Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à RTL le 18 août 2006, sur la Force intérimaire des Nations unies au Liban, notamment la place des militaires français, ses missions et ses moyens.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


BERNARD POIRETTE
Richard ARZT, vous êtes ce matin avec la ministre de la Défense, Michèle ALLIOT-MARIE.
RICHARD ARZT
Bonjour Michèle ALLIOT-MARIE.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Bonjour.
200 militaires français vont donc s'ajouter aux 200 qui sont déjà présents dans la force de l'ONU au Liban, la FINUL. Quelles sont leurs missions, maintenant qu'ils vont être 400 Français ? Quelles sont leurs missions, qu'est-ce que vous leur demandez de faire ?
Dans l'urgence, il s'agit de permettre à l'armée libanaise de se déployer dans le Sud du Liban, c'est-à-dire dans...
Ce qu'elle a commencé à faire.
Voilà, c'est-à-dire dans une zone qui lui était interdite depuis plus de 40 ans, au fur et à mesure du retrait de l'armée israélienne. La FINUL est donc là pour aider l'armée libanaise dans ce déploiement. C'est dans ce but que nous avons décidé de rajouter 200 hommes, 200 Français, à ceux qui se trouvent déjà dans la FINUL présente dans le Sud, et je note d'ailleurs que nous sommes les seuls à apporter aujourd'hui, dans l'urgence, les moyens supplémentaires à la FINUL. Nous sommes les seuls aussi, parce que nous avons la réactivité qui nous permet de le faire...
Parce que ces 200 hommes étaient déjà dans la région.
Non, ce n'est pas parce qu'ils étaient dans la région. Ce sont des militaires que nous envoyons et qui vont notamment servir à aider à la mobilité de la FINUL, puisque c'est une région où il y a eu énormément de destructions, c'est donc un bataillon du Génie que nous avons envoyé et qui viendra en complément de l'apport des 15 ponts métalliques qui permettent de remplacer, justement, des ponts qui ont été détruits par les bombardements.
Le président de la République a dit aussi que la France était prête à assumer le commandement de la FINUL élargie, donc la FINUL sur laquelle on est en train de discuter à l'ONU, pour avoir des précisions. Ça veut dire que des officiers supérieurs vont aussi être envoyés aux côtés du Général PELLEGRINI ?
Alors, effectivement, aujourd'hui, nous assumons déjà, depuis plusieurs mois, le commandement...
Avec le Général PELLEGRINI.
... avec le Général PELLEGRINI, le commandement de la FINUL et nous avions dit que nous étions disponibles pour continuer d'assumer ce commandement, jusqu'à la fin de la mission du Général PELLEGRINI, mais bien entendu si on passe d'une FINUL de 2 000 hommes à une force beaucoup plus importante...
De combien, par exemple ?
Ecoutez, dans les chiffres qui sont invoqués, on parle de 15 000 hommes environ, il est évident que de passer de l'un à l'autre, ça implique un commandement qui ait davantage de moyens et notamment de moyens en officiers.
Alors, hier, lors d'une réunion au siège des Nations Unies, à New York, le numéro 2 de l'ONU, Mark MALLOCH BROWN, a dit : " nous avions espéré une contribution française plus forte pour la nouvelle FINUL ". Vous voyez, ils sont déçus à l'ONU.
Ecoutez, je ne peux pas laisser dire ou sous-entendre que la France ne ferait pas son devoir, et tout son devoir, dans la crise libanaise. Je voudrais d'abord rappeler une chose, c'est que depuis le début de la crise, la France est en première ligne et qu'elle est le premier contributeur, c'est vrai sur le plan diplomatique où notre diplomatie a été en soutien constant de l'action de Kofi ANNAN, à qui je veux rendre hommage.
Vous pensez qu'on attendait peut-être plus, sur le plan militaire ?
Attendez, mais si vous permettez, encore une fois, je voudrais bien que l'on se rappelle et que l'on prenne conscience de ce que fait la France. Je dis donc un soutien diplomatique. Deuxièmement, dans le domaine humanitaire, nous avons aussi été en première ligne, en évacuant un très grand nombre, non seulement de Français mais également de ressortissants d'autres pays européens ou non européens, de Franco-libanais et de Libanais qui souhaitaient quitter le Liban. C'est également nous qui, grâce aux moyens que j'ai mis sur place, c'est-à-dire les quatre navires, les deux avions gros porteurs, les huit hélicoptères, avons assumé le ravitaillement...
Bon, d'accord, mais...
Le ravitaillement des Libanais, le ravitaillement exclusif de la FINUL qui était complètement isolée et dans des conditions difficiles. Personne d'autre ne l'a fait. C'est également nous qui assumons le commandement. Je viens de dire que nous sommes prêts à continuer d'assumer la responsabilité de ce commandement sur une FINUL élargie ; il y a très peu de pays qui sont susceptibles de pouvoir assumer ce commandement...
Mais la question, excusez-moi... Michèle ALLIOT-MARIE...
Oui.
La question, c'est maintenant pour la suite, pour la FINUL élargie. Vous avez dit que vous demandez des garanties pour savoir dans quel cadre juridique elle va pouvoir fonctionner. Le numéro 2 de l'ONU, que je citais tout à l'heure, il dit : " ce sera une force musclée et bien équipée mais non- offensive ". Est-ce que c'est suffisant comme...
Gérard ARZT (sic), si vous permettez.
Richard ARZT.
Richard ARTZ. Permettez-moi de continuer à vous dire exactement ce que nous faisons pour la FINUL puisque monsieur MALLOCH BROWN a l'air de dire que nous ne faisons rien. Ce que je veux dire c'est que je vais laisser sur place les 1 700 hommes de l'Opération Baliste qui va continuer à la fois d'assurer la surveillance maritime et également d'aider au soutien humanitaire.
Ils ont vocation à entrer dans la nouvelle FINUL ?
Il ne s'agit pas d'entrer dans la nouvelle FINUL, il s'agit d'aider la FINUL. Soyons pragmatiques, si vous le voulez bien. Qu'est-ce que nous avons pour but ? Nous avons pour but, soit de montrer simplement des gens ou bien est-ce que nous avons pour but d'être pragmatique et de permettre au Liban de retrouver sa pleine souveraineté et surtout à la paix de rester au Liban ? Je crois que c'est cela. Alors, nous mettons, effectivement, tous ces moyens, à la fois pour aider l'armée libanaise, et nous faisons un gros effort, et ceci depuis plusieurs mois, pour aider l'armée libanaise et je continue à avoir des contacts avec d'autres pays pour la soutenir...
Mais, excusez-moi, mais pour l'avenir, quand même ?
... et pour la FINUL, nous avons effectivement une participation à la fois à l'intérieur de la FINUL, dont le commandement, ce qui est très important, et de soutien à la FINUL, et ceci nous allons le maintenir.
Et alors, pour la suite, donc ?
Alors, maintenant, pour la suite...
Est-ce que les garanties qui vous sont annoncées vous suffisent ?
Ce que je veux pour la suite, c'est qu'il puisse y avoir une FINUL efficace, puisque c'est la formule qui a été retenue, et je garde en mémoire les expériences douloureuses d'autres opérations où les forces des Nations Unies n'avaient pas de missions suffisamment précises, ni de moyens d'agir. Je vous rappelle qu'en Bosnie, la France a perdu 71 hommes, 71 militaires, parce que les missions n'étaient pas suffisamment précisées, qu'il n'y avait pas de moyens.
Bon, alors, donc, maintenant, est-ce que la mission...
En Ituri il y a deux ans, je vous rappelle aussi qu'en Ituri il y a trois ans maintenant, nous avons été obligés de faire intervenir l'Union européenne pour aller dégager les forces de l'ONU.
Comment éviter, comment éviter, cette fois-ci...
Eh bien comment éviter, en faisant ce que nous demandons...
Qu'est-ce que vous demandez comme garanties ?
Nous demandons deux choses et je demande deux choses. La première des choses c'est que les missions soient extrêmement précises. Un mandat, ça ne suffit pas, il faut que l'on dise aux militaires pourquoi ils sont là, pour soutenir l'armée libanaise, certainement, mais jusqu'où, dans quels domaines. Deuxièmement, il faut également que nous sachions quels sont les moyens matériels et les moyens juridiques qui leurs sont donnés. Vous ne pouvez pas envoyer des hommes en leur disant : regardez ce qui se passe, vous n'avez le droit ni de vous défendre, ni de tirer...
Alors, si vous vous posez toutes ces questions c'est que l'action diplomatique, la négociation de la résolution n'est pas suffisamment précise.
C'est exactement ce que nous disons, ce qui est d'ailleurs normal. Ces négociations, ce sont des négociations qui sont aussi dans la durée, parce qu'il s'agit là d'une opération qui va continuer à se développer dans la durée, donc, ce que nous demandons c'est maintenant qu'il y ait une résolution globale, avec un mandat global, que l'on détaille et que l'on soit extrêmement précis, et dans la mission et dans les moyens qui seront donnés aux forces de l'ONU et notamment il y a un point sur lequel nous insistons beaucoup, c'est qu'il est indispensable que les contributions viennent d'un très grand nombre de pays, des pays européens, certes, et plusieurs d'entre eux dont l'Italie, vous l'avez rappelé, ont pris des engagements, mais également des pays musulmans, parce que compte tenu de la démographie du Liban, il faut aussi qu'il y ait des représentants des pays musulmans. Ce qu'il faut absolument éviter, c'est de donner l'image d'un monde occidental qui imposerait une paix au monde musulman. Ce qu'il faut et ce que nous cherchons, c'est à imposer la paix contre la guerre.
Merci Michèle ALLIOT-MARIE.
BERNARD POIRETTE
Merci Madame Michèle ALLIOT-MARIE, merci Richard ARZTSource http://www.defense.gouv.fr, le 22 août 2006