Texte intégral
Monsieur le Professeur Yves Chauvin,
Monsieur le Professeur Armand Lattes,
Monsieur le Président Alain Devic,
Mesdames, Messieurs,
C'est à l'occasion d'un rendez vous avec le Professeur Armand Lattes qu'est née l'idée de ce prix. Il venait me voir en tant que président de la Société Française de Chimie, et nous avons noté au cours de la conversation que beaucoup de travaux scientifiques dans ce domaine était consacrés à la préservation de l'environnement, et que cela était en totale contradiction avec l'image de cette discipline auprès de l'opinion. Le Professeur Lattes a cité l'exemple des Etats-Unis où un « Green Awards Prize » a été institué pour récompenser les innovations du secteur, bénéfiques à l'environnement.
Et la machine s'est alors mise en marcheJ'ai immédiatement adopté le concept, et j'ai demandé au professeur Lattes s'il serait d'accord pour essayer de monter une opération analogue en France.
Je dois dire que votre réactivité est allée au-delà même de ce que j'aurais pu imaginer. Non seulement vous avez accepté aussitôt d'assumer ce rôle mais vous avez tenu cette opération d'une main de maître, constituant le jury, lançant l'appel d'offres, prenant tous les contacts nécessaires dans des délais records, qui nous permettent quelques mois après l'idée initiale de remettre aujourd'hui les prix. Professeur Lattes, bravo, et merci pour la qualité de ce travail ! Mes remerciements vont aussi au Professeur Yves Chauvin qui a accepté d'être le président d'honneur du jury. Ils vont enfin à l'Union des Industries Chimiques qui a répondu présent à l'appel et s'est mobilisée pour faire de l'événement un succès.
Cette remise de prix est pour moi beaucoup plus qu'un simple événement festif.
La France est un grand pays industriel, avec une tradition forte et des effectifs industriels qui représentent près d'un emploi sur cinq. Globalement, dans mes déplacements, mes contacts avec les élus de terrain ou les syndicats, je constate que les Français aiment leur industrie et sont attachés à cette base industrielle.
Dans ce contexte, la situation de l'industrie chimique est un peu atypique.
La place de la Chimie dans la société est un sujet qui fait débat, c'est d'ailleurs le thème qui a été retenu l'an dernier pour les journées parlementaires de la chimie, et j'en profite pour saluer les députés et sénateurs qui ont pu se joindre à nous ce matin.
D'un côté, il y a les chiffres, et la place de la chimie dans notre vie quotidienne. Cette industrie revêt un caractère primordial pour le développement économique, car tous les secteurs industriels en sont dépendants. Nous avons re-découvert dans le contexte de la hausse du prix du pétrole, que celui-ci est partout dans notre vie quotidienne ; eh bien il en va de même de la chimie, qui est dans nos voitures, dans nos vêtements, nos médicaments : le produit chimique n'est pas une substance dangereuse présente là où on ne peut l'éviter ; il est le plus souvent, au contraire, un agent indispensable au service du citoyen. C'est aussi une industrie qui emploie directement 240 000 personnes, soit le 4ème secteur industriel et le même le 2nd en terme de chiffres d'affaires.
Et puis, de l'autre côté, il y a la perception de ce secteur par l'opinion. Des sondages montrent que le rapport entre personnes ayant une bonne image ou mauvaise image de la chimie est de 2/3 pour et 1/3 contre en Allemagne, mais qu'il est inverse en France. On ne peut pourtant pas taxer nos voisins allemands de manque de considération pour les enjeux environnementaux !
Une réponse à ce hiatus est évidemment de réguler attentivement le secteur. L'adoption du règlement européen Reach entre actuellement dans sa dernière ligne droite, en deuxième lecture au Parlement, je souhaite qu'il soit adopté rapidement. Ce n'est pas que l'industrie n'était pas régulée jusqu'à présent, c'est déjà le secteur industriel le plus encadré. Mais les progrès en matière de connaissances scientifiques, les attentes des citoyens doivent être pris en compte en mettant en place un système complet et robuste autour d'une agence européenne de la chimie dotée de pouvoirs suffisants. Je note qu'après quelques hésitations initiales, l'industrie adhère maintenant au principe de Reach : c'est là quelque chose d'extrêmement positif. Il faut maintenant entrer dans la phase d'application concrète, et c'est pour cette raison que j'ai demandé à mon ministère de mener avec l'Union des Industries Chimiques une campagne de mobilisation des PME : un programme touchant 800 entreprises vient ainsi d'être lancé.
Mais la réglementation n'est pas la seule réponse.
Pour réconcilier les Français avec leur industrie chimique, et pour inciter les industriels à répondre aux attentes des citoyens, je crois en la force de l'exemple.
Et c'est là qu'intervient ce Prix Pierre Potier de la chimie au service de l'environnement. Pour sortir des oppositions stériles et des préjugés, des conceptions antagonistes entre chimie et environnement, il m'a paru utile de braquer le projecteur sur des réalisations concrètes issues de la recherche industrielle et qui répondent à des besoins quotidiens des consommateurs, dans le respect de l'environnement.
Le succès de l'appel à candidature - 41 dossiers déposés - montre que les réalisations sont nombreuses. Les lauréats parleront doctement tout à l'heure des produits et procédés qui leur auront valu un trophée ou une médaille. Je citerai quelques exemples :
- Utilisation de produits naturels à la place de dérivés du pétrole dans des peintures et autres produits de marquages, ou encore dans les détergents
- Dispositifs d'isolation thermique faisant appel à des produits chimiques pour favoriser les économies d'énergie : c'est le bâtiment économe
- Modification des propriétés de l'aluminium pour le substituer à l'acier et gagner en poids dans les automobiles et les avions
Ces quelques exemples montrent le rôle de l'industrie chimique pour faire face à des défis environnementaux majeurs : les économies d'énergie et la préparation de l'après pétrole, la limitation des déchets et le développement de produits de substitution aux substances polluantes ou dangereuses.
L'autre point que je souhaite mettre en exergue dans ce palmarès, c'est la place des PME.
Bien sûr, les grands leaders du secteur sont bien présents dans ce créneau de la chimie verte, mais là ce n'est pas une surprise ! Ce qui est moins connu en revanche c'est que l'industrie chimique est largement un monde de PME, et que ces petites entreprises jouent aussi un rôle clé pour innover et créer. Je suis tout particulièrement heureux de voir dans le palmarès une start up qui développe une nouvelle société autour d'un concept de la chimie verte.
Enfin, je note avec satisfaction que plusieurs des projets proposés s'inscrivent dans le cadre de pôles de compétitivité, qu'il s'agisse de Moveo, d'industrie agro ressource ou d'Axelera. Je vois là une preuve par l'exemple, là encore, que la logique d'entraînement des pôles de compétitivité fonctionne de façon concrète dès maintenant, moins d'un an après la labellisation des pôles. Ces réussites illustrent l'objectif de cette politique industrielle menée par le Gouvernement : permettre aux talents de l'industrie et de la recherche de travailler ensemble pour produire des innovations créatrices d'emplois et répondant aux besoins des consommateurs.
Un mot, enfin, avant de laisser la parole à Alain Devic et Armand Lattes pour la remise des prix, sur le nom qui a été donné à ce trophée. Le 12 mai dernier, beaucoup de ceux qui sont là aujourd'hui étaient présents à la journée d'hommage à ce grand scientifique, médaille d'or du CNRS, qui nous a quittés en 2006 : Pierre Potier.
Quel autre nom aurions nous pu donner à un prix destiné à illustrer l'apport de la chimie verte, que celui de l'inventeur de médicaments révolutionnaires, à partir de plante, et par procédé chimique ?
Mesdames et messieurs les lauréats, vous voyez que la barre est placée très haut - à vous de jouer !
Source http://www.industrie.gouv.fr, le 30 juin 2006