Texte intégral
J.-C. Mailly (
F.O.)
RMC Info
8h35
J.-J. Bourdin
le 22 août 2006
Q- On va beaucoup parler de pouvoir d'achat ce matin, parce que vous le disiez hier dans un grand journal : "le pouvoir d'achat c'est le sujet de la rentrée".
R- Oui, tout à fait, c'est la priorité. Moi c'est ce que les salariés me disent, c'est ce que les syndicats font remonter, contrairement à ce que laisse entendre le ministre de l'économie et des Finances - tout va bien selon lui - non ! Les gens perçoivent concrètement quand ils font leurs courses, pour toute une série de raisons, ou le loyer, ou l'augmentation des prix des produits, l'augmentation de la téléphonie, etc, tout cela fait qu'il y a un problème de pouvoir d'achat. Donc il faut y répondre, notamment par les augmentations de salaires mais aussi pour faire face à l'augmentation du coût du pétrole par ce que j'appelle la prime transport.
[...]
Q- C'est vous qui avez relancé cette idée, enfin c'est D. des Villepin qui en avait parlé il y a un an de cette prime transport ?
R- Moi j'avais évoqué à FO et les autres syndicats avaient repris cette idée en octobre de l'année dernière avec l'augmentation du coût du pétrole. A l'époque, en octobre, le Premier ministre avait dit : "oui, c'est une idée intéressante", il a évoqué lui un "ticket transport", cela fait bientôt un an et on n'a pas eu de nouvelles. Donc le pétrole n'a pas baissé, c'est le moins que l'on puisse dire, il a continué à augmenter, donc on remet la pression et on veut vraiment obtenir cette prime transport.
Q- Vous avez remis la pression et vous semblez être entendu puisque ce matin sur RMC, nous avions en ligne H. Mariton, que vous connaissez qui est député UMP de la Drôme, surtout qui est proche de D. de Villepin et membre de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale. Il nous disait que l'idée était acquise et que cela allait être inscrit dans le budget 2007. L'idée d'un ticket transport qui ressemblerait à s'y méprendre au ticket restaurant.
R- C'est une des idées que nous avions. Au départ, nous disions quelque chose de simple : une ligne sur la fiche de paye - moi j'avais appelé ça comme ça il y a un an. Et visiblement tant du côté gouvernemental que patronal cela ne passait pas. Donc on a modifié la revendication en disant : mettons un chèque transport du type chèque restaurant, sur la même formule, après on regarde les modalités. L'important, ce n'est pas que cela prenne en charge tous les frais de transport ; c'est que pour tous les salariés qui sont de plus en plus nombreux à aller travailler avec des voitures individuelles parce qu'ils n'ont pas le choix - cela ne remet pas en cause ce qui existe par exemple en région Ile de France avec les transports collectifs bien entendu - l'augmentation du prix du pétrole, donc de l'essence, soit compensée. Vous savez cela va tourner entre au minimum 150 euros par an, le sur coût c'est au moins cela. Donc, une formule qui serait peut-être le chèque transport.
Q- Le chèque transport, nous expliquait H. Mariton, c'est simple c'est comme le ticket restaurant, c'est-à-dire qu'il est en partie à la charge du salarié qui paie une partie de ce ticket transport. Et, l'entreprise paie une partie du ticket transport et récupère cela grâce à des incitations fiscales.
R- Oui, c'est le système du chèque restaurant ; vous regardez le montant, plus le montant est élevé, plus c'est intéressant pour le salarié.
Q- Et j'ajoute qu'il pourrait l'utiliser dans les pompes à essence et qu'il pourrait l'utiliser pour payer ses abonnements de train ou autres.
R- Un élément aussi important : il faut qu'il y ait des négociations de branche sur cette question-là, et qu'elles soient rendues obligatoires. Les négociations de branche, pourquoi ? Parce que le risque avec ce système, c'est que seuls les salariés des grandes entreprises en bénéficient, et que les salariés des petites entreprises ou des PME - qui n'ont pas toujours aujourd'hui le chèque restaurant - eh bien demain ils n'aient pas non plus le chèque transport.
Q- Il faut le rendre obligatoire alors ?
R- Oui, il faut négocier avec les employeurs. Moi j'ai déjà formulé, je ne dis pas qu'ils sont contents les employeurs, ils ne sont pas demandeurs de ce genre de choses. Mais il faut négocier au niveau des branches pour rendre obligatoire ce dispositif et que les salariés des PME aussi en bénéficient.
Q- Oui, les salariés du privé et du public ?
R- Oui, bien sûr, tous sont concernés.
(...)
Q- Olivier, un auditeur en Gironde, chauffeur livreur, 35 ans : Je voudrais savoir ce que cela va m'apporter à moi, qui fais 200 km par jour à environ 60 euros de gasoil par semaine. (...) Je suis salarié dans une PME qui comme vous avez dit n'est pas assujettie, pour l'instant, au ticket-restau, rien à voir par rapport aux grandes entreprises. Je voudrais savoir ce que j'allais gagner ?
(...)
R- Cela dépend du montant du chèque, si c'est la formule chèque transport qui est retenue, cela dépend du montant du chèque. Nous l'idée telle qu'on l'a émise au départ, il y a un an, et que l'on a continué à émettre de cette manière, c'est l'augmentation importante du coût du pétrole. Vous faites un calcul tout simple : quelqu'un qui fait 40 km aller-retour pour aller travailler avec son véhicule individuel, en moyenne sur l'année, cela fait au moins 150 euros de plus que quand l'essence était moins chère. Donc que cela rapporte au salarié, au minimum ça, c'est ça l'idée.
Q- Au minimum 15 euros par mois ?
R- Oui, cela fait dans ces eaux là, au minimum c'est ça. Donc maintenant, on n'a pas discuté le montant avec les Gouvernement, il fallait obtenir le principe, apparemment ça avance mais ce n'est pas encore fait.
Q- Ce n'est pas encore fait mais apparemment c'est inscrit dans le budget 2007. Ce qui veut dire que cela sera appliqué en 2007 si c'est inscrit dans le budget.
R- Si c'était le cas oui... Mais il faut continuer à mettre la pression parce que là si on n'en parle pas, on ne l'aura pas. C'est évident et ça fait un an qu'on en parle, c'est pour cela que l'on remet la pression sur cette rentrée 2006.
Q- J'ai plusieurs petits transporteurs routiers qui me disent : "oui, vous êtes bien marrants, on fait des efforts pour tout le monde mais nous on n'est pas évidemment touchés par ça et on ne fait aucun effort pour nous alors que le prix du gasoil augmente".
R- Attendez, il y eu des dispositions, moi je ne les ai plus en tête, il y a eu à un moment des dispositions pour les pêcheurs, je ne les mets pas en cause, il y a eu des dispositions pour les transporteurs routiers. Je n'ai plus ces dispositions en tête, mais ce qu'on avait dit, nous, c'est qu'il n'y avait aucune disposition de prise pour les salariés qui sont de plus en plus concernés. Vous savez ce sont les conditions de travail aujourd'hui qui font qu'il y a beaucoup d'horaires décalés, qui font que le prix de l'immobilier fait que les gens habitent de plus en plus loin de la ville, donc ils ont de plus en plus recours à la voiture pour se déplacer. C'est tout cela qui fait que ça pèse de manière importante dans le budget des ménages, il faut qu'il y ait une compensation.
Q- T. Breton a fait savoir qu'il avait l'intention de reconvoquer les groupes pétroliers en septembre pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de profits exagérés, que ces profits soient lissés, que l'on protège le mieux possible les consommateurs. [inaud] régulièrement ça...
R- Oui mais c'est ce que j'appelle de la "com", cela ne change rien sur le fond. Vous savez, tous ces grands groupes français ou autres d'ailleurs, il n'y a pas que les Français, ont fait des résultats financiers extraordinaires dus notamment à l'augmentation du coût du pétrole et cela ne se traduit pas dans des efforts particuliers faits au niveau de la pompe.
Q- Le pourvoir d'achat, revenons à ce pour voir d'achat au-delà du ticket transport. C'est donc le thème de la rentrée pour vous. L'INSEE prévoit un hausse du pouvoir d'achat de 2,4 % entre le quatrième trimestre 2005 et le quatrième trimestre 2006. Ce sont les chiffres de l'INSEE mais dans la réalité...
R- Ce n'est pas le pouvoir d'achat...
Q- C'est une hausse de la croissance.
R- Les derniers chiffres notent une légère augmentation de la croissance, le
problème c'est que c'est toujours, vous savez ce sont des moyennes...
Q- Non, c'est le pouvoir d'achat : 2,4 % à la rentrée.
R- Alors ils ont chaussé des lunettes roses parce que je ne vois pas comment on peut arriver à cela franchement. En même temps, ce sont des moyennes qui ne se traduisent pas concrètement dans... Moi je le vois, il suffit de faire les courses de voir comment le loyer augmente, de voir l'augmentation du prix du gaz, de voir de nouvelles consommations, quand je dis nouvelles, cela ne date pas d'il y a un mois. Mais toute la téléphonie mobile, par exemple, cela coûte relativement cher dans le budget des ménages, il y a 15 ans ou 10 ans cela n'existait pas. Tout cela fait qu'il y a non seulement une réalité mais un ressenti de dégradation du pouvoir d'achat. La meilleure façon pour améliorer le pouvoir d'achat, la plus simple c'est de pouvoir obtenir des augmentations de salaire, c'est cela le plus simple.
Q- Alors, vous demandez des augmentations de salaire, c'est un des combats de la rentrée, là, vraiment ?
R- Oui, bien sûr, du côté y compris des pouvoirs publics. Je rappelle que les fonctionnaires n'auront que 0,5 % cette année, ils auront une perte de pouvoir d'achat et du côté du privé, à la fois dans les négociations de branche, on le réclame, après cela dépend des entreprises. Il y a des entreprises ou on a de bons accords de salaire mais c'est loin d'être le cas partout.
Q- Bien. L'emploi, le fameux CNE, il est toujours en place, vous voulez sa peau mais...
R- Oui, mais vous savez il faut prendre son temps parfois. On n'a jamais dit : on va essayer de mobiliser dans la rue contre le CNE ce n'est pas ça que l'on a dit. On est dans un processus qui est un processus d'ordre juridique aujourd'hui. Les premiers appels vont tomber à l'automne, il va y avoir de plus en plus de cas de prud'homme. J'en ai encore eu un hier, quelqu'un qui nous a écrit hier pour une rupture de CNE abusive, c'est évident. Il va y avoir le Bureau International du Travail qui va se prononcer au mois de novembre, donc laissons faire les recours et moi je suis persuadé que l'on aura la peau du CNE à terme.
Q- Vous voulez la peau du CNE ?
R- Oui, bien sûr, c'est une question de principe, quand je dis de principe, de mépris. Moi je ne comprends pas que l'on puisse licencier quelqu'un sans lui dire pourquoi. C'est tout simplement déjà ça, je ne comprends pas. Comment peut-on avoir des salariés motivés, les respecter un minimum si on ne leur dit pas quand on n'a plus besoin d'eux : "voilà, écoutez cela ne va pas pour telle et telle raison, donc je me sépare de vous". Je crois que c'est le minimum dans la relation sociale. Cet été j'ai eu l'occasion de discuter avec des patrons de petites entreprises, ceux que j'ai vu en tous les cas, je ne dis pas qu'ils sont représentatifs, ceux que j'ai vus, ils se disent : "on préfère prendre un CDI ", y compris pour cette question de respect. Parce qu'on peut licencier un CDI, ça se fait sauf qu'il y a des garanties qui sont apportées pour un minimum de respect. Et ces patrons là qui ne sont pas tous faits de la même manière disent : "y compris pour montrer au salarié qu'on le respecte, on préfère le prendre en CDI", ça existe aussi.
Q- L'interdiction de licenciement, vous n'êtes pas pour vous à FO ?
R- L'interdiction de licenciement ça veut dire quoi ! On n'est pas dans une société soviétique, ce n'est pas ça ! Il faut qu'une société respire c'est normal mais il faut qu'il y ait des garanties et ces garanties sont insuffisantes d'ailleurs aujourd'hui. Le CDI c'est bien mais c'est encore insuffisant.
Q- Mais les chiffres vous donnent un peu tort parce que le chômage baisse !
R- Oui mais il ne baisse pas pour ça.
Q- Il ne baisse pas pour ça ?
R- Non ! Cela fait plusieurs mois que j'explique mois après mois... et il va
continuer à baisser...
Q- Il va continuer à baisser ?
R- Mais oui, il va continuer à baisser, et tant mieux. La statistique baisse tant mieux ! Mas il faut regarder pourquoi le chômage baisse, il faut analyser les choses. Il baisse pour plusieurs raisons. Il baisse à la fois parce que, contrairement à ce que dit le Gouvernement, les éléments démographiques commencent à jouer. Tous les gens par exemple qui ont leurs annuités et qui partent en retraite avant les 60 ans parce qu'ils ont la trouille, notamment de ce qui va se passer en 2008. Tous ces salariés là partent de manière assez importante en retraite, ne sont pas tous remplacés mais cela contribue à faire diminuer le aux de chômage. Il y a le plan de cohésion sociale, les petits boulots, les contrats d'accompagnement vers l'emploi.... Le traitement social du chômage qui continue à faire baisser... les radiations qui se maintiennent au même niveau qu'avant, tout cela fait baisser mécaniquement le chômage. Et puis il y a un peu de créations d'emplois dans certains secteurs. La construction, parce qu'il y a eu des constructions de logement ; dans le service, les emplois de service à la personne mais encore faudrait-il voir quels types d'emploi ? C'est souvent, et moi j'ai eu pas mal de courriers là-dessus - des gens qui sont embauchés 2h par ci, 2h par là, en contrat partiel...ce ne sont pas de vrais boulots tout ça. Mais tout ça contribue à faire baisser le chômage. Mais si la croissance était plus créatrice - et là on a eu un bon trimestre mais c'est un peu exceptionnel et c'est surtout dû à ce qui se passe à l'étranger, en Allemagne notamment - là il y aurait de vraies créations d'emplois. Il faut donc une modification de politique économique, ce que le Gouvernement ne fait pas.
Q- Je regardais une étude très intéressante qui a été conduite par le Financial Times. Sur plusieurs dizaines d'Européens interrogés, que nous disent les Français ? Les ¾ des Français nous disent, et disent dans cette étude, être prêts à faire des heures supplémentaires pour gagner plus et ils sont majoritaires, ils sont à 52 % majoritaires à être opposés à ce que l'Etat contrôle le nombre d'heures passées au travail.
R- J'ai vu ce genre de choses. Cela dépend toujours de la manière dont on présente les choses. Cela montre quoi en tous les cas ? Que le problème du pouvoir d'achat est un problème prioritaire, c'est cela que ça montre. Après, quand quelqu'un a un [vrai problème de pouvoir d'achat, il sera prêt à faire des heures supplémentaires] pour gagner plus. Mais si on lui propose, [d'augmenter son salaire sans pour autant travailler plus], il serait d'accord aussi. Le problème ce n'est pas qu'ils veulent travailler plus c'est qu'ils veulent gagner plus.
Q- On peut augmenter les salaires sans demander aux Français de travailler plus ?
R- Bien sûr, qu'est-ce que l'on fait quand on arrive à négocier dans les entreprises parfois ? On arrive dans certaines entreprises à négocier des augmentations de pouvoir d'achat.
Q- Vous croyez que les entreprises ont les moyens aujourd'hui de faire ça ?
R- Certaines entreprises l'ont en tous les cas, elles ne se portent pas toutes mal, loin s'en faut, regardez les résultats. En tous les cas, leurs PDG eux ne s'embêtent pas pour se faire des croissances de pouvoir d'achat à deux chiffres tous les ans donc cela veut dire que ça marche quand même et les résultats financiers marchent. C'est normal qu'à partir de là dans la répartition des profits des entreprises une part aille aux salariés. Mais pour revenir sur cette question du temps de travail, l'objectif c'est de gagner plus, ce n'est pas obligatoirement de travailler plus. Vous savez moi je discute avec les Anglais. Pour la durée du travail, en Angleterre, il n'y a quasiment pas de normes. La seule norme ce sont les 48 heures européennes et en plus ils n'en veulent même pas les Anglais, des 48 heures européennes. Sauf que quand vous travaillez en Angleterre, que vous avez un contrat de travail et que l'on vous dit, il faut que vous déclariez que vous êtes prêt à travailler plus, si vous ne l'acceptez pas, vous n'êtes pas pris, c'est une pression continuelle qui est faite. Il faut des normes en matière de durée du travail et après qu'il y ait des heures supplémentaires, mais les salariés ne les refusent pas les heures supplémentaires. Vous savez, les règles ont été modifiées ces dernières années, on peut aller jusqu'à 220 heures supplémentaires par an, regardons déjà si ce contingent est utilisé, bien souvent, il n'est même pas utilisé.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 août 2006
F.O.)
RMC Info
8h35
J.-J. Bourdin
le 22 août 2006
Q- On va beaucoup parler de pouvoir d'achat ce matin, parce que vous le disiez hier dans un grand journal : "le pouvoir d'achat c'est le sujet de la rentrée".
R- Oui, tout à fait, c'est la priorité. Moi c'est ce que les salariés me disent, c'est ce que les syndicats font remonter, contrairement à ce que laisse entendre le ministre de l'économie et des Finances - tout va bien selon lui - non ! Les gens perçoivent concrètement quand ils font leurs courses, pour toute une série de raisons, ou le loyer, ou l'augmentation des prix des produits, l'augmentation de la téléphonie, etc, tout cela fait qu'il y a un problème de pouvoir d'achat. Donc il faut y répondre, notamment par les augmentations de salaires mais aussi pour faire face à l'augmentation du coût du pétrole par ce que j'appelle la prime transport.
[...]
Q- C'est vous qui avez relancé cette idée, enfin c'est D. des Villepin qui en avait parlé il y a un an de cette prime transport ?
R- Moi j'avais évoqué à FO et les autres syndicats avaient repris cette idée en octobre de l'année dernière avec l'augmentation du coût du pétrole. A l'époque, en octobre, le Premier ministre avait dit : "oui, c'est une idée intéressante", il a évoqué lui un "ticket transport", cela fait bientôt un an et on n'a pas eu de nouvelles. Donc le pétrole n'a pas baissé, c'est le moins que l'on puisse dire, il a continué à augmenter, donc on remet la pression et on veut vraiment obtenir cette prime transport.
Q- Vous avez remis la pression et vous semblez être entendu puisque ce matin sur RMC, nous avions en ligne H. Mariton, que vous connaissez qui est député UMP de la Drôme, surtout qui est proche de D. de Villepin et membre de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale. Il nous disait que l'idée était acquise et que cela allait être inscrit dans le budget 2007. L'idée d'un ticket transport qui ressemblerait à s'y méprendre au ticket restaurant.
R- C'est une des idées que nous avions. Au départ, nous disions quelque chose de simple : une ligne sur la fiche de paye - moi j'avais appelé ça comme ça il y a un an. Et visiblement tant du côté gouvernemental que patronal cela ne passait pas. Donc on a modifié la revendication en disant : mettons un chèque transport du type chèque restaurant, sur la même formule, après on regarde les modalités. L'important, ce n'est pas que cela prenne en charge tous les frais de transport ; c'est que pour tous les salariés qui sont de plus en plus nombreux à aller travailler avec des voitures individuelles parce qu'ils n'ont pas le choix - cela ne remet pas en cause ce qui existe par exemple en région Ile de France avec les transports collectifs bien entendu - l'augmentation du prix du pétrole, donc de l'essence, soit compensée. Vous savez cela va tourner entre au minimum 150 euros par an, le sur coût c'est au moins cela. Donc, une formule qui serait peut-être le chèque transport.
Q- Le chèque transport, nous expliquait H. Mariton, c'est simple c'est comme le ticket restaurant, c'est-à-dire qu'il est en partie à la charge du salarié qui paie une partie de ce ticket transport. Et, l'entreprise paie une partie du ticket transport et récupère cela grâce à des incitations fiscales.
R- Oui, c'est le système du chèque restaurant ; vous regardez le montant, plus le montant est élevé, plus c'est intéressant pour le salarié.
Q- Et j'ajoute qu'il pourrait l'utiliser dans les pompes à essence et qu'il pourrait l'utiliser pour payer ses abonnements de train ou autres.
R- Un élément aussi important : il faut qu'il y ait des négociations de branche sur cette question-là, et qu'elles soient rendues obligatoires. Les négociations de branche, pourquoi ? Parce que le risque avec ce système, c'est que seuls les salariés des grandes entreprises en bénéficient, et que les salariés des petites entreprises ou des PME - qui n'ont pas toujours aujourd'hui le chèque restaurant - eh bien demain ils n'aient pas non plus le chèque transport.
Q- Il faut le rendre obligatoire alors ?
R- Oui, il faut négocier avec les employeurs. Moi j'ai déjà formulé, je ne dis pas qu'ils sont contents les employeurs, ils ne sont pas demandeurs de ce genre de choses. Mais il faut négocier au niveau des branches pour rendre obligatoire ce dispositif et que les salariés des PME aussi en bénéficient.
Q- Oui, les salariés du privé et du public ?
R- Oui, bien sûr, tous sont concernés.
(...)
Q- Olivier, un auditeur en Gironde, chauffeur livreur, 35 ans : Je voudrais savoir ce que cela va m'apporter à moi, qui fais 200 km par jour à environ 60 euros de gasoil par semaine. (...) Je suis salarié dans une PME qui comme vous avez dit n'est pas assujettie, pour l'instant, au ticket-restau, rien à voir par rapport aux grandes entreprises. Je voudrais savoir ce que j'allais gagner ?
(...)
R- Cela dépend du montant du chèque, si c'est la formule chèque transport qui est retenue, cela dépend du montant du chèque. Nous l'idée telle qu'on l'a émise au départ, il y a un an, et que l'on a continué à émettre de cette manière, c'est l'augmentation importante du coût du pétrole. Vous faites un calcul tout simple : quelqu'un qui fait 40 km aller-retour pour aller travailler avec son véhicule individuel, en moyenne sur l'année, cela fait au moins 150 euros de plus que quand l'essence était moins chère. Donc que cela rapporte au salarié, au minimum ça, c'est ça l'idée.
Q- Au minimum 15 euros par mois ?
R- Oui, cela fait dans ces eaux là, au minimum c'est ça. Donc maintenant, on n'a pas discuté le montant avec les Gouvernement, il fallait obtenir le principe, apparemment ça avance mais ce n'est pas encore fait.
Q- Ce n'est pas encore fait mais apparemment c'est inscrit dans le budget 2007. Ce qui veut dire que cela sera appliqué en 2007 si c'est inscrit dans le budget.
R- Si c'était le cas oui... Mais il faut continuer à mettre la pression parce que là si on n'en parle pas, on ne l'aura pas. C'est évident et ça fait un an qu'on en parle, c'est pour cela que l'on remet la pression sur cette rentrée 2006.
Q- J'ai plusieurs petits transporteurs routiers qui me disent : "oui, vous êtes bien marrants, on fait des efforts pour tout le monde mais nous on n'est pas évidemment touchés par ça et on ne fait aucun effort pour nous alors que le prix du gasoil augmente".
R- Attendez, il y eu des dispositions, moi je ne les ai plus en tête, il y a eu à un moment des dispositions pour les pêcheurs, je ne les mets pas en cause, il y a eu des dispositions pour les transporteurs routiers. Je n'ai plus ces dispositions en tête, mais ce qu'on avait dit, nous, c'est qu'il n'y avait aucune disposition de prise pour les salariés qui sont de plus en plus concernés. Vous savez ce sont les conditions de travail aujourd'hui qui font qu'il y a beaucoup d'horaires décalés, qui font que le prix de l'immobilier fait que les gens habitent de plus en plus loin de la ville, donc ils ont de plus en plus recours à la voiture pour se déplacer. C'est tout cela qui fait que ça pèse de manière importante dans le budget des ménages, il faut qu'il y ait une compensation.
Q- T. Breton a fait savoir qu'il avait l'intention de reconvoquer les groupes pétroliers en septembre pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de profits exagérés, que ces profits soient lissés, que l'on protège le mieux possible les consommateurs. [inaud] régulièrement ça...
R- Oui mais c'est ce que j'appelle de la "com", cela ne change rien sur le fond. Vous savez, tous ces grands groupes français ou autres d'ailleurs, il n'y a pas que les Français, ont fait des résultats financiers extraordinaires dus notamment à l'augmentation du coût du pétrole et cela ne se traduit pas dans des efforts particuliers faits au niveau de la pompe.
Q- Le pourvoir d'achat, revenons à ce pour voir d'achat au-delà du ticket transport. C'est donc le thème de la rentrée pour vous. L'INSEE prévoit un hausse du pouvoir d'achat de 2,4 % entre le quatrième trimestre 2005 et le quatrième trimestre 2006. Ce sont les chiffres de l'INSEE mais dans la réalité...
R- Ce n'est pas le pouvoir d'achat...
Q- C'est une hausse de la croissance.
R- Les derniers chiffres notent une légère augmentation de la croissance, le
problème c'est que c'est toujours, vous savez ce sont des moyennes...
Q- Non, c'est le pouvoir d'achat : 2,4 % à la rentrée.
R- Alors ils ont chaussé des lunettes roses parce que je ne vois pas comment on peut arriver à cela franchement. En même temps, ce sont des moyennes qui ne se traduisent pas concrètement dans... Moi je le vois, il suffit de faire les courses de voir comment le loyer augmente, de voir l'augmentation du prix du gaz, de voir de nouvelles consommations, quand je dis nouvelles, cela ne date pas d'il y a un mois. Mais toute la téléphonie mobile, par exemple, cela coûte relativement cher dans le budget des ménages, il y a 15 ans ou 10 ans cela n'existait pas. Tout cela fait qu'il y a non seulement une réalité mais un ressenti de dégradation du pouvoir d'achat. La meilleure façon pour améliorer le pouvoir d'achat, la plus simple c'est de pouvoir obtenir des augmentations de salaire, c'est cela le plus simple.
Q- Alors, vous demandez des augmentations de salaire, c'est un des combats de la rentrée, là, vraiment ?
R- Oui, bien sûr, du côté y compris des pouvoirs publics. Je rappelle que les fonctionnaires n'auront que 0,5 % cette année, ils auront une perte de pouvoir d'achat et du côté du privé, à la fois dans les négociations de branche, on le réclame, après cela dépend des entreprises. Il y a des entreprises ou on a de bons accords de salaire mais c'est loin d'être le cas partout.
Q- Bien. L'emploi, le fameux CNE, il est toujours en place, vous voulez sa peau mais...
R- Oui, mais vous savez il faut prendre son temps parfois. On n'a jamais dit : on va essayer de mobiliser dans la rue contre le CNE ce n'est pas ça que l'on a dit. On est dans un processus qui est un processus d'ordre juridique aujourd'hui. Les premiers appels vont tomber à l'automne, il va y avoir de plus en plus de cas de prud'homme. J'en ai encore eu un hier, quelqu'un qui nous a écrit hier pour une rupture de CNE abusive, c'est évident. Il va y avoir le Bureau International du Travail qui va se prononcer au mois de novembre, donc laissons faire les recours et moi je suis persuadé que l'on aura la peau du CNE à terme.
Q- Vous voulez la peau du CNE ?
R- Oui, bien sûr, c'est une question de principe, quand je dis de principe, de mépris. Moi je ne comprends pas que l'on puisse licencier quelqu'un sans lui dire pourquoi. C'est tout simplement déjà ça, je ne comprends pas. Comment peut-on avoir des salariés motivés, les respecter un minimum si on ne leur dit pas quand on n'a plus besoin d'eux : "voilà, écoutez cela ne va pas pour telle et telle raison, donc je me sépare de vous". Je crois que c'est le minimum dans la relation sociale. Cet été j'ai eu l'occasion de discuter avec des patrons de petites entreprises, ceux que j'ai vu en tous les cas, je ne dis pas qu'ils sont représentatifs, ceux que j'ai vus, ils se disent : "on préfère prendre un CDI ", y compris pour cette question de respect. Parce qu'on peut licencier un CDI, ça se fait sauf qu'il y a des garanties qui sont apportées pour un minimum de respect. Et ces patrons là qui ne sont pas tous faits de la même manière disent : "y compris pour montrer au salarié qu'on le respecte, on préfère le prendre en CDI", ça existe aussi.
Q- L'interdiction de licenciement, vous n'êtes pas pour vous à FO ?
R- L'interdiction de licenciement ça veut dire quoi ! On n'est pas dans une société soviétique, ce n'est pas ça ! Il faut qu'une société respire c'est normal mais il faut qu'il y ait des garanties et ces garanties sont insuffisantes d'ailleurs aujourd'hui. Le CDI c'est bien mais c'est encore insuffisant.
Q- Mais les chiffres vous donnent un peu tort parce que le chômage baisse !
R- Oui mais il ne baisse pas pour ça.
Q- Il ne baisse pas pour ça ?
R- Non ! Cela fait plusieurs mois que j'explique mois après mois... et il va
continuer à baisser...
Q- Il va continuer à baisser ?
R- Mais oui, il va continuer à baisser, et tant mieux. La statistique baisse tant mieux ! Mas il faut regarder pourquoi le chômage baisse, il faut analyser les choses. Il baisse pour plusieurs raisons. Il baisse à la fois parce que, contrairement à ce que dit le Gouvernement, les éléments démographiques commencent à jouer. Tous les gens par exemple qui ont leurs annuités et qui partent en retraite avant les 60 ans parce qu'ils ont la trouille, notamment de ce qui va se passer en 2008. Tous ces salariés là partent de manière assez importante en retraite, ne sont pas tous remplacés mais cela contribue à faire diminuer le aux de chômage. Il y a le plan de cohésion sociale, les petits boulots, les contrats d'accompagnement vers l'emploi.... Le traitement social du chômage qui continue à faire baisser... les radiations qui se maintiennent au même niveau qu'avant, tout cela fait baisser mécaniquement le chômage. Et puis il y a un peu de créations d'emplois dans certains secteurs. La construction, parce qu'il y a eu des constructions de logement ; dans le service, les emplois de service à la personne mais encore faudrait-il voir quels types d'emploi ? C'est souvent, et moi j'ai eu pas mal de courriers là-dessus - des gens qui sont embauchés 2h par ci, 2h par là, en contrat partiel...ce ne sont pas de vrais boulots tout ça. Mais tout ça contribue à faire baisser le chômage. Mais si la croissance était plus créatrice - et là on a eu un bon trimestre mais c'est un peu exceptionnel et c'est surtout dû à ce qui se passe à l'étranger, en Allemagne notamment - là il y aurait de vraies créations d'emplois. Il faut donc une modification de politique économique, ce que le Gouvernement ne fait pas.
Q- Je regardais une étude très intéressante qui a été conduite par le Financial Times. Sur plusieurs dizaines d'Européens interrogés, que nous disent les Français ? Les ¾ des Français nous disent, et disent dans cette étude, être prêts à faire des heures supplémentaires pour gagner plus et ils sont majoritaires, ils sont à 52 % majoritaires à être opposés à ce que l'Etat contrôle le nombre d'heures passées au travail.
R- J'ai vu ce genre de choses. Cela dépend toujours de la manière dont on présente les choses. Cela montre quoi en tous les cas ? Que le problème du pouvoir d'achat est un problème prioritaire, c'est cela que ça montre. Après, quand quelqu'un a un [vrai problème de pouvoir d'achat, il sera prêt à faire des heures supplémentaires] pour gagner plus. Mais si on lui propose, [d'augmenter son salaire sans pour autant travailler plus], il serait d'accord aussi. Le problème ce n'est pas qu'ils veulent travailler plus c'est qu'ils veulent gagner plus.
Q- On peut augmenter les salaires sans demander aux Français de travailler plus ?
R- Bien sûr, qu'est-ce que l'on fait quand on arrive à négocier dans les entreprises parfois ? On arrive dans certaines entreprises à négocier des augmentations de pouvoir d'achat.
Q- Vous croyez que les entreprises ont les moyens aujourd'hui de faire ça ?
R- Certaines entreprises l'ont en tous les cas, elles ne se portent pas toutes mal, loin s'en faut, regardez les résultats. En tous les cas, leurs PDG eux ne s'embêtent pas pour se faire des croissances de pouvoir d'achat à deux chiffres tous les ans donc cela veut dire que ça marche quand même et les résultats financiers marchent. C'est normal qu'à partir de là dans la répartition des profits des entreprises une part aille aux salariés. Mais pour revenir sur cette question du temps de travail, l'objectif c'est de gagner plus, ce n'est pas obligatoirement de travailler plus. Vous savez moi je discute avec les Anglais. Pour la durée du travail, en Angleterre, il n'y a quasiment pas de normes. La seule norme ce sont les 48 heures européennes et en plus ils n'en veulent même pas les Anglais, des 48 heures européennes. Sauf que quand vous travaillez en Angleterre, que vous avez un contrat de travail et que l'on vous dit, il faut que vous déclariez que vous êtes prêt à travailler plus, si vous ne l'acceptez pas, vous n'êtes pas pris, c'est une pression continuelle qui est faite. Il faut des normes en matière de durée du travail et après qu'il y ait des heures supplémentaires, mais les salariés ne les refusent pas les heures supplémentaires. Vous savez, les règles ont été modifiées ces dernières années, on peut aller jusqu'à 220 heures supplémentaires par an, regardons déjà si ce contingent est utilisé, bien souvent, il n'est même pas utilisé.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 août 2006