Texte intégral
Pour qui résonnent les sirènes?
On ne peut que ressentir un immense sentiment d'indignation devant les images venues du Liban, montrant ces cadavres d'enfants écrasés par des bombes israéliennes dans la cave où ils avaient cru trouver un abri; du moins quand on n'a pas le plus profond mépris pour la vie humaine.
Ce n'est évidemment pas le cas du Premier ministre israélien qui, après avoir exprimé quelques vagues regrets, a déclaré qu'il «n'était pas pressé d'arriver à un cessez-le-feu», et a osé prétendre que l'armée israélienne n'était pas responsable, puisqu'elle avait demandé à la population civile d'évacuer le Sud-Liban. Comme si c'était si facile quand les routes sont mitraillées en permanence, les ponts détruits, et plus encore quand on est pauvre et sans aucun moyen de transport.
Mais les dirigeants des grandes puissances qui, non seulement ne sont pas prêts à intervenir, mais n'ont même pas voté à l'ONU un texte condamnant ce massacre, ne valent pas mieux. Il est vrai qu'ils n'ont pas voté non plus, quelques jours auparavant, la condamnation du raid qui avait entraîné la mort de quatre de leurs observateurs. Certes, de telles condamnations n'auraient rien changé. Mais le fait de s'y refuser montre bien qu'Israël bénéficie du soutien de toutes les grandes puissances impérialistes. Des États-Unis et de la Grande-Bretagne, bien sûr, qui ont soutenu sans réserves les opérations menées au Liban depuis trois semaines. Mais aussi de pays, qui comme la France, ne réclament l'application des résolutions de l'ONU que lorsqu'elles vont dans le sens des intérêts israéliens, et se gardent bien de parler de celles qui demandaient l'évacuation par Israël des territoires palestiniens occupés depuis trente-neuf ans.
Chirac, comme le gouvernement des USA, se prononce pour le désarmement des milices du Hezbollah, comme si c'était cela qui pouvait régler les problèmes du Proche-Orient. Mais tout parallèle entre les bombardements israéliens et les roquettes tirées par le Hezbollah relève d'une parfaite hypocrisie.
Lancer des fusées sur les villes israéliennes, y tuer des civils, des femmes, des enfants, est certes une politique qui peut satisfaire le désir de vengeance de ceux qui se trouvent sous les bombardements israéliens. Mais c'est malgré tout une politique contraire aux intérêts des populations libanaises comme palestiniennes, parce que cela ne peut qu'amener la population israélienne à se ranger derrière son gouvernement (tout comme la politique du gouvernement israélien ne fait qu'amener une fraction toujours plus grande des peuples arabes à se tourner vers les islamistes).
Mais quand bien même le voudraient-ils, les dirigeants du Hezbollah ne peuvent pas se montrer aussi odieux que les dirigeants israéliens: ils n'en ont pas les moyens. Ils sont peut-être aidés par l'Iran et la Syrie, mais ce n'est rien à côté de l'aide massive, politique et matérielle, que le gouvernement israélien reçoit des grandes puissances impérialistes et en particulier des USA, qui comptent sur eux pour jouer le rôle de gendarme de l'impérialisme dans cette partie du monde.
Le Proche-Orient représente pour l'impérialisme américain un enjeu politique et économique considérable. Pour y imposer sa loi, il a déjà créé en Irak une situation explosive, dont nul ne voit l'issue. Que l'intervention israélienne au Liban ait été téléguidée par les USA, ou que ceux-ci se soient contentés d'appuyer une initiative israélienne, importe peu. La politique des frappes militaires a sa logique, qui peut entraîner ses partisans bien plus loin qu'ils ne souhaitaient aller au départ. Les menaces formulées depuis des mois par Bush contre l'Iran et la Syrie peuvent préluder à un embrasement de toute la région.
«Le capitalisme porte la guerre en lui comme la nuée porte l'orage», disait Jaurès il y a déjà longtemps. Les faits ne l'ont pas démenti, bien au contraire.
Ne nous réjouissons pas que les sirènes ne résonnent aujourd'hui qu'au Liban ou à Gaza. Elles pourraient bien retentir demain beaucoup plus près de nous.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 16 août 2006
Liban: l'ONU n'est pas impuissante, elle est complice
Voilà près d'un mois que les villes et les villages du Liban sont pilonnés jours et nuits par l'aviation israélienne. Ce sont les fiefs du Hezbollah qui sont pris pour cibles, affirment les autorités israéliennes et répètent, après elles, la plupart des commentateurs. C'est à voir, mais ce qui est certain c'est que ce sont surtout les quartiers pauvres.
On a pu voir dimanche, à la télévision, un officier supérieur israélien déclarer, à propos de la mort de quinze personnes, dont douze soldats, tuées par une «katioucha», qu'il avait assisté à un spectacle affreux. C'était certainement le cas. Mais les images des centaines de femmes, d'hommes, d'enfants, massacrés par les bombes israéliennes, au Liban et à Gaza, sont-elles moins horribles?
Pendant ce temps-là les grandes puissances discutent gravement au Conseil de sécurité de l'ONU de textes de résolutions qui ne changeront rien, mais qui leur permettent de faire croire qu'elles cherchent une solution à la crise, alors qu'elles ne visent qu'à donner à l'armée israélienne le temps qu'elle réclame pour écraser des adversaires qui se révèlent plus coriaces que ce que les stratèges de l'État hébreu avaient prévu.
Et toutes ces grandes puissances d'invoquer -sans détour pour les USA, hypocritement pour la France, qui voudrait bien continuer à faire des affaires avec l'Iran - la responsabilité de ce dernier pays et de la Syrie dans le drame que vit le Liban. Comme si toute la situation de la région n'était pas d'abord déterminée par le problème israélo-palestinien.
Des centaines de milliers de Palestiniens ont été contraints de fuir en 1948, après la proclamation de l'État d'Israël, et vivent toujours, eux ou leurs descendants, dans des camps de réfugiés, au Liban ou à Gaza. Au lendemain de l'occupation par Israël, en 1967, de la Cisjordanie et de Gaza, l'ONU avait adopté une résolution demandant l'évacuation des territoires occupés. C'était uniquement pour la forme, car cette résolution est restée lettre morte. Non seulement ces territoires n'ont pas été libérés, mais l'installation de colonies israéliennes dans les territoires occupés a réduit comme peau de chagrin ce qui aurait pu devenir un État palestinien.
Les grandes puissances ont d'autant plus facilement laissé faire que la haine inévitablement engendrée par cette situation parmi les populations arabes les servait. L'impérialisme ne manquait certes pas d'alliés dans la région, parmi tous les États arabes qui, de l'Arabie saoudite à la Jordanie, entretenaient les meilleures relations avec les grandes puissances impérialistes. Mais comme ces États étaient à la merci d'une explosion de révolte de leur propre population, aucun allié n'était plus sûr pour l'impérialisme qu'Israël, citadelle isolée dans un environnement hostile. Israël dépend en effet de l'aide des grandes puissances, tant que son gouvernement se refuse à tendre la main au peuple palestinien, à favoriser dans les faits la naissance d'un État palestinien.
Le conflit qui se déroule aujourd'hui au Liban n'a pas d'autre origine. Les dirigeants israéliens ont entraîné depuis plus d'un demi-siècle leur peuple dans ce piège sanglant, qu'il ait été consentant ou pas dans sa majorité importe peu.
Et les morts civils et militaires que déplore aujourd'hui Israël sont les victimes de ce piège sanglant, tout comme les enfants, les femmes et les hommes enterrés dans les décombres de Gaza et des villes libanaises.
«Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être un peuple libre», proclamait le mouvement ouvrier lorsque les partis socialistes ne s'étaient pas encore transformés en défenseurs des intérêts des capitalistes. Cela vaut encore aujourd'hui. La liberté pour tous les peuples, et une paix durable, ne pourront exister que le jour où l'humanité se sera débarrassée de ce système économique qui n'hésite pas à semer la guerre dans toutes les régions de la planète chaque fois que quelques grands trusts, pétroliers ou pas, ou les États qui les représentent, y trouvent leur intérêt.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 16 août 2006
Le terrorisme d'État israélien creuse un fossé entre les peuples
Après l'arrêt des combats au Liban, l'armée et le gouvernement israéliens ont visiblement du mal à faire passer leur opération militaire pour un succès. Elle a été déclenchée officiellement pour délivrer les deux soldats israéliens faits prisonniers par le Hezbollah, sans même envisager l'échange avec des prisonniers libanais que celui-ci proposait et qu'Israël avait déjà accepté dans le passé. Mais les près de 1200 morts faits du côté libanais, la destruction de tout un pays, et en retour les près de 120 morts qu'a comptés finalement l'armée israélienne, auxquels s'ajoutent les 41 victimes civiles israéliennes des bombardements du Hezbollah, n'ont même pas permis de récupérer ces deux prisonniers. La ministre israélienne des Affaires étrangères a dû reconnaître que maintenant Israël devra accepter de négocier l'échange de prisonniers auquel il s'est refusé au début.
En fait, les deux soldats faits prisonniers n'auront été qu'un prétexte servant à justifier, aux yeux de la population israélienne, l'attaque à laquelle s'est livrée son armée. Si l'objectif d'Israël n'avait été que de récupérer ses deux soldats, son armée ou son gouvernement auraient pu chercher à le faire sans détruire pour cela tout un pays. En fait, ils ont saisi l'occasion de se lancer dans une démonstration à l'usage des peuples palestinien, libanais et arabes en général, pour signifier qu'ils n'hésiteront pas à détruire un pays, voire à massacrer son peuple, quand ils le voudront. C'est cette affirmation brutale du droit du plus fort qui, depuis des années, tient lieu de politique pour Israël.
L'accord sur une résolution proclamant l'arrêt des combats avait été repoussé depuis des semaines par les grandes puissances, et en particulier par les États-Unis qui expliquaient crûment qu'il fallait laisser le temps à l'armée israélienne de finir son travail, c'est-à-dire le temps d'écraser le Hezbollah. Mais la prolongation de l'offensive israélienne, la résistance inattendue qu'elle rencontrait, les pertes importantes subies par son armée, son incapacité à arrêter les tirs de roquettes sur le nord d'Israël étaient en passe de transformer la démonstration de force en démonstration d'impuissance. C'est sans doute pourquoi Israël et les États-Unis ont cessé de s'opposer au vote d'une résolution par l'ONU, permettant à celle-ci d'être enfin votée.
Mais cette guerre, comme les précédentes, risque bien de ne faire qu'en préparer une autre. Car ni la résolution de l'ONU ni les grandes puissances ne disent rien qui puisse imposer à Israël de régler les problèmes en suspens. Or le principal est bien la politique d'agression permanente d'Israël contre les Palestiniens. Ce n'est ni l'existence du Hezbollah ni la politique de l'Iran ou de la Syrie.
Cette politique des gouvernants israéliens sert les grandes puissances, car elle leur permet d'entretenir une menace permanente envers les régimes des pays de cette région, stratégique pour leurs approvisionnements pétroliers. Ces grandes puissances n'ont pas intérêt à chercher une solution aux conflits qui opposent Israël à ses voisins. Tant que l'état de guerre dure, la population israélienne se sent dans la situation d'un peuple assiégé, n'ayant comme alternative que de soutenir la politique belliqueuse de ses dirigeants. C'est ce qui fait d'Israël un allié irremplaçable pour les puissances occidentales, bien plus fiable que leurs alliés des régimes arabes de la région.
L'intérêt véritable de la population israélienne serait de chercher les moyens d'une coexistence fraternelle avec les peuples qui l'entourent, palestinien, libanais, et arabes en général. Cela impliquerait de rompre avec la politique que mènent ses dirigeants et qui fait d'elle de la chair à canon pour des intérêts qui ne sont pas les siens.
Cette nouvelle guerre du Liban, les massacres et destructions auxquels s'est livrée délibérément l'armée israélienne auront malheureusement encore creusé le fossé de haine qui sépare les peuples des pays arabes de celui d'Israël. Il reste à souhaiter que le résultat douteux de l'action militaire israélienne contribue à ouvrir les yeux de sa population sur la politique à laquelle on l'enchaîne.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 18 août 2006
Ségolène Royal et l'héritage de Mitterrand
Dimanche 20 août, Ségolène Royal, la favorite des sondages parmi les prétendants socialistes à la candidature pour l'élection présidentielle de 2007, a exposé ce qu'elle comptait faire si elle était élue. Mais derrière les belles phrases, il n'y avait rien pour répondre aux problèmes qui se posent aujourd'hui au monde du travail.
«La valeur travail sera reconstruite» a affirmé la prétendante. Mais cela ne veut rien dire, et surtout pas qu'elle s'engage, si elle était élue, à lutter vraiment contre le chômage, en utilisant l'argent de l'État pour créer directement des milliers d'emplois, au lieu de multiplier les cadeaux à fonds perdus aux grandes entreprises qui les empochent sans cesser de licencier. Des emplois qui seraient si utiles dans tous les services publics. Des emplois qui seraient nécessaires pour construire en nombre suffisant des logements confortables et abordables, afin que l'on cesse de voir ces images d'incendies d'immeubles délabrés, qui font régulièrement des victimes.
Ségolène Royal ne s'est pas plus engagée à revaloriser les salaires des travailleurs qui voient leur pouvoir d'achat fondre au fil des années. Elle a simplement affirmé que «la récompense de l'effort» était une «valeur progressiste».
Mais «récompenser l'effort», c'est ce que prétend vouloir faire Sarkozy quand il dit qu'il faut offrir aux gens la possibilité de travailler plus pour gagner plus. Et tenir ce langage-là à des travailleurs qui ont vu les rythmes de travail augmenter sans cesse, à tous ceux et celles qui vivent dans la misère, victimes des temps partiels imposés, c'est se moquer du monde.
Toute la presse a noté que Ségolène Royal s'était réclamée de l'héritage de Mitterrand, qui avait fait sur son nom l'unité de la gauche. Mais cela aussi n'a rien de rassurant pour les travailleurs, car sous les deux présidences de Mitterrand, de 1981 à 1995, les attaques n'ont pas manqué contre la classe ouvrière. Dès 1982, le gouvernement Mauroy a organisé le blocage des salaires et interdit d'indexer ceux-ci sur le coût de la vie. Pendant ce temps-là, l'impôt sur les bénéfices des sociétés, qui était de 50% sous Giscard, passait à 45% en 1986, avant que le gouvernement Jospin-Fabius ne décide de le ramener à 33% en 2000.
La politique menée par les socialistes sous Mitterrand déçut à tel point l'électorat populaire que la majorité élue en 1981 fut battue aux élections législatives de 1986, comme celle issue des urnes après la réélection de Mitterrand en 1988 fut laminée aux élections législatives de 1993. À chaque fois la gauche prépara le terrain pour un retour de la droite, qui elle-même, par son cynisme et sa morgue envers le monde du travail, permit au PS de se refaire une virginité. C'est ce que les commentateurs appellent «l'alternance», mais une alternance dans laquelle ce sont toujours les possédants qui sont les gagnants, et les classes populaires les perdantes.
Ceux qui s'imaginent aujourd'hui que l'essentiel sera de voter pour la candidate ou le candidat socialiste en 2007 peuvent espérer, dans le meilleur des cas, revivre le scénario de 1981, de 1988 ou de 1997. Ils auront peut-être, comme lot de consolation, la satisfaction d'avoir renvoyé la droite dans l'opposition. Mais ils n'auront rien à attendre du nouveau gouvernement si le monde du travail ne fait pas entendre sa voix autrement que par les urnes.
Au cours des vingt-cinq dernières années, la gauche a été plus souvent au gouvernement (quinze ans) que la droite. Les partis de gauche, et un certain nombre de responsables syndicaux -les mêmes qui font mine de déplorer, aujourd'hui, que les travailleurs ne suivent pas leurs mots d'ordre- n'ont cessé de répéter que ce n'est pas par les luttes, mais en «votant bien», que le monde du travail pouvait améliorer son sort. Alors, après avoir vu la gauche au gouvernement, beaucoup de travailleurs ne croient plus vraiment à la possibilité de s'opposer aux attaques du grand patronat.
Pourtant, celui-ci n'est fort que de notre passivité. Et indépendamment des élections à venir, ce n'est qu'en montrant la puissance qu'il représente que le monde du travail peut imposer un vrai changement politique.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 25 août 2006
On ne peut que ressentir un immense sentiment d'indignation devant les images venues du Liban, montrant ces cadavres d'enfants écrasés par des bombes israéliennes dans la cave où ils avaient cru trouver un abri; du moins quand on n'a pas le plus profond mépris pour la vie humaine.
Ce n'est évidemment pas le cas du Premier ministre israélien qui, après avoir exprimé quelques vagues regrets, a déclaré qu'il «n'était pas pressé d'arriver à un cessez-le-feu», et a osé prétendre que l'armée israélienne n'était pas responsable, puisqu'elle avait demandé à la population civile d'évacuer le Sud-Liban. Comme si c'était si facile quand les routes sont mitraillées en permanence, les ponts détruits, et plus encore quand on est pauvre et sans aucun moyen de transport.
Mais les dirigeants des grandes puissances qui, non seulement ne sont pas prêts à intervenir, mais n'ont même pas voté à l'ONU un texte condamnant ce massacre, ne valent pas mieux. Il est vrai qu'ils n'ont pas voté non plus, quelques jours auparavant, la condamnation du raid qui avait entraîné la mort de quatre de leurs observateurs. Certes, de telles condamnations n'auraient rien changé. Mais le fait de s'y refuser montre bien qu'Israël bénéficie du soutien de toutes les grandes puissances impérialistes. Des États-Unis et de la Grande-Bretagne, bien sûr, qui ont soutenu sans réserves les opérations menées au Liban depuis trois semaines. Mais aussi de pays, qui comme la France, ne réclament l'application des résolutions de l'ONU que lorsqu'elles vont dans le sens des intérêts israéliens, et se gardent bien de parler de celles qui demandaient l'évacuation par Israël des territoires palestiniens occupés depuis trente-neuf ans.
Chirac, comme le gouvernement des USA, se prononce pour le désarmement des milices du Hezbollah, comme si c'était cela qui pouvait régler les problèmes du Proche-Orient. Mais tout parallèle entre les bombardements israéliens et les roquettes tirées par le Hezbollah relève d'une parfaite hypocrisie.
Lancer des fusées sur les villes israéliennes, y tuer des civils, des femmes, des enfants, est certes une politique qui peut satisfaire le désir de vengeance de ceux qui se trouvent sous les bombardements israéliens. Mais c'est malgré tout une politique contraire aux intérêts des populations libanaises comme palestiniennes, parce que cela ne peut qu'amener la population israélienne à se ranger derrière son gouvernement (tout comme la politique du gouvernement israélien ne fait qu'amener une fraction toujours plus grande des peuples arabes à se tourner vers les islamistes).
Mais quand bien même le voudraient-ils, les dirigeants du Hezbollah ne peuvent pas se montrer aussi odieux que les dirigeants israéliens: ils n'en ont pas les moyens. Ils sont peut-être aidés par l'Iran et la Syrie, mais ce n'est rien à côté de l'aide massive, politique et matérielle, que le gouvernement israélien reçoit des grandes puissances impérialistes et en particulier des USA, qui comptent sur eux pour jouer le rôle de gendarme de l'impérialisme dans cette partie du monde.
Le Proche-Orient représente pour l'impérialisme américain un enjeu politique et économique considérable. Pour y imposer sa loi, il a déjà créé en Irak une situation explosive, dont nul ne voit l'issue. Que l'intervention israélienne au Liban ait été téléguidée par les USA, ou que ceux-ci se soient contentés d'appuyer une initiative israélienne, importe peu. La politique des frappes militaires a sa logique, qui peut entraîner ses partisans bien plus loin qu'ils ne souhaitaient aller au départ. Les menaces formulées depuis des mois par Bush contre l'Iran et la Syrie peuvent préluder à un embrasement de toute la région.
«Le capitalisme porte la guerre en lui comme la nuée porte l'orage», disait Jaurès il y a déjà longtemps. Les faits ne l'ont pas démenti, bien au contraire.
Ne nous réjouissons pas que les sirènes ne résonnent aujourd'hui qu'au Liban ou à Gaza. Elles pourraient bien retentir demain beaucoup plus près de nous.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 16 août 2006
Liban: l'ONU n'est pas impuissante, elle est complice
Voilà près d'un mois que les villes et les villages du Liban sont pilonnés jours et nuits par l'aviation israélienne. Ce sont les fiefs du Hezbollah qui sont pris pour cibles, affirment les autorités israéliennes et répètent, après elles, la plupart des commentateurs. C'est à voir, mais ce qui est certain c'est que ce sont surtout les quartiers pauvres.
On a pu voir dimanche, à la télévision, un officier supérieur israélien déclarer, à propos de la mort de quinze personnes, dont douze soldats, tuées par une «katioucha», qu'il avait assisté à un spectacle affreux. C'était certainement le cas. Mais les images des centaines de femmes, d'hommes, d'enfants, massacrés par les bombes israéliennes, au Liban et à Gaza, sont-elles moins horribles?
Pendant ce temps-là les grandes puissances discutent gravement au Conseil de sécurité de l'ONU de textes de résolutions qui ne changeront rien, mais qui leur permettent de faire croire qu'elles cherchent une solution à la crise, alors qu'elles ne visent qu'à donner à l'armée israélienne le temps qu'elle réclame pour écraser des adversaires qui se révèlent plus coriaces que ce que les stratèges de l'État hébreu avaient prévu.
Et toutes ces grandes puissances d'invoquer -sans détour pour les USA, hypocritement pour la France, qui voudrait bien continuer à faire des affaires avec l'Iran - la responsabilité de ce dernier pays et de la Syrie dans le drame que vit le Liban. Comme si toute la situation de la région n'était pas d'abord déterminée par le problème israélo-palestinien.
Des centaines de milliers de Palestiniens ont été contraints de fuir en 1948, après la proclamation de l'État d'Israël, et vivent toujours, eux ou leurs descendants, dans des camps de réfugiés, au Liban ou à Gaza. Au lendemain de l'occupation par Israël, en 1967, de la Cisjordanie et de Gaza, l'ONU avait adopté une résolution demandant l'évacuation des territoires occupés. C'était uniquement pour la forme, car cette résolution est restée lettre morte. Non seulement ces territoires n'ont pas été libérés, mais l'installation de colonies israéliennes dans les territoires occupés a réduit comme peau de chagrin ce qui aurait pu devenir un État palestinien.
Les grandes puissances ont d'autant plus facilement laissé faire que la haine inévitablement engendrée par cette situation parmi les populations arabes les servait. L'impérialisme ne manquait certes pas d'alliés dans la région, parmi tous les États arabes qui, de l'Arabie saoudite à la Jordanie, entretenaient les meilleures relations avec les grandes puissances impérialistes. Mais comme ces États étaient à la merci d'une explosion de révolte de leur propre population, aucun allié n'était plus sûr pour l'impérialisme qu'Israël, citadelle isolée dans un environnement hostile. Israël dépend en effet de l'aide des grandes puissances, tant que son gouvernement se refuse à tendre la main au peuple palestinien, à favoriser dans les faits la naissance d'un État palestinien.
Le conflit qui se déroule aujourd'hui au Liban n'a pas d'autre origine. Les dirigeants israéliens ont entraîné depuis plus d'un demi-siècle leur peuple dans ce piège sanglant, qu'il ait été consentant ou pas dans sa majorité importe peu.
Et les morts civils et militaires que déplore aujourd'hui Israël sont les victimes de ce piège sanglant, tout comme les enfants, les femmes et les hommes enterrés dans les décombres de Gaza et des villes libanaises.
«Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être un peuple libre», proclamait le mouvement ouvrier lorsque les partis socialistes ne s'étaient pas encore transformés en défenseurs des intérêts des capitalistes. Cela vaut encore aujourd'hui. La liberté pour tous les peuples, et une paix durable, ne pourront exister que le jour où l'humanité se sera débarrassée de ce système économique qui n'hésite pas à semer la guerre dans toutes les régions de la planète chaque fois que quelques grands trusts, pétroliers ou pas, ou les États qui les représentent, y trouvent leur intérêt.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 16 août 2006
Le terrorisme d'État israélien creuse un fossé entre les peuples
Après l'arrêt des combats au Liban, l'armée et le gouvernement israéliens ont visiblement du mal à faire passer leur opération militaire pour un succès. Elle a été déclenchée officiellement pour délivrer les deux soldats israéliens faits prisonniers par le Hezbollah, sans même envisager l'échange avec des prisonniers libanais que celui-ci proposait et qu'Israël avait déjà accepté dans le passé. Mais les près de 1200 morts faits du côté libanais, la destruction de tout un pays, et en retour les près de 120 morts qu'a comptés finalement l'armée israélienne, auxquels s'ajoutent les 41 victimes civiles israéliennes des bombardements du Hezbollah, n'ont même pas permis de récupérer ces deux prisonniers. La ministre israélienne des Affaires étrangères a dû reconnaître que maintenant Israël devra accepter de négocier l'échange de prisonniers auquel il s'est refusé au début.
En fait, les deux soldats faits prisonniers n'auront été qu'un prétexte servant à justifier, aux yeux de la population israélienne, l'attaque à laquelle s'est livrée son armée. Si l'objectif d'Israël n'avait été que de récupérer ses deux soldats, son armée ou son gouvernement auraient pu chercher à le faire sans détruire pour cela tout un pays. En fait, ils ont saisi l'occasion de se lancer dans une démonstration à l'usage des peuples palestinien, libanais et arabes en général, pour signifier qu'ils n'hésiteront pas à détruire un pays, voire à massacrer son peuple, quand ils le voudront. C'est cette affirmation brutale du droit du plus fort qui, depuis des années, tient lieu de politique pour Israël.
L'accord sur une résolution proclamant l'arrêt des combats avait été repoussé depuis des semaines par les grandes puissances, et en particulier par les États-Unis qui expliquaient crûment qu'il fallait laisser le temps à l'armée israélienne de finir son travail, c'est-à-dire le temps d'écraser le Hezbollah. Mais la prolongation de l'offensive israélienne, la résistance inattendue qu'elle rencontrait, les pertes importantes subies par son armée, son incapacité à arrêter les tirs de roquettes sur le nord d'Israël étaient en passe de transformer la démonstration de force en démonstration d'impuissance. C'est sans doute pourquoi Israël et les États-Unis ont cessé de s'opposer au vote d'une résolution par l'ONU, permettant à celle-ci d'être enfin votée.
Mais cette guerre, comme les précédentes, risque bien de ne faire qu'en préparer une autre. Car ni la résolution de l'ONU ni les grandes puissances ne disent rien qui puisse imposer à Israël de régler les problèmes en suspens. Or le principal est bien la politique d'agression permanente d'Israël contre les Palestiniens. Ce n'est ni l'existence du Hezbollah ni la politique de l'Iran ou de la Syrie.
Cette politique des gouvernants israéliens sert les grandes puissances, car elle leur permet d'entretenir une menace permanente envers les régimes des pays de cette région, stratégique pour leurs approvisionnements pétroliers. Ces grandes puissances n'ont pas intérêt à chercher une solution aux conflits qui opposent Israël à ses voisins. Tant que l'état de guerre dure, la population israélienne se sent dans la situation d'un peuple assiégé, n'ayant comme alternative que de soutenir la politique belliqueuse de ses dirigeants. C'est ce qui fait d'Israël un allié irremplaçable pour les puissances occidentales, bien plus fiable que leurs alliés des régimes arabes de la région.
L'intérêt véritable de la population israélienne serait de chercher les moyens d'une coexistence fraternelle avec les peuples qui l'entourent, palestinien, libanais, et arabes en général. Cela impliquerait de rompre avec la politique que mènent ses dirigeants et qui fait d'elle de la chair à canon pour des intérêts qui ne sont pas les siens.
Cette nouvelle guerre du Liban, les massacres et destructions auxquels s'est livrée délibérément l'armée israélienne auront malheureusement encore creusé le fossé de haine qui sépare les peuples des pays arabes de celui d'Israël. Il reste à souhaiter que le résultat douteux de l'action militaire israélienne contribue à ouvrir les yeux de sa population sur la politique à laquelle on l'enchaîne.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 18 août 2006
Ségolène Royal et l'héritage de Mitterrand
Dimanche 20 août, Ségolène Royal, la favorite des sondages parmi les prétendants socialistes à la candidature pour l'élection présidentielle de 2007, a exposé ce qu'elle comptait faire si elle était élue. Mais derrière les belles phrases, il n'y avait rien pour répondre aux problèmes qui se posent aujourd'hui au monde du travail.
«La valeur travail sera reconstruite» a affirmé la prétendante. Mais cela ne veut rien dire, et surtout pas qu'elle s'engage, si elle était élue, à lutter vraiment contre le chômage, en utilisant l'argent de l'État pour créer directement des milliers d'emplois, au lieu de multiplier les cadeaux à fonds perdus aux grandes entreprises qui les empochent sans cesser de licencier. Des emplois qui seraient si utiles dans tous les services publics. Des emplois qui seraient nécessaires pour construire en nombre suffisant des logements confortables et abordables, afin que l'on cesse de voir ces images d'incendies d'immeubles délabrés, qui font régulièrement des victimes.
Ségolène Royal ne s'est pas plus engagée à revaloriser les salaires des travailleurs qui voient leur pouvoir d'achat fondre au fil des années. Elle a simplement affirmé que «la récompense de l'effort» était une «valeur progressiste».
Mais «récompenser l'effort», c'est ce que prétend vouloir faire Sarkozy quand il dit qu'il faut offrir aux gens la possibilité de travailler plus pour gagner plus. Et tenir ce langage-là à des travailleurs qui ont vu les rythmes de travail augmenter sans cesse, à tous ceux et celles qui vivent dans la misère, victimes des temps partiels imposés, c'est se moquer du monde.
Toute la presse a noté que Ségolène Royal s'était réclamée de l'héritage de Mitterrand, qui avait fait sur son nom l'unité de la gauche. Mais cela aussi n'a rien de rassurant pour les travailleurs, car sous les deux présidences de Mitterrand, de 1981 à 1995, les attaques n'ont pas manqué contre la classe ouvrière. Dès 1982, le gouvernement Mauroy a organisé le blocage des salaires et interdit d'indexer ceux-ci sur le coût de la vie. Pendant ce temps-là, l'impôt sur les bénéfices des sociétés, qui était de 50% sous Giscard, passait à 45% en 1986, avant que le gouvernement Jospin-Fabius ne décide de le ramener à 33% en 2000.
La politique menée par les socialistes sous Mitterrand déçut à tel point l'électorat populaire que la majorité élue en 1981 fut battue aux élections législatives de 1986, comme celle issue des urnes après la réélection de Mitterrand en 1988 fut laminée aux élections législatives de 1993. À chaque fois la gauche prépara le terrain pour un retour de la droite, qui elle-même, par son cynisme et sa morgue envers le monde du travail, permit au PS de se refaire une virginité. C'est ce que les commentateurs appellent «l'alternance», mais une alternance dans laquelle ce sont toujours les possédants qui sont les gagnants, et les classes populaires les perdantes.
Ceux qui s'imaginent aujourd'hui que l'essentiel sera de voter pour la candidate ou le candidat socialiste en 2007 peuvent espérer, dans le meilleur des cas, revivre le scénario de 1981, de 1988 ou de 1997. Ils auront peut-être, comme lot de consolation, la satisfaction d'avoir renvoyé la droite dans l'opposition. Mais ils n'auront rien à attendre du nouveau gouvernement si le monde du travail ne fait pas entendre sa voix autrement que par les urnes.
Au cours des vingt-cinq dernières années, la gauche a été plus souvent au gouvernement (quinze ans) que la droite. Les partis de gauche, et un certain nombre de responsables syndicaux -les mêmes qui font mine de déplorer, aujourd'hui, que les travailleurs ne suivent pas leurs mots d'ordre- n'ont cessé de répéter que ce n'est pas par les luttes, mais en «votant bien», que le monde du travail pouvait améliorer son sort. Alors, après avoir vu la gauche au gouvernement, beaucoup de travailleurs ne croient plus vraiment à la possibilité de s'opposer aux attaques du grand patronat.
Pourtant, celui-ci n'est fort que de notre passivité. Et indépendamment des élections à venir, ce n'est qu'en montrant la puissance qu'il représente que le monde du travail peut imposer un vrai changement politique.
Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 25 août 2006