Texte intégral
L. Parisot
(pdte du
Medef)
LCI
8h10
P.-L. Séguillon
le 21 juin 2006
Q- Est-ce que le chef d'entreprise que vous êtes, vous-même et puis la présidente du Medef, estime aujourd'hui que du point de vue du climat du pays, du climat pour les entreprises, après ce qui s'est passé hier à l'Assemblée nationale, il serait sain de changer de Premier ministre ?
R- Il ne m'appartient absolument pas de me prononcer sur cette question. Seul le président de la République peut estimer et juger ce qu'il convient de faire. Ce que je dirais surtout, c'est que nous avons connu depuis un an une succession voire une accélération de crises qui est tout à fait préoccupante pour la stabilité de notre pays, pour bien sûr sa croissance économique et tout simplement pour le bien vivre ensemble. Regardez ! En un an, nous votons " non " au référendum sur le traité institutionnel et nous provoquons une crise européenne. Quelques mois après, nous sommes dans la crise des banlieues, qui est une vraie crise, une crise d'identité et puis nous connaissons une crise sociale sérieuse pour ne pas dire grave avec la crise du CPE. Il est vrai qu'il n'est souhaitable pour personne d'entrer aujourd'hui dans une crise politique.
Q- Cela signifie à votre avis que le président de la République doit prendre ses responsabilités, qu'il doit faire quelque chose pour changer ce climat ?0
R- Je crois qu'on a beaucoup de matières à travailler dans notre pays, il y a desenjeux importants, le monde est dans une mutation extraordinaire...
Q- Non, mais pour en rester au président de la République...
R- Mais il ne m'appartient pas de répondre là-dessus. Créons les conditions pour travailler.
Q- Ce que je veux vous dire, c'est que vous avez la responsabilité de la vie des entreprises, de la vie économique dans ce pays. D'une certaine manière, en tout cas vous êtes concernée. Est-ce que vous estimez qu'on peut continuer comme cela ? Ou est-ce qu'il faut faire quelque chose pour prendre un tournant ?
R- Je crois qu'il ne faut pas non plus dramatiser la situation, il y a plein de choses formidables également qui se passent dans notre pays et on aime bien se focaliser sur les choses qui sont peut-être spectaculaires mais qui ne sont pas les plus importantes. Moi, je vous dirais que ce que je regrette beaucoup dans ce qui s'est passé dans la journée d'hier, c'est l'occultation un événement, à mon avis majeur pour la France, qui est l'ouverture du Musée des Arts Premiers. C'est quelque chose qui nous honore, c'est quelque chose d'important, j'aurais préféré que cela fasse l'ouverture des journaux de 20 heures.
Q- Parmi les problèmes qui se posent, il y a la fusion Suez-GDF. Est-ce que vous estimez qu'il était opportun pour ramener un climat de sérénité de reporter le projet de fusion à l'automne ou est-ce qu'à votre avis c'est déjà bien tard ?
R- Cette affaire se déroule dans des conditions qui sont tout à fait dommages. Je crois qu'il y avait là un projet industriel tout à fait intéressant, nous savons tous que les questions énergétiques sont des questions essentielles pour l'avenir des économies européennes. Le projet des dirigeants de ces deux entreprises était de constituer un groupe puissant face aux producteurs. Il y avait donc là quelque chose de tout à fait intéressant. Une fois qu'une décision est prise, il n'y a pas pire que de ne pas la mettre en oeuvre. Donc...
Q- Donc vous regrettez ce report ?
R- Faisons en sorte que les choses se passent au mieux, évidemment dans l'explication et dans la concertation, mais le plus vite possible.
Q- Mais vous regrettez ce report ?
R- Oui, parce que...
Q- Il est malsain, enfin il est inopportun disons ?
R- Ce qui est tout à fait ennuyeux, je trouve en France, c'est que les processus ne sont pas assez préparés en amont. Si la décision avait été peut-être y compris pour l'Etat en tant qu'actionnaire de GDF, mieux travaillée avant l'annonce, peut-être qu'on ne serait pas dans cette situation aujourd'hui, qui est qu'après une annonce on est dans une situation de cafouillage.
Q- Est-ce que la leçon première qu'il faut tirer de cela, vous venez de le dire, serait qu'il vaut mieux préparer les décisions et que l'Etat doit moins se mettre en avant au moment de la prise de décision ?
R- Ecoutez c'est une évidence : que l'Etat ait dans certaines circonstances encore un rôle d'actionnaire, tout à fait d'accord. Mais l'Etat ne peut pas être un opérateur, l'Etat ne peut pas être celui qui sur le plan de la gestion, sur le plan de l'économie est capable de tout décider, de tout savoir-faire. Laissons les décisionnaires d'entreprise prendre les décisions selon des critères purement économiques et ne mêlons pas le politique à ces questions-là.
Q- Alors sans mêler le politique à ces questions, quand l'Etat est actionnaire d'une entreprise comme c'est le cas dans EADS - actionnaire avec d'autres -, est-ce qu'il doit prendre des décisions aujourd'hui, quant au management, lorsqu'il voit ce qui s'est passé pour monsieur N. Forgeard ?
R- C'est l'ensemble des actionnaires qui doivent évaluer la situation et prendre les décisions qui s'imposent et l'ensemble des actionnaires, il y a une instance qui les représente, c'est le conseil d'administration. Il appartient au conseil d'administration de l'entreprise d'EADS de prendre les décisions adaptées.
Q- Vous qui êtes chef d'entreprise, qui savez comment fonctionne une entreprise, quand vous constatez que l'un des co-présidents de l'entreprise n'est pas au courant de ce qui se passe dans son entreprise, vous n'êtes pas surprise ?
R- Ça je ne peux pas vous dire, parce que tout dépend des processus internes et nous ne sommes ni vous, ni moi en mesure d'apprécier la situation. Là aussi, seul le conseil d'administration de l'entreprise est capable, a les moyens de savoir exactement ce qui s'est passé et de prendre des décisions en conséquence.
Q- Mais ne pensez-vous pas, étant donné l'image qui est donnée, indépendamment du fond des choses, qu'il serait urgent pour le bien de l'entreprise de revoir le management rapidement ?
R- Je crois que l'affaire est tout à fait sérieuse. L'un des actionnaires importants de EADS l'a dit lui-même, c'est une vraie crise pour l'entreprise et ce n'est pas n'importe quelle entreprise. Airbus, EADS, c'est une entreprise majeure pour l'économie française, pour l'économie européenne et plus que ça, c'est un symbole, c'est un symbole du génie français, on peut le dire mais aussi de la construction européenne. Compte tenu de ce que je viens de dire, nous ne pouvons que tous souhaiter qu'il y ait des décisions qui soient prises, des bonnes décisions, mais rapidement pour remettre l'entreprise sur des bons rails et je dirais recréer les conditions de la sérénité.
Q- Vous aviez, au lendemain du CPE, souhaité des rencontres avec les organisations syndicales. Vous avez fait pratiquement, si je ne me trompe, le tour de l'ensemble des organisations syndicales. Vous vous êtes vu avec chacune d'entre elles ; la première leçon que vous tirez de ces rencontres avant que vous évoquiez peut-être le calendrier de travail ?
R- Nous avons effectivement rencontré les cinq grandes centrales syndicales françaises. Je vous dirais la première chose, c'est que je crois que nous étions contents de nous voir. Et le deuxième point que je soulignerais, c'est que nous sommes comme on dit en anglais, patronat et syndicats, " people ready. " C'est-à-dire que nous avons envie d'avancer et nous avons envie de travailler ensemble. Nous avons envie d'ouvrir des chantiers, de réfléchir aux conditions de compromis acceptables pour les uns et pour les autres...
Q- Notamment sur un contrat de travail ?
R- C'est un des chantiers possibles. En tout cas nous sommes, je crois largement d'accord sur le diagnostic suivant, qui est que dans bien des domaines, ce n'est pas à l'Etat de décider et d'intervenir. Essayons ensemble entre partenaires sociaux qui connaissons bien la réalité économique, la réalité sociale, essayons ensemble de définir ce que doivent être les priorités et de comment trouver un accord pour avancer d'une manière constructive.
Q- D'un mot, quel est le calendrier des réunions de travail ?
R- Vous savez que la dernière réunion avait lieu hier soir, avec J. Voisin, le président de la CFTC et sa délégation...
Q- Oui, mais ça c'était des consultations maintenant il faut travailler ?
R- Tout à fait. Alors laissons-nous le temps, certainement quelques jours, pour faire une synthèse et proposer d'une manière commune un calendrier de chantiers. Mais d'ores et déjà je peux vous dire que nous allons travailler sur l'assurance chômage, et essayer d'être, je dirais même créatifs et inventifs ensemble pour adapter, rénover, moderniser l'assurance chômage. Probablement que nous allons essayer aussi de travailler sur le marché du travail en général. Il y a des dysfonctionnements qui sont évidents : le taux de chômage dans notre pays n'est pas acceptable, il y a des réformes à faire. Si je comprends bien et on pourra conclure là-dessus, à vous entendre, le climat du dialogue social est meilleur que le climat politique.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 juin 2006
(pdte du
Medef)
LCI
8h10
P.-L. Séguillon
le 21 juin 2006
Q- Est-ce que le chef d'entreprise que vous êtes, vous-même et puis la présidente du Medef, estime aujourd'hui que du point de vue du climat du pays, du climat pour les entreprises, après ce qui s'est passé hier à l'Assemblée nationale, il serait sain de changer de Premier ministre ?
R- Il ne m'appartient absolument pas de me prononcer sur cette question. Seul le président de la République peut estimer et juger ce qu'il convient de faire. Ce que je dirais surtout, c'est que nous avons connu depuis un an une succession voire une accélération de crises qui est tout à fait préoccupante pour la stabilité de notre pays, pour bien sûr sa croissance économique et tout simplement pour le bien vivre ensemble. Regardez ! En un an, nous votons " non " au référendum sur le traité institutionnel et nous provoquons une crise européenne. Quelques mois après, nous sommes dans la crise des banlieues, qui est une vraie crise, une crise d'identité et puis nous connaissons une crise sociale sérieuse pour ne pas dire grave avec la crise du CPE. Il est vrai qu'il n'est souhaitable pour personne d'entrer aujourd'hui dans une crise politique.
Q- Cela signifie à votre avis que le président de la République doit prendre ses responsabilités, qu'il doit faire quelque chose pour changer ce climat ?0
R- Je crois qu'on a beaucoup de matières à travailler dans notre pays, il y a desenjeux importants, le monde est dans une mutation extraordinaire...
Q- Non, mais pour en rester au président de la République...
R- Mais il ne m'appartient pas de répondre là-dessus. Créons les conditions pour travailler.
Q- Ce que je veux vous dire, c'est que vous avez la responsabilité de la vie des entreprises, de la vie économique dans ce pays. D'une certaine manière, en tout cas vous êtes concernée. Est-ce que vous estimez qu'on peut continuer comme cela ? Ou est-ce qu'il faut faire quelque chose pour prendre un tournant ?
R- Je crois qu'il ne faut pas non plus dramatiser la situation, il y a plein de choses formidables également qui se passent dans notre pays et on aime bien se focaliser sur les choses qui sont peut-être spectaculaires mais qui ne sont pas les plus importantes. Moi, je vous dirais que ce que je regrette beaucoup dans ce qui s'est passé dans la journée d'hier, c'est l'occultation un événement, à mon avis majeur pour la France, qui est l'ouverture du Musée des Arts Premiers. C'est quelque chose qui nous honore, c'est quelque chose d'important, j'aurais préféré que cela fasse l'ouverture des journaux de 20 heures.
Q- Parmi les problèmes qui se posent, il y a la fusion Suez-GDF. Est-ce que vous estimez qu'il était opportun pour ramener un climat de sérénité de reporter le projet de fusion à l'automne ou est-ce qu'à votre avis c'est déjà bien tard ?
R- Cette affaire se déroule dans des conditions qui sont tout à fait dommages. Je crois qu'il y avait là un projet industriel tout à fait intéressant, nous savons tous que les questions énergétiques sont des questions essentielles pour l'avenir des économies européennes. Le projet des dirigeants de ces deux entreprises était de constituer un groupe puissant face aux producteurs. Il y avait donc là quelque chose de tout à fait intéressant. Une fois qu'une décision est prise, il n'y a pas pire que de ne pas la mettre en oeuvre. Donc...
Q- Donc vous regrettez ce report ?
R- Faisons en sorte que les choses se passent au mieux, évidemment dans l'explication et dans la concertation, mais le plus vite possible.
Q- Mais vous regrettez ce report ?
R- Oui, parce que...
Q- Il est malsain, enfin il est inopportun disons ?
R- Ce qui est tout à fait ennuyeux, je trouve en France, c'est que les processus ne sont pas assez préparés en amont. Si la décision avait été peut-être y compris pour l'Etat en tant qu'actionnaire de GDF, mieux travaillée avant l'annonce, peut-être qu'on ne serait pas dans cette situation aujourd'hui, qui est qu'après une annonce on est dans une situation de cafouillage.
Q- Est-ce que la leçon première qu'il faut tirer de cela, vous venez de le dire, serait qu'il vaut mieux préparer les décisions et que l'Etat doit moins se mettre en avant au moment de la prise de décision ?
R- Ecoutez c'est une évidence : que l'Etat ait dans certaines circonstances encore un rôle d'actionnaire, tout à fait d'accord. Mais l'Etat ne peut pas être un opérateur, l'Etat ne peut pas être celui qui sur le plan de la gestion, sur le plan de l'économie est capable de tout décider, de tout savoir-faire. Laissons les décisionnaires d'entreprise prendre les décisions selon des critères purement économiques et ne mêlons pas le politique à ces questions-là.
Q- Alors sans mêler le politique à ces questions, quand l'Etat est actionnaire d'une entreprise comme c'est le cas dans EADS - actionnaire avec d'autres -, est-ce qu'il doit prendre des décisions aujourd'hui, quant au management, lorsqu'il voit ce qui s'est passé pour monsieur N. Forgeard ?
R- C'est l'ensemble des actionnaires qui doivent évaluer la situation et prendre les décisions qui s'imposent et l'ensemble des actionnaires, il y a une instance qui les représente, c'est le conseil d'administration. Il appartient au conseil d'administration de l'entreprise d'EADS de prendre les décisions adaptées.
Q- Vous qui êtes chef d'entreprise, qui savez comment fonctionne une entreprise, quand vous constatez que l'un des co-présidents de l'entreprise n'est pas au courant de ce qui se passe dans son entreprise, vous n'êtes pas surprise ?
R- Ça je ne peux pas vous dire, parce que tout dépend des processus internes et nous ne sommes ni vous, ni moi en mesure d'apprécier la situation. Là aussi, seul le conseil d'administration de l'entreprise est capable, a les moyens de savoir exactement ce qui s'est passé et de prendre des décisions en conséquence.
Q- Mais ne pensez-vous pas, étant donné l'image qui est donnée, indépendamment du fond des choses, qu'il serait urgent pour le bien de l'entreprise de revoir le management rapidement ?
R- Je crois que l'affaire est tout à fait sérieuse. L'un des actionnaires importants de EADS l'a dit lui-même, c'est une vraie crise pour l'entreprise et ce n'est pas n'importe quelle entreprise. Airbus, EADS, c'est une entreprise majeure pour l'économie française, pour l'économie européenne et plus que ça, c'est un symbole, c'est un symbole du génie français, on peut le dire mais aussi de la construction européenne. Compte tenu de ce que je viens de dire, nous ne pouvons que tous souhaiter qu'il y ait des décisions qui soient prises, des bonnes décisions, mais rapidement pour remettre l'entreprise sur des bons rails et je dirais recréer les conditions de la sérénité.
Q- Vous aviez, au lendemain du CPE, souhaité des rencontres avec les organisations syndicales. Vous avez fait pratiquement, si je ne me trompe, le tour de l'ensemble des organisations syndicales. Vous vous êtes vu avec chacune d'entre elles ; la première leçon que vous tirez de ces rencontres avant que vous évoquiez peut-être le calendrier de travail ?
R- Nous avons effectivement rencontré les cinq grandes centrales syndicales françaises. Je vous dirais la première chose, c'est que je crois que nous étions contents de nous voir. Et le deuxième point que je soulignerais, c'est que nous sommes comme on dit en anglais, patronat et syndicats, " people ready. " C'est-à-dire que nous avons envie d'avancer et nous avons envie de travailler ensemble. Nous avons envie d'ouvrir des chantiers, de réfléchir aux conditions de compromis acceptables pour les uns et pour les autres...
Q- Notamment sur un contrat de travail ?
R- C'est un des chantiers possibles. En tout cas nous sommes, je crois largement d'accord sur le diagnostic suivant, qui est que dans bien des domaines, ce n'est pas à l'Etat de décider et d'intervenir. Essayons ensemble entre partenaires sociaux qui connaissons bien la réalité économique, la réalité sociale, essayons ensemble de définir ce que doivent être les priorités et de comment trouver un accord pour avancer d'une manière constructive.
Q- D'un mot, quel est le calendrier des réunions de travail ?
R- Vous savez que la dernière réunion avait lieu hier soir, avec J. Voisin, le président de la CFTC et sa délégation...
Q- Oui, mais ça c'était des consultations maintenant il faut travailler ?
R- Tout à fait. Alors laissons-nous le temps, certainement quelques jours, pour faire une synthèse et proposer d'une manière commune un calendrier de chantiers. Mais d'ores et déjà je peux vous dire que nous allons travailler sur l'assurance chômage, et essayer d'être, je dirais même créatifs et inventifs ensemble pour adapter, rénover, moderniser l'assurance chômage. Probablement que nous allons essayer aussi de travailler sur le marché du travail en général. Il y a des dysfonctionnements qui sont évidents : le taux de chômage dans notre pays n'est pas acceptable, il y a des réformes à faire. Si je comprends bien et on pourra conclure là-dessus, à vous entendre, le climat du dialogue social est meilleur que le climat politique.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 juin 2006