Interview de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO dans "Le Parisien" du 21 août 2006, sur la situation sociale, le pouvoir d'achat et le chômage et la rentrée sociale.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Salaires
«Le pouvoir d'achat est LA priorité de la rentrée»
Interview de Jean-Claude Mailly,
secrétaire général de FO,
Le Parisien-Aujourd'hui en France.
21 août 2006
Q - Placez-vous cette rentrée 2006 sous le signe de l'optimisme, façon Thierry Breton, ou êtes-vous au contraire dans le camp des plus pessimistes ?
Jean-Claude Mailly. Je ne partage en aucun cas l'optimisme de Thierry Breton basé sur la méthode Coué. Le ministre de l'Economie se contente de répéter en boucle que tout va bien : la croissance, l'emploi, le pouvoir d'achat... Ce n'est, hélas, pas du tout ce que vivent les salariés. Ils constatent au contraire une perte du pouvoir d'achat depuis des années, dans le privé comme dans le public.
Q - Ah bon ?
Jean-Claude Mailly. L'INSEE nous apprend que le pouvoir d'achat a progressé de 0,9 % ces douze derniers mois... Ce chiffre ne représente qu'une moyenne qui, hélas, ne reflète pas la réalité du plus grand nombre de salariés, ceux qui ne bénéficient pas directement des bénéfices records des grandes entreprises et des incroyables largesses attribuées à leur PDG. Il suffit de prendre en compte la flambée des prix du pétrole, du logement, de la nourriture, le poids toujours plus important de la téléphonie... pour comprendre la réelle dégradation du pouvoir d'achat de la plupart des ménages. Les enquêtes estivales effectuées par votre journal auprès des vacanciers ont d'ailleurs parfaitement reflété le phénomène d'envolée des prix. Voilà pourquoi le pouvoir d'achat est pour nous LA revendication prioritaire de cette rentrée.
Q - On a l'impression d'entendre toujours la même rengaine à chaque rentrée. Mais, concrètement, que va faire votre syndicat ?
Jean-Claude Mailly. On a déjà obtenu la revitalisation des négociations de branches sur les bas salaires. Et, croyez-moi, on ne va pas attendre un an l'arme au pied pour faire en sorte que celles qui ne respectent la loi sur le salaire minimum rentrent dans le droit chemin. Parallèlement, nous allons pousser très fort à la négociation dans les entreprises et dans la fonction publique. Je rappelle que les fonctionnaires n'ont eu que 0,5 % d'augmentation cette année, c'est donc une perte nette pour eux. Au moment où les carburants sont au plus haut, nous allons remettre vigoureusement sur la table la promesse du Premier ministre de création d'une prime ou d'un chèque transport.
Q - Celle annoncée l'an dernier par Dominique de Villepin ?
Jean-Claude Mailly. Exactement. Un an après son annonce officielle par le Premier ministre, le gouvernement se contente de nous répondre que le dossier est à l'étude. C'est tout simplement scandaleux, car tous les salariés qui vont travailler en voiture sont directement pénalisés. FO a proposé que ce chèque transport prenne la forme d'un chèque restaurant avec obligation de négocier pour que les salariés des PME en bénéficient. Nous sommes fermement décidés à remettre la pression sur ce dossier, c'est une question de justice.
Q - Pensez-vous franchement que les salariés soient prêts à se mobiliser contre la hausse des prix, si pénalisante soit-elle ?
Jean-Claude Mailly. Je ne suis pas en train de dire que la rentrée sera chaude. Simplement, je sais que la revendication est bel et bien là, et nous verrons ensuite comment elle se traduira. Mais, d'ores et déjà, tous les syndicats FO vont déposer des revendications tous azimuts sur la question salariale.
Q - Avez-vous d'autres priorités lors de cette rentrée ?
Jean-Claude Mailly. Oui, quatre autres. 1. L'emploi et le chômage avec la poursuite de nos actions pour faire disparaître le CNE et la reprise des discussions avec le patronat sur l'avenir de l'assurance chômage le 26 septembre prochain. 2. L'avenir du service public, en particulier sur le dossier Suez-Gaz de France. 3. La Sécurité sociale : nous ne trouvons pas normal que l'assurance maladie ait à prendre en charge l'augmentation des primes d'assurance des médecins. De même, nous sommes irrités par les dérapages tarifaires constatés sur le secteur optionnel ou encore par les annonces gouvernementales sur la création de 15 000 crèches, alors que les Allocations familiales, elles, réduisent leurs aides. 4. La relance du dialogue social. Avec un fil conducteur, l'importance des questions économiques dans tous ces dossiers.
Q - C'est-à-dire ?
Jean-Claude Mailly. Nous considérons qu'il n'y a plus de débat économique dans notre pays. Tout est fait comme si le libéralisme était une donnée incontournable. Il faut reposer les questions de l'orientation économique, FO le fera par le biais d'un grand colloque sur ce thème dans les premiers mois de 2007.
Q - Mais on sera alors en plein débat sur la présidentielle. Est-ce pour vous un moyen de faire pression sur les candidats ?
Jean-Claude Mailly. C'est traditionnel, FO ne prendra pas position dans la campagne politique. Mais cela ne signifie pas que nous resterons muets. Au contraire, nous avons l'intention d'intervenir fortement sur les questions économiques, sociales, européennes et internationales. Si l'on ne veut pas que certaines idées racistes reprennent le dessus comme en 2002, il vaut mieux un vrai débat de fond sur les programmes que de se contenter d'une communication people. C'est cela tirer la leçon de 2002.
Q - Où en est la relance du dialogue social préconisée par le Premier ministre après le retrait du CPE ?
Jean-Claude Mailly. La rencontre de juillet à Matignon était plus pour la photo qu'autre chose. Pour le reste, il faut voir ce que donneront les rencontres avec Gérard Larcher, le ministre du Travail, fin août-début septembre. S'il s'agit de dire qu'avant de toucher au Code du travail, il faut consulter les interlocuteurs sociaux, nous sommes d'accord. S'il s'agit de constater qu'il existe une réunionite aiguë avec les pouvoirs publics, y compris au niveau départemental, nous sommes également d'accord. Mais s'il s'agit de créer un agenda partagé entre le gouvernement et ses interlocuteurs, je ne marche pas. La revendication ne se programme pas à l'avance et ne s'enferme pas dans un agenda.
Q - Pensez-vous que le gouvernement parviendra à fusionner Suez avec GDF ?
Jean-Claude Mailly. Il n'a aucune véritable raison de précipiter ce dossier. De toute façon, nous ferons tout pour que la fusion ne se fasse pas. Il y aura un référendum auprès des salariés le 7 septembre, une action est prévue dans les jours suivants... Cette fusion serait une triple erreur: politique, économique et sociale.
Q - Vous êtes dans la dernière année de votre mandat, que ferez-vous ensuite ?
Jean-Claude Mailly. J'ai l'intention de me représenter au poste de secrétaire général de FO à l'occasion de notre congrès de Lille, fin juin 2007. Avec un objectif prioritaire : développer le syndicat dans le secteur privé, en particulier dans les PME où c'est très difficile.
Propos recueillis par Jean-Marc Plantadesource http://www.force-ouvriere.fr, le 23 août 2006