Conférence de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur l'urgence de l'arrêt des hostilités et de la recherche d'une solution diplomatique au conflit entre Israël et le Liban, Amman le 22 juillet 2006.

Prononcé le

Circonstance : Voyage de Philippe Douste-Blazy en Jordanie le 22 juillet 2006 : rencontre avec le roi de Jordanie et le ministre jordanien des affaires étrangères sur le conflit israélo-libanais, le 22 à Amman

Texte intégral

Je vous souhaite la bienvenue à l'ambassade de France, ici à Amman, en remerciant plus particulièrement M. l'Ambassadeur et tout le personnel de l'ambassade.
Je voudrais tout d'abord vous dire combien il nous paraît aujourd'hui important de condamner la spirale de la violence dans cette région du monde, une violence qui ne peut amener à une solution durable au conflit actuel.
Nous avons condamné l'attitude du Hezbollah, nous avons condamné les attaques en particulier sur Haïfa et en Israël. Il faut remonter à plus de vingt ans pour trouver des tirs de roquettes d'une intensité comme celle-là. Nous condamnons également la disproportion de la riposte israélienne. Nous condamnons ces bombardements sur l'ensemble du territoire libanais et, en particulier, cette non-discrimination qui permet des bombardements sur des infrastructures, des routes, des autoroutes, des ponts, des usines alimentaires, les ports, les aéroports, avec toutes ces victimes civiles, de part et d'autres, tuées ou blessées.
Je suis allé à Beyrouth deux fois en une semaine. J'y ai vu non seulement des territoires dévastés, mais c'est aussi des dizaines de milliers de personnes sur la route qui n'ont plus rien, qui sont obligées d'aller vers la capitale on ne sait comment. C'est un désastre humanitaire.
J'apprends avec émotion à l'instant que quinze Français qui étaient réfugiés dans un bâtiment de l'Education nationale française, près de Beyrouth, à Jounieh ont été exposés au souffle du bombardement d'un bâtiment voisin. Sur ces quinze Français, l'un d'entre eux est sérieusement blessé. Il vient d'être transporté à l'hôpital de Jounieh avec lequel nous sommes en contact pour organiser tous les rapatriements. Dix autres personnes de ce groupe ont déjà rejoint Beyrouth, où nos services prennent en charge toutes ces personnes ; quatre d'entre elles, plus légèrement blessées, sont traitées à l'hôpital de Beyrouth. Vous comprendrez que j'ai une pensée plus particulière pour ces Français et leur famille, en leur disant que l'Ambassade de France à Beyrouth s'en occupe.
Il faut comprendre que la poursuite de tous ces bombardements sur l'ensemble du Liban va affaiblir l'Etat libanais, ce qui est une mauvaise chose, parce que le gouvernement libanais était le symbole de la restauration de la souveraineté du Liban.
Devant la détérioration rapide de la situation, il me paraît excessivement important de dire que rester immobile, rester les bras croisés est non seulement impossible, mais injustifiable. C'est la raison pour laquelle il faut agir d'urgence. Cela veut dire cesser les hostilités et trouver les conditions politiques pour un cessez-le-feu. C'est évoquer des échanges de prisonniers - évidemment, nous appelons à la libération des deux soldats israéliens sans condition - mais aussi permettre le déploiement de l'armée libanaise du Sud Liban à la frontière israélo-libanaise.
Ce discours, c'est un discours de paix. C'est le discours que nous tiendrons la semaine prochaine à Rome, puisque nous appartenons, au même titre que les Américains ou d'autres, à ce "Core group" qui regroupe les amis du Liban. Nous souhaitons que la discussion porte sur les conditions politiques nécessaires à l'arrêt des hostilités, au cessez-le-feu des deux côtés dans cette région du monde.
A Rome, mercredi, la France dira avec force, avec les Egyptiens et les Jordaniens, en particulier, que, aujourd'hui, le courage politique, c'est de dire haut et fort qu'il faut cesser les hostilités, qu'il faut trouver les conditions politiques et que cela doit être discuté au Conseil de Sécurité des Nations Unies, à un niveau ministériel, je l'espère.
Pour terminer, avant de répondre à vos questions, je voudrais vous dire combien j'ai été heureux et honoré d'être reçu par Sa Majesté le Roi Abdallah II et également par mon homologue, le ministre des Affaires Etrangères jordanien, avec lequel j'entretiens d'excellentes relations, et avec lequel nous partageons une vision commune, surtout dans ces moments difficiles, que traverse la région.
Q - Comment la France considère-t-elle la position de Mme Rice sur le cessez-le-feu, ainsi que le fait que les Etats-Unis livrent à Israël des missiles de précision ? Pouvez-vous nous indiquer si Israël a ouvert les corridors humanitaires comme la France le souhaite ? Quel est le volume d'aide que la France s'est engagée à livrer ?
R - Je voudrais d'abord, pour répondre à votre question, vous dire que le président de la République, Jacques Chirac, a été le premier à demander ces corridors humanitaires. Il me paraît tout à fait normal que, dans le cadre d'un conflit comme celui-là, les vivres, les médicaments, les couvertures, les secours de première nécessité, puissent être acheminés vers les populations qui n'ont plus rien. Ce sera l'occasion pour moi, demain en Israël, de demander cela avec force et de m'assurer que ces corridors humanitaires sont bien sûrs. J'ai été heureux de voir que Mme Condoleezza Rice avait demandé la même chose.
Concernant le cessez-le-feu, je crois que nous examinerons cette question mercredi à cette réunion des amis du Liban. Mais il me paraît essentiel de bien comprendre qu'aujourd'hui rien de durable ne peut se faire s'il n'y a pas un arrêt des hostilités, s'il n'y a pas la recherche des conditions politiques pour trouver les moyens d'un cessez-le-feu. Rien ne durable ne peut se faire sans dialogue politique, rien de durable ne peut se faire sans négociation. La violence n'entraîne que la violence, avec son cortège de victimes, de victimes civiles, de catastrophes, d'horreurs, de destructions. Je ne vois pas qui peut être opposé à ce que je viens de dire. Nous le verrons d'ailleurs mercredi.
Q - Monsieur le Ministre, une clarification, s'il vous plaît. Etes vous favorable à la libération des prisonniers ou à un échange de prisonniers ?
R - J'ai dit que nous avons toujours demandé la libération sans condition des deux prisonniers, des deux soldats israéliens. Je dis que, parmi les conditions de sortie de crise, il faut trouver des conditions politiques d'un cessez-le-feu. Nous savons très bien qu'il y aura un échange de prisonniers, nous savons qu'il y aura la nécessité de déployer l'armée libanaise au Sud ; il y aura peut-être la nécessité de parler d'autres territoires, peu importe. En tout cas la France ne peut être là que pour faciliter l'échange entre les propositions des uns et des autres, comme Javier Solana l'a fait, comme les Nations unies le font. Nous sommes à la disposition de toutes les parties pour pouvoir le plus vite possible faire cesser les hostilités.
Q - Alors que tous les efforts diplomatiques, arabes, égyptiens, français ou autres ne suffisent pas à convaincre les Etats-Unis qui continuent à agir comme bon leur semblent, quelle sera votre position lors de la prochaine réunion de Rome ?
R - A Rome, mercredi, comme je l'ai dit tout à l'heure, la France, avec d'autres - les Egyptiens, les Jordaniens et peut-être d'autres encore - dira avec force que le courage politique aujourd'hui est de demander la cessation des hostilités, de définir les conditions politiques d'un cessez-le-feu, et bien sûr, de dire que ce sera un des principaux messages politiques à envoyer au Conseil de sécurité des Nations unies. Car je ne vois pas comment on peut continuer à aborder le sujet de ce conflit si on ne parle pas avant tout de l'arrêt des hostilités. C'est, me semble-t-il, une ligne que la France va défendre avec d'autres et, je l'espère, qui sera partagée par la plupart des pays, et pourquoi pas tous.
Q - Monsieur le Ministre, les chancelleries déploient d'énormes efforts pour obtenir la libération de trois soldats israéliens prisonniers, dont l'un est de nationalité française, tandis qu'il y a dix milles prisonniers israéliens et arabes dans les prisons israéliennes, et l'on ne trouve personne pour en parler ? Qu'en pensez-vous ?
R - Vous savez, je suis persuadé que la seule possibilité pour sortir de la crise, c'est de se mettre autour d'une table et d'arrêter les violences. Donc quand on parle de prisonniers, de part et d'autre, on parle d'échange de prisonniers. Cela sera, j'espère, le moment de trouver rapidement des conditions de sortie de crise. C'est, je crois, la volonté générale, j'espère que les deux parties en sont d'accord. En tout cas la France est, comme d'ailleurs les Nations unies, comme l'ensemble de l'Union européenne, prête à faire des propositions aux autres, à aller de l'une à l'autre partie pour savoir comment sortir le plus vite de la crise.
Je vous rappelle que la France, partout dans le monde, prône la libération des prisonniers où qu'ils soient et quels qu'ils soient, dans la mesure où, bien évidemment, c'est conforme au droit international. La France est le pays des Droits de l'Homme et ne fait pas la différence en matière de Droits de l'Homme entre un pays et un autre.
Q - Vous avez dit que vous condamniez le Hezbollah et ses pratiques, mais vous ne condamnez pas Israël, vous ne condamnez pas les opérations terroristes perpétrées par Israël contre le peuple palestinien. Que répondez-vous à cela ? Et si vous voulez un cessez-le feu, pourquoi voulez vous un cessez-le-feu de la part du Hezbollah ?
R - Il faudrait que je recommence ma conférence de presse alors. J'ai exactement dit le contraire. J'ai parlé des deux côtés, j'ai dit qu'il fallait arrêter les hostilités des deux côtés. J'estime que la résolution 1559 des Nations unies doit être parfaitement respectée, c'est-à-dire y compris désarmement du Hezbollah. Je condamne aussi les bombardements sur l'ensemble du territoire du Liban. C'est ce que je viens de dire tout à l'heure.
Merci beaucoup.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 juillet 2006