Interview de M. Jean-Luc Bennahmias, secrétaire national des Verts, à RMC le 14 mars 2001, sur l'épizootie de fièvre aphteuse et sur les résultats des Verts lors du premier tour des élections municipales.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

P. Lapousterle Le miracle espéré ne s'est pas produit : la fièvre aphteuse frappe donc en France. Est-ce l'effet d'une fatalité ou les conséquences d'erreurs passées et présentes ? Je vous pose la question à vous, les Verts, parce que cela fait des années que vous critiquez ce qui se passe dans ce domaine.
- "Je ne crois pas à la fatalité. Maintenant, par rapport à des épidémies de ce genre, on ne peut jamais rien prévoir. Les échanges internationaux font que ces maladies peuvent proliférer. C'est quand même l'exemple type d'une agriculture productiviste qui ne prend pas conscience de la nécessité de faire attention à ce qu'on produit. Ce n'est pas tout à fait étonnant que cette épidémie vienne d'Angleterre ou des pays anglo-saxons. Bien sûr, elle touche la France. On peut espérer - mais avec ce genre de maladie, c'est juste un espoir - que cela ne se développe pas partout en France. Il ne fait pas bon être éleveur aujourd'hui, aussi bien de bovins que d'ovins. Cela a l'air extrêmement délicat. Cela devient même catastrophique."
Quelles conclusions tirer de ce qui se passe en ce moment dans le domaine de l'élevage ? Il y a la vache folle, puis il y a cela...
- "Il faut revenir à une agriculture que nos paysans savent très bien faire, c'est-à-dire une agriculture de terrain, paysanne, plus locale qu'internationale."
Ce n'est pas pour rien qu'on l'avait abandonnée : c'est qu'il fallait bien que les gens mangent à des prix convenables, c'était cela le but...
- "Non, nos paysans savent produire aujourd'hui une nourriture de qualité, si l'industrie agroalimentaire ne les pressurise pas tout le temps et s'il n'y a pas cet espèce de mélange absolument détonnant qui fait que tout le monde est surendetté dans l'élevage, dans la production. A un moment donné, il faut revenir à une agriculture de terrain, de proximité. On aura alors de la nourriture saine et cela peut arriver extrêmement vite car nos paysans savent produire de la nourriture de qualité, c'est évident."
Pour cela, il faut alors changer tous les règlements de la Politique agricole commune ?
- "Il faut déjà réussir à désendetter un certain nombre de propriétaires et de fermiers, qu'ils puissent à un moment donné choisir une diversification, arrêter l'ensemble des élevages en batterie. Tout cela est faisable, possible. Evidemment, cela demandera un changement d'axe complet, y compris au niveau de la politique européenne."
Pour en revenir aux affaires politiques, comment avez-vous vécu chez les Verts la journée d'hier où, finalement, vos adversaires à droite, à Paris et à Lyon, ont réussi tant bien que mal à présenter des listes à peu près unies devant leurs électeurs dimanche prochain ? Est-ce que c'est pour vous un changement de paysage ?
- "Les élections se jouent au premier tour et au second tour. Je me félicite de l'union de la majorité plurielle à Paris, Lyon, Toulouse et à Lille, par exemple. Mais rien n'est gagné, il faut mobiliser. La victoire de la majorité plurielle et des Verts se fera dimanche soir, pendant la journée et après 20h00. Maintenant, je suis comme tout le monde : j'ai remarqué que dès que monsieur Tiberi et monsieur Séguin se retrouvent ensemble dans un match de foot au Parc des Princes, il y a 50 blessés, c'est dramatique."
C'est de l'humour ?
- "Oui, c'est de l'humour, peut-être la future Une d'un canard satirique..."
Est-ce une surprise, pour vous, que la droite ait finalement réussi à montrer figure à peu près unie ?
- " "à peu près", parce que j'ai écouté hier les laborieuses négociations, j'ai aussi écouté ce matin la fin des laborieuses négociations, et je ne comprends pas tout ! Je ne sais pas encore dans quels arrondissements, à Lyon et à Paris, il y a union, dans quels arrondissements il n'y a pas union... Je ne crois pas que l'électorat de droite puisse s'y retrouver. Cela n'est ni serein ni lucide. Maintenant, on verra bien, aux électeurs de choisir."
Est-ce un changement de paysage pour les électeurs, dimanche prochain ? Avez-vous le sentiment que la droite a réussi à présenter à ses électeurs...
- "Je n'ai pas ce sentiment-là. Ce qui manque surtout dans le sentiment que peuvent avoir les électeurs et électrices, c'est de savoir où sont les projets qui vont faire de Paris et de Lyon des villes qui vont avancer, avec plus de souffle, plus de modernité et plus de changements dans la vie quotidienne. C'est quand même cela le vote Verts qui a eu lieu dans de nombreuses villes en France dimanche dernier : c'est une aspiration à un changement de la vie quotidienne et une transformation des politiques publiques."
Remarquez, vous n'avez pas toujours été bons camarades dans la majorité plurielle. A Morlaix, par exemple, votre parti ne soutient pas jusqu'à présent M. Lebranchu, et vous-même, secrétaire national des Verts, qui négocie toute la journée avec le PS, vous n'avez pas liste commune.
- "Avec 36 600 communes - ou disons 4 000 villes de plus de 3 500 habitants -, qu'il y ait quelques endroits où on ne puisse pas discuter, comme c'est le cas à Noisy-le-Grand chez moi où mon député-maire sortant refuse de discuter, que voulez-vous que je fasse ? J'ai fait plus de 10 % - 12 % -, je peux me maintenir, il refuse de négocier : je n'ai pas le choix. Morlaix est un autre cas. Il ne s'agit pas M. Lebranchu car ce n'est pas elle qui était maire et les Verts ne se sont pas entendus pendant toute la mandature avec la personne qui avait remplacée M. Lebranchu."
Concernant les résultats politiques après le premier tour, monsieur Glavany a dit que, s' "ils font un bon score, les Verts n'ont pas encore surmontés leur crise organisationnelle."
- "Monsieur Glavany est un homme tout à fait lucide et sait bien reconnaître ce qui fait les qualités et les défauts des Verts. Il y a de superbes scores parce que nous sommes présents dans toute la France. Et bien sûr, quand on grossit aussi rapidement que le font les Verts depuis quelques années, la structure n'est peut-être pas toujours à la hauteur. C'est vrai, on a encore beaucoup de progrès à faire dans la structuration de notre mouvement, dans la façon de structurer tout cela. Ce n'est pas très difficile, on l'a montré de manière transparente. Ce qui remarquable, c'est que les électeurs ne s'y trompent pas et savent tout cela, mais ils attendent de nous qu'on progresse et ils nous font progresser."
Que va-t-il maintenant se passer dans les négociations avec le Parti socialiste ? Quelles sont vos exigences après le score que vous avez obtenu au premier tour des municipales ?
- "Aucune exigence, simplement un constat : élections après élections - cantonales et régionales de 1998, européennes de 1999, maintenant municipales et cantonales de 2001 -, les Verts existent fortement dans le paysage politique français."
Plus que le Parti communiste ?
- "Ce n'est pas le problème. La question maintenant est que l'on soit respecté dans notre poids politique, entendu sur ce que l'on propose dans le domaine programmatique et de réalisations..."
...Qu'est-ce que cela veut dire, par exemple, demain matin ?
- "Déjà, il faut gagner Paris, Lyon, Lille, Toulouse. C'est dimanche prochain, après, on verra. Mais deuxièmement, cela veut dire que dans les discussions telles qu'on veut les avoir, aussi bien sur le programme des futures législatives que sur le nombre des députés que l'on veut obtenir pour les prochaines législatives, il faudra nous prendre à notre juste poids politique. Le constat est fait : les Verts pèsent dans la vie politique française de manière extrêmement forte, parce que les gens votent pour nous."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 14 mars 2001)