Texte intégral
Q - Vous avez fait une radiographie extrêmement sévère de l'Union européenne. Avez-vous le pouvoir de rassembler une opinion majoritaire parmi vos collègues européens pour faire avancer les choses ?
R - Oui et il faut de la lucidité pour pouvoir avancer. J'ai fait un diagnostic et j'ai exprimé ma préoccupation sur les risques d'une lente dilution du projet européen si nous n'y prenons pas garde. Je le fais justement parce que je crois que des solutions existent, des remèdes existent et qu'il est temps de redresser la barre. Il faut tout simplement retrouver un esprit collectif entre les 25, et retrouver ce que j'appellerais une ambition européenne, une ambition pour l'Europe. C'est-à-dire se rendre mieux compte que l'Europe est notre avenir commun, que c'est elle qui nous permettra, dans la mondialisation, de développer nos économies, de développer nos identités, d'être fidèles à nous-mêmes. Il faut savoir ce que l'on veut et se donner les moyens de réussir maintenant.
Q - La France n'a-t-elle pas sa part de responsabilités dans le blocage actuel ?
R - C'est une responsabilité collective et nous sommes tous concernés. Mais je veux rappeler que la France a été en initiative depuis plus d'un an : nous avons lancé l'Europe des projets, nous avons fait des propositions sur les institutions, nous avons fait des propositions sur l'énergie. L'Europe ne vient pas du ciel : elle est l'oeuvre collective des Européens et chacun des pays européens doit y participer. en se mobilisant et en retrouvant une ambition pour l'Europe.
Q - Vous parlez de cette oeuvre collective, on a l'exemple des troupes qui sont envoyées au Liban. C'est une décision au niveau de l'Union européenne mais malheureusement la Roumanie vient d'annoncer hier qu'elle ne va pas participer à ce travail collectif européen. Quelle est votre réaction ?
R - Il ne faut pas être injuste avec l'Europe. C'est aujourd'hui l'Union européenne qui va constituer la colonne vertébrale de la FINUL II. Cela veut dire que l'Europe sait prendre ses responsabilités, sait assumer ses responsabilités et s'engager pour la paix. Au sein de l'Union européenne, il y a des Etats qui ont plus de moyens que d'autres, qui ont plus l'habitude aussi que d'autres d'intervenir sur des théâtres extérieurs. Je veux voir le côté positif des choses c'est-à-dire le fait qu'il y aura 7 ou 8.000 soldats européens au service de la paix au Liban, constituant le coeur de cette force des Nations unies. C'est un beau message, et c'est peut-être même un tournant dans l'histoire de la construction de l'Europe politique.
Q - On attend la ratification du traité d'adhésion de la Roumanie en France. Le Sénat ne l'a pas encore fait. Est-ce que la France attend encore la réponse de la Commission européenne ?
R - Non la procédure est en cours. L'Assemblée nationale a pu ratifier, avant l'été, les deux traités d'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Et ensuite si le Sénat ne l'a pas fait, c'est en raison des vacances parlementaires. Nous pensons qu'au début de la reprise de la session, c'est à dire courant octobre, le Sénat, lui aussi, pourra ratifier ces deux traités.
Q - Vous attendez la réponse de la Commission européenne ?
R - Non, ce n'est pas lié au rapport de la Commission européenne qui donnera, par ailleurs, des indications importantes aux Etats membres pour prendre leur décision définitive. Je souhaite que les choses étant bien engagées maintenant, elles aillent jusqu'à leur terme.
Q - Il y a un débat qui fait rage à Bucarest, le fait que la Grande-Bretagne va fermer son marché du travail au travail roumain et bulgare après l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Est-ce que la France va prendre la même mesure ?
R - La Grande-Bretagne avait fait un choix différent du nôtre, qui était celui d'une ouverture totale et maintenant, peut-être, ont-ils quelques pensées, ou réflexions, ou décisions nouvelles à prendre. Nous, nous avons progressé d'une autre manière. Nous sommes partis du principe selon lequel bien souvent la construction européenne se fait par étapes, et avec des périodes de transition. On sait tous que c'est comme ça que ça marche. Et pour le marché du travail, il en va de même. Pour les nouveaux Etats membres, nous avions décidé -je parle des dix- d'avoir une ouverture progressive et maîtrisée de notre marché du travail. La Roumanie et la Bulgarie devraient nous rejoindre prochainement. Nous appliquerons le même dispositif, c'est à dire étape par étape, de façon progressive afin de pouvoir atteindre l'objectif qui est celui, bien sûr, d'une liberté de circulation des travailleurs dans tout l'espace de l'Union.
Q - Il y a un sujet qui fait la une des journaux qui concerne les Roumains ici en France, ce sont les reconduites à la frontière. Ça va continuer jusqu'à quand cette politique des expulsions groupées ?
R - Nous sommes dans une République, un Etat de droit. Cela veut dire que le droit doit être respecté. La loi est la loi, et l'on sait bien que lorsqu'il y a des immigrés en situation irrégulière il faut les reconduire à la frontière, de même que l'on sait bien, en réalité, qu'ils font du tort à ceux qui sont venus dans notre pays de façon régulière. Il y a une ligne de partage qui est celle fixée par la loi, de façon démocratique, il faut simplement la respecter.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 août 2006