Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur l'arrestation et l'extradition d'Alfred Sirven et sur l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac, à l'Assemblée nationale le 6 février 2001.

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Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député,
Puisque vous avez choisi de faire un rapprochement et d'établir un parallèle, alors je m'inscrirai effectivement dans ce parallèle.
D'abord, pour dire que je me réjouis qu'apparemment le thème des polémiques, à propos du retour de monsieur Sirven en France - qui est proche, du moins je le pense -, je vois que ces polémiques se sont éteintes. Effectivement, ayant été amené, sur la base des propositions des juges, de l'analyse de la Chancellerie, des conseils de notre diplomatie, à prendre moi-même, en tant que représentant du pouvoir exécutif, les décisions, et à faire le choix, vendredi matin, à un moment où j'étais dans mon canton, où l'on m'a appelé pour me dire qu'il fallait que je prenne une décision en un quart d'heure, pour savoir si nous mettions monsieur Sirven dans l'avion de la Lufthansa - puisqu'il n'avait pas été possible, en raison d'une absence de papiers d'un policier philippin, de le mettre sur le vol d'Air France - ou si nous devions attendre 48 heures pour le prochain vol d'Air France, ou même 24 ou 28 heures pour un avion spécial que nous avions déjà affrété. Entre le risque maximum de voir monsieur Sirven disparaître, aux Philippines, et le risque minimum de voir les autorités judiciaires allemandes dans le respect de leurs lois - respect que je confirme ici -, entre le risque minimum de voir monsieur Sirven, retenu quelques jours à Francfort, oui j'assume parfaitement la décision que j'ai prise !
Et quand je vois les commentaires souvent extravagants qui ont été faits à propos du simple respect du droit... Mais je ne parle pas forcément de l'opposition, mesdames et messieurs ! J'ai entendu monsieur Debré, dont je parlais je crois la semaine dernière, et je dois dire que la façon dont il s'est exprimé, à propos d'une "péripétie" - parce que c'est une péripétie dans le respect du droit et des règles de l'espace judiciaire européen ! - m'a convenue. Il y en a eu quelques autres. Mais je ne pense pas seulement à l'opposition. Je pense aux commentaires véritablement extravagants qui ont été faits. Imaginez ce qui se serait produit si, comme nous pouvions le craindre, c'était des Philippines que M. Sirven avait disparu et que nous ne le retrouvions pas. J'ai assumé pleinement la décision, je remercie les autorités philippines d'avoir arrêté M. Sirven. Je respecte les formes que prennent les autorités allemandes dans l'espace judiciaire européen pour nous renvoyer M. Sirven.
La conclusion que l'on peut tirer, c'est que cet homme qui était parti - vous l'avez dit vous même - il y a six ans à l'étranger, nous l'avons recherché, nous avons mis tous les moyens de la police au service de la justice. Il a été retrouvé et il sera traduit devant ses juges.
Je comprends parfaitement que trois ans, jour pour jour, après l'assassinat du préfet Erignac que des questions puissent être posées. D'ailleurs, ce matin, aux côtés de madame Erignac et de ses enfants, D. Vaillant, le ministre de l'Intérieur, comme l'avait fait son prédécesseur, a marqué à nouveau, place Beauvau, son témoignage de solidarité. Je veux vous confirmer ce que je vous ai toujours dit : l'objectif de retrouver tous les assassins présumés du préfet Erignac est un objectif central pour l'Etat. Je voudrai rappeler, parce qu'on l'oublie souvent, que six d'entre eux ont déjà été arrêtés dans la période antérieure. Et puisque vous établissez le parallèle, je l'établis jusqu'au bout : pourquoi douteriez-vous - le bras de la République et la justice étant long et pouvant retrouver au bout du compte quiconque mérite d'être traduit devant elle, à la lumière de l'exemple de M. Sirven - de notre volonté et de notre capacité, le moment venu, à faire en sorte que M. Colonna, assassin présumé, puisse être traduit devant la justice française ? C'est notre objectif et nous y parviendrons !

(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 7 février 2001)