Texte intégral
Q- Vous revenez tout juste de Rome. Vous n'avez pas obtenu d'accord sur un cessez-le-feu immédiat. On a vu votre déception. Vous considérez que c'est un échec, un semi-échec ?
R - D'abord oui, je suis déçu, et j'ai ferraillé toute la journée, en particulier avec les Américains, pour leur demander un cessez-le-feu immédiat. C'est, je dirais, le premier geste humanitaire, qu'il faut faire. C'est bien de faire des couloirs humanitaires. Le président de la République l'a demandé, le président Bush aussi. Les Israéliens l'ont accepté. La première chose qu'il faut faire sur le plan humanitaire, c'est déjà que les bombes et les roquettes ne tombent pas.
Ensuite, on a gagné sur un élément : il n'y aura pas de forces de l'Otan qui partiront tout de suite, comme cela avait été proposé par les Américains il y a quelques jours, alors que le cessez-le-feu n'existe pas
Q- Vous privilégiez l'ONU.
R - Nous, nous voulons que ce soit sous mandat de l'ONU. On veut que le Secrétaire général des Nations unies soit l'acteur principal.
Q- Pourquoi l'ONU d'ailleurs ? Pourquoi ?
R - D'abord, parce que nous croyons au multilatéralisme. Aucun pays au monde, fût-ce le plus puissant, n'a à dicter sa volonté plus que les autres. Nous avons rappelé cela. Nous pensons qu'une force multinationale peut venir. Le président l'a rappelé aujourd'hui. Mais à une condition : qu'il y ait un accord politique entre les parties. Cet accord, pour les Israéliens, c'est le droit à la sécurité, c'est le retour de leurs prisonniers. Pour les Libanais, ce sont les fermes de Chebaa. C'est aussi le déploiement de la force armée libanaise au sud du Liban, à la frontière israélo-libanaise
Q- Le problème crucial que l'on se pose aujourd'hui, c'est le désarmement du Hezbollah. Qui va s'en charger, et est-ce que cela comporte des risques ?
R - Nous avons pratiquement écrit, nous les Français, avec les Américains, la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui demande le désarmement de toutes les milices du Liban, y compris le Hezbollah. Nous avons toujours condamné le Hezbollah, et en particulier, ce qu'ils ont fait, lorsqu'ils ont enlevé ces deux soldats israéliens. Pour désarmer le Hezbollah, il n'y a qu'une seule solution, c'est le dialogue politique. Car il n'y aura pas de solution purement miliaire.
Q - Oui, mais qui doit s'en charger ? Les Libanais, le gouvernement libanais ?
R - D'abord, il doit y avoir, en effet, une négociation entre le gouvernement libanais et le Hezbollah d'une part. Ensuite, il doit y avoir une discussion entre Israël, le Liban et nous, la communauté internationale. La solution purement militaire ne marchera pas, que ce soit du côté d'Israël ou de celui du Hezbollah.
Q - La Syrie, l'Iran et l'Israël n'ont pas été invités à Rome. Est-ce que, selon vous, c'est une erreur ?
R - C'était le groupe des amis du Liban qui se réunit depuis un an, auxquels ils n'assistent pas en général. Mais vous avez raison. Il va falloir, à un moment donné, que l'on puisse parler aussi avec un certain nombre de personnes, avec l'Iran, qui est un grand pays, une grande civilisation, qui joue un rôle, et qui doit jouer un rôle de stabilisation dans la région. Nous avons une négociation très dure avec ce pays sur le nucléaire. Nous pensons qu'il doit avoir le nucléaire civil à des fins pacifiques et non militaires. Mais cela n'empêche pas d'avoir aussi sa vision des choses sur la stabilisation.
Un mot cependant : attention à ce que la déstabilisation du Liban ne vienne pas entraîner une déstabilisation de l'ensemble de la région et à terme, qu'il y ait un conflit entre les Musulmans, l'Islam, et l'Occident. Ce serait la pire chose. La France a toujours pensé, au contraire, que c'est en connaissant l'autre, en le respectant, que l'on évitera cette guerre des civilisations.
Q - C'est peut-être ce que n'ont pas compris les Américains ?
R - Peut-être. Mais il faut qu'on le comprenne tous. C'est le rôle de la France de le faire. Elle l'a fait pour l'Irak. Il faut maintenant qu'elle se fasse plus entendre.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 2006