Texte intégral
J.-C. Mailly
(FO)
France Inter
8h20
P. Boyer
le 4 août 2006
Q- Le CNE a un an. Il permet aux petites entreprises de moins de 20 personnes d'embaucher quelqu'un avec possibilité de le licencier sans motif pendant les deux premières années. Le ministère de l'Emploi dit que le CNE a permis la création nette de 55.000 emplois en France. La victoire des syndicats et des jeunes contre le CPE, version jeune du CNE, n'a pas entamé le succès tranquille du CNE dans les petites entreprises. Pour cette anniversaire du CNE, Libération titrait hier : une bougie mais pas de cadeau ; est-ce que cela vous parait bien résumer la situation ?
R- Oui, tout à fait. Les chiffres que donne le Gouvernement depuis plusieurs mois, cela fait partie de la méthode Coué : des intentions d'embauche, 550.000 intentions d'embauche, mais tout cela ne reflète pas la réalité. La réalité que, d'ailleurs, on connaît, imparfaitement puisqu'il faudra attendre deux ans, puisqu'il y a une période d'essai de deux ans, pour voir exactement ce que seront devenus les CNE. Je crois que le Gouvernement s'illusionne beaucoup, le Premier ministre qui tient beaucoup au CNE considère, lui, que c'est grâce au CNE que le chômage baisse ; cela, nous le contestons fortement et nous n'avons toujours pas abandonné l'objectif qui est de faire la peau au CNE, c'est évident.
Q- Pour revenir sur les chiffres, les études disent tout de même qu'un CNE sur dix débouche sur une vraie création d'emploi, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas eu forcément cet emploi créé sans le CNE. Et du coup, à partir de cela, le verre est à moitié vide ou à moitié plein, mais c'est quand même 55.000 emplois créés.
R- 55.000, c'est monsieur Dutreil. Alors monsieur Dutreil, quand il était ministre de la Fonction publique, je l'appelais "l'erreur de casting du Gouvernement", alors je ne fie pas aux chiffres de monsieur Dutreil. La seule étude que nous possédons, qui soit qualifiée d'un peu sérieuse aujourd'hui - qui est une étude, je dis bien une étude - c'est celle d'un service du ministère du Travail qui évalue à 44.000 le nombre de CNE en solde, je dirais...
Q- ...D'emplois nets créés.
R- Effectivement, ce n'est pas rien en tant que tel. Mais, dans le même temps, comparés aux 550.000 annoncés, on voit que c'est très largement en dessous de l'objectif fixé par le Gouvernement et annoncé en tant que tel. Et encore : on ne sait pas ce que deviendront ces CNE, puisque pendant une période de deux ans, l'employeur peut se séparer rapidement, par une simple lettre recommandée, du salarié. Je crois que quand on sait que l'économie française a créé 100.000 emplois, à peu près, d'après l'Unedic, l'année dernière sur un an, que près de la moitié de ces emplois ont été créés dans un seul secteur qui est celui de la construction et du bâtiment, on voit bien que cela ne répond pas l'enjeu, aujourd'hui, pour lutter contre le chômage, qui est la création de véritables emplois.
Q- On voit néanmoins que les gens qui signent des CNE sont en majorité masculins, plutôt jeunes et peu qualifiés, dont beaucoup sortent d'une situation précaire. Si l'on arrive quand même à en sauver 55.000 avec un vrai job, ce n'est pas indifférent tout de même.
R- C'est comme toujours, c'est comme les contrats aidés : il vaut mieux avoir un contrat aidé que rien du tout. Mais il faut toujours faire la part des choses entre quelqu'un qui cherche du travail, qu'il soit qualifié ou pas, qui est prêt à accepter, parce qu'il a besoin de manger, le contrat de travail qu'on lui proposera, y compris si c'est un CNE, parce qu'il n'a pas le choix, je ne condamne pas, bien entendu, les personnes qui prennent un CNE, ils cherchent du travail. Ce que je condamne, c'est le type du contrat de travail, le fait que l'on puisse rompre ce contrat de travail sans motiver la raison du licenciement, c'est comme pour le CPE, c'est un problème de fond. C'est un problème de mépris vis-à-vis des salariés que l'on emploie. Pouvoir dire à quelqu'un : "je n'ai plus besoin de vous, vous ne saurez pas pourquoi", donc être licencié sans savoir la raison pour laquelle on nous licencie, c'est un véritable mépris. C'est comme cela que c'est perçu aujourd'hui, nonobstant le fait que c'est toujours la porte ouverte pour une remise en cause des autres contrats de travail, notamment du contrat de travail à durée indéterminée. Je vous rappelle que le Premier ministre a commencé par le CNE, qu'il voulait faire le CPE et qu'après le CPE, il voulait faire un contrat de travail unique sur le modèle du CNE. Il y a donc bien une volonté de précariser fortement les salariés et leur contrat de travail. Nous avons stoppé, avec le CPE, la velléité de mettre en place un nouveau contrat de travail mais le CNE existe toujours.
Q- Il existe et il s'est un peu installé dans le paysage...
R- Pour le moment, mais pas si bien que ça.
Q- Mais qui a dit qu'après la mort du CPE, sous les manifs : "le CNE allait mourir dans d'atroces souffrances judiciaires" ?
R- C'est moi qui ai dit cela.
Q- C'est vous qui l'avez dit mais cela n'a pas eu lieu.
R- Qu'on se comprenne bien. J'avais repris la formule d'un journal satyrique qui sort le mercredi "mourir dans d'atroces souffrances judiciaires". Mais cela veut dire qu'il faut un certain délai pour obtenir cela. Je rappelle qu'il y a pas mal de saisines des Prud'hommes, qui ont déjà eu lieu, qui vont avoir lieu dans les mois à venir, que des premiers appels vont avoir lieu sur Paris à partir du mois de septembre, qu'il va y avoir également un avis du Bureau international du travail - FO a saisi le BIT qui rendra son avis au mois de novembre -, parce que nous considérons que le CNE viole une convention internationale du travail, acceptée par la France, qui oblige à motiver les licenciements.
Q- Mais pour obtenir une décision au niveau international de l'OIT, cela prend des mois voire des années...
R- Non, en novembre de cette année. Normalement, nous avons l'avis du BIT au mois de novembre.
Q- Oui, un avis mais si après il est contesté, s'il y a des appels, etc.
R- Non, il n'y a plus d'appel au BIT. Le BIT, une fois qu'il a donné son avis...
Q- ... Mais l'avis est-il contraignant ?
R- Non, justement, ce n'est pas contraignant. Mais si la France est condamnée, la France qui se vante d'être le plus grand signataire de conventions internationales du travail, d'être mis au banc des accusés au même titre que la Birmanie, parce qu'elle ne respecte pas le code du travail, cela fait mauvais dans le paysage. C'est ça le poids du BIT.
Q- On sent bien qu'il y a une insécurité judiciaire autour de ce CNE en France, pour les petits patrons qui y recourent, mais les décisions des tribunaux sont diverses, selon les cas d'espèce et pour l'instant, cette insécurité judiciaire n'est pas dissuasive pour signer des CNE.
R- Ce n'est pas si évident que cela. Quand vous regardez certaines publications patronales de la CGPME, par exemple, qui est la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, dans une de leur dernière revue, ils ont mis : "prudence avant de signer un CNE", parce que, justement, ils disent que ce n'est aussi simple que cela, faites attention, etc. Donc, il y a aussi des employeurs aujourd'hui qui pensaient finalement - ce qui était l'objectif du Gouvernement - qu'ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, vous embauchez quelqu'un et vous pouvez vous en séparer comme vous voulez. Donc, c'est la liberté totale pour les employeurs. Ils se rendent compte aujourd'hui qui ce n'est pas si simple que cela. Par exemple, on ne peut pas licencier, et fort heureusement, y compris en CNE, une femme qui est enceinte.
Q- Comment "faire la peau au CNE", puisque telle est votre intention et ce sont vos mots, qui rejoignent d'ailleurs les intentions et les mots du secrétaire général de la CGT, B. Thibault. Sur le plan judiciaire, ce n'est pas évident. Cela veut dire que c'est l'alternance politique qui pourrait le faire, puisque le PS a dit qu'il supprimerait le CNE ?
R- Nous avons dit, comme les autres organisations syndicales, à FO que nous aurons sa peau sur le plan juridique du CNE. Les recours au Prud'hommes, il n'y en a pas eu tant que cela pour le moment, le temps que les dossiers soient déposés. Cela va s'accélérer à l'automne les recours aux Prud'hommes. Le BIT, cela fait déjà pas mal d'éléments, qui, si nous avons satisfaction à la fois aux Prud'hommes, à la fois au BIT, dans certains appels qui vont avoir lieu, le Gouvernement sera bien obligé de tenir compte de la réalité des choses après les alternances politiques, c'est autre chose...
Q- Vous ne croyez pas que ce sont les échéances politiques qui vont aller plus vite, si alternance il y avait, qu'un maquis judicaire qui ne s'éclaircira pas avant longtemps ?
R- Je ne suis pas sûr qu'il ne s'éclaircira pas avant longtemps. Je ne sais ce que fera le BIT, mais s'il nous donne satisfaction, cela pèsera dans le dossier. Après, il y aura les échéances politiques ; les échéances politiques, c'est autre chose.
Q- Mais vous attendez quand même quelque chose de cette échéance, étant donné que le PS dit que s'il revient au pouvoir, il supprimera le CNE dans un an ?
R- Ce sont des engagements... Vous savez, on va entendre beaucoup de choses pendant les mois à venir du côté des partis politiques. C'est de la responsabilité des partis politiques. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de campagne électorale qui va s'ouvrir ou qui est déjà ouverte d'ailleurs que la vie sociale et économique va se mettre entre parenthèses. Nous allons continuer ce que nous avons à faire sur le plan social et syndical. Et campagne électorale ou pas, nous allons continuer notamment, mais ce n'est pas le seule revendication, bien entendu, à lutter contre le CNE qui est la première porte d'entrée pour une précarisation accrue du code du travail. On ne peut pas, quand on est employeur, dire "je ne trouve plus de salariés" - j'ai des employeurs qui me disent qu'ils ont du mal à trouver des salariés - et ne pas les respecter un minimum. Les respecter un minimum, c'est notamment pouvoir dire à un salarié "ça ne va pas pour telle et telle raisons, donc, je vous licencie". Le CDI, ce n'est pas un contrat à vie, il y a des gens qui se font licencier, qui sont en CDI, ce n'est pas une protection absolue. Sauf qu'il y a des garanties et c'est ce que nous demandons.
Q- N'y a-t-il rien à attendre des discussions avec le Medef, pour assouplir les fameuses règles d'embauche et de façon acceptable pour tout le monde ?
R- Pour le moment, il y a un fossé entre ce que dit le Medef et ce que dit,par exemple FO. Du côté du Medef, on nous parle de séparabilité, on nous parle de plus grande flexibilité dans le contrat de travail, et nous, ce que nous disons, c'est qu'on veut plus de sécurité pour les salariés. Entre ces deux positions, qui se trouvent à l'autre bout de l'échiquier, je ne vois pas comment dans l'immédiat on pourrait trouver un accord sur ce genre de choses. La flexi-sécurité, terme à la mode dont on nous parle beaucoup, modèle danois ou autre, quand je discute avec mes camarades danois, ce n'est pas aussi simple que cela. Et ce modèle est également remis en cause au Danemark.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 août 2006
(FO)
France Inter
8h20
P. Boyer
le 4 août 2006
Q- Le CNE a un an. Il permet aux petites entreprises de moins de 20 personnes d'embaucher quelqu'un avec possibilité de le licencier sans motif pendant les deux premières années. Le ministère de l'Emploi dit que le CNE a permis la création nette de 55.000 emplois en France. La victoire des syndicats et des jeunes contre le CPE, version jeune du CNE, n'a pas entamé le succès tranquille du CNE dans les petites entreprises. Pour cette anniversaire du CNE, Libération titrait hier : une bougie mais pas de cadeau ; est-ce que cela vous parait bien résumer la situation ?
R- Oui, tout à fait. Les chiffres que donne le Gouvernement depuis plusieurs mois, cela fait partie de la méthode Coué : des intentions d'embauche, 550.000 intentions d'embauche, mais tout cela ne reflète pas la réalité. La réalité que, d'ailleurs, on connaît, imparfaitement puisqu'il faudra attendre deux ans, puisqu'il y a une période d'essai de deux ans, pour voir exactement ce que seront devenus les CNE. Je crois que le Gouvernement s'illusionne beaucoup, le Premier ministre qui tient beaucoup au CNE considère, lui, que c'est grâce au CNE que le chômage baisse ; cela, nous le contestons fortement et nous n'avons toujours pas abandonné l'objectif qui est de faire la peau au CNE, c'est évident.
Q- Pour revenir sur les chiffres, les études disent tout de même qu'un CNE sur dix débouche sur une vraie création d'emploi, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas eu forcément cet emploi créé sans le CNE. Et du coup, à partir de cela, le verre est à moitié vide ou à moitié plein, mais c'est quand même 55.000 emplois créés.
R- 55.000, c'est monsieur Dutreil. Alors monsieur Dutreil, quand il était ministre de la Fonction publique, je l'appelais "l'erreur de casting du Gouvernement", alors je ne fie pas aux chiffres de monsieur Dutreil. La seule étude que nous possédons, qui soit qualifiée d'un peu sérieuse aujourd'hui - qui est une étude, je dis bien une étude - c'est celle d'un service du ministère du Travail qui évalue à 44.000 le nombre de CNE en solde, je dirais...
Q- ...D'emplois nets créés.
R- Effectivement, ce n'est pas rien en tant que tel. Mais, dans le même temps, comparés aux 550.000 annoncés, on voit que c'est très largement en dessous de l'objectif fixé par le Gouvernement et annoncé en tant que tel. Et encore : on ne sait pas ce que deviendront ces CNE, puisque pendant une période de deux ans, l'employeur peut se séparer rapidement, par une simple lettre recommandée, du salarié. Je crois que quand on sait que l'économie française a créé 100.000 emplois, à peu près, d'après l'Unedic, l'année dernière sur un an, que près de la moitié de ces emplois ont été créés dans un seul secteur qui est celui de la construction et du bâtiment, on voit bien que cela ne répond pas l'enjeu, aujourd'hui, pour lutter contre le chômage, qui est la création de véritables emplois.
Q- On voit néanmoins que les gens qui signent des CNE sont en majorité masculins, plutôt jeunes et peu qualifiés, dont beaucoup sortent d'une situation précaire. Si l'on arrive quand même à en sauver 55.000 avec un vrai job, ce n'est pas indifférent tout de même.
R- C'est comme toujours, c'est comme les contrats aidés : il vaut mieux avoir un contrat aidé que rien du tout. Mais il faut toujours faire la part des choses entre quelqu'un qui cherche du travail, qu'il soit qualifié ou pas, qui est prêt à accepter, parce qu'il a besoin de manger, le contrat de travail qu'on lui proposera, y compris si c'est un CNE, parce qu'il n'a pas le choix, je ne condamne pas, bien entendu, les personnes qui prennent un CNE, ils cherchent du travail. Ce que je condamne, c'est le type du contrat de travail, le fait que l'on puisse rompre ce contrat de travail sans motiver la raison du licenciement, c'est comme pour le CPE, c'est un problème de fond. C'est un problème de mépris vis-à-vis des salariés que l'on emploie. Pouvoir dire à quelqu'un : "je n'ai plus besoin de vous, vous ne saurez pas pourquoi", donc être licencié sans savoir la raison pour laquelle on nous licencie, c'est un véritable mépris. C'est comme cela que c'est perçu aujourd'hui, nonobstant le fait que c'est toujours la porte ouverte pour une remise en cause des autres contrats de travail, notamment du contrat de travail à durée indéterminée. Je vous rappelle que le Premier ministre a commencé par le CNE, qu'il voulait faire le CPE et qu'après le CPE, il voulait faire un contrat de travail unique sur le modèle du CNE. Il y a donc bien une volonté de précariser fortement les salariés et leur contrat de travail. Nous avons stoppé, avec le CPE, la velléité de mettre en place un nouveau contrat de travail mais le CNE existe toujours.
Q- Il existe et il s'est un peu installé dans le paysage...
R- Pour le moment, mais pas si bien que ça.
Q- Mais qui a dit qu'après la mort du CPE, sous les manifs : "le CNE allait mourir dans d'atroces souffrances judiciaires" ?
R- C'est moi qui ai dit cela.
Q- C'est vous qui l'avez dit mais cela n'a pas eu lieu.
R- Qu'on se comprenne bien. J'avais repris la formule d'un journal satyrique qui sort le mercredi "mourir dans d'atroces souffrances judiciaires". Mais cela veut dire qu'il faut un certain délai pour obtenir cela. Je rappelle qu'il y a pas mal de saisines des Prud'hommes, qui ont déjà eu lieu, qui vont avoir lieu dans les mois à venir, que des premiers appels vont avoir lieu sur Paris à partir du mois de septembre, qu'il va y avoir également un avis du Bureau international du travail - FO a saisi le BIT qui rendra son avis au mois de novembre -, parce que nous considérons que le CNE viole une convention internationale du travail, acceptée par la France, qui oblige à motiver les licenciements.
Q- Mais pour obtenir une décision au niveau international de l'OIT, cela prend des mois voire des années...
R- Non, en novembre de cette année. Normalement, nous avons l'avis du BIT au mois de novembre.
Q- Oui, un avis mais si après il est contesté, s'il y a des appels, etc.
R- Non, il n'y a plus d'appel au BIT. Le BIT, une fois qu'il a donné son avis...
Q- ... Mais l'avis est-il contraignant ?
R- Non, justement, ce n'est pas contraignant. Mais si la France est condamnée, la France qui se vante d'être le plus grand signataire de conventions internationales du travail, d'être mis au banc des accusés au même titre que la Birmanie, parce qu'elle ne respecte pas le code du travail, cela fait mauvais dans le paysage. C'est ça le poids du BIT.
Q- On sent bien qu'il y a une insécurité judiciaire autour de ce CNE en France, pour les petits patrons qui y recourent, mais les décisions des tribunaux sont diverses, selon les cas d'espèce et pour l'instant, cette insécurité judiciaire n'est pas dissuasive pour signer des CNE.
R- Ce n'est pas si évident que cela. Quand vous regardez certaines publications patronales de la CGPME, par exemple, qui est la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises, dans une de leur dernière revue, ils ont mis : "prudence avant de signer un CNE", parce que, justement, ils disent que ce n'est aussi simple que cela, faites attention, etc. Donc, il y a aussi des employeurs aujourd'hui qui pensaient finalement - ce qui était l'objectif du Gouvernement - qu'ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, vous embauchez quelqu'un et vous pouvez vous en séparer comme vous voulez. Donc, c'est la liberté totale pour les employeurs. Ils se rendent compte aujourd'hui qui ce n'est pas si simple que cela. Par exemple, on ne peut pas licencier, et fort heureusement, y compris en CNE, une femme qui est enceinte.
Q- Comment "faire la peau au CNE", puisque telle est votre intention et ce sont vos mots, qui rejoignent d'ailleurs les intentions et les mots du secrétaire général de la CGT, B. Thibault. Sur le plan judiciaire, ce n'est pas évident. Cela veut dire que c'est l'alternance politique qui pourrait le faire, puisque le PS a dit qu'il supprimerait le CNE ?
R- Nous avons dit, comme les autres organisations syndicales, à FO que nous aurons sa peau sur le plan juridique du CNE. Les recours au Prud'hommes, il n'y en a pas eu tant que cela pour le moment, le temps que les dossiers soient déposés. Cela va s'accélérer à l'automne les recours aux Prud'hommes. Le BIT, cela fait déjà pas mal d'éléments, qui, si nous avons satisfaction à la fois aux Prud'hommes, à la fois au BIT, dans certains appels qui vont avoir lieu, le Gouvernement sera bien obligé de tenir compte de la réalité des choses après les alternances politiques, c'est autre chose...
Q- Vous ne croyez pas que ce sont les échéances politiques qui vont aller plus vite, si alternance il y avait, qu'un maquis judicaire qui ne s'éclaircira pas avant longtemps ?
R- Je ne suis pas sûr qu'il ne s'éclaircira pas avant longtemps. Je ne sais ce que fera le BIT, mais s'il nous donne satisfaction, cela pèsera dans le dossier. Après, il y aura les échéances politiques ; les échéances politiques, c'est autre chose.
Q- Mais vous attendez quand même quelque chose de cette échéance, étant donné que le PS dit que s'il revient au pouvoir, il supprimera le CNE dans un an ?
R- Ce sont des engagements... Vous savez, on va entendre beaucoup de choses pendant les mois à venir du côté des partis politiques. C'est de la responsabilité des partis politiques. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de campagne électorale qui va s'ouvrir ou qui est déjà ouverte d'ailleurs que la vie sociale et économique va se mettre entre parenthèses. Nous allons continuer ce que nous avons à faire sur le plan social et syndical. Et campagne électorale ou pas, nous allons continuer notamment, mais ce n'est pas le seule revendication, bien entendu, à lutter contre le CNE qui est la première porte d'entrée pour une précarisation accrue du code du travail. On ne peut pas, quand on est employeur, dire "je ne trouve plus de salariés" - j'ai des employeurs qui me disent qu'ils ont du mal à trouver des salariés - et ne pas les respecter un minimum. Les respecter un minimum, c'est notamment pouvoir dire à un salarié "ça ne va pas pour telle et telle raisons, donc, je vous licencie". Le CDI, ce n'est pas un contrat à vie, il y a des gens qui se font licencier, qui sont en CDI, ce n'est pas une protection absolue. Sauf qu'il y a des garanties et c'est ce que nous demandons.
Q- N'y a-t-il rien à attendre des discussions avec le Medef, pour assouplir les fameuses règles d'embauche et de façon acceptable pour tout le monde ?
R- Pour le moment, il y a un fossé entre ce que dit le Medef et ce que dit,par exemple FO. Du côté du Medef, on nous parle de séparabilité, on nous parle de plus grande flexibilité dans le contrat de travail, et nous, ce que nous disons, c'est qu'on veut plus de sécurité pour les salariés. Entre ces deux positions, qui se trouvent à l'autre bout de l'échiquier, je ne vois pas comment dans l'immédiat on pourrait trouver un accord sur ce genre de choses. La flexi-sécurité, terme à la mode dont on nous parle beaucoup, modèle danois ou autre, quand je discute avec mes camarades danois, ce n'est pas aussi simple que cela. Et ce modèle est également remis en cause au Danemark.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 août 2006