Interview de M. Bernard van Craeynest, président de la CFE-CGC à LCI le 8 septembre 2006, sur la privatisation de GDF, l'obstruction parlementaire, la mobilisation des salariés et le dialogue social.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral


Erci Revel : Le débat fait rage à l'Assemblée nationale, un débat parlementaire, vous le savez, il s'agit de l'ouverture du capital de GAZ DE FRANCE, et peut-être, après, de sa fusion avec SUEZ. Lorsque vous regardez ce débat à l'Assemblée nationale, qui concerne l'avenir de GAZ DE FRANCE, donc ce n'est pas rien, c'est du patrimoine industriel français, vous dites: c'est de l'obstruction parlementaire ou il s'agit vraiment d'un débat démocratique sur l'avenir de l'énergie dans ce pays ?
Bernard van Craeynest : Les 137 000 amendements, c'est malheureusement de l'obstruction parlementaire, qui n'honore pas le débat démocratique. Il y a un vrai sujet autour de l'indépendance énergétique de notre pays, ses capacités en approvisionnement, la construction de l'Europe de l'énergie, et nous aimerions, bien évidemment, que ces questions de fond soient traitées dans le cadre de ce qui est également l'ouverture des marchés et la transposition de la directive européenne.
ER : Est-ce que ça ne vous inquiète pas, quand même, lorsque vous discutez avec vos adhérents, est-ce que l'envolée du prix du gaz ne va pas être une résultante de l'ouverture du capital de GAZ DE FRANCE ou peut-être de celle de la libéralisation du marché de l'énergie, totale, en juillet prochain ?
BVC : Malheureusement, nous savons que nous vivons dans un environnement qui aujourd'hui conduit l'énergie à être de plus en plus cher. Et comme le prix du gaz est indexé sur celui du pétrole, nous avons des risques de ce point de vue-là. Nous aimerions que l'Etat renforce son explication autour de la manière dont il compte encadrer les tarifs, parce que nous le voyons en ce qui concerne le pétrole, ce n'est pas lorsque monsieur BRETON invite tel ou tel patron de compagnie pétrolière à Bercy pour leur demander d'être raisonnable et de répercuter rapidement les baisses du prix du pétrole, que ça se traduit concrètement pour le bien et la sauvegarde du pouvoir d'achat de nos collègues.
ER : Vous voulez dire que sur ce dossier précisément, pardonnez ce parallèle un peu présomptueux peut-être avec celui du CPE, vous voulez dire que sur ce dossier aussi, GDF/SUEZ, Dominique de VILLEPIN s'y est mal pris ?
BVC : Incontestablement. Il est entré en scène de manière abrupte, fin février, il l'a politisé, il a laissé entendre que c'était un moyen de s'opposer à l'éventuelle OPA hostile d'ENEL, alors que lorsqu'on parle de construction de l'Europe de l'énergie, il n'y a pas de raison de repousser tel ou tel, a priori. Derrière, il y a d'autres débats politiques, qui intéressent les agents d'EDF comme ceux de GDF, qui est bien évidemment le respect de la parole donnée en août 2004 sur le fait que l'Etat resterait détenteur de 70 % du capital. Alors certes, l'environnement bouge quotidiennement, mais encore faut-il que le gouvernement, lorsqu'il prend des engagements aussi fermes, soit crédible et explique mieux pourquoi on est amené à évoluer dans ce dossier.
ER : Dominique de VILLEPIN en-tête tente d'instaurer un nouveau type de dialogue social, notamment avec les partenaires sociaux, dont vous êtes comme président de la CFE-CGC. Vous sortez d'une réunion chez le ministre de l'emploi, Gérard LARCHER. On sait que normalement une loi sur le nouveau dialogue social devrait être peut-être voté avant la fin de la législature. On voit bien que les syndicats et la CFE-CGC en-tête ne sont pas tout à fait d'accord, en ce qui concerne le contenu de cette loi. Vous, vous aimeriez conserver l'intégralité, si j'ai bien compris des prérogatives des syndicats, c'est-à-dire pas seulement discuter du droit du travail ?
BVC : Bien entendu, le dialogue social est essentiel pour accompagner la modernisation de notre économie et la performance de l'entreprise au service de l'emploi et de l'amélioration des conditions de travail des salariés. Et les professionnels qui créaient, qui innovent, qui gèrent, qui coordonnent, que nous représentons à la CFE-CGC sont attachés à l'ensemble du champ du social que nous traitons naturellement, qui va bien sûr des salaires, des conditions de travail dans l'entreprise, mais qui revêt également tout l'aspect du paritarisme, c'est-à-dire la gestion de l'assurance chômage, les retraites complémentaires, l'assurance maladie et nous pensons qu'il est nécessaire de clarifier qui fait quoi ? Dans cette espèce de ménage à trois, entre les pouvoirs publics, les organisations syndicales de salariés et le patronat, il faut aussi que nous soyons en capacité de continuer à exercer nos prérogatives.
ER : C'est symptomatique pour vous, que ce gouvernement ait eu l'idée de fondre dans une loi, un nouveau dialogue social ? Il faut vraiment passer par une loi pour être en capacité de dialoguer avec les partenaires sociaux ?
BVC : Normalement, ça devrait être naturel, malheureusement l'expérience montre tous les jours que le gouvernement, entre autre, fait de l'interventionnisme et nous pensons que plutôt que de se réunir toujours autour de ce que souhaite le gouvernement ou de ce que demandent les patrons. Les organisations syndicales de salariés ont également un certain nombre de préoccupations et de souhaits qui mérite d'être inscrit à l'ordre du jour et autour desquels, nous pourrions débattre.
ER : Je rajoutais dans la liste des prérogatives que la CFE-CGC souhaitait voir inclus dans cette loi la gouvernance d'entreprise. Car il ne vous a pas échappé que le gouvernement après l'affaire ZACHARIAS, l'ancien président de VINCI, souhaite durcir un peu sa position sur les stock-options. Vous aviez été à l'époque l'un de ceux qui avaient, passez-moi l'expression, "tapé le plus fort sur la tête d'Antoine ZACHARIAS", ce patron qui avait décidé de partir ou en tout cas de s'octroyer des prérogatives très larges ?
BVC : Oui, tout simplement parce que je ne mets pas en cause la performance de monsieur ZACHARIAS à la tête de VINCI. Je mets en cause le fait que quelques patrons à un moment donné perdent tout sens de la mesure et toute raison et s'octroient des systèmes de rémunérations et de compléments qui sont disproportionnés par rapport à leurs performances, à leurs résultats et par rapport à la politique qu'ils prônent, la politique des rémunérations qu'ils prônent vis à vis des salariés dans l'entreprise.
ER : Donc vous approuvez la volonté du gouvernement de durcir l'octroie de stock-options ?
BVC : Je crois que les stock-options ont dans certains cas toutes leurs raisons d'être, en particulier pour la création d'entreprise, mais je crois qu'il faudrait que dans ce pays, nous retrouvions une relation à l'argent qui soit un peu plus saine. Je pense qu'on peut parfaitement rémunérer jusqu'à des niveaux très élevés, un chef d'entreprise, à condition que cela soit en relation avec ses résultats et sa performance. Et je pense qu'on est allé trop loin, on a dérivé dans les mécanismes de rémunérations complémentaires, qu'ils s'appellent stock-option, "golden parachute", retraite sur-complémentaire. Je crois qu'il faut que nous redonnions du sens à tout cela, pour redonner confiance et juste équilibre à notre société et aux relations sociales dans ce pays.Source http://www.cfecgc.org, le 12 septembre 2006