Texte intégral
Q- Avec nous, J.-L. Borloo. Vous êtes ministre de l'Emploi, on va évidemment parler de la baisse du chômage. Mais vous êtes également ministre de la Cohésion sociale. Où en est le dialogue social en France ? Je pose cette question, parce que la CGT, la CFDT, dénoncent "une absence de concertation", notamment dernièrement, sur le chèque "transport".
R- Le chèque "transport" a été annoncé par D. de Villepin, suite aux demandes réitérées d'un nombre important de formations syndicales françaises. Il y a plus d'un an que D. de Villepin s'était exprimé, et il va y avoir un dialogue dans les branches professionnelles concernant la mise en place pratique de ce chèque. Mais, plus généralement sur le dialogue social : vous savez que je conduis, avec G. Larcher, depuis hier d'ailleurs, des discussions avec les partenaires sociaux. Nous avons reçu F. Chérèque en début d'après-midi ; B. Thibault ; et nous recevrons les autres organisations syndicales cette semaine et la semaine prochaine, pour mettre au point la méthode. Le dialogue social, ce n'est pas simplement ou de la délégation, gérer donc l'Unedic, ou une façon de sortir d'un conflit. Le dialogue social, c'est avoir une méthode, un calendrier, pour aborder, ou entre partenaires sociaux, ou entre les partenaires sociaux et le Gouvernement, un certain nombre de sujets touchant évidemment au droit du travail, mais aussi aux conditions de travail des salariés, à l'évolution de leur pouvoir d'achat, etc. Donc, ces négociations ont lieu. L'objectif est d'aboutir sous deux mois à un texte mettant en place le dialogue social, et notamment, un dialogue préalable, obligatoire, sur les sujets sociaux.
Q- Le chômage est au plus bas depuis plus de quatre ans. Qui faut-il féliciter : vous, D. de Villepin, les entreprises ou la pyramide des âges ?
R- Tout le monde. D'abord, ce sont les demandeurs d'emploi qui se sont battus pour retrouver un emploi ; les services de l'ANPE, qui maintenant ont été renforcés, qui reçoivent maintenant les demandeurs d'emploi tous les mois ; le service public de l'emploi qui regroupe tout le monde sur le territoire pour présenter les nouveaux métiers, faire les bilans de compétence, accompagner les gens, la relance de la construction, (...) le développement des services à la personne, le déblocage dans les très petites entreprises, le pacte de confiance qui a été passé notamment avec le CNE. C'est l'ensemble de cette politique de l'emploi qui produit ses effets depuis maintenant février 2005. J'étais à peine arrivé comme ministre de l'Emploi, j'ai dû annoncer le passage de la barre des 10%, qui a eu un effet psychologique très très fort, très très lourd, compter jusqu'à 10,2%. C'est vrai que passer en dessous de 9, à 8, 9 aujourd'hui, sans faire le moindre cocorico, c'est plutôt satisfaisant.
Q- Et votre ambition de faire encore un point en moins, c'est tenable ?
R- Oui, parce que toutes les mesures qui ont été prises - le boom de la construction de logements par exemple, les meilleurs chiffres depuis 30 ans, on va continuer à recruter ; les services à la personne, on va continuer à recruter ; de nouvelles mesures vont être présentées tout à l'heure à Troyes -, auront des effets. Tout n'a pas encore produit ses effets. Ce que j'avais dit en lançant le plan de cohésion sociale, c'est que ce plan serait créateur de croissance ; la croissance de surcroît est là, elle est revenue, on a 320.000 personnes qui aujourd'hui travaillent en plus, qui cotisent à l'ensemble des comptes de la Sécurité sociale. Je crois vraiment que nous sommes dans un cercle vertueux.
Q- Mais vous avez entendu ce que disent aussi les syndicats : le chômage baisse, certes, mais la précarité, elle, augmente, beaucoup de petits boulots.
R- Non, la précarité n'augmente pas, la précarité est une réalité dans ce pays. Elle était à 10,2% de chômeurs. Il y a plutôt moins de contrats de très courte durée, dans les derniers chiffres que nous avons. Mais on a un effort considérable à faire dans ce domaine. Vous savez, nous sommes en réalité dans une société des mutations ; les mutations sont extrêmement rapides. Nous sommes dans une société où nous changerons d'emploi et de métier. Le problème, c'est de gérer ces transitions. On passe d'une situation où on perd un emploi, à une situation où on change d'emploi et de métier, et que cette transition se fasse dans les meilleurs conditions. C'est pour cela que l'on développe les garanties des risques locatifs, que ce problème de logement ne soit pas impacté, et c'est pour cela que l'on met en place également les contrats de transition professionnelle. Passer d'un métier à un autre doit permettre de continuer dans les mêmes conditions, avec les mêmes rémunérations.
Q- Ce n'est pas un secret, en tout cas presque plus. Vous n'étiez pas enthousiaste à l'égard du CPE. Etes-vous plus convaincu par les mesures que s'apprête à annonce D. de Villepin à Troyes, qu'il a annoncées dans la presse d'ailleurs ?
R- Oui, d'autant qu'on les a travaillées ensemble. Ce qui est...
Q- Vous vous êtes fait voler la politesse, là ?
R- Attendez, il y a un chef du Gouvernement, c'est à...
Q- Il y a un ministre de l'Emploi...
R- Il y a un ministre de l'Emploi qui assure pleinement son rôle. Les mesures qui seront annoncées tout à l'heure, que j'annoncerai tout à l'heure en présence du Premier ministre, sont des mesures que nous voulions absolument. En gros, l'idée c'est que la mécanique globale du retour à l'emploi fonctionne, mais qu'il y a des trous énormes. Je ne peux pas me contenter d'une situation où certains territoires, où certaines populations, en l'occurrence, les jeunes, ou ceux qui sont très éloignés de l'emploi depuis très longtemps, et notamment ceux qui sont à l'ASS - l'Allocation de solidarité spécifique -, sont vraiment en situation de retour à l'emploi très faible. Donc, ces deux situations-là sont profondément inacceptables. Ce sont des mesures très précises, très concrètes, très ciblées, qui reviennent du terrain, que nous annoncerons tout à l'heure.
Q- Vous allez donc baisser les charges, ce n'est presque plus un secret. On va vous accuser de faire encore un cadeau aux entreprises ?
R- Cela fait depuis 2002 que le Gouvernement a une politique claire d'abaissement des charges, d'abaissement du coût du travail, essaie de résoudre la quadrature suivante : comment augmenter le pouvoir d'achat - c'est la convergence des Smic, ce qui a emmené à un total Smic le plus bas à 17% d'augmentation - continuer à augmenter le pouvoir d'achat en maintenant la compétitivité - ce sont les primes pour l'emploi massives -, et troisièmement, lutter contre le coût du travail pour l'emploi -ce sont les baisses de charges. Donc, nous annoncerons plus de charge du tout au niveau du Smic pour les entreprises de moins de 20%. C'est une politique qui se poursuit. Et puisqu'il y a débat sur ces baisses de charges, je rappelle que le Conseil d'orientation pour l'emploi, qui est donc très pluriel, vient d'indiquer que si on abandonnait cette politique, si on supprimait les baisses de charges, le risque sera de l'ordre de 800.000 emplois.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er septembre 2006