Entretien de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à France 3 le 25 août 2006, sur les militaires français et la FINUL au Liban.

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Média : France 3

Texte intégral


CATHERINE MATAUSCH
Michèle ALLIOT-MARIE, bonsoir.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Bonsoir.
Merci d'avoir accepté notre invitation. Alors il y a exactement une semaine, vous disiez : « la question n'est pas de combien et quand, c'est quoi faire et comment ». La France a enfin obtenu ces garanties, notamment ces militaires pourront ouvrir le feu. Dans quelles conditions précises ? Qu'est-ce qui a changé en une semaine ?
Ce qui a changé, c'est la définition de la mission. Il y a maintenant une résolution du Conseil de sécurité. J'avais effectivement dit d'une part, que je ne voulais pas que des soldats français partent sans savoir avec précision ce que l'on attendait d'eux. D'autre part, je ne voulais pas non plus qu'ils partent alors que le cessez-le-feu est certes respecté mais que la situation reste malgré tout fragile, sans être capable d'agir. Les militaires français ne sont pas là pour simplement voir, constater et laisser faire. Par exemple, si une des patrouilles de la FINUL est empêchée de progresser par des gens, que peuvent-ils faire ? Dans les règles classiques de l'ONU, ils ne peuvent rien faire. Là, nous avons obtenu que, effectivement, ils puissent, éventuellement par la force, forcer ce barrage pour effectuer réellement leur mission. C'était les conditions qui étaient essentielles avant que ne puisse être prise par le président de la République et le gouvernement la décision d'envoyer des militaires français.
Soyons clairs ; en cas de légitime défense, ces soldats peuvent ouvrir le feu, pourront ouvrir le feu contre des membres du Hezbollah ou des soldats israéliens ?
Contre ceux qui les attaqueraient, absolument.
Pour protéger les civils aussi ? On se souvient de l'impuissance des casques bleus en Bosnie.
Absolument. Le problème est justement que face à une violation du cessez-le-feu ou face à une violation de la résolution de l'ONU, les militaires aient les moyens nécessaires allant jusqu'à l'ouverture du feu pour faire respecter le droit qui a été fixé.
Quelle sera la nature des contingents engagés ? Il y aura des unités blindées ?
C'est maintenant le travail qui sera conduit avec les autres pays qui participeront à la FINUL. Bien entendu, nous n'irons pas seuls là-bas ; nous irons avec d'autres pays européens et nous y irons également avec des militaires venant de pays musulmans. C'est très important, compte tenu de la démographie du Liban, qu'il y ait à la fois des Européens mais également des gens venant des pays musulmans. Aujourd'hui, j'attends effectivement que ces différents pays s'engagent. A partir de là, nous ferons ce que l'on appelle la 'génération de force', c'est-à-dire regarder quelles sont toutes les missions à remplir et faire en quelque sorte une répartition des missions entre les différents pays.
Et cela prendra combien de temps ?
Ceci va se faire dans les tout prochains jours. La France est certainement, de tous les pays qui vont y participer, le pays le plus réactif. Nous l'avons d'ailleurs montré dès la semaine dernière, lorsque nous avons décidé d'envoyer un renfort immédiat de 200 militaires à la FINUL. Cela n'a pas toujours été très bien compris d'ailleurs, mais nous avons été les premiers et d'ailleurs les seuls à le faire ; de la même façon que depuis le début, nous sommes les seuls à ravitailler la FINUL, qu'il s'agisse d'un ravitaillement de carburant pour leur permettre de se déplacer, qu'il s'agisse de ravitaillement alimentaire, ou qu'il s'agisse d'armement.
Je reviens à ces missions, qui va démilitariser le Hezbollah ?
Ce n'est certainement pas la FINUL. Il est prévu que le Hezbollah désarme normalement, et s'il ne le faisait pas volontairement, ce serait à l'armée libanaise de le faire, mais en aucun cas cela n'incomberait à la FINUL.
Alors parmi les garanties demandées par la France, il y a la chaîne de commandement. La France et l'Italie apportent les plus gros contingents à la FINUL élargie. Et l'Italie qui pourrait prétendre à assurer, à assumer la responsabilité du commandement.
Oui, bien sûr. Et cela ne nous gêne pas du tout. C'est d'ailleurs le cas sur d'autres théâtres d'opérations extérieures, je pense notamment à l'Afghanistan ou au Kosovo, où il y a des alternances régulièrement dans ce domaine, avec l'Italie comme avec d'autres pays.
Pour les six mois à venir au Liban...
Pour les six mois à venir, nous disons simplement que c'est un général français qui assure le commandement de la FINUL ; il est là depuis plus de deux ans et sa mission va durer jusqu'au mois de février prochain. Dans six mois ou huit mois, nous ferons le point et nous regarderons qui en prendra alors le commandement ; si les Italiens souhaitent toujours le prendre à ce moment-là, pourquoi pas. De la même façon, ce qui était très important pour nous, c'est qu'il y ait un commandement unique sur le terrain. C'est aussi un des points que nous avons obtenu de l'ONU, qu'il n'y ait pas parallèlement un représentant civil du Secrétaire général de l'ONU, dont les décisions ou les prises de position peuvent parfois venir en contradiction du commandement militaire.
Reste que cette mission est très dangereuse, les militaires sont-ils rassurés ?
C'est une mission à risques. Ce que je peux vous dire, c'est que les militaires sont toujours prêts à accomplir leur mission, y compris dans des conditions extrêmement difficiles, dès lors qu'on leur explique pourquoi ils remplissent cette mission, en quoi elle consiste et qu'on leur donne les moyens de réellement la remplir. C'est mon rôle et je pense que ce que nous avons aujourd'hui obtenu de l'ONU nous permet de remplir ces conditions. Maintenant, les militaires ; sachez une chose, c'est qu'ils sont toujours prêts à prendre tous les risques, y compris les risques de donner leur vie, lorsqu'il s'agit d'agir dans une mission qui leur est demandée pour le service de leur pays, et pour le service de la paix.
Michèle ALLIOT-MARIE, je vous remercie.
Merci à vousSource http://www.defense.gouv.fr, le 29 août 2006