Interview de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes à France 2 le 28 juillet 2006, sur la situation de l'emploi, les chiffres du chômage et le rapprochement entre les Assedic et l'ANPE.

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Média : France 2

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F. Beaudonnet - Le chômage poursuit sa décrue et malgré tout, dans cette bonne nouvelle, les spécialistes disent qu'il y a une partie de cette décrue qui est liée au fait qu'il y a des gens qui partent en retraite. Quelle est la part, selon vous, de la démographie dans ces bons chiffres du chômage ?
R - Tout d'abord, moins 26.500 chômeurs de moins ; sur une année, moins 255.000 chômeurs, l'équivalent de la population de Strasbourg, un taux de chômage à 9 points.
Q - Ce sont les chiffres...
R - Ce sont les chiffres, avec, d'abord, des jeunes qui en profitent et les chômeurs longue durée. D'abord, la démographie - l'Insee, lundi, publiait les chiffres - c'est comme l'horizon : nous ne sommes pas encore au retournement démographique et c'est heureux. Cela veut dire que notre pays a encore un taux de natalité élevé, des jeunes qui rentrent dans le monde du travail, sur le marché du travail. Voilà pourquoi la vraie réponse à cette baisse du chômage, la vraie explication, c'est que nous créons des emplois, que nous les créons dans le secteur marchand, que nous les créons aussi dans le domaine des collectivités territoriales. Ce sont d'abord les entreprises et le secteur marchand qui créent des emplois.
Q - Vous êtes d'accord pour dire qu'aujourd'hui, il y a moins de monde qui entre dans la population active qu'il y a cinq ans et, donc, de fait, c'est plus facile aujourd'hui...
R - Naturellement, c'est plus facile. En tous les cas, ce que je constate, c'est que l'on crée réellement des emplois, 150.000 salariés de plus affiliés à l'Unedic. Plus d'apprentis, plus de contrat de professionnalisation, 50.000 emplois créés dans le bâtiment en une année. Le contrat "nouvelles embauches" qui, réellement a créé de manière certaine 55.000 emplois nouveaux et sans doute plus - je pense que c'est 75.000 -, l'amorce des emplois de service à la personne, voilà la réalité concrète et puis, aussi, ne l'oublions pas, 230.000 créations d'entreprises en une année, dont un tiers par des demandeurs d'emploi.
Q - J'y reviens, donc, pour vous, la démographie est une part minime de l'explication de ces chiffres ?
R - C'est d'abord la création d'emplois dans le secteur marchand, c'est aussi les effets du plan de cohésion sociale, que nous avons mis en place avec J.-L. Borloo. C'est l'effet du plan d'urgence sur l'emploi, c'est aussi une modernisation du service public de l'emploi. Avec, par exemple, enfin, un entretien mensuel pour le demandeur d'emploi avec le même référent. C'est aussi ce travail en commun que l'ANPE et l'Unedic conduisent. C'est enfin une forme d'optimisme : une entreprise sur deux, depuis le début de l'année a au moins embauché un cadre. C'est le signe qu'il y a une forme d'espérance dans le développement et donc, de confiance.
Q - Quelle est la part entre les effets du plan de cohésion sociale et le retour à une croissance modérée ?
R - Je crois que c'est un ensemble : une meilleure gestion du service public de l'emploi, des conditions de croissance, des éléments d'assouplissement du marché, le CNE pour les petites et les moyennes entreprises car c'est là qu'ils se créent essentiellement. Et puis il y a un effet du plan de cohésion sociale autour de la construction. Jamais on aura autant construit de logements dans ce pays, de logements sociaux. Je rappelle : le double d'indice de construction d'il y a six années. Voilà les réalités concrètes sur le terrain, voilà pourquoi ce combat continue à être mené, il devra continuer à être mener avec un objectif : briser enfin le chômage structurel.
Q - Qu'est-ce qui vous inquiète quand même, malgré tout, dans ces chiffres, quand vous les regardez de près ?
R - Tout d'abord, je vais vous parler d'un vécu dans le département que je connais bien. Entre des secteurs comme le mien, autour de Rambouillet, où le taux de chômage est autour de 6 % et des secteurs comme des quartiers en difficulté, comme on peut les connaître à Mantes, aux Mureaux, où le taux de chômage est trois voire quatre fois plus élevé, une priorité : lutter contre la non-insertion des jeunes des quartiers dans le monde du travail.
Q - Parce que le taux de chômage des moins de 25 ans est quand même encore autour de 22 %...
R - Même si c'est celui qui s'est le mieux amélioré en une année, 12,2 %, il reste certaines inégalités. Voilà pourquoi nous mettons en place le parcours d'accès à la vie active en entreprise, c'est une vraie priorité. Voilà pourquoi, à la rentrée, 10.000 jeunes diplômés qui ne trouvent désespérément pas d'emploi, parce qu'issus de ces quartiers, vont être pris en charge dans une opération d'out placement ( ?). Nous y consacrons 10 millions d'euros. Voilà pourquoi nous allons axer tous nos efforts en direction de ces jeunes.
Q - C'est D. de Villepin qui a fait l'annonce hier ; en général, c'est J.-L. Borloo. Est-ce que cela vous a un peu surpris ?
R - On a beaucoup glosé sur l'embargo, pas d'embargo... Ce qui compte, c'est que mois après mois, le chômage diminue. Peu importe, naturellement, c'est le fruit d'une équipe, de l'équipe gouvernementale, derrière le Premier ministre. Je dois dire que personnellement, avec J.-L. Borloo, ensemble, dans une totale confiance, nous travaillons pour que le chômage baisse, pour que les entreprises embauchent et surtout pour qu'il n'y ait pas d'exclus, notamment ces exclus des quartiers, même si une autre préoccupation qui est la mienne, ces chômeurs de longue durée, ceux qui, depuis plus de trois ans, désespérément n'ont pas retrouvé d'emploi. Voilà les vraies priorités, parce que travailler pour la cohésion sociale, c'est travailler pour l'ensemble des Français.
Q - D. de Villepin a fixé un objectif : être en dessous de la barre des deux millions de chômeurs à la fin de l'année. Qu'allez-vous mettre en place pour atteindre cet objectif ?
R - D'abord, beaucoup d'outils : une meilleure orientation des jeunes, la poursuite de l'accompagnement mensuel du demandeur d'emploi, ces actions en direction des quartiers, la validation des acquis de l'expérience et puis la mise en place du plan senior, où, à partir de 50 ans, on ne se retrouve pas au chômage, sous prétexte que l'on serait trop vieux. Voilà les priorités et, très concrètement, l'action que nous allons mener sur le terrain avec détermination.
Q - Le rapprochement entre les Assedic et l'ANPE, où en est-on ?
R - Ça, ce sera à l'automne, la mise en place d'un groupement d'intérêt économique. Enfin un seul réseau informatique, enfin un dossier unique du demandeur d'emploi, enfin, un profilage unique, c'est-à-dire un vrai travail en direction du demandeur d'emploi, et donc une structure commune. On en parlait depuis des années, le rendez-vous, c'est au mois d'octobre.
Q - Si vous deviez vous-même faire un pronostic, j'allais dire, si on se revoit ici dans un an, à quelle hauteur pensez-vous que sera le chômage ?
R - Je pense que l'objectif de le voir descendre en dessous de 8,5 % au printemps prochain est un objectif atteignable, parce que depuis un an, nous voyons le chômage baisser. Naturellement, il peut y avoir des incertitudes internationales. Nous vivons dans un monde dangereux, la France est d'ailleurs aux avant-postes, grâce à la très proche connaissance qu'a le président de la République du Proche-Orient et du Moyen-Orient. C'est naturellement de là que peuvent venir un certain nombre d'incertitudes.
Q - Cela vous inquiète, si le cours du pétrole explose, si l'immobilier s'effondre, etc. ?
R - L'emploi, cela ne se décrète pas. Cela se crée à partir de richesses et ceux qui créent des richesses, ce sont les entreprises, ce sont les entreprises qui embauchent. Il y a des réalités économiques mondiales qu'il faut prendre en compte. En tous les cas, je reste résolument déterminé.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2006