Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignemùent supérieur et de la recherche à LCI le 5 septembre 2006, sur la rentrée scolaire, les expulsions des enfants des sans papiers, le budget de l'éducation nationale et la note de vie scolaire.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral


C. Barbier - Sondage Ifop pour LCI : 52 % des Français approuvent l'expulsion des Sans-papiers du squat de Cachan. Les enfants des Sans-papiers qui ont commencé l'année scolaire pourront-ils la terminer sans risque d'être expulsés ?
R - C'est une question que vous devez poser, bien sûr, au ministre de l'Intérieur. Ce que je sais c'est que, nous, Education nationale, les recteurs ont apporté aux préfets leurs indications bien précises sur la situation des enfants. Et le ministère de l'Intérieur en fait évidemment le meilleur usage.
Q - Mais êtes-vous pour qu'ils terminent l'année ?
R - Ils ont été individuellement reçus par le ministère de l'Intérieur ou par les représentants du ministre de l'Intérieur. Et nous, recteurs - les recteurs de l'Education nationale - ont pu donner des indications sur la situation des familles. Ensuite, le ministère de l'Intérieur et notamment les préfets font le meilleur usage de ce que disent et de ce que transmettent les recteurs au ministère de l'Intérieur.
Q - Beaucoup d'enseignants disent qu'ils protégeront ces enfants. Est-ce qu'ils outrepassent leurs droits d'enseignant ?
R - Je crois qu'ils n'ont pas à protéger les enfants. On verra dans la vie courante et tout au long de l'année qu'il n'y aura pas spécialement à protéger les enfants.
Q - L'INED va recenser les origines ethniques dans certains établissements scolaires. N'y a-t-il pas risque de racialisation des données ?
R - Non, je crois qu'il faut demander plus simplement si c'est conforme à la loi ou si ce n'est pas conforme à la loi. Et on ne fait qu'appliquer la loi.
Q - Grèves locales demain, grève nationale, peut-être, le 28 septembre. La rentrée scolaire, cette année, est-elle une bombe à retardement : calme ces jours-ci, et terrible dans les semaines qui viennent ?
R - La rentrée scolaire, c'est d'abord la rentrée des enseignants et celle des élèves. Et la rentrée des enseignants est faite, elle s'est bien passée. La rentrée des élèves est faite, ou est en cours, et elle se passe bien.
Q - Et la rentrée des syndicats ?
R - La rentrée des syndicats, c'est leur affaire. Mais je crois que la meilleure façon de défendre l'école, c'est de montrer que l'école ça fonctionne tous les jours. C'est leur droit de faire des mouvements, c'est leur droit de faire des grèves. Mais pendant ce temps-là, eh bien il n'y a personne devant les élèves. Je ne sais pas si c'est le meilleur moyen de défendre l'école publique.
Q - Alors, ils ont un argument : 8500 postes en moins dans le budget 2007. Pourquoi cette coupe ?
R - Non, d'abord le budget 2007 n'est pas encore voté, il sera voté à la fin de l'année, si le Parlement estime que c'est un bon budget...
Q - Vous vous battrez pour que ça diminue les risques ?
R - Moi je me battrai pour que le taux d'encadrement, c'est-à-dire le nombre de professeurs et d'élèves ou le nombre de professeurs par rapport au nombre d'élèves, soit le même en 2007 qu'en 2006. Aujourd'hui, je le dis très solennellement, c'est acquis : le taux d'encadrement à la rentrée 2007 sera le même qu'en 2006. Et en 2006, je vous rappelle que cette rentrée se passe bien, eh bien en 2005, on m'a fait le même numéro, en disant "c'est épouvantable, on ne va pas y arriver". C'est la France qui dépense le plus d'argent pour son Education nationale, il est normal que je mette bien les moyens là où il y a des besoins, et c'est ce que je fais. En tout cas, vous avez vu que les rapports de la Cour des Comptes, le rapport de l'Inspection générale des Finances, montrent qu'il y a des réservoirs, par exemple sur les décharges, de 28.000 enseignants potentiels. Et donc, je puise dans ce vivier important de 28.000 enseignants qui peuvent se remettre devant les élèves, de façon à garder le même taux d'encadrement de professeurs par nombre d'élèves.
Q - Les moyens financiers, vous les avez mis aussi cette année dans une lettre à tous les enseignants, et dans un message dans la presse adressé aux parents. N'est-ce pas beaucoup d'argent dépensé pour rien ?
R - C'est 2 centimes et demi par parent, et si vous croyez que les parents ne méritent pas d'être associés à l'école - les parents sont indispensables dans l'acte d'éduquer, il faut qu'ils participent à la vie de l'établissement, il faut qu'ils se renseignent dans l'établissement, il faut qu'ils connaissent le règlement intérieur de l'établissement auquel ils confient leurs enfants - il est normal que les parents soient représentés par des fédérations de parents d'élèves, et donc, il est normal qu'ils connaissent leurs droits. Il est normal aussi que les parents sachent que cette année, c'est une année où il y a plein d'innovations à l'Education nationale pour permettre aux enfants de mieux réussir. Et donc, cela permettra aux parents de mieux suivre cette évolution, qui va permettre de mieux faire réussir les enfants.
Q - Les parents confient de plus en plus leurs enfants à l'enseignement privé. Dites-vous bravo à l'école privée ou déplorez-vous cette perte de l'Education nationale ?
R - Moi je constate. Mais je dis aussi que cette hémorragie-là, il faut peut-être y regarder de près et améliorer qualitativement l'Education nationale, qui s'améliore tous les jours mais peut-être insuffisamment. Il y a encore des marges de progrès.
Q - Qu'elle soit plus attractive ?
R - Qu'elle soit plus attractive. Et je ne pense pas que ce soit en faisant des mouvements, des grèves, ou systématiquement en dénigrant toutes les initiatives que prennent les autorités, que prennent les ministres successifs, que l'on valorisera l'Education nationale. On la valorisera avec des initiatives comme celles que j'ai prises.
Q - Alors, justement parmi vos initiatives, cette année, il y a la "note de vie scolaire". Est-ce que vous n'allez pas enfoncer les élèves en difficultés, qui sont souvent les moins calmes, cela va plutôt les déprimer que les inciter à s'assagir ?
R - Tout le monde reconnaît une chose : c'est que les élèves ont besoin de repères dans la vie. Si vous ne leur dites pas ce qui est bien et ce qui est moins bien, voire ce qui est mal, eh bien vous en faites des enfants...
Q - ... des "sauvageons", comme disait J.-P. Chevènement ?
R - Non, vous en faites des enfants puis des adultes déstructurés. La note de vie scolaire, c'est un des repères qui permet au jeune de voir que, son attitude est appréciée, parce qu'il prend des initiatives, parce qu'il s'insère dans un club de foot, ou bien parce qu'il aide son professeur, il est responsable de classe, ou bien parce qu'il est un bon petit camarade. Et si jamais il commet des incivilités voire des violences, sa note de vie scolaire va baisser.
Q - Justement, à propos de violences, allez-vous suivre le logiciel SIGNA qui a donné lieu à un palmarès contesté dans la presse ?
R - Je vais non seulement le maintenir, mais le développer, parce qu'il est extrêmement utile pour faire baisser la violence à l'école.
Q - Proposition des présidentiables : un deuxième adulte par classe, dit S. Royal. Etes-vous d'accord ?
R - C'est une bêtise, vraiment, c'est une bêtise !
Q - Pourquoi ?
R - Je le dis très simplement : parce que d'abord ça déstabilise le professeur titulaire. Par contre, d'avoir de la présence adulte dans un établissement, cela c'est très important. Mais un deuxième professeur, qui va, quoi, surveiller le premier ? Qui va faire de la discipline quand l'autre fait de l'enseignement ? Mais comment voulez-vous... ! On va dévaloriser le professeur principal qui va se sentir surveillé, et qui dans son acte de transmettre, va se sentir pratiquement sous tutelle d'un autre professeur ! Non, il faut de la présence adulte dans les établissements scolaires, en plus grand nombre, c'est ce que nous faisons avec les assistants pédagogiques, qui, par exemple, aident les enfants à faire des études accompagnées, notamment dans les "Collèges Ambition-Réussite", ça c'est important. Mais pas deux professeurs par classe, cela déstabilisera et la classe et le professeur.
Q - Le service civil...
R - Par contre, si vous permettez, il faut rénover la formation des maîtres.
Q - Le service civique obligatoire, les jeunes...
R - C'est important.
Q - ...tout le monde est pour aujourd'hui. F. Bayrou, ici, à votre place, hier matin, disait qu'il faut le faire tout de suite : "faisons une loi avant la présidentielle". Vous vous y engagez ?
R - Je ne peux pas m'y engager, parce que cela fait des années et des années que l'on en parle, et on ne sait pas très bien sous quelle forme pourrait se faire ce service civique, si c'est un service humanitaire, si c'est une service associatif, si c'est un service d'apprentissage de métier. Mais je trouve que le sujet est un beau sujet, et on peut se mettre autour de la table. Et je dirais même, toutes sensibilités politiques confondues, essayer d'avoir un projet national qui ferait consensus, alors, là, il y aura adhésion du peuple français.
Q - F. Bayrou, s'il est élu président de la République, prendra des ministres socialistes. Etes-vous triste, quittez-vous l'UDF ?
R - Moi, ce n'est pas le problème de savoir s'il prend des ministres socialistes. C'est pour faire quelle politique ? Est-ce que c'est pour faire une politique socialiste ou est-ce pour faire une politique de centre-droit ? Evidemment, je suis pour une politique de centre-droit. Mais je trouve que cette proposition-là sans savoir avec qui il va s'allier au lendemain des élections présidentielles au cas où, me semble une proposition pour faire parler de lui, certainement pas une proposition constructive pour clarifier sa situation.
Q - Alors, propositions constructives, vous me dites oui/non, bonne idée/mauvaise idée. Sur la liste des propositions de N. Sarkozy : le passage en 6ème bloqué si on ne sait pas lire ?
R - C'est déjà fait puisqu'il y a une évaluation en CE1.
Q - Les classes de 15 élèves en cas de difficultés lourdes ?
R - C'est déjà le cas dans beaucoup de ZEP et notamment, dans les "Collèges Ambition-Réussite", on essaye de réduire les effectifs. C'est une bonne idée, bien entendu, aussi.
Q - Des internats d'excellence pour les élèves de familles modestes, mais bons élèves ?
R - Oui, c'est une bonne idée.
Q - Stop à la baisse du niveau du bac ?
R - Il n'y a pas de baisse du niveau du bac. C'est une plaisanterie de dire cela.
Q - Votre candidat, c'est Sarkozy pour l'année prochaine ?
R - Non, mon candidat... Il y a beaucoup de propositions qui se font actuellement sur l'Education nationale. Je me réjouis qu'enfin les candidats aux élections présidentielles s'intéressent à l'Education nationale, j'en suis ravi. Et je m'aperçois que beaucoup des propositions qui sont faites par les uns et par les autres, sont des propositions d'actions qui sont déjà mises en place, ou en cours d'être mises en place. D'une certaine façon, c'est une reconnaissance de la politique menée par le Gouvernement.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 5 septembre 2006