Texte intégral
R. Sicard - Bonjour, F. Bayrou. Merci d'être avec nous en direct de la Grande-Motte où vous réunissez l'université d'été de l'UDF. Vous allez recevoir des personnalités aussi diverses que M. Barnier, que M. Rocard. Hier, c'était N. Hulot. Est-ce que cela préfigure ce que pourrait être un gouvernement, si vous étiez président de la République ?
R - Je pense qu'il y a un grand changement à apporter en France. C'est qu'on ne gouverne plus uniquement avec les siens, ceux qui sont encartés chez vous. Mais qu'on soit capable de réunir beaucoup plus largement des personnalités de valeur, compétentes et qui partagent le même projet. Alors, j'ai essayé d'inviter trois figures que je trouve de ce point de vue là intéressantes et dont la visite avait du sens. C'était N. Hulot hier, sur les grands problèmes du climat, de l'environnement. Et ce sera aujourd'hui M. Barnier et M. Rocard, un UMP, un parti socialiste modéré, social démocrate, et un écologiste.
Q - Mais si vous étiez président de la République, est-ce que vous prendriez par exemple des ministres socialistes ?
R - Je n'ai aucun doute sur ce point. Il y a des gens biens au parti Socialiste comme il y a des gens biens plus à droite. Le drame de la France, c'est que des gens qui au fond partagent exactement les mêmes valeurs et la même approche, ceux-là, le système sectaire dans lequel on vit leur interdit même de parler entre eux. Vous avez vu que M. Rocard a du répondre à une polémique, parce qu'on disait, "mais qu'est-ce que cela veut dire, M. Rocard qui va à l'UDF ?". Il a dit : "nous sommes un pays sectaire et ça ne peut pas durer comme ça". Il faut changer cette approche en considérant que tout le monde a le droit à sa différence, on a droit à son histoire, on a droit à ses convictions. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas travailler ensemble. Et la preuve, c'est que dans les moments les plus difficiles quand il a fallu redresser la France, après la Libération, à la fin de la IVème République et au début de la Vème eh bien, on a réuni au sein du gouvernement, les principales sensibilités du pays pourvues qu'elles acceptent un accord sur l'essentiel...
Q - Autrement dit, vous voulez dire qu'aujourd'hui les conditions sont réunies pour un gouvernement d'union nationale comme cela a été le cas à la Libération ?
R - "Union nationale" est peut-être un mot excessif ; en tout cas un gouvernement d'ouverture, d'entente nationale sur un programme de gouvernement. Les diverses sensibilités du pays peuvent parfaitement se réunir, ou en tout cas des personnalités issues de ces sensibilités peuvent accepter de prendre leur part de la charge. Les problèmes que nous avons devant nous, la dette, le climat, l'éducation, l'exclusion, ces problèmes là exigent un tel effort, qu'il n'y a pas de raison de le faire bloc contre bloc, camp contre camp, surtout qu'à l'intérieur de chaque camp, les extrêmes sont si forts que la base sur laquelle on agit est très étroite.
Q - Est-ce qu'à l'inverse si le président élu était un président socialiste, vous, vous pourriez participer à un gouvernement de gauche ?
R - Je vais tout faire pour que votre hypothèse ne se réalise pas.
Q - Mais admettons qu'elle se réalise.
R - Attendez, ce qui est important pour moi, ce n'est pas de recommencer un bloc qui remplace un autre bloc, puis qui remplace un autre bloc, l'UMP qui remplace le PS et le PS qui remplace l'UMP. On connaît cela en France depuis 25 ans avec les échecs que vous savez. Et d'ailleurs, c'est si vrai que lorsqu'une alternance se produit, le premier travail du gouvernement qui est élu est d'annuler tout ce qu'avait fait le gouvernement précédent. Ceci est absurde. La démarche que j'incarne et c'est pourquoi elle est une vraie alternative, un vrai autre choix, c'est que précisément on soit capable non pas de défaire ce que le précédent a fait, mais d'avoir une majorité ou une approche assez large et respectueuse pour que plusieurs sensibilités y trouvent leur place.
Q - Donc vous ne voulez pas me dire si vous pourriez être ministre d'un président socialiste ?
R - Non, mais peut-être vous ne l'avez aperçu, mais ce qui se prépare, c'est une élection présidentielle, et je ne souhaite pas que ce soit l'hypothèse que vous indiquez qui l'emporte.
Q - Alors justement ce qui semble se préparer en ce moment, tout montre qu'on va droit vers un duel entre N. Sarkozy et S. Royal. Comment vous expliquez cela ?
R - Je pense que pendant tout l'été et depuis des mois, on a martelé, tambouriné, on a organisé un tintamarre incroyable autour de ce duel programmé, parce que cela arrange beaucoup de gens. Parce que l'idée que les Français pourraient se voir enlever leur liberté de choix et n'auraient plus à choisir qu'entre deux candidats qui auraient été présélectionnés et que d'une certaine manière qu'on leur aurait imposé avec les sondages et les médias que vous savez, eh bien cette idée là, je suis persuadé que les Français la refuseront.
Q - Mais qui est-ce qui est derrière tout cela ? Quand vous dites "on", qui visez-vous ?
R - J'imagine - voyez je vais faire des hypothèses - j'imagine qu'il y a de très grands intérêts qui ont, le plus grand... pour qui c'est un très grand enjeu d'être bien avec le pouvoir. Le pouvoir actuel et surtout le pouvoir futur. Et donc c'est plus pratique quand on présélectionne les candidats, on est à peu près sûr qu'ayant des billes sur chaque case, on tirera le jackpot. Mais ceci, c'est... On a déjà essayé de le faire, vous le savez très bien, vous vous en souvenez aussi bien et mieux que moi en 2002. On annonçait, vous, enfin ceux qui étaient là à votre place à l'époque, annonçaient Chirac/Jospin. Et les Français étaient priés de bien vouloir se ranger à ce choix qui avait été fait à leur place. Mais ce n'est pas comme cela que marche la France, c'est un grand peuple, républicain, citoyen et il gagnera sa liberté de choix. Il ne se laissera imposer rien du tout par quelque puissance que ce soit, économique ou médiatique.
Q - En tout cas la campagne s'annonce rude, difficile. Ce matin, il y a un des proches de N. Sarkozy, F. Fillon qui dit que pendant que vous étiez à l'Education nationale, vous n'avez fait aucune réforme.
R - Oui, c'est le genre de vacheries que l'on dit. Comme F. Fillon a été à l'Education nationale, on peut mesurer les bilans. Moi, j'ai été à l'Education nationale, il y a dix ans, et lorsque j'ai quitté le ministère de l'Education nationale, le degré de satisfaction des parents et de la nation à l'égard du système éducatif était le plus haut qu'il avait été depuis la guerre. Ce n'est pas pour dire que j'ai tout fait bien, j'ai fait tout ce que j'ai pu, et du mieux que j'ai pu. Et par exemple le Bac que l'on passe aujourd'hui, c'est mon Bac. Le programme des langues vivantes à l'école primaire, c'est une décision que j'ai prise. L'organisation des classes préparatoires aux grandes écoles, c'est moi qui l'ai fait. L'organisation, les étudiants le savent bien, le semestrialisation de l'université, c'est une décision que j'ai prise. L'orientation à l'entrée de l'université, tout cela, on l'a fait il y a dix ans, et personne depuis ne l'a repris ou changé. Alors je ne dis pas que tout était bien, mais on a beaucoup travaillé et les enseignants et les parents, à cette époque là ont manifesté leur adhésion à ces réformes.Source : Premier-ministre, Service d'information du Gouvernement, le 4 septembre 2006
R - Je pense qu'il y a un grand changement à apporter en France. C'est qu'on ne gouverne plus uniquement avec les siens, ceux qui sont encartés chez vous. Mais qu'on soit capable de réunir beaucoup plus largement des personnalités de valeur, compétentes et qui partagent le même projet. Alors, j'ai essayé d'inviter trois figures que je trouve de ce point de vue là intéressantes et dont la visite avait du sens. C'était N. Hulot hier, sur les grands problèmes du climat, de l'environnement. Et ce sera aujourd'hui M. Barnier et M. Rocard, un UMP, un parti socialiste modéré, social démocrate, et un écologiste.
Q - Mais si vous étiez président de la République, est-ce que vous prendriez par exemple des ministres socialistes ?
R - Je n'ai aucun doute sur ce point. Il y a des gens biens au parti Socialiste comme il y a des gens biens plus à droite. Le drame de la France, c'est que des gens qui au fond partagent exactement les mêmes valeurs et la même approche, ceux-là, le système sectaire dans lequel on vit leur interdit même de parler entre eux. Vous avez vu que M. Rocard a du répondre à une polémique, parce qu'on disait, "mais qu'est-ce que cela veut dire, M. Rocard qui va à l'UDF ?". Il a dit : "nous sommes un pays sectaire et ça ne peut pas durer comme ça". Il faut changer cette approche en considérant que tout le monde a le droit à sa différence, on a droit à son histoire, on a droit à ses convictions. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas travailler ensemble. Et la preuve, c'est que dans les moments les plus difficiles quand il a fallu redresser la France, après la Libération, à la fin de la IVème République et au début de la Vème eh bien, on a réuni au sein du gouvernement, les principales sensibilités du pays pourvues qu'elles acceptent un accord sur l'essentiel...
Q - Autrement dit, vous voulez dire qu'aujourd'hui les conditions sont réunies pour un gouvernement d'union nationale comme cela a été le cas à la Libération ?
R - "Union nationale" est peut-être un mot excessif ; en tout cas un gouvernement d'ouverture, d'entente nationale sur un programme de gouvernement. Les diverses sensibilités du pays peuvent parfaitement se réunir, ou en tout cas des personnalités issues de ces sensibilités peuvent accepter de prendre leur part de la charge. Les problèmes que nous avons devant nous, la dette, le climat, l'éducation, l'exclusion, ces problèmes là exigent un tel effort, qu'il n'y a pas de raison de le faire bloc contre bloc, camp contre camp, surtout qu'à l'intérieur de chaque camp, les extrêmes sont si forts que la base sur laquelle on agit est très étroite.
Q - Est-ce qu'à l'inverse si le président élu était un président socialiste, vous, vous pourriez participer à un gouvernement de gauche ?
R - Je vais tout faire pour que votre hypothèse ne se réalise pas.
Q - Mais admettons qu'elle se réalise.
R - Attendez, ce qui est important pour moi, ce n'est pas de recommencer un bloc qui remplace un autre bloc, puis qui remplace un autre bloc, l'UMP qui remplace le PS et le PS qui remplace l'UMP. On connaît cela en France depuis 25 ans avec les échecs que vous savez. Et d'ailleurs, c'est si vrai que lorsqu'une alternance se produit, le premier travail du gouvernement qui est élu est d'annuler tout ce qu'avait fait le gouvernement précédent. Ceci est absurde. La démarche que j'incarne et c'est pourquoi elle est une vraie alternative, un vrai autre choix, c'est que précisément on soit capable non pas de défaire ce que le précédent a fait, mais d'avoir une majorité ou une approche assez large et respectueuse pour que plusieurs sensibilités y trouvent leur place.
Q - Donc vous ne voulez pas me dire si vous pourriez être ministre d'un président socialiste ?
R - Non, mais peut-être vous ne l'avez aperçu, mais ce qui se prépare, c'est une élection présidentielle, et je ne souhaite pas que ce soit l'hypothèse que vous indiquez qui l'emporte.
Q - Alors justement ce qui semble se préparer en ce moment, tout montre qu'on va droit vers un duel entre N. Sarkozy et S. Royal. Comment vous expliquez cela ?
R - Je pense que pendant tout l'été et depuis des mois, on a martelé, tambouriné, on a organisé un tintamarre incroyable autour de ce duel programmé, parce que cela arrange beaucoup de gens. Parce que l'idée que les Français pourraient se voir enlever leur liberté de choix et n'auraient plus à choisir qu'entre deux candidats qui auraient été présélectionnés et que d'une certaine manière qu'on leur aurait imposé avec les sondages et les médias que vous savez, eh bien cette idée là, je suis persuadé que les Français la refuseront.
Q - Mais qui est-ce qui est derrière tout cela ? Quand vous dites "on", qui visez-vous ?
R - J'imagine - voyez je vais faire des hypothèses - j'imagine qu'il y a de très grands intérêts qui ont, le plus grand... pour qui c'est un très grand enjeu d'être bien avec le pouvoir. Le pouvoir actuel et surtout le pouvoir futur. Et donc c'est plus pratique quand on présélectionne les candidats, on est à peu près sûr qu'ayant des billes sur chaque case, on tirera le jackpot. Mais ceci, c'est... On a déjà essayé de le faire, vous le savez très bien, vous vous en souvenez aussi bien et mieux que moi en 2002. On annonçait, vous, enfin ceux qui étaient là à votre place à l'époque, annonçaient Chirac/Jospin. Et les Français étaient priés de bien vouloir se ranger à ce choix qui avait été fait à leur place. Mais ce n'est pas comme cela que marche la France, c'est un grand peuple, républicain, citoyen et il gagnera sa liberté de choix. Il ne se laissera imposer rien du tout par quelque puissance que ce soit, économique ou médiatique.
Q - En tout cas la campagne s'annonce rude, difficile. Ce matin, il y a un des proches de N. Sarkozy, F. Fillon qui dit que pendant que vous étiez à l'Education nationale, vous n'avez fait aucune réforme.
R - Oui, c'est le genre de vacheries que l'on dit. Comme F. Fillon a été à l'Education nationale, on peut mesurer les bilans. Moi, j'ai été à l'Education nationale, il y a dix ans, et lorsque j'ai quitté le ministère de l'Education nationale, le degré de satisfaction des parents et de la nation à l'égard du système éducatif était le plus haut qu'il avait été depuis la guerre. Ce n'est pas pour dire que j'ai tout fait bien, j'ai fait tout ce que j'ai pu, et du mieux que j'ai pu. Et par exemple le Bac que l'on passe aujourd'hui, c'est mon Bac. Le programme des langues vivantes à l'école primaire, c'est une décision que j'ai prise. L'organisation des classes préparatoires aux grandes écoles, c'est moi qui l'ai fait. L'organisation, les étudiants le savent bien, le semestrialisation de l'université, c'est une décision que j'ai prise. L'orientation à l'entrée de l'université, tout cela, on l'a fait il y a dix ans, et personne depuis ne l'a repris ou changé. Alors je ne dis pas que tout était bien, mais on a beaucoup travaillé et les enseignants et les parents, à cette époque là ont manifesté leur adhésion à ces réformes.Source : Premier-ministre, Service d'information du Gouvernement, le 4 septembre 2006