internationale ou très ancrées localement, qui montrent combien une entreprise gagne à s'associer à un projet culturel, et réciproquement.
L'éventail des possibilités offertes par le mécénat est très large. La loi du 1er août 2003 a introduit un changement majeur dans les mentalités. Beaucoup d'entreprises ont compris qu'elles pouvaient communiquer à peu de frais grâce au mécénat, qu'elles pouvaient tirer d'une action de mécénat un puissant motif de fierté et d'identité pour leurs salariés (je pense au financement du Trois-Mâts Belem par le groupe des Caisses d'Epargne). J'observe aussi qu'aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les analystes financiers examinent dans les rapports annuels les engagements sociétaux pris par les entreprises, notamment au titre du mécénat.
Je voudrais enfin souligner la générosité de nos amis étrangers. Je pense au mécénat japonais qui a apporté d'importantes contributions au Louvre. Le mécénat américain, depuis Rockefeller, fait partie de l'histoire de l'amitié franco-américaine, à Versailles, mais aussi dans de nombreux autres établissements culturels. Vous me trouverez toujours disponible pour remercier et honorer les mécènes étrangers.
Je vous demande de prendre régulièrement contact avec la mission chargée du mécénat au ministère de la Culture et de la Communication, et avec les responsables du mécénat des grands établissements publics culturels afin de connaître leurs projets.
La recherche de donateurs étrangers doit devenir un réflexe dans l'action des postes. Vous devez être les conseillers en mécénat de vos ambassadeurs.
Je sais d'ailleurs toute l'énergie que vous déployez pour financer avec la contribution de mécènes locaux des événements de culture française. Je pense à des événements qui ont acquis une renommée internationale, tels que le French May à Hong Kong, dont le financement est à près de 90 % assuré par des ressources propres.
Je sais bien que pour la plupart d'entre vous, vous oeuvrez dans des pays en difficultés économiques qui n'offrent pas nécessairement de ressources locales de mécénat.
Mais je vous demande cependant d'examiner toutes les pistes, par exemple celles des entreprises françaises. Je vous demande de définir, dans votre poste, sous l'autorité de votre ambassadeur, une stratégie pour mettre en relation notre image culturelle, qui est, je le répète, notre marque, notre identité, et la recherche de nouvelles ressources financières au service de notre rayonnement.
Cette question stratégique se pose également à notre nouvelle agence d'action artistique extérieure, CulturesFrance, dont je salue la naissance. Mon collègue Philippe Douste-Blazy et moi avons voulu, à travers cette réforme, élargir la palette d'interventions d'un opérateur historique du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Culture et de la Communication. Je souhaite que la nouvelle agence puisse recevoir à terme le statut d'établissement public afin de fonctionner avec toute l'efficacité dont sont capables son personnel enthousiaste et son directeur expérimenté qu'est Olivier Poivre d'Arvor. L'une des innovations que j'attends de CultureFrances, c'est précisément d'être capable de prendre en compte ce rôle, délicat à définir, d'ingéniérie culturelle et de mise en valeur de notre image culturelle au service d'un projet de stratégie d'influence. Cela suppose de savoir travailler avec des acteurs non-culturels comme les entreprises ou comme les universités.
Je compte sur votre mobilisation, sur votre enthousiasme, sur votre énergie, à la hauteur des enjeux internationaux auxquels nous sommes confrontés. Car vous portez aujourd'hui la voix de la France, vous êtes, vous le savez, les dépositaires de son image, de son identité et de son rayonnement dans le monde.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 20 juillet 2006